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Données intra-hospitalières
Pour chacun des patients les informations collectées au sein du dossier informatisé étaient les suivantes :
– les caractéristiques démographiques des patients : âge, sexe, état général déterminé par le score ASA ;
– les caractéristiques des lésions : le type de traumatismes (AF, AB), la localisation des orifices (cervico-céphalique, thoracique, abdomino-pelvienne, membres), la gravité des lésions définie selon l’Injury Severity Score (ISS) [8] et l’atteinte lésionnelle, définie par le caractère pénétrant ou non (cervicale, thoracique, vasculaire, abdominale, ostéo-articulaire, neurologique) ;
-la prise en charge hospitalière : le mode d’arrivée à l’hôpital (régulé, non régulé), le type de prise en charge en urgence (bloc chirurgical, traitement non opératoire avec surveillance armée), l’hospitalisation (services d’hospitalisation, durée médiane d’hospitalisation), les complications post-opératoires survenues pendant l’hospitalisation initiale classées selon la classification de Clavien [9], les complications secondaires entrainant ou non des ré-hospitalisations et ré-opérations, et la durée médiane de suivi hospitalier en rapport avec le traumatisme.
A l’issue de cette évaluation, les conséquences identifiées en intra-hospitalier (CIH) à partir du dossier informatisé hospitalier étaient répertoriées et distinguées en deux catégories : organiques (neurologiques, ostéoarticulaires, cardio-pulmonaires, abdominales, urologiques, ORL et maxillo-faciale) et psycho-sociales.
Une conséquence à long terme était définie comme une lésion liée au traumatisme, persistante après la guérison de la blessure initiale. Il pouvait s’agir d’un handicap ou de symptômes invalidants ou non, apparues pendant le traumatisme.
Pour finir, les « récidives » de traumatismes par AF ou AB pris en charge au sein de l’HIA Laveran étaient également recherchées. La présence ou non des coordonnées du médecin traitant était systématiquement recueillie.
Données post-hospitalières
Le recueil des données du suivi post hospitalier a été réalisé via un questionnaire téléphonique destiné aux MT des patients inclus. L’investigateur avait la possibilité d’appeler trois fois le MT sur une période de quatre mois en cas d’absence de réponse. Au-delà ce dernier était considéré comme injoignable. Le questionnaire comprenait neuf questions à réponses fermées (annexe 1). Les informations recueillies étaient : la connaissance ou non du traumatisme par le MT, la date de la dernière consultation avec le médecin généraliste, le suivi spécifique réalisé par le MT en rapport avec le traumatisme, les conséquences post-hospitalières (CPH) identifiées, leur prise en charge et les récidives.
Au terme des deux recueils de données, une analyse des facteurs prédictifs des conséquences était réalisée.
Caractéristiques épidémiologiques
Au total 165 patients ont été inclus dans l’étude, le diagramme de flux est représenté dans la figure 1.
La majorité des patients était des hommes (n=151, 91,5%). L’âge médian était de 26 ans [20-38]. Les caractéristiques épidémiologiques détaillées des patients et des lésions sont résumées dans le tableau 1.
Les patients victimes d’AB étaient majoritaires, (n=107, 64,8%) et les circonstances de survenue étaient le plus souvent une agression (n=142, 86,1%). Plus de la moitié des patients était admis sans avoir été préalablement pris en charge par les secours préhospitaliers (n = 95, 57,6 %). La répartition AF/AB ne différait pas significativement entre les patients régulés et ceux s’étant présentés spontanément aux urgences.
L’ISS médian était de 20 [13-29]. A l’arrivée aux urgences ou au déchocage 11 (6,7%) patients étaient instables sur le plan hémodynamique (TAS<90mmHg). Seulement 65 patients (39,4%) présentaient un orifice d’entrée unique et isolé. Les patients victimes de plaies par AF présentaient plus fréquemment plusieurs orifices (n=43, 74,1%) par rapport aux plaies par AB (n=56, 52,3%) et ce de manière significative (p < 0,01). Dans deux tiers des cas (n=111, 67,3%), les patients présentaient au moins un orifice situé au niveau thoracique et/ou abdominal.
La figure 2 donne la répartition des atteintes lésionnelles liées aux plaies par AF et AB mises en évidence à l’issue de la prise en charge hospitalière initiale.
Prise en charge et suivi hospitalier
Le tableau 2 détaille la prise en charge et le suivi hospitalier en fonction de la présence d’une atteinte tronculaire ou non.
Une prise en charge chirurgicale a été nécessaire pour 124 patients (75,1%). Pour 46 patients (27,8%), celle-ci était réalisée d’emblée sans bilan scannographique soit pour des raisons hémodynamiques, soit pour une atteinte lésionnelle chirurgicale évidente. Parmi les patients opérés, 13 (10,5%) ont présenté une complication post-opératoire. Les patients ayant présenté une lésion thoracique et/ou abdominale présentaient les caractéristiques suivantes : un score ISS plus élevé, une prise en charge chirurgicale plus fréquente, des complications post-opératoires plus fréquentes et un taux de nouvelle hospitalisation plus élevé. Toutes ces données étaient statistiquement significatives.
La moitié des patients a été hospitalisée en réanimation au cours de la prise en charge (n=80 ; 48,5%), puis en service de chirurgie thoracique et viscérale pour 127 patients (77%), en chirurgie orthopédique pour 20 patients (12,1%), en chirurgie maxillo-faciale pour 10 d’entre eux (6%), enfin 5 patients (3%) ont bénéficié d’une prise en charge en rééducation. La durée médiane d’hospitalisation était de 5 jours [2-8] et ne différait pas de manière significative en fonction de l’atteinte lésionnelle.
En ce qui concerne le suivi hospitalier,101(61%) patients ont déclaré un MT dans le dossier médical. Sur l’ensemble de la population 102 patients (62%) se sont rendus à leur consultation de suivi à 1 mois. Les patients ayant déclaré un MT se sont rendus significativement plus à la consultation de contrôle à 1 mois (p=0,0003). Parmi les patients ne s’étant pas rendus à cette consultation de contrôle à 1 mois, 37 (22,4%) n’ont jamais été revus au sein de l’établissement et sont considérés comme perdus de vue par l’établissement. La durée médiane de suivi du traumatisme au sein de l’hôpital était de 28 jours [4-66], elle ne différait pas de manière significative selon l’atteinte lésionnelle. En revanche la durée médiane de suivi était significativement plus longue pour les patients ayant déclaré un MT (p=0,03) avec une durée médiane de suivi de 35 jours [15-101] pour les patients suivis par un MT et de 8 jours [2-51] pour ceux sans MT déclarés. Au cours du suivi hospitalier, 21 patients (12,7%) ont présenté des complications secondaires. Pour 17 (10,3%) patients une ré-hospitalisation était nécessaire. Dans 16 de ces cas (9,7%) une intervention chirurgicale a été réalisée. Ces interventions étaient liées à une complication dans 10 cas (6%) et une chirurgie secondaire de reconstruction dans 7 cas (4,2%).
Le tableau 3 répertorie les CIH et CPH des patients victimes de plaies par AF et AB mises en évidence au cours du suivi. Au moins une CIH était retrouvée pour un quart des patients au cours du suivi intra-hospitalier (n=40 ; 24,2%). Plus de trois quarts des conséquences mises en évidence dans le suivi intra-hospitalier étaient organiques (n=30, 18,2%). Un seul décès a été retrouvé (0,6%), il s’agissait d’un patient âgé de 75 ans décédé au cours du suivi dans les suites d’un rétablissement de Hartman. Au cours de leur hospitalisation 26 patients (15,7%) ont été reçu en consultation psychiatrique/psychologique. Douze (7,3%) ont eu un suivi régulier pendant le séjour et 9 patients (5,4%) sont considérés comme ayant des CIH psychiatriques. Douze cas (7,3%) de « récidives » ont été identifiés au sein des dossiers hospitaliers de l’HIA Laveran. Tous ces seconds traumatismes sont survenus dans les 12 mois qui ont suivi leur hospitalisation initiale.
Suivi post hospitalier
Suivi par le médecin traitant
L’enquête auprès du médecin traitant a pu être menée pour 101 des dossiers (61,2%). Pour 11 cas, il n’a pas été possible de joindre le médecin identifié. L’appel a abouti pour 90 patients (55,2% de l’ensemble de la population incluse). Pour 76 patients (46%) les conséquences du traumatisme ont pu être évaluées. Le délai médian de suivi est de 47 mois [21-75]. Parmi les patients toujours suivis, 41 patients (25%) ont bénéficié d’un suivi médical spécifique concernant le traumatisme par le MT. Parmi ces 41 patients, 13 étaient considérés comme perdus de vue par l’HIA LAVERAN.
Conséquences tardives
D’après l’enquête, 24 CPH (14,5%) ont été identifiées. Vingt patients ont été suivis pour des CPH, soit 12,1% de l’ensemble de la population initiale. Les conséquences les plus fréquentes étaient psychiatriques avec 14 patients (8,5%). Six (3,6%) présentent un Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT) et 8(4,8%) un Syndrome Anxio-Dépressif (SAD). Cinq patients sont traités de manière médicamenteuse et 6 sont toujours suivis actuellement. Parmi ces 14 patients 3 étaient déjà suivis pendant leur hospitalisation à l’HIA LAVERAN. Les 6 patients restant étaient suivis pour des complications organiques (troubles locomoteurs, déficit neurologique périphérique, urinaire et abdominale) connues de l’HIA. Quatre décès (2,4%) ont été recensés au terme du suivi, 1 était connu par l’HIA LAVERAN.
Au cours du suivi par le MT, nous avons mis en évidence 6 récidives (3,6%) de traumatisme par AF ou AB, soit 3,6% de la population totale. Parmi ces 6 patients, on comptait 2 récidives d’autolyse, 2 autolyses secondaires à un nouveau traumatisme et 2 agressions. Parmi ces 6 cas de récidive, seul 1cas était connu de l’HIA LAVERAN.
Analyse des facteurs prédictifs de conséquences
Le tableau 4présente les taux de conséquences des plaies par AF et AB en fonction des facteurs épidémiologiques et lésionnels analysés en univariée. L’ISS, l’âge, l’agent vulnérant de type AF et la présence d’un MT représentaient les 4 facteurs prédictifs significatifs de survenue de conséquences globales. En revanche concernant les conséquences psychiatriques seul l’ISS supérieur à 30 était significativement lié à la survenue d’une conséquence (p=0,01).
L’analyse multivariée, via l’algorithme de régression, a permis d’identifier 4 facteurs prédictifs (figure 3) : l’ISS était la division initiale détectée par le modèle de l’arbre décisionnel (DT), la présence d’un MT a été identifiée comme la variable binaire de la deuxième division. L’agent vulnérant de type AF a été identifié pour les deux divisions suivantes. Notre modèle d’arbre décisionnel avait une précision de 0,8 (IC95 % = (0,73, 0,86)), avec une précision équilibrée égale à 0,79 (sensibilité de 0,78 et spécificité de 0,81).
Caractéristiques épidémiologiques des patients et des lésions
Si la littérature anglo-saxonne et particulièrement nord-américaine est très riche, les études françaises portant sur les traumatismes par AF et AB sont plus rares, souvent centrées sur une région anatomique et de plus petites échelles [3-4]. D’après l’OMS, 8 des 15 principales causes de décès de personnes âgées de 15 à 29 ans sont liées à ces traumatismes et leur prise en charge reste un véritable défi médico-chirurgical au long cours [1]. Dans le monde, 1,5 millions de personnes décèdent chaque année victime de violence [1]. L’homicide est la troisième cause de décès dans le monde chez l’homme de 15 à 44 ans. En 2017, 672 000 victimes de violences physiques ont été recensées en France [10]. Les violences urbaines sont en augmentation, et pour le seul département des Bouches du Rhône, près de 9000 à 10000cas d’agression par AF et AB sont recensés chaque année par les services de la Police et de la Gendarmerie [11]. Le nombre d’homicides y est le plus élevé de France [10].
Notre étude est la première série française à offrir une vue épidémiologique globale sur les traumatismes par AF et AB en milieu civil et à s’intéresser au suivi de ces patients. Ce travail permet d’aborder une thématique d’actualité et vise à soulever des enjeux et des perspectives nouvelles dans la prise en charge à long terme des blessés par AF et AB.
Les caractéristiques épidémiologiques de notre étude mettent en avant une population masculine, jeune et en bon état général comme dans la majorité des études françaises et anglo-saxonne [12-14].
En accord avec la littérature française les plaies par AB sont les plus fréquentes dans notre étude, mais le taux de plaies par AF y est cependant sensiblement plus élevé [3,4]. En effet le ratio AF/AB est de 1/2 et apparaît supérieur à ceux retrouvés dans la littérature française, les études les plus récentes retrouvant un ratio de 1/6 à 1/7 [2,4]. Ces derniers taux sont similaires à ceux des données de la littérature nord européenne [5,13,15]. Cette différence, précédemment soulignée par Egmann et al. [2] peut également être liée à la limitation de notre étude aux victimes hospitalisées, ne reflétant ainsi pas l’épidémiologie préhospitalière. Les plaies par AB les moins graves sont en effet moins hospitalisées grâce aux examens d’imagerie. Le ratio de notre étude se rapproche des résultats de certaines villes des Etats-Unis [15] mais reste loin des études sud-africaines où ce rapport est inversé allant jusqu’à 9/1 [16]. Cela s’explique très probablement par les différences démographiques de législations concernant l’utilisation des armes à feu.
La principale localisation anatomique des plaies dans notre étude était thoraco-abdominale en concordance avec d’autres références de la littérature médicale civile [13,15,17]. Notre étude recensait en revanche moins de plaies de la région céphalique que d’autres études de la littérature [15]. L’absence de plateau technique de neurochirurgie dans notre établissement expliquait probablement en partie ce phénomène. Concernant les plaies des membres, nos résultats sont similaires à la littérature [13,15], et bien inférieurs aux nombres de plaies thoraco-abdominales dont la surface importante et la létalité potentielle en font des zones de blessures de choix. Dans les conflits armés les plus récents, la majorité des plaies épargnent la région thoraco-abdominale, se localisant préférentiellement au niveau des membres du fait du port de protections balistique [18,19].Tout comme dans l’étude de Regan J. Berg [20], les patients présentant une atteinte thoraco-abdominale présentaient des ISS significativement plus élevés, nécessitaient plus fréquemment une chirurgie source de complications plus fréquentes et relevaient donc, comparativement aux patients sans atteinte thoracique et/ou abdominale d’une prise en charge plus complexe. En revanche, le taux de conséquences à long terme ne différait pas significativement (p= 1).
ISS
L’ISS médian de notre étude était plus élevé que la plupart des études [4,15]se rapprochant des taux des Etats-Unis [21]. Ces résultats s’expliquent certainement par le taux important de blessure par AF de notre étude, les blessures par AF étant plus vulnérantes [22], ainsi que par la population étudiée limitée aux patients hospitalisés. L’ISS était plus élevé pour les plaies thoraco-abdominales en raison de l’atteinte viscérale, des gros vaisseaux et du risque hémorragique [12,22].
Suivi
Dans la littérature le taux de perte de vue des patients au cours du suivi de traumatisme oscille entre 15 et 75% [25], notre étude a recensé un taux semblable de 22% de perdus de vue par l’HIA. Le recueil post-hospitalier via le MT a permis de réduire ce taux de perdu de vue à 14,5%. L’étude de Leukhardt et al. s’est intéressée aux facteurs de risque associés à la perte de suivi après une blessure traumatique [26]. Elle mettait en évidence des facteurs épidémiologiques tels les revenus plus faibles, le niveau d’instruction, la race non blanche et l’âge avancé. Mais il existait surtout un lien significatif entre le taux de perdus de vue et un ISS plus faible et les blessures contondantes. Notre étude n’a pas permis de comparer l’ensemble de ces facteurs avec nos résultats et les résultats étudiés n’ont pas retrouvé de facteur pertinent associé au suivi. D’autres études ont proposé des solutions afin d’améliorer ce suivi en mettant en place des coordinateurs chargés de rappeler aux patients leur consultation par appel téléphonique et message vocal [25].
Notre étude a montré que les patients blessés au niveau thoraco-abdominal se rendaient plus à leur consultation de suivi, probablement par le fait qu’ils étaient également plus opérés, et plus réhospitalisés suite au traumatisme initial imposant alors de revenir plus souvent sur l’HIA.
Aucune étude à notre connaissance n’a recherché l’impact du MT sur le suivi et les conséquences du traumatisme. Notre étude montre un lien significatif entre ces variables. En effet les patients ayant un MT se sont rendus plus souvent à leur consultation de suivi et ont une durée de suivi hospitalier plus longue. Deux hypothèses peuvent expliquer cela. Tout d’abord, le MT ayant une relation privilégiée avec le patient permet d’assurer une continuité des soins et de renforcer le lien entre son patient et l’hôpital. La seconde hypothèse est que les patients ayant déclaré un MT sont plus ancrés dans le réseau de soin et plus aptes à se faire suivre que les patients sans MT souvent en errance médicale. De plus notre étude permet de souligner le rôle central du MT. En effet, ce suivi par le MT a permis de déceler de nouvelles conséquences, exclusivement psychiatriques et d’assurer le suivi de 13 patients perdus de vue par l’HIA LAVERAN. Notre étude met en avant deux enjeux : (i)les professionnels de santé hospitaliers doivent s’efforcer de recueillir les coordonnées du MT, voire d’orienter les patients vers un MT au terme de l’hospitalisation afin d’optimiser le suivi à long terme de ces patients ;(ii)les médecins spécialistes, MT et paramédicaux doivent encourager les patients en errance médicale, plus ou moins en précarité, à prendre conscience du traumatisme et de ses conséquences possibles pour stimuler l’observance et l’implication dans le suivi du traumatisme.
Facteurs prédictifs
Certaines études, telles l’étude finlandaise d’Inkinen et al. [5] et l’étude de Cornwell et al.[27] mettent en avant des facteurs sociaux et économiques associés à la morbi-mortalité des traumatismes violents (autolyse, agression). La consommation de drogue, d’alcool, la précarité sont à considérer d’après ces études comme des signaux d’alarme de complications et de conséquences post-traumatisme. Dijkink et al. évoque le terme de « fardeau de Santé publique » pour qualifier ces traumatismes responsables d’une surmortalité prématurée, d’handicap et de retentissement psychologique [15].
Notre étude a permis d’identifier des facteurs prédictifs de conséquences. Comme dans la littérature [28] notre étude a reconnu que les blessés graves (score ISS sévère à maximum dans notre étude) ont un taux significativement plus élevé de complications et de conséquences globales mais surtout plus spécifiquement psychiatriques. Bien que cela semble logique, l’étude d’Alarçonet al. ne retrouvait pas de relation significative entre le score ISS et les répercussions psychiatriques des traumatismes [24]. En revanche elle retrouvait un lien entre le SSPT et le mécanisme lésionnel par AF. Dans notre étude le mécanisme par AF était prédictif de manière significative de conséquences globales. Les plaies par AF sont connues pour être plus vulnérantes en termes de létalité, de bilan lésionnel et donc lourdes de conséquences [12,22].
L’âge des patients était un facteur prédictif significatif de conséquences dans notre étude. Plus l’âge était élevé, plus le risque de conséquence était majoré. Dans la littérature ce résultat diverge. Concernant le domaine psychiatrique la littérature va à l’encontre de notre résultat avec des conséquences post-traumatiques (SSPT, trouble de la personnalité) plus fréquentes lorsque le traumatisme a lieu dans le jeune âge [24]. Concernant les conséquences physiques aucune étude à notre connaissance n’a mis en évidence de lien avec l’âge. Certaines études associent un âge élevé à une morbi-mortalité plus fréquente suite à un traumatisme. Nos résultats pourraient s’expliquer par le fait que le pronostic de la plaie est étroitement lié à celui d’éventuelles comorbidités, avec un processus de cicatrisation affecté par le vieillissement cutané et le terrain sous-jacent.
Le suivi par le MT était significativement prédictif de conséquences. Cette association peut s’interpréter de deux façons : le patient est plus revu en consultation car il a des conséquences nécessitant un suivi spécifique ou le suivi permet de déceler plus de conséquences. Quel que soit l’interprétation, ce résultat souligne à nouveau le rôle fondamental du MT dans le suivi de ces patients.
Récidives et taux de mortalité
Le taux global de mortalité de notre étude est de 2,4%. Dans la littérature les taux de mortalité rapportés sont de l’ordre de 5 à 10% [13,15]. Cependant, ces résultats correspondent à la mortalité immédiate post-traumatique hospitalière. Notre étude excluait systématiquement les patients décédés au cours de la prise en charge initiale, notre taux ne reflète donc que la mortalité secondaire. Si l’on prend en compte les décès lors de la prise en charge initiale, notre taux est de 5,8% (n=10 pour 171 cas). A notre connaissance une seule étude s’est intéressée à la mortalité à long terme et retrouve un taux de « décès tardif » de 17% [5]. Le taux de mortalité secondaire de notre étude est très probablement sous-estimé par le recueil hospitalier monocentrique du suivi, les prises en charge de récidives survenues dans d’autres établissements n’étant pas évaluées. Le relativement faible taux de recueil du suivi post-hospitalier par le MT ne permettait pas de corriger ce manque de données. De plus sur les 4 décès seul un cas était connu de l’HIA LAVERAN, ainsi avec un suivi par le MT plus important nous pourrions certainement recenser plus de décès jusqu’à présent non connus. La majorité des décès secondaires était due à des récidives de traumatismes par autolyse ou agression.
En dehors des décès, le taux global de récidive était de 10,3%. Cette donnée est très peu rapportée dans la littérature, cependant ce résultat doit être pris là encore avec précaution compte tenu d’une probable sous-estimation par notre méthodologie de recueil.
Limites de l’étude
Notre méthode d’inclusion rétrospective de patients via une interrogation du logiciel de l’hôpital sur les codes de cotation médicale ne garantissait pas un recrutement exhaustif de toutes les plaies par arme blanche ou arme à feu. L’analyse des données post-hospitalières de manière prospective via un questionnaire téléphonique, nous exposait à un biais de mémoire et d’information, cependant cet appel nous a permis de préciser et compléter les données du suivi intra-hospitalier. Nos résultats doivent être interprétés avec précaution en tenant compte du biais de recrutement et du biais de confusion par le caractère monocentrique de l’étude. Un travail de thèse de médecine d’urgence multicentrique sur Marseille pourrait rétablir ce biais, afin de ne pas sous-évaluer nos résultats.
Perspectives
Etude à plus grande échelle
En France que ce soit dans le domaine civil ou militaire, il n’existe pas de registre national spécifique des traumatismes ouverts. Depuis 2012, 16 centres hospitaliers français s’attardent à recenser les traumatismes dans un base de données « traumabase.eu ». Plus de 18000 admissions pour traumatisme grave y sont recensées, de la prise en charge hospitalière jusqu’à la sortie de réanimation [29]. Une méthode d’identification informatique, prospective en pré-hospitalier a été mise en place sur la région marseillaise depuis janvier 2019. Ce projet offrira une épidémiologie plus précise des traumatismes ouverts sur Marseille.
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Table des matières
Introduction
I. Matériel et méthode
I.1 Population étudiée
I.2. Données intra-hospitalières
I.3. Données post-hospitalières
I.4. Analyse statistique
II. Résultats
II.1. Caractéristiques épidémiologiques
II.2 Prise en charge et suivi hospitalier
II.3 Suivi post hospitalier
II.3.a Suivi par le médecin traitant
II.3.b Conséquences tardives
II.4 Analyse des facteurs prédictifs de conséquences
III. Discussion
III.1. Interprétation des résultats
III.1.a Caractéristiques épidémiologiques des patients et des lésions
III.1.b ISS
III.1.c Conséquences
III.1.d Suivi
III.1.e Facteurs prédictifs
III.1.f Récidives et taux de mortalité
III.2 Limites de l’étude
III.3 Perspectives
III.3.a Etude à plus grande échelle
III.3.b Optimisation de la PEC intra-hospitalière
III.3.c Renforcer le lien avec le MT
Conclusion
Figures et Tableaux
Références bibliographiques
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