Caractéristiques générales des polymères supramoléculaires

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Caractéristiques générales des polymères supramoléculaires

La chimie supramoléculaire met en jeu des interactions non covalentes intermoléculaires et permet la formation d’objets discrets (interaction entre un nombre limité d’entités chimiques) ou de polymères (enchaînement d’une grande quantité de monomères). Ces interactions permettent, entre autres, la formation d’assemblages aux propriétés structurales, conformationnelles, thermodynamiques, cinétiques et dynamiques spécifiques.
L’énergie d’une liaison covalente est comprise entre 250 et 450 kJ.mol-1, et cette liaison est donc généralement irréversible sans l’apport d’un stimulus. Au contraire, les énergies d’interaction entre les monomères dans un polymère supramoléculaire sont relativement faibles et confèrent donc à ces polymères un caractère dynamique et réversible. Grâce à leur réversibilité (sous l’effet d’un stimulus), ils peuvent être utiles dans de nombreux domaines, l’optoélectronique11, le biomédical12 ou encore les matériaux auto-cicatrisant.13 De nombreux types d’interactions non covalentes ont été utilisés pour la construction de polymères supramoléculaires avec des énergies qui varient de l’ordre du kJ.mol-1 à plusieurs centaines de kJ.mol-1. L’énergie des interactions dépend de la topologie du milieu, à savoir la distance entre les deux monomères, ainsi que l’angle entre les vecteurs de forces mis en jeu. Il est remarquable de constater qu’un grand nombre d’interactions ont été mises en œuvre pour la construction de polymères supramoléculaires (Tableau I-1).

Polymères supramoléculaires à base de liaisons hydrogène

La liaison hydrogène fait partie des plus importantes interactions intermoléculaires directionnelles. Découverte il y a plus de cent ans maintenant, les premiers articles sont apparus au début du XXe siècle par des groupes de chercheurs anglais et allemands (comme Latimer, Rodebush, Huggins, ou Pauling pour ne citer qu’eux).18 La liaison hydrogène est une interaction électrostatique entre l’hydrogène (donneur) attaché par liaison covalente à un atome très électronégatif pouvant être chargé (usuellement azote, oxygène ou fluor) et un autre atome électronégatif possédant une paire libre d’électrons (accepteur). Les énergies mises en jeu peuvent être très différentes car la force de la liaison dépend des atomes mis en jeu.
Jeffrey a classé les interactions en trois catégories en fonction de leur énergie : faible, modérée, et forte (Tableau I-1).20 La force dépend de la nature de l’interaction (électrostatique à quasi covalente), la longueur de la liaison, son angle, et sa directionnalité.

Exemples de polymères supramoléculaires rigides

Comme l’a montré l’exemple précédent, pour introduire de la chiralité aux polymères supramoléculaires, les systèmes flexibles ne sont pas les plus adéquats. Il est donc important de rigidifier les édifices supramoléculaires. Les benzène-1,3,5-trisamide (BTAs) sont des molécules grandement utilisées pour former des polymères supramoléculaires. Ce sont des monomères basés sur un espaceur aryle fonctionnalisé par trois fonctions amides. Les BTAs portant des chaînes alkyles connectées aux amides (BTA alkyles) forment des édifices supramoléculaires en forme d’hélice. Cet assemblage se forme principalement dans les solvants de faible polarité (alcanes, toluène) grâce à l’interaction intermoléculaire des trois amides par liaisons hydrogène, ainsi que par interaction π-π des cœurs aromatiques (Figure I-6).34 Il existe principalement deux classes de BTAs, en fonction de la nature de l’atome connecté au noyau aromatique (C-centré ou N-centré). Du fait de leurs propriétés globalement plus intéressantes (plus stable, meilleure amplification de chiralité), seules les BTAs C-centrées seront décrites dans ce chapitre.35
Bien que le premier exemple de BTA date de 1915,36 ce n’est qu’en 1996 qu’une structure cristalline a été obtenue. La formation d’hélices supramoléculaires telles que celles représentées en Figure I-6 a depuis été confirmée non seulement à l’état cristallin mais aussi en solution et dans les gels.37 De nombreux groupes ont exploité cette structure originale pour des applications en tant qu’organo et hydrogelateurs38,39, en catalyse40, ou encore en biomédical41.

Polymères supramoléculaires de complexes métalliques

Classification des assemblages de complexes métalliques

En chimie métallo-supramoléculaire, l’assemblage formé est directement lié à la liaison de coordination du monomère (la géométrie du métal, hapticité des ligands, la position du métal dans le monomère). De grandes avancées en chimie de coordination et supramoléculaire ont permis la préparation de nombreux types d’assemblages, que ce soit des espèces discrètes (dimère, macrocycle polymétallique, cage métallique) ou des espèces étendues (polymère de coordination). Le contrôle de l’espèce supramoléculaire se fait via de nombreux facteurs, particulièrement la place et le nombre de sites vacants (ou facilement) remplaçable du métal. Différents types de polymères supramoléculaires à base de complexes métalliques ont ainsi été décrits qui sont formés via des interactions métal-ligand (acide/base de Lewis, ou encore métal-ligand ionique) ou d’autres types d’interactions (Figure I-14).
Ainsi il existe :
• 1 : Le polymère de coordination, à savoir, une chaîne mono ou multi -dimensionnelle composée d’une alternance d’un métal et d’un ligand liés par une liaison de coordination. Pour cela, il faut bien souvent un ligand présentant des sites divergents (discuté dans la partie III-ii).65
• 2 : Le polymère supramoléculaire stabilisé par des interactions faibles entre les ligands. Ce type de polymère supramoléculaire avec des liaisons hydrogène entre les ligands sera particulièrement discuté en partie IV-i.
• 3 : Le polymère supramoléculaire formé par interaction métal···métal (qualifiée de métallophile) entre des complexes métalliques. Communément, cette interaction est fréquente pour les complexes avec des métaux de configuration électronique d8 et d10, et particulièrement ceux à géométrie plan carré (discuté dans la partie III-iii).
• 4 : Le polymère supramoléculaire formé par assemblage de complexes métalliques et combinant des interactions entre les ligands et des interactions métal···métal (discuté dans la partie IV-iii).
Bien souvent, ces molécules sont difficilement caractérisées en solution en raison d’équilibres dynamiques entre le polymère et les monomères. De plus l’assemblage formé à l’état solide est bien souvent très différent de celui présent en solution.66

Polymères de coordination

L’un des principaux intérêts de synthétiser des polymères de coordination est d’apporter plusieurs propriétés à l’assemblage.67 Chaque bloc peut donc être sélectionné pour une propriété ciblée :
• Ligand : Chiralité, électrochimie, photophysique, chélation.
• Métal : Catalyse, électrochimie, photophysique, magnétisme, coordination.
• Espaceur :
o Organique : Chiralité, électrochimie, photophysique.
o Polymère : Mécanique, physique, solubilité, électronique.
Un polymère de coordination a été synthétisé par deux voies de synthèses différentes ([Ru(TPyPhTPy)]nCl2, Figure I-15 A).68 La première voie qui consistait à faire réagir le précurseur [RuCl3].3H2O avec un ligand ditopique contenant deux motifs terpyridines aux extrémités a donné un polymère considéré de faible masse molaire (Mn < 12 000). En effet, la faible solubilité [Ru(TPyPhTPy)]nCl2 dans le solvant de synthèse est, selon les auteurs, une raison de la plus faible masse molaire obtenue (DMA et triethylamine au lieu de 1-butanol pour l’autre voie de synthèse). La deuxième voie de synthèse qui utilisait un catalyseur de palladium pour coupler un complexe octaédrique du Ru avec un diacide boronique a permis la synthèse d’un polymère de forte masse (Mn > 36 000). Des études de viscosité ont montré que le polymère de forte masse est très visqueux dans le diméthylacétamide (DMA), tandis que le polymère de faible masse a une viscosité nulle (Figure I-15 B). En comparant à la littérature, une viscosité de 300 mL.g-1 est typique de ces polymères et traduit un assemblage de 100 nm de long.
A) a été synthétisé.70 Des mélanges de TritTPy et TPyPhTPy ont été réalisés en solution, puis le réseau MEPE (Figure I-16 B) formé par ces molécules coordinées à du fer a été étudié. Lors de l’ajout
de fer à un mélange TritPy / TPyPhTPy (3/97), la bande MLCT à 600 nm croit. Cela atteste de la formation d’un réseau par coordination des motifs TPy au Fe. L’ajout de ce ligand trifonctionnalisé permet d’obtenir un réseau tridimensionnel simple soluble dans les solvants polaires. Il s’est avéré que jusqu’à 9 % de TritTPy, un réseau homogène soluble dans l’eau se forme. Lorsque l’ajout excède 9,5 % un précipité se forme.

Polymères de complexes métalliques plan-carré

Magnus a été le premier à mettre en évidence un co-assemblage basé sur des interactions M···M avec les complexes de platine(II) ([Pt(NH3)4] et [PtCl4]) au début du 19e siècle.71 Underhill et son équipe ont réussi à parfaitement rationaliser les interactions platinophiles dans les années 80, et en particulier les assemblages unidimensionnels stabilisés par des interactions Pt···Pt.72 C’est également en se basant sur le sel de Magnus qu’une interaction platinophile entre deux complexes de platine(II) différents qui co-assemblent en solution a été mise en évidence par l’équipe de Che.73 Deux molécules de platine(II) ont été synthétisées ([Pt(CMe^N^N)Cl] et [Pt(CMe^N^N)CO]PF6, Figure I-17 A). La structure déterminée par diffraction aux rayons X sur poudre montre que les complexes de platine(II) co-assemblent pour former un dimère (Figure I-17 B). Une étude UV à différentes concentrations a été réalisée (Figure I-17 C). En suivant la bande à 612 nm, on voit nettement deux comportements. Jusqu’à 0,7 mM, il n’y a pas de transition, tandis qu’au-delà de 0,7 mM la bande apparaît. Les auteurs attribuent cette bande à une interaction Pt···Pt et/ou ligand-ligand. En effet, sans calcul, il est très difficile de déterminer à quel type de transition correspond cette bande. Cette transition se voit à l’œil puisque la couleur de la solution passe de l’orange (< 0,7 mM) au bleu (> 0,7 mM). Des études TEM et SEM à 6,0 mM ont montré la formation de longs objets en solution avec un diamètre régulier de 27 nm correspondant au diamère d’une molécule. Cela signifie qu’il est possible de former de longs assemblages dans l’acétone à cette concentration, possiblement par interaction entre les dimères caractérisés à l’état cristallin.
D’autres études, cette fois menées par l’équipe de Yam, ont montré que la nature du contre-ion X dans les composés de type [Pt(N^N^N)]bis-acétylure]X affecte l’agrégation de ces complexes (Figure I-18 A).74 En fonction du contre-ion X, des couleurs différentes sont obtenues en solution (vert pour X=OTf-, rose pour X=PF6-, jaune pour X=ClO4- et orange pour X=BF4-) car les structures des complexes et donc les distances Pt···Pt et π-π varient (Figure I-18 B). Lors de l’ajout d’un co-solvant (diethyléther) qui favorise l’agrégation par interactions Pt···Pt et π-π, la bande correspondant à la transition Pt···Pt et/ou π-π est déplacée plus ou moins fortement en fonction du contre-ion. Pour le complexe avec X=BF4- comme contre-ion, 60 % d’éther sont nécessaires pour que cet effet soit observé (bande à 560 nm). Tandis que pour le complexe avec X=PF6-, il faut au moins 70% pour voir une transition apparaitre à 650 nm (Figure I-18 C et D). Ces expériences montrent que la nature du contre-ion et des solvants influence la formation des assemblages à base de complexes métalliques plan carré générant des polymères ou des espèces discrètes en solution.
B) leurs spectres d’absorptions UV-Vis dans un mélange MeCN/Et2O. Spectres d’absorption UV-Vis avec le contre ion C) BF4 et D) PF6- dans l’acétonitrile obtenus par addition incrémentale de Et2O. Tous les spectres sont à 7.10-5 M et température ambiante.
Un nouveau type de polymère supramoléculaire basé sur des complexes de palladium(II) comprenant un squelette oligophénylènéthynylène et stabilisé par deux interactions faibles (OPEPd, Figure I-19 A) a été synthétisé par l’équipe de Fernandez.75 Ainsi d’après les auteurs, l’assemblage est stabilisé par une interaction Pd(II)···Pd(II), ainsi qu’une interaction π-π entre les cycles aromatiques du groupement OPE (comme schématisé sur la Figure I-19 B). En faisant une étude UV-vis en température et en concentration supportée par des calculs DFT, les auteurs ont déterminé que le polymère supramoléculaire se formait via un mécanisme coopératif. En effet, au-dessus de 313 K, il y a une transition coopérative entre des assemblages longs et les monomères comme démontré par analyse d’absorption UV-Vis (Figure I-19 C). C’est la première étude prouvant qu’une interaction métallophile peut conduire à une agrégation avec un mécanisme coopératif et donc à de long assemblages en solution.
L’introduction de la chiralité dans ces polymères de complexes métalliques plan-carré n’est pas aisée. Un dimère de platine(II) énantiopur a été synthétisé: [(Pt(NtBu^NtBu^NtBu))2binaphtole]OTf (Figure I-20 A). 76 Les monomères possédant un squelette polyvalent binaphtol s’assemblent sous la forme de plusieurs espèces supramoléculaires en fonction des conditions. Comme schématisé sur la Figure I-20 B, dans des conditions dissociatives (haute température et/ou solvant ne favorisant pas les interactions métallophiles (DCM)) il n’y a pas d’interactions supramoléculaires (ou très faibles), tandis qu’à basse température dans le MeCN, il y a une interaction intramoléculaire entre les motifs Pt(N^N^N), et une interaction intermoléculaire entre ces mêmes motifs. Ce contrôle conformationnel est régi par les interactions Pt···Pt et les interactions π-π du motif Pt-terpyridine. L’analyse CD met en évidence une courbe bisignée qui croit de plus en plus (de façon non linéaire) lorsqu’un co-solvant est ajouté, ce qui prouve un mécanisme coopératif de polymérisation (Figure I-20 C). Les spectres d’absorption UV-Vis et d’émission montrent également une nouvelle bande lors du changement de conformation (à 700 nm) qui est caractéristique de l’interaction Pt···Pt et/ou π-π en solution. Sur la Figure I-20 D, la bande à 700 nm augmente lors de l’ajout d’acétonitrile, cette bande est typique des interactions Pt···Pt. Cela prouve qu’il y a bien une augmentation en solution du nombre d’espèces stabilisées par des interactions Pt···Pt et/ou π-π, que ce soit intra ou intermoléculaire.
Par la suite, une nouvelle molécule de type [Pt(N^N^N)acétylure]X a été spécialement mise au point pour permettre une étude plus approfondie de l’assemblage en solution. D’une part, la fonction acétylure a été fonctionnalisée par trois longues chaînes alkyles pour augmenter la solubilité de la molécule dans les solvants apolaires. D’autre part, le motif terpyridine a été substitué par une chaîne alkyle chirale ((R)-[Pt(N^NOAlkyl^N)acétylure]OTf, Figure I-21) pour permettre la caractérisation des assemblages par dichroïsme circulaire.77 La forte intensité du signal CD pour le complexe de Pt avec le contre ion OTf est attribuée à la présence d’une hélice supramoléculaire fortement orientée en solution. Cet assemblage a un degré d’agrégation important comme indiqué par microscopie électronique en transmission. Dans le DCM ou à température élevée, le signal CD devient rapidement nul, ce qui prouve que le signal CD dans le DMSO à 25°C provient bien de la chiralité supramoléculaire des chaînes alkyles transférée aux chromophores assemblés.

Polymères supramoléculaires de complexes métalliques incorporant des liaisons hydrogène – polymères hybrides

Modulation des propriétés structurales

Très souvent les polymères de coordination sont caractérisés à l’état solide car ils sont en équilibre dynamique en solution avec des unités mono- et/ou oligomériques, parfois détectées par spectrométrie de masse. Un complexe de Manganèse(II) ([Mn(bpp)3Cl2], bpp = 1,3-bis (4-pyridyl propane, atome de Mn(II) en vert, chlorure en violet, Figure I-22 A) cristallisant sous trois formes différentes en fonction des conditions de cristallisation (non précisées par l’auteur) a été étudié par l’équipe de Chaudhuri. La structure finale dépend du type d’interaction impliquant les motifs pyridine non coordinnées au Mn(II).79 La chaîne monodimensionnelle se forme uniquement par liaison de coordination sans interaction intermoléculaire entre les complexes [Mn(bpp)3Cl2] (Figure I-22 B 1). Ces chaînes peuvent s’assembler par interactions π-π. Une pyridine terminale et une directement liée au métal participent à une interaction π-π et permet donc la formation de ce feuillet
2D (Figure I-22 B 2). Dans la troisième structure, chaque assemblage est verrouillé par une autre interaction aromatique, et stabilisé par des interactions CH···π entre les différents feuillets (Figure I-22 B 3). Basé sur le polymère de coordination 1D de base, deux autres polymères supramoléculaires peuvent ainsi se former, de dimensions supérieures, et cela uniquement en modifiant les conditions de cristallisation ce qui prouve la difficulté à contrôler la structure de l’assemblage quand plusieurs interactions sont possibles.
En modifiant les ligands, une nouvelle molécule a été synthétisée dans le but d’intégrer des interactions par liaisons hydrogène dans ces assemblages ([Mn(dca)2(bpds)2(H2O)2], bpds = 4,4’-bipyridyl disulfide, dca = dicyanamide, Figure I-23 A).79 La molécule cristallise en formant un polymère de coordination linéaire dans lequel les complexes de Mn sont liés entre eux par des molécules d’eau qui servent de « pont » entre les pyridines libres via des liaisons hydrogène (Figure I-23 B). Chaque complexe d’une chaîne stabilise des complexes adjacents appartenant à d’autres chaînes via des liaisons hydrogène. Chaque groupement cyano (accepteur de liaison hydrogène) forme une liaison hydrogène avec l’eau coordiné au Mn d’une chaîne voisine et chaque pyridine non complexée au Mn interagit aussi avec l’eau coordiné à des complexes de Mn. Ici, tous les atomes d’hydrogène de l’eau sont engagés dans des interactions qui stabilisent l’édifice supramoléculaire tridimensionnel.
Un monomère basé sur un complexe de palladium similaire à celui décrit en Figure I-19 mais avec des chaînes latérales éthérées à la place des chaînes alkyles (OPEPdEtO, Figure I-24) a été décrit par l’équipe de Fernandez. La structure cristalline révèle des liaisons hydrogène non usuelles entre un atome d’oxygène de la chaîne éthérée et un atome d’hydrogène d’un noyau aromatique et entre le chlore coordiné au Pd(II) et un groupe C-H des chaînes éthérées (Figure I-24 B). Comme prouvé par RMN ROESY, ce type de molécule peut également s’assembler via différentes liaisons hydrogène non usuelles dans les solvants polaires (MeOH, EtOH, BuOH, et H2O à 9 mM).80 Par la suite, le complexe a été fonctionnalisé par une chaîne latérale alkyle chirale, et par une fonction amide pour favoriser des interactions directionnelles (OPENHPdEtO, Figure I-24 A). D’après une étude RMN ROESY, des assemblages se forment via une interaction hydrogène entre le N-H de l’amide et le chlore relié au Pd.81 Ainsi, une simple fonctionnalisation peut permettre d’apporter une nouvelle interaction en
solution.

Les propriétés de luminescence et de transfert de chiralité dans les complexes métalliques et leur assemblage

L’effet sergents-et-soldats dans les assemblages de complexes métalliques stabilisés par liaisons hydrogène

Afin d’étudier les propriétés de transfert de chiralité d’un assemblage supramoléculaire, stabilisé par liaisons hydrogène, vers un métal, un complexe de platine(II) a été synthétisé par l’équipe de Meijer ([Pt(PEt3)2(acétylure)2], Figure II-1 A).89 Le complexe présente deux fonctions amides ainsi que de six longues chaînes alkyles permettant de favoriser la solubilité dans les solvants apolaires. Le spectre d’absorption UV-Vis de la Figure II-1 B, met en évidence la formation d’assemblages dans le méthylcyclohexane (MCH) à température ambiante qui se dissocient en augmentant la température avec une nette évolution du signal entre 263 et 323 K. Ce résultat est corrélé par des spectres dichroïques (Figure II-1 C). Le signal CD diminue en augmentant la température, d’abord lentement de 263K à 273K puis très rapidement jusqu’à 283K, pour être finalement nul à 293K. Cette évolution non linéaire est caractéristique d’une polymérisation par un mécanisme coopératif. De plus, il a été mis en évidence que le polymère supramoléculaire formé est stabilisé par des interactions π-π entre les aromatiques mais surtout par des liaisons hydrogène entre les amides. En effet, il semblerait que la géométrie plan carré permette un bon empilement des monomères. Ces différentes caractéristiques semblent faire de ce complexe un parfait candidat pour de l’amplification de chiralité en particulier via l’effet sergents-et-soldats. Une étude CD a été réalisée en mélangeant différentes proportions de (S)-[Pt(PEt3)2(acétylure)2] (sergent) et (achiral)-[Pt(PEt3)2(acétylure)2] (soldat). Comme le montre la Figure II-1 D, en augmentant la quantité de sergent, il y a progressivement une augmentation du signal dichroïque. En traçant l’intensité du signal CD en fonction de la fraction de sergent, on observe seulement une légère déviation de la linéarité.90 Ainsi, l’effet sergents-et-soldats est très faible pour les assemblages formés par ces complexes de Pt(II).
Récemment dans l’équipe, les propriétés sergents soldats de deux complexes d’or(I) ont été étudiées ([Au(bis-urée)PPh3] et [Au(bis-urée)PCy3], Figure II-2).91 Des études (principalement FT-IR) ont prouvé que les complexes d’or s’auto-assemblent par liaisons hydrogène (avec une faible quantité de monomères restant en solution) dans une solution de DCM/THF (9/1). Une fraction de THF dans le solvant est nécessaire pour assurer la solubilité des complexes. Grâce à des spectres CD (voir 80 %, un co-assemblage se forme en solution, et il y a application de l’effet sergents-et-soldats et donc un transfert de chiralité du polymère supramoléculaire chiral (majoritairement formé de sergent) vers l’or. Puis au-dessus de 80%, les deux molécules s’auto-assemblent chacunes de leur côté («self-sorting»), et il y a donc la formation de deux espèces supramoléculaires distinctes. Le maximum d’intensité en CD (et donc le meilleur transfert de chiralité) a été observé à -11 °C. En augmentant graduellement la température jusqu’à 20 °C, le signal CD diminue graduellement, mais reste néanmoins présent. En revenant à -11°C, il y a une restauration totale du signal CD maximum. Il est donc possible de travailler sur la dynamique du système et surtout sa réversibilité pour induire plus ou moins de la chiralité à ces complexes d’or(I).

Propriétés chiroptiques et d’émission de complexes de platine cyclométallés de type Pt(CNN)

Peu d’exemples de complexes métalliques chiraux contenant un fragment de type [Pt(C^N^N)] ont été décrits dans la littérature. L’équipe de Haino a préparé les complexes (S)-[Pt(C^N^N)isoxazole] et (R)-[Pt(C^N^N)isoxazole], dont les chaînes alkyles possèdent des carbones asymétriques de configuration respectivement (S) et (R) (Figure II-10 A).102 Des analyses UV-vis et RMN 1H démontrent que ces molécules s’auto-assemblent en solution via des interactions Pt···Pt et π-π . Cependant, il s’est avéré que cette molécule présente du polymorphisme en solution.103 Ainsi, un assemblage non hélicoïdal se forme dans le chloroforme, avec une transition de transfert de charge métal-métal vers le ligand visible en absorption et émission. Dans le toluène, un assemblage hélicoïdal se forme dont l’émission est plus élevée que celle du monomère. Dans ce solvant, une émission de CPL est également détectée mais uniquement lorsque l’assemblage est présent (Figure II-10 C). L’intensité des signaux CD (Figure II-10 B), absorption UV-Vis (Figure II-10 D) et d’émission (Figure II-10 E) augmentent progressivement jusqu’à arriver à un maximum après 200 minutes (dans le toluène). Cette étude atteste d’une lente formation d’une espèce chirale supramoléculaire. Toutes ces études montrent l’impact que peut avoir la présence des interactions non-covalentes sur les propriétés chiroptiques et d’émission des complexes de platine cyclométallés.

Complexes bis-urée de platine(II) cyclométallés: étude de l’auto-agrégation dirigée par des interactions Pt···Pt et ππ

L’introduction de ce chapitre a mis en évidence la difficulté de transférer la chiralité à un système supramoléculaire contenant un complexe d’or(I) ou de platine(II). Dans les exemples de la littérature mentionnés dans l’introduction ou en partie I de ce chapitre, des assemblages chiraux de complexes métalliques sont obtenus qui sont basés exclusivement sur les liaisons hydrogène, les
Chap 2: Complexe bis-urée de platine(II) 76
interactions métal-métal et π-π ou plus rarement une combinaison de ces interactions. L’idée est donc d’obtenir à partir d’une même molécule des assemblages par liaisons hydrogène, par interactions métal-métal et π-π et par une combinaison de ces interactions. Pour cela des monomères bis-urées fonctionnalisés par un groupement [Pt(C^N^N)] ont été synthétisées puis leurs propriétés d’association dans différentes conditions ont été étudiées. Des études d’émission ont permis de mettre en évidence les interactions en solution et ont donc été un outil à la comprehension de ces systèmes. La partie II de ce chapitre constitue un projet d’article en vue d’une publication. Les paragraphes II – i, II – ii et II – iii constituent le corps de l’article. Les figures supplémentaires ont été placées en partie II – iv.

Etude de complexation de BTA Pyr

Synthèse et caractérisation de (R)-BTA PyrC12-Ag

Dans le but d’étudier l’impact du métal sur l’assemblage, 3 équivalents de triflate d’argent ont été  additionnés à 2 équivalents de (R)-BTA PyrC12 dans le DCM pour donner (R)-BTA PyrC12-Ag (2- 3) (Figure III-16). En comparant les spectres RMN 1H dans le DCM-d2 du ligand et du complexe, des changements sont à noter. En plus du déplacement chimique différent d’un des pics (aromatique ou amide), les signaux baissent fortement en intensité ce qui est caractéristique de la formation d’assemblages de grandes tailles. Le spectre de (R)-BTA PyrC12-Ag (2-3) a ensuite été réalisé dans le MeCN-d3. Il s’est avéré que le spectre est quasi identique à celui (R)-BTA PyrC12, cela témoigne donc d’un équilibre complexe-ligand libre déplacé vers la forme complexe dans le DCM, et vers la décomplexation dans le MeCN. Cela explique donc l’importance du solvant pour la caractérisation.
Dans l’optique de comprendre l’assemblage formé dans le DCM, des spectres FT-IR de (R)-BTA PyrC12 et (R)-BTA PyrC12-Ag (2-3) ont été réalisés dans ce solvant (Figure III-17 en haut). La bande N-H majoritaire de (R)-BTA PyrC12 à 3430 cm-1 indique la présence de N-H libre. Dans la zone des carbonyles, les bandes principales à 1740 et 1675 cm-1 correspondent respectivement à des C=O d’ester libre et d’amide libre. (R)-BTA PyrC12 est donc principalement sous forme monomère dans le DCM. Lors de la complexation par de l’argent, la bande N-H devient plus large, mais il y a peu de changement des bandes dans les carbonyles. L’absence de signature claire en infrarouge laisse penser que les agrégats qui se forment d’après la RMN résultent de l’interaction entre les pyridines et les ions Ag+, sans intervention des fonctions amides.
Sachant que (R)-BTA PyrC12 s’assemble dans le toluène pour former des dimères, il est intéressant de voir quelle espèce se forme après complexation des motifs pyridine. Ainsi, les spectres FT-IR de (R)-BTA PyrC12 et (R)-BTA PyrC12-Ag (2-3) à 5 mg.mL-1ont été réalisés dans le toluène (Figure III-17 en bas). Le spectre FT-IR du ligand (décrit dans la partie précédente) montre que les dimères sont majoritaires en solution à cette concentration. Après complexation de l’argent, le maximum de la bande de vibration N−H passe de 3370 cm-1 à 3300 cm-1, cela signifie que les N−H sont toujours liés mais plus fortement, donc probablement dans une interaction amide-amide. Cependant, il y a aussi une légère bande à 3440 cm-1, cette bande signifie qu’une faible partie des N−H sont libres. La bande à 1740 cm-1 correspond à une bande C=O ester libre, ce qui est en adéquation avec la théorie de l’interaction amide-amide. Cependant, dans la zone des C=O amide, il est difficile de différencier les pics du bruit de fond, ce qui laisse penser à une distribution d’environnements différents des carbonyles amides. En conclusion, l’argent interagit bien avec les motifs pyridine des BTA mais les structures présentes en solution ne semblent pas régulières.

Synthèse et caractérisation de BTA (S)PyrMe-Ag

Il est communément plus simple d’obtenir des cristaux de molecules avec de petites chaînes alkyls (plutot que des longues). Il devrait donc être plus facile d’obtenir une structure cristalline du complexe d’argent formé à partir de (S)-BTA PyrMe comme ligand étant donné que celui-ci comporte une chaîne alkyle plus petite. Par conséquent, la même réaction de complexation a été réalisée sur (S)-BTA PyrMe avec le même précurseur que précédemment [AgOTf] ainsi qu’avec [Ag(4-méthylacétophénone)2]OTf. Différentes stœchiométries ligand/métal (2/3 et 1/6) ont été appliquées dans le but de voir son impact sur la reaction de complexation, et donc sur la nature de l’espèce formée. Le précurseur solvaté peut permettre de faciliter la coordination des pyridines à l’argent(I) mais aussi peut former un autre assemblage en solution ou à l’état solide. Ainsi les mélanges ( Figure III-18, respectivement vert et bleu) ont été formés dans l’acétonitrile à température ambiante pendant une nuit. En accord avec les résultats précédents, la RMN 1H dans le MeCN-d3 indique de très légers déplacements par rapport au ligand seul.

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Table des matières

CHAP 1 : Polymères supramoléculaires chiraux à base de liaisons hydrogène ou de complexes métalliques et leurs hybrides
I – Caractéristiques générales des polymères supramoléculaires
II – Polymères supramoléculaires à base de liaisons hydrogène
II – i Exemples de polymères supramoléculaires flexibles
II – ii Exemples de polymères supramoléculaires rigides
II – iii Exemples de polymères supramoléculaires en équilibre
III – Polymères supramoléculaires de complexes métalliques
III – i Classification des assemblages de complexes métalliques
III – ii Polymères de coordination
III – iii Polymères de complexes métalliques plan-carré
IV – Polymères supramoléculaires de complexes métalliques incorporant des liaisons hydrogène – polymères hybrides
IV – i Modulation des propriétés structurales
IV – ii Modulation des propriétés catalytiques
IV – iii Modulation des propriétés d’émission
V – Conclusion
Chap 2 : Complexes bis-urée de platine(II) : Synthèse, étude des propriétés photophysiques, TD-DFT et leur agrégation en solution
I – Les propriétés de luminescence et de transfert de chiralité dans les complexes métalliques et leur assemblage
I – i L’effet sergents-et-soldats dans les assemblages de complexes métalliques stabilisés par liaisons hydrogène
I – ii Rappels généraux sur la luminescence et particulièrement celle des complexes de platine(II)
I – iii Modulation des propriétés optiques des complexes de platine(II) et étude de leur agrégation en solution
I – iv Propriétés chiroptiques et d’émission de complexes de platine cyclométallés de type Pt(CNN)
II – Complexes bis-urée de platine(II) cyclométallés: étude de l’auto-agrégation dirigée par des interactions Pt···Pt et ππ
II – i Syntheses and aggregation properties (article)
II – ii Emission properties
II – iii Theoretical Results (article)
II – iii – a Geometry
II – iii – b UV−Visible Absorption spectra
II – iii – c Emission spectroscopy
II – iv Supporting Information (S. I.)
III – Conclusion et perspectives
IV – Experimental Part
IV – i General informations
IV – ii Nomenclature
IV – iii Synthesis
CHAP 3 : BTA esters pour la coordination de cations métalliques
I – Bibliographie
I – i BTAs fonctionnalisées
I – ii BTAs esters
I – iii Coordination des BTA
II – Synthèses des BTAs ester comportant un hétérocycle azoté
II – i BTA His
II – ii BTA Pyr
III – Caractérisation des BTAs ester
III – i Détermination de l’énantiopureté
III – ii Test de solubilité
III – iii Assemblage
IV – Etude de complexation de BTA Pyr
IV – i Synthèse et caractérisation de (R)-BTA PyrC12-Ag
IV – ii Synthèse et caractérisation de BTA (S)PyrMe-Ag
V – Conclusion et perspective
VI – Experimental part
VI – i General information
VI – ii General procedures
VI – iii Synthesis of BTA His and their precursors
VI – iv Synthesis BTA Pyr and their precursors
VI – v BTA Pyr-Ag complexes syntheses
CHAP 4 : Monomères BTAs dérivés du tryptophane : association sous la forme d’hélices hautement stables et coordination à des précurseurs métalliques
I – Stabilisation d’hélices supramoléculaires à l’aide de liaisons hydrogène impliquant un groupement indole latéral
I – i Exemples de stabilisation d’hélices moléculaires
I – ii L’indole en tant que donneur d’hydrogène dans les édifices supramoléculaires
II – Synthèse des monomères BTA dérivés du tryptophane, caractérisation des assemblages et étude de leur stabilité
II – i Extra hydrogen bonding interactions by peripheral indole groups stabilize benzene-1,3,5-tricarboxamide helical assemblies (article)
II – ii Extra hydrogen bonding interactions by peripheral indole groups stabilize benzene-1,3,5-tricarboxamide helical assemblies (S.I.)
II – iii Etude de l’amplification de chiralité
III – Etude de fonctionnalisation de BTA Trp et de sa coordination à différents précurseurs métalliques
III – i Exemples de fonctionnalisation de l’indole
III – ii Fonctionnalisation de BTA Trp par PPh2Cl
III – iii Coordination de BTA Trp par différents précurseurs métalliques
III – iii – a Etude de l’effet de la stoechiométrie en AgOTf
III – iii – b Etude de réactions de coordination avec d’autres précurseurs métalliques
III – iii – c Etude de la réaction de complexation entre BTA Trp et un précurseur de ruthénium(II)
IV – Conclusion et perspective
V – Experimental Part
V – i General informations
V – ii Syntheses of BTAs
V – iii Syntheses of BTA complexes
V – iv Chiral HPLC
Chap 5: Conclusion générale
I – Conclusion
II – Perspectives

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