PHYSIOPATHOLOGIE
L’hémoglobine est une supra-molécule composée de quatre hèmes portés par une protéine. La formule d’une protéine, c’est à dire la séquence d’acides aminés dont elle est composée, est fixée par une séquence ADN précise de l’organisme auquel elle appartient. La moindre mutation, entraînant un faible écart dans la composition de cette protéine, peut pro voquer, par l’intermédiaire de nouvelles interactions ou d’une structure tertiaire différente de la protéine, des pathologies plus ou moins visibles dans l’organisme. L’Hb S est due à une mutation du codon 6 du gène bêta globine (Schéma 4). Cette mutation (GAG-GTG) entraîne le remplacement de l’acide glutamique (glutamate) par une valine (Schéma 3).
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUE
Signes cliniques
Clinique chez l’homozygote
Des facteurs déclenchant sont souvent retrouvés : infection et hyperthermie, déshydratation, acidose ou anoxie. Cette dernière survient en prédilection lors des voyages en avion mal pressurisé, une anesthésie générale, un exercice violent ou une stase vasculaire d’étiologie diverse.
Les manifestations sont à type de crises douloureuses de siège varié en rapport avec des infarctus viscéraux, notamment mésentérique, splénique, pulmonaire, pariétal et surtout osseux. Ce peut être des crises abdominales pseudo-chirurgicales, thoraciques, lombaires, osseuses pseudo-rhumatismales aux extrémités. Le type d’accident ischémique varie selon le type de drépanocytose, le sexe et l’âge du patient.
Une hyperthermie est fréquente en dehors de toute infection, ne dépassant pas 38,5°C. Une perte de poids en rapport avec une déshydratation est fréquente.
Il n’y a pas de syndrome inflammatoire biologique.
Les signes locaux sont fréquents avant 15 ans, plus rares par la suite, parfois source d’ambiguïté diagnostique.
SYMPTOMATOLOGIE DE LA DREPANOCYTOSE SUIVANT L’AGE
Les manifestations varient également en fonction de l’âge:
La maladie se révèle en règle générale entre 6 mois et 5 ans par une splénomégalie, une anémie, une dactylite, une infection ou une complication grave avec le risque vital de la séquestration splénique aiguë ;
Entre 5 et 15 ans, les crises vaso-occlusives et les infections dominent le tableau clinique. Pour ce dernier on a surtout des pneumonies, des infections urinaires et des ostéomyélites ;
Et si l’âge adulte est caractérisé par le développement des complications dégénératives (ulcère de jambe, rétinopathie, lithiase des voies biliaires, lésions osseuses, cardiaques, pulmonaires et rénales), les crises vasoocclusives sont la cause principale de consultation et d’hospitalisation en urgence des malades drépanocytaires adultes et représentent les principales causes de décès chez l’adulte drépanocytaire.
Clinique chez l’hétérozygote
En principe, elle est pratiquement asymptomatique. On observe que de rares thromboses lors d’hypo -oxygénation profonde (anesthésie, voyage en avion non pressurisé). Elles peuvent se révéler par une hématurie ou un infarctus splénique. Lorsqu’il existe une anémie franche, même si elle est hémolytique, il faut rechercher systématiquement une autre cause. L’espérance de vie ne diffèrepas de celle des sujets AA.
Signes biologiques
Chez l’homozygote
La drépanocytose homozygote est caractérisée par un taux d’hémoglobine situé entre 7 et 9 g/dl, un réticulocytose entre 200 et 600 000/mm3 , un volume globulaire moyen normal, la présence constante sur le frottis sanguin de drépanocytes, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles pouvant atteindre 30 000/mm3 sans infection et une tendance à la thrombocytose.
L’électrophorèse de l’hémoglobine met en évidence la présence d’hémoglobines S, F et A2 ; il n’y a pas d’hémoglobine A.
Chez l’hétérozygote
Les caractéristiques hématimétriques du sang périphérique des patients drépanocytaires hétérozygotes sont identiques à celle du sang normal. Tant en ce qui concerne la lignée érythrocytaire que les lignées leucocytaire et plaquettaire. La morphologie des hématies est normale et il n’y a pas de drépanocytes en circulation. Cependant, lorsque les hématies sont incubées dans un milieu privé d’oxygène (test d’Emmel), le phénomène de falciformation se manifeste et fait apparaître des drépanocytes.
Une microcytose constatée chez un drépanocytaire hétérozygote doit faire penser à une carence martiale ; une macrocytose doit suggérer une carence vitaminique, notamment en acide folique ou en vitamine B12.
L’électrophorèse de l’hémoglobine montre une fraction majeure d’hémoglobine A de 55 à 60%, une fraction importante d’hémoglobine S de 40 à 45% et enfin un constituant mineur d’hémoglobine A de 2 à 3%. Cet état doit être différencié du sujet drépanocytaire homozygote transfusé ; dans cette situation, l’hémoglobine A du donneur disparaît du tracé électrophorétique dans les semaines qui suivent la transfusion.
CARACTERISTIQUES GENERALES DES COMPLICATIONS AU COURS DE LA DREPANOCYTOSE
Complications aiguës
Crises vaso-occlusives
Ces crises vaso-occlusives se manifestent par une crise soudaine de douleur par excès de nociception au niveau des articulations ou des os [50].
Elles surviennent irrégulièrement, de façon imprévisible ; leur durée et leur intensité sont variables .
La première manifestation est une douleur localisée brutale d’un segment osseux. La douleur atteint son acmé en 30 à 60 minutes, puis s’atténue progressivement en 3 à 4 jours. La réaction inflammatoire est plus importante chez les enfants noirs de moins de 7 ans.
Chez les enfants de 4 à 30 mois, ces crises se manifestent par la dactylite (photo 2) ou syndrome pied-main qui associe la douleur, L’importance des quatre extrémités et des signes locaux et généraux inflammatoires chez les sujets plus âgés.
Atteinte rénale
La prédisposition des malades drépanocytaires aux infections rénales est discutée. Quoi qu’il en soit, de nombreux patients drépanocytaires homozygotes évoluent vers une insuffisance rénale chronique secondaire ou non à des infections et dont le premier signe peux être une accentuation de l’anémie.
Chez les sujets hétérozygotes, l’atteinte rénale est habituellement l’unique symptôme avec une hyposténurie chez 70% des cas accompagnée d’un défaut d’acidification des urines sans charge acide ou avec les hématuries aussi fréquentes que chez les homozygotes.
Complications pulmonaires et cardiaques
Les accidents d’infarctus pulmonaire et les infections pulmonaires répétées peuvent être à l’origine d’insuffisance respiratoire chronique et d’hypertension artérielle pulmonaire.
Chez l’adulte, les complications chroniques cardiovasculaires sont la seconde cause de mortalité après les infections.
Complication ophtalmologique
Les complications oculaires les plus habituelles sont les rétinopathies prolifératives .
Les hémorragies répétées dans le vitré peuvent provoquer une rétraction de ce dernier et en phase ultime un décollement rétinien et une cécité .
Ces complications résultent des modifications vasculaires et retentissent sur la fonction visuelle. En somme, elles correspondent à un stade où la rétinopathie est décompensée. Ce sont la rétinite proliférante, les hémorragies intra vitréennes, le décollement de la rétine, l’occlusion des gros vaisseaux.
Atteinte hépatique
L’hépatomégalie est un signe habituel sans être pour autant la traduction d’une complication.
Les anomalies hépatiques chroniques sont courantes dans la drépanocytose mais ne revêtent qu’exceptionnellement un caractère de gravité.
En dehors d’une pathologie associée (infections virales, surcharge martia le post-transfusionnelle), les anomalies biologiques sont représentées par une discrète élévation des transaminases.
La lithiase biliaire est d’une grande fréquence au cours de la drépanocytose et concerne le tiers des malades à partir de 17 ans. La doule ur de l’hypochondre droit est la manifestation clinique qui la suggère [20].
DIAGNOSTIC
Généralité
Le diagnostic est habituellement établi entre 6 mois et 1 an lorsque l’Hb F laisse la place à l’Hb S.
La pâleur est d’appréciation difficile chez l’enfant noir. Les conjonctivites sont parfois sub ictériques. Le développement staturo-pondéral est harmonieux avec une taille normale mais on note souvent une diminution de poids.
Le diagnostic repose donc sur l’étude de l’Hb qui doit être pratiquée à une distance d’au moins 3 mois d’une transfusion.
Test de dépistage
Test de solubilite ou test d’Itano
Il s’agit d’une modification du classique test d’Emmel pour accélérer la désoxygénation. Il ne permet cependant pas la distinction entre forme homozygotes et formes hétérozygotes.
Il dérive de la méthode proposée par Itano en 1953 et fondée sur la solubilité très diminuée en tampon phosphate concentrée d’Hb S désoxygénée par la dithionite.
L’introduction d’agents hémolysants dans le tampon a permis de pratiquerce test directement sur du sang.
Chromatographie en phase liquide à haute performance (hplc)
La CLHP, technique plus difficile à mettre e n œuvre, permet l’identification et la quantification précise de la plupart des hémoglobines.
C’est la technique de choix utilisée dans le suivi des drépanocytaires traités par l’hydroxyurée (hydréa), patients chez qui il est important de doser précisément le taux d’Hb F. De plus, grâce à l’analyse des temps de rétention, la CLHP est un outil précieux pour préciser ou confirmer l’identification d’Hb anormal.
Diagnostic anténatal
L’approche thérapeutique de la drépanocytose n’étant que symptomatique ou expérimentale quand elle se veut spécifique, des programmes préventifs ont été conçus depuis 1974, basés sur la possibilité d’un diagnostic prénatal et de la réduction en conséquence des formes homozygotes de la maladie.
Donc, lorsque les deux parents sont porteurs de la mutation, il est possible de proposer un diagnostic anténatal par biopsie de trophoblaste à partir de la 11 eme semaine ou par amniocentèse à partir de la 17 eme semaine.
Il repose essentiellement sur l’analyse de l’ADN fœtale.
PRISE EN CHARGE DU NOURRISSON
Pour une bonne prise en charge dès la naissance, plusieurs points doivent être pris en compte.
Il devra être fait dès la naissance le diagnostic, l’hémogramme et la numérotation des réticulocytes. Il faut également vérifier son groupe sanguin, la taille de sa rate, doser le taux de G6PD et prévenir les infections par une antibiothérapie et des vaccinations. Tous ces résultats, ajoutés aux données du bilan annuel, à un compte rendu des traitements quotidiens ainsi que les coordonnées du médecin spécialisé dans la prise en charge de la maladie devront être stipulés sur le carnet de santé.
La consultation de confirmation du diagnostic chez le nouveau-né a pour but d’expliquer aux parents que leur enfant est porteur d’une hémoglobinopathie mais également de leur expliquer la maladie et de faire une étude de l’hémoglobine chez l’enfant (ce qui permettra de confirmer le diagnostic) et chez les deux parents.
Il faudra également informer les parents par des documents sur l’existence d’associations, sur les signes cliniques qui doivent les amener à consulter en urgence mais aussi récupérer les sérologies VIH, VHC et VHB de la mère.
PRISE EN CHARGE SYMPTOMATIQUE DES COMPLICATIONS CHEZ L’ADULTE ET CHEZ L’ENFANT
Les complications de la drépanocytose étant à redouter du fait qu’ils compromettent l’espérance de vie des malades et puisque le traitement de la maladie est encore du domaine de la recherche, il a été mis au point une certaine prise en charge symptomatique de ces complications.
Il faut d’abord savoir que certains signes imposent une consultation en urgence. On peut citer dans ce cadre :
Une douleur non soulagée par les antalgiques ;
Une fièvre de plus de 38,5°C ;
Des vomissements ;
Des signes d’anémie;
Une augmentation du volume de la rate ou de l’abdomen
un priapisme ne cédant pas au traitement.
Traitement symptomatique des complications aiguës
Crise douloureuse vaso-occlusive ( C.V.O.)
A domicile, le patient peut prendre des antalgiques, s’hydrater et se reposer.
Mais si la douleur n’est pas soulagée par les antalgiques du palier 2 (voir les moyens thérapeutiques médicamenteux) ou est intense dès le départ, il devra aller à l’hôpital pour être pris en charge. Ceci s’impose également s’il y a des facteurs de gravité.
Le traitement symptomatique antalgique doit être impérativement complété par la lutte contre les facteurs susceptibles de pérenniser ou d’aggraver la crise, en particulier les épisodes infectieux.
Moyens non médicamenteux
L’acupuncture, l’homéopathie, la stimulation électrique transcutanée (TENS), les massages, les relaxations, l’application du chaud et du froid, la méditation, l’oligothérapie et enfin l’hypnose constituent d’autres moyens spécialisés qui sont utilisés isolément ou associés aux traitements antalgiques et ils ont la particularité d’envisager le patient dans s a globalité, en reliant les dimensions biologique et psychoaffective.
Le recours à ces méthodes de soin se développe actuellement, mais est loin d’être systématique.
Contre les infections
Traitements spécifiques
Il faut traiter énergiquement toute infection à son début.
Pour les formes graves :
Lorsque la pénicillinothérapie est inefficace dans les bronchopneumopathies, penser à l’haémophilus et utiliser une ampicilline et l’amoxicilline;
Transfusion ou échange sanguin en cas d’infection sévère prolongée, de risque de coagulation intravasculairedisséminée (CIVD), pour maintenir un taux d’hémoglobine A entre 10 et 12 g et taux d’hémoglobine S inférieur ou égal à 25% [50].
Pour l’enfant drépanocytaire en zone tempérée, la gravité de toute infection doit faire entreprendre des traitements bien adaptés, à posologie suffisante et par voie intraveineuse dans les infections sévères :
Pour les otites suppurées, volontiers dues au pneumocoque et Haemophilus influenzae, l’amoxicilline orale est le meilleur traitement de première intention à bonne dose : 50 mg/kg/24h en quatre prises orales.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
CHAPITRE I : LA DREPANOCYTOSE
I. GENERALITE
1. Définition
2. Mode de transmission génétique
3. Epidémiologie
3.1. Le foyer originel : l’Afrique
3.2. Foyer secondaire
4. Pronostic
II. PALUDISME ET DREPANOCYTOSE
III. PHYSIOPATHOLOGIE, MANIFESTATION CLINIQUE ET BIOLOGIQUE
IV. MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUE
1. Signes cliniques
1.1. Clinique chez l’homozygote
1.2. Clinique chez l’hétérozygote
2. Signes biologiques
2.1. Chez l’homozygote
2.2. Chez l’hétérozygote
V. CARACTERISTIQUES GENERALES DES COMPLICATIONS AU COURS DE LA DREPANOCYTOSE
1. Complications aiguës
1.1. Crises vaso-occlusives
1.2. Syndrome thoracique aiguë
1.3. Anémie aiguë
1.4. Accident vasculaire cérébrale
1.5. Priapisme
1.6. Syndromes douloureux abdominale
1.7Les infections
2. Complications chroniques
2.1. Ulcères cutanés
2.2. Atteintes rénales
2.3. Complications pulmonaires et cardiaques
2.4. Complications ophtalmologiques
2.5. Atteinte hépatique
VI. DIAGNOSTIC
1. Généralité
2. Test de dépistage
2.1. Test de solubilité ou Test d’Itano
2.2. Test de falciformation ou test d’Emmel
3. Test de confirmation
3.1. Electrophorèse sur citrate d’agar à Ph6,2
3.2. Isoélectrofocalisation
3.3. Chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP)
4. Diagnostic anténatal
VII. PRISE EN CHARGE DU NOURRISSON
VIII. PRISE EN CHARGE SYMPTOMATIQUE DES COMPLICATIONS
IX. MOYENS THERAPEUTIQUES
1. Contre la douleur
1.1. Les moyens d’évaluer la douleur
1.2. Les moyens médicamenteux
1.2.1. Les antalgiques
1.2.2. Les antifalcemiants
1.2.3. Les vasodilatateurs
1.2.4. Les anti-agrégants plaquettaires
1.2.5. Les règles d’utilisations
1.3. Les moyens non médicamenteux
2. Contre les infections
2.1. Traitements spécifiques
2.2. Traitements préventifs
2.2.1. Diagnostic précoce
2.2.2. Vaccination
2.2.3. Pénicillinoprévention
3. La transfusion
3.1. Transfusion sanguine simple
3.2. Echange transfusionnel
4. L’hydratation
5. L’hydroxyurée
6. Greffe de moelle
7. Thérapie génique
X. PROPHYLAXIE
CHAPITRE II : GENERALITE SUR LA MEDECINE TRADITIONNELLE
I. LES TRADITHERAPEUTES
II. METHODE DE RECOLTE
1. Un état purifié
2. Les jours et les moments appropriés
3. Les salutations à la plante
4. Rituel après collecte
III. MODE DE PREPARATION
1. Macération
2. Infusion
3. Décoction
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. APPROCHE METHODOLOGIQUE
1. Matériels
2. Cadre de l’étude
3. Méthodes d’études
3.1. Type d’étude
3.2. Méthode de recueil de données
3.3. Difficultés rencontrés
II. RESULTATS ET COMMENTAIRES
1. Statut général des botanistes
2. Connaissance de la drépanocytose par la population enquêtée
3. Données relatives au traitement phytothérapique de la drépanocytose
3.1. Mode d’administration
3.2. Mesures hygiéno-diététiques
3.3. Liste des plantes citées par les vendeurs et prescripteurs
3.4. Les différentes préparations
3.5. Récapitulation
3.6. Suivi des malades au cours et après traitement
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
REFERENCES WEBOGRAPHIQUES
ANNEXES