Caractéristiques du Paléolithique supérieur dans le Zagros

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Caractéristiques du Paléolithique supérieur dans le Zagros

Le techno-complexe aurignacien a été identifié il y a plus d’un siècle en Eurasie. L’Aurignacien est interprété comme la trace culturelle de l’arrivée des hommes modernes en Europe et marque la fin des complexes culturels des Néandertaliens. Il se compose généralement d’éléments caractéristiques tels que : grattoir caréné, burin, produit lamellaire et laminaire, lamelle retouchée, nucléus caréné et prismatique, point et l’industrie osseuse (Bar-Yosef, Zilhao, 2006 : 7). Certaines de ces composantes se retrouvent hors de l’Europe de l’Ouest : Europe centrale et de l’Est, Proche-Orient etc. mais des variations, dans le temps et dans l’espace, existent.
Le Paléolithique supérieur ancien du Zagros a été nommé Baradostien par R. Soleki (1954), à partir de l’industrie du niveau C de Shanidar. Cette culture a été reconnue aussi en Iran par F. Hole et K. V. Flannery sur les sites de Warwasi, Gar Arjeneh, Pa Sangar et Yafteh dans la région de Khoram Abad (Hole et Flannery, 1967).
Concernant l’origine du Baradostien, l’hypothèse dominante est qu’il soit issu du Paléolithique moyen local. L’abri sous-roche de Warwasi a livré une riche séquence contenant des industries du Paléolithique moyen et du Paléolithique supérieur, récoltées selon des décapages horizontaux arbitraires de 10 centimètres d’épaisseur (Olszewski et Dibble 1994). Cependant, il y a des doutes à propos de l’origine du Baradostien à Warwasi considérant que des mélanges entre couches, d’origine naturelle ou causés par la méthode de fouilles (Olszewski et Dibble 1994).
Aujourd’hui certains chercheurs, comme H. Dibble et D. I. Olszewski, proposent que le Baradostien partage de nombreuses caractéristiques avec l’Aurignacien (Olszewski et Dibble, 1994) et proposent la dénomination d’Aurignacien du Zagros (Otte et Kozlowski, 2004).
Concernant le paléolithique supérieur en Iran, la seule culture connue depuis quelques années était Baradostien à Zagros. Mais aujourd’hui d’après le travail de Conard et Ghasidian à Dasht-e Rostam notamment à Ghar-e Boof, ils ont identifié une nouvelle industrie lithique nommée Rostamien. Ainsi à partir de cette dernière recherche il y a deux cultures du Paléolithique supérieur en Iran : Aurignacien du Zagros (anciennement Baradostien) et Rostamien (Conard et Ghasidian, 2011). Parmi tous les sites de paléolithique supérieur à Zagros, la seul connue qui a fait l’objet d’une véritable analyse technologique est Yafteh (Bordes, Shidrang, 2009, 2012). Enfin, certains pensent qu’il y a plusieurs complexes du Paléolithique supérieur en Iran et notamment au Zagros (Conard et Ghasidian, 2011).
Les caractéristiques de l’Aurignacien du Zagros sont une dominance des produis lamellaires (rectilignes, torses), une présence importante des grattoirs (caréné et busqué) et des burins carénés, coches / denticulés, les lamelles retouchées sont très fréquentes, en particulier les lamelles Dufour (avec la retouche inverse) et les pointes d’Arjeneh (pointe lamellaire avec une section rectangulaire et retouche écailleuse) (Ghasidian et al., 2009).
Enfin, on peut dire que les variations et les évolutions à l’intérieur des séquences, comme à Yafteh, ne sont pas négligeables et qu’il est difficile de se faire une idée précise des productions sans analyse technologique précise. Et que la réalité de l’unité de l’Aurignacien du Zagros peut être discutée (Borde et Shidrang, 2009).

Recherches sur le Paléolithique de l’Alborz

En 1950, J. De Morgan a travaillé au sud de la mer Caspienne et a publié un premier rapport sur le Paléolithique en Iran et surtout le nord de l’Iran (Morgan, 1907). Dans l’Alborz, les travaux de C. S. Coon de l’Université de Pennsylvanie, au sud de mer Caspienne en 1949 permettent la découverte des sites en grotte de Kamarband (Belt) et Hotu. Kamarband livre une séquence allant de l’Epipaléolithique à l’âge du bronze et du fer. 581 artéfacts lithiques ont été trouvé, y compris des grattoirs, lamelles à doc, des pointes, microlithes et des encoches (Coon, 1951, 1952: 71). La grotte de Hotu livre des vestiges qui vont de l’Epipaléolithique jusqu’à l’âge du bronze (Dupree, 1952). Ces travaux, même s’ils ne livrent pas de vestiges du Paléolithique, permettent de poser la question de l’origine paléolithique de ces hommes et de leurs cultures.
Parallèlement à son travail avec F. Hole et K. V. Flannery dans le Lorestan, en 1963, C. Mac Burney de l’Université de Cambridge, dans but de proposer une chronologie régionale du Paléolithique supérieur, a commencé à prospecter au nord-est de l’Iran et découvre deux sites en grotte : Key-Aram dans la région Gorgān attribué au Paléolithique moyen et Ali-Tapeh 1 dans la région de Behchahr, daté de 12510±380BP. Enfin, sur la base de leur typologie et de leur chronologie radiocarbone, il rattache ces assemblages au Caspien qui correspond à l’Epipaléolithique à l’est de l’Iraq (McBurney 1968).
Dans les années 1990, la seule recherche paléolithique menée dans l’Alborz est conduite sur le site Ghalé Asgar, au sud de l’Alborz près de Demāvend sous la direction de Amirloo. D’après la typologie des artéfacts lithiques, l’occupation serait du Paléolithique supérieur et de l’Epipaléolithique (Amirloo, 1990).
Les recherches ont reprises en 1999, par F. Biglari et Abdi. Ils ont découvert la halte de chasse de Khal-Vasht, qui se situe à 65 km au sud-est de la région de Racht, attribué au Paléolithique supérieur et à l’Epipaléolithique (Biglari, 2003).
En 2002, le site de plein air de Ganj Par a été découvert par un groupe japonais-iranien et livre un assemblage attribué au Paléolithique inférieur, avec de l’industrie acheuléenne sur la base de pièces bifaciales. Ils proposent que le littoral de la mer Caspienne était un couloir de migration des hommes de culture acheuléenne (Biglari et al., 2004).
En 2006, les grottes Darband (A-B) dans la région Racht, sont découvertes par les archéologues du musée national de l’Iran. La grotte Darband A est la seule grotte en Iran livrant une séquence depuis le Paléolithique inférieur jusqu’à Paléolithique supérieur. Les dates les plus récentes nous montrent que cette grotte a été occupée jusqu’à 27 500 ans (Biglari et al., 2004).
La même année en été, un groupe russo-iranien, avec la problématique d’identifier les traces du Paléolithique en Alborz, répertorie 42 sites de surface. Ils ont livré peu de vestiges lithiques et aucun cadre chronologique n’a été défini ; aucun rapport précis n’a à ce jour été publié (in Vahdati Nasab, 2008 en persan).
En 2005 le Programme paléoanthropologique franco-iranien (FIPP) a commencé ses prospections en Alborz central, dans la région de Āmol et Damavand. Ils ont trouvé deux sites de plein air : Otchounak et Moghanak, près de Damavand, qui correspondent à des localités de surface et présentent des affinités avec le Paléolithique moyen, et le site de plein air de Garm Roud 2 près de Āmol. Ce dernier est daté d’environ 33000 BP et attribué au Paléolithique supérieur (Berillon et al., 2007b ; Chevrier et al., 2006). Il s’agit de la première preuve en contexte chronostratigraphique de la présence de Paléolithique supérieur dans cette région, dans lequel les vestiges épipaléolithiques pourraient trouver leur racine.
La grotte de Komichan, présentée par Saraf en 1989, se situe près de la mer Caspienne et au nord-est de l’Alborz. Elle a été fouillée en 2009 par H. Vahdati Nasab et collaborateurs. Dans ce site il y a 13 couches stratigraphiques ; la datation absolue et la typologie des artéfacts permet de proposer une séquence de l’Epipaléolithique jusqu’à l’Age du fer avec la date 13000 BP cal (Vahdati Nasab et al., 2011).
Ces dernières années, quelques sites au sud de l’Alborz ont été trouvés. En 2007-2008 dans la région Bouin Zahra le site de Ghazvin a livré des artéfacts lithiques qui sont rapportés au Paléolithique moyen et supérieur (Vahdati Nasab et al., 2009). Deux autres sites très importants au sud de l’Alborz : Mirak et Delazian ont été découverts. Le premier est un site du Paléolithique moyen avec du débitage Levallois et se situe au sud de la région de Semnān. La surface de ce site est de 1.6 km² avec 7 buttes distantes de plusieurs centaines de mètres ; les assemblages lithiques sont homogènes (Rezvani, 1990 ; Rezvani et al. 2009, Vahdati Nasab, 2011, Vahdati Nasab, 2012). Le deuxième a été découvert en 2007 par H. Vahdati Nasab et d’après les vestiges, les vestiges correspondent au Paléolithique supérieur jusqu’aux périodes historiques.

Caractéristiques du Paléolithique supérieur en Alborz

Le seul site Paléolithique supérieur dans un contexte stratigraphie connu en Alborz est le site de Garm Roud 2. La plus proche de site de paléolithique supérieur est le site de plain air et en surface, de Sefid-Ab (300 km au sud de la mer caspien). Les seules données précises disponibles proviennent donc de Garm Roud 2 (Voir Chapitre 2). Bien que les productions de Garm Roud 2 soient essentiellement lamellaires, il existe des différences de composition avec l’Aurignacien du Zagros. Néanmoins, la comparaison avec les sites de paléolithique supérieur en Iran est difficile, car les contextes sont différents et on n’a pas d’analyse précise des assemblages de point de vue technologique qui permettrait de comprendre les chaines opératoires, sauf le site de Yafteh.

SITES DU PALEOLITHIQUE SUPERIEUR DANS LES REGIONS VOISINES

Beaucoup des sites du Paléolithique supérieur dont les assemblages ont été attribués à l’Aurignacien ont été découvert en Asie Centrale, dans le Zagros-Caucase et le Levant. Nous présentons ici quelques sites importants qui permettent de donner un aperçu de ces cultures dans la région.
Karain (Turquie)
Les complexes des grottes Karain se situe sur le flanc du Taurus, ouverts vers la plaine au nord d’Antalya. La première étude a été faite en 1953 par I.K. Kokten, puis reprise en 1989 par une équipe turco-belge travaillant sur tout le massif. La stratigraphie de ce site montre une continuité du Paléolithique moyen jusqu’à l’Age du bronze ancien. Les niveaux du Paléolithique supérieur sont datés entre 31280 et 28100 BP. L’assemblage lithique se compose notamment de grattoirs carénés et à museau, de denticulés, de burins carénés, de lamelles retouchées, de lamelle de type Dufour et quelques types de nucléus à lamelles (Yalcinkaya et Otte, 2000). Le Paléolithique supérieur de ce site est proche de l’Aurignacien européen mais possède aussi les caractéristiques communes avec les industries du Taurus, du Zagros et du Caucase (Özçelik, 2011).
Üçagizli (Turquie)
La grotte de Üçagizli, se situe à l’Est dans la région méditerranéen. Il a été découvert en 1988 lors d’une recherche sur le Paléolithique et le Quaternaire de la Méditerranée orientale. L’assemblage lithique se compose de formes du Paléolithique supérieur, comme les grattoirs, les burins et les lames retouchées. Cette séquence est datée entre 28000- 33000 BP (Özçelik, 2011).
Ortvale Klde
L’abri sous-roche d’Ortvale Klde, se situe au sud du Caucase et à l’ouest de Géorgie, près de la ville Chiatura (Tushabramishvili et al, 1999) Il a livré deux couches du Paléolithique supérieur et sept couches du Paléolithique moyen, avec des restes de dents de Neandertal. La fouille récente a été faite par un groupe géorgien-américain entre 1997 et 2001. La date de ce site (par radiocarbone AMS) indique une occupation depuis le Paléolithique moyen vers 44-35000 ans jusqu’au Paléolithique supérieur vers 32-21000 ans. L’assemblage lithique du Paléolithique supérieur de ce site comprend des lamelles à dos, des lames/lamelles retouchées, et des grattoirs. La présence de nucléus et de petits éclats permet de proposer un débitage sur place dans ce site (Moncel et al, 2013).
Dzudzuana
La grotte de Dzudzuana, se situe au sud du Caucase et à l’ouest de Géorgie et a été découverte à la fin du 19e siècle. La fouille récente a été menée par un group géorgien-américain en 1996. La datation radiocarbone atteste d’une occupation depuis 34500-32200 cal.BP ; la séquence livre une période de transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. L’assemblage lithique comprend des grattoirs, des burins, des petites lames, des lamelles retouchéeset des nucléus carénés ; il est riche en industrie osseuse aussi.
Ksar Akil
L’abri de Ksar Akil se situe à 10 km au nord-ouest de Bierut (Day, 1926) Les premières fouilles datent de 1922 ; la plus importante a été réalisée en 1969 et dirigée par J. Tixier. Les datations radiocarbone AMS donnent un âge entre 29/30000 à 26/27000 cal BP. Ce site est devenu un site typique du Paléolithique supérieur du Levant pour les assemblages lithiques. Il témoigne également d’une transition du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur. La typologie des artefacts lithiques montre la présence de burins, de grattoirs carénés, de lames/lamelles retouchées et une grande proportion de lames/lamelles torses (Bergman, 1988).
Kebara
Cette grotte se situe à l’ouest du Mont Carmel et 40 km au sud de Haifa. La première fouille dans ce site a été faite en 1931 par Turville-Petre et Baynes et ils identifièrent des couches livrant des vestiges du Moustérien, de l’Aurignacien et du Natoufien (Turville-Petre, 1932) En 1951-1962, M. Stekelis a fouillé les couches paléolithiques moyen et supérieur livrant les restes d’un enfant. La dernière fouille a été dirigée par O. Bar-Yosef ; la datation des couches 24-14 donne un âge d’environ 43-36000 BP. Les couches archéologiques de ce site sont riches en restes fauniques et lithiques. Notamment l’assemblage aurignacien comprend des grattoirs, des burins (en petit quantité), des lames et lamelles retouchées bien représentées, des coches et des denticulés (Ziffer, 1978 ; Bar-Yosef, 1996).
Umm el Tlel
Le site de plein air d’Umm el Tlel est situé en Syrie centrale. La séquence va du Paléolithique inférieur au Paléolithique supérieur et à l’Epipaléolithique. Ce site a été découvert en 1978, a été fouillé en 1987 et 1989 par M. Molist et M.-C. Cauvin (Cauvin, 1981) Depuis 1991, la fouille de ce site de plein air a été conduite par E. Boëda et S. Muhesen (Boëda et Muhesen, 1993).. La séquence paléolithique supérieur d’Umm el Tlel montre trois technocomplexes différents : Ahmarien, Aurignacien du Levant et Paléolithique supérieur récent, avec donc différents types de production lamellaire. L’Ahmarien se caractérise par la production de lamelles rectilignes et retouchées. L’Aurignacien du Levant est dominé par les lamelles torses. Les occupations aurignaciennes et ahmariennes, interstratifiées, dateraient de 30 000 à 32 000 ans BP environ (Soriano et Ploux, 2003).
En Asie central
Plusieurs sites de plein air importants ont été découverts ; Shungnu à l’est Tadjikistan et Samarkand qui se situe dans la ville de Samarkand à Ouzbékistan. Mais de manière générale, la connaissance du paléolithique supérieur dans cette région reste limitée et le contexte chronologique imprécis. Les assemblages lithiques comprennent des grattoirs carénés, pièces à dos, pointes, coches/denticulés et des lamelles retouchées (Davis et Ranov, 1999). Quelques sites en Afghânistân ont livré des assemblages qui ressemblent aux assemblages de l’Asie centrale. On peut nommer le site Kara Kamar au nord d’Afghânistân qui se caracterise par la technologie de lame et est dominé par les grattoirs carénés et les lames/lamelles retouchées (Vishnyatsky, 1999).

EN RESUME

Un nombre important de sites trouvés en Iran sont attribués au Paléolithique supérieur. En comparaison des sites des régions voisines, peu de ces sites sont en contexte chronostratigraphique, et ont fait l’objet de fouilles ce qui limite les comparaisons. Certains sites voisins sont datés précisément ; par exemple le site Umm el Tlel a une stratigraphie très précise avec une études techno-typologique des assemblages lithiques. S’agissant des sites iraniens, il y a peu d’études précis sur la technologie des artéfacts ce qui ne permet pas d’avoir une vue dynamique sur la chaine opératoire(seuf la grotte Yafteh).
Enfin seulement trois sites iraniens attribués au Paléolithique supérieur ont fait l’objet de datations absolues : Yafteh (21500±800 BP, 38220±724 cal BP), Garm Roud 2 (33878±3300 cal BP) et la Ghar-e Boof (41000-35000 calBP).
De manière générale, ces sites sont rattachés à l’Aurignacien avec quelque différences plutôt locales : Bardostien et Rostamian en Iran et Aurignacien et Ahmarien au Levant.
Il y a donc un grand intérêt à poursuivre les recherches sur les assemblages disponibles et dont le contexte chronostratigraphique est fiable afin de comprendre les caractéristiques du Paléolithique supérieur dans cette immense région.

Historique et présentation du site

Garm Roud 2 constitue un site Paléolithique supérieur de plein air, correspond à une halte de chasse de courte durée, en contexte stratigraphique daté de 33000 ans BP environ ; il est à ce jour le seul connu de cette époque dans l’Alborz Central. Le Programme Paléoanthropologique Franco-Iranien (FIPP) qui a découvert le site, y a fouillé de 2006 à 2008, pendant 3 saisons. La surface totale fouillée s’élève à 18m² et est préférentiellement orientée selon un axe Sud-Nord. La fouille a été menée en 2006, dans une surface de 4m², sur les carrés F6, H6, G6, G7, en 2007 sur les carrés F4, F5, F7, G4, G5, H4, H5, H7 et en 2008 sur les carrés F8, F9, H8, H9, G8, G9, E9 et D10.
Les résultats des études menées à Garm Roud ont fait l’objet de plusieurs publications spécialisées (Antoine et al., 2006 ; Chevrier et al., 2006 ; Berillon et al., 2007 et Abolfathi et al., 2015) et d’un ouvrage de synthèse (Berillon et al., sous presse) (Fig. 2.1). Nous donnons ici un bref aperçu de ces résultats. La fouille du dépôt archéologique unique a livré de nombreux restes de grands mammifères, de petites faunes et un riche assemblage lithique témoignant de la présence humaine au paléolithique dans cette région et l’occupation humaine du site à l’occasion d’une période tempérée dans un environnement local vraisemblablement boisé.
Le dépôt archéologique unique est compris dans la séquence de Baliran ; il s’agit d’une formation quaternaire située dans la vallée Garm Roud et à 15km au sud-est de la ville d’Amol et à 20 km environ au sud du rivage de la mer Caspienne (Fig. 2.2).

Eléments stratigraphiques et chronologiques

L’étude d’un profil continu de plus de 15 m d’épaisseur a fourni une vision précise de la stratigraphie du gisement. Sur la base des données stratigraphiques il est possible de distinguer trois grandes séquences (Fig. 3):
1 – une Séquence alluviale (unités 15 à 5), débutant par la mise en place de graviers grossiers, puis de limons de débordement entrecoupés de petits sols organiques de fond de vallée. Le dépôt archéologique se trouve dans l’unité 8.
2 – une Séquence de sols (unités 4 à 2), développés aux dépens de la partie supérieure de la séquence alluviale sous-jacente.
3 – une Séquence de tufs calcaires (unité 1), à stratifications subhorizontales (Fig. 2.3)
Trois méthodes de datation ont été mises en œuvre parallèlement : le Radiocarbone (C-14), la méthode Uranium/Thorium (U/Th), et la Luminescence Stimulée Optiquement (OSL). La datation C14 du niveau archéologique donne un âge de 33878±3300 Cal BP (Antoine et al., sous presse). Les autres datations permettent de proposer que la séquence s’étend de plus de 33000 ans à la base à près de 10000 ans au sommet.

L’assemblage lithique

La fouille a livré une très grande quantité de matériel lithique : 11021 artefacts lithiques dont 2516 ont été coordonnés (Tabl. 2.1). Les artefacts non coordonnés récupérés au cours du lavage et du tamisage des sédiments sont cependant localisés par unité volumétrique. Les campagnes de fouille des années 2006 et 2007 ont livré l’essentiel du matériel avec un total de 2437 artefacts coordonnés et 8244 non coordonnés. Ce matériel lithique permet d’aborder les chaînes opératoires de production d’outils et de mettre en évidence l’absence de certains de leurs maillons. La fraîcheur du matériel est évidente avec des bords en très bon état. La patine est absente ou très légère indiquant un recouvrement relativement rapide par les sédiments. La dispersion stratigraphique du matériel est très faible et la couche reste très bien localisée. La première étude menée par B. Chevrier a montré qu’il y a une représentation plus importante de produit lamellaire sur le site. En outre l’assemblage lithique de Garm Roud 2 indique une diversité marquée de structures de taille. L’assemblage lithique comprend : lamelles rectilignes, lamelles torses, lames, éclats et nucléus (Chevrier sous presse in Berillon et al., sous presse).

Les vestiges de faune trouvés dans le site

– Les grands mammifères
Deux espèces ont été identifiées : le cerf élaphe (Cervus elaphus) et l’aurochs (Bos primigenius) (Auguste, sous presse). Ces deux animaux sont identiques aux formes européennes et témoignent de la présence des Hommes durant une phase tempérée dans un environnement composé de prairies et de forêts. C’est le cerf qui domine l’assemblage, mais seuls deux individus ont été dénombrés, un adulte et un faon (Fig. 2.5). L’aurochs n’est représenté que par un adulte. Il y a aussi des indices d’activité anthropique sur plusieurs ossements. Il s’agit des cassures hélicoïdales obtenues sur os longs frais pour extraire la moelle osseuse et la présence de stries de découpe laissées par des outils lithiques, témoignant de la récupération de la viande. Enfin, de très nombreux ossements portent la marque d’un passage à la flamme, indiquant la présence d’un foyer.
– Les vestiges de petits mammifères
Des vestiges de petits mammifères sont présents dans le niveau archéologique et dans certains horizons de la séquence sédimentaire. 520 fragments de dents d’Arvicolidés ont pu être collectés. Des os de hérisson de forte taille ont également été coordonnés ou collectés dans les sédiments tamisés (Fig. 2.6).
– Les vestiges de crustacés
Les fouilles du site de Garm Roud 2 ont livré 49 restes fragmentaires de crustacés brachyoures. A l’exception d’une griffe trouvée dans une crevasse, ces restes de crustacés sont clairement fossilisés. C’est la première fois que des crustacés sont rapportés sur un site archéologique de l’Alborz Central. Compte tenu de la fossilisation et de la distribution des fragments de crabes dans la séquence Baliran, il est raisonnable de conclure que ces crabes étaient contemporains ou sub-contemporains avec les humains paléolithiques (Fig. 2.7)

Classement typologique de l’assemblage de Garm Roud 2:

Les Nucléus

Les nucléus sont des éléments clés, des témoins des derniers gestes du tailleur suite à un enchaînement plus ou moins long d’étapes allant de la sélection à l’abandon. Le nucléus traduit à la fois la matière première choisie et la façon dont il a été exploité, mis en forme pour atteindre les produits du débitage recherches. La morphologie générale du nucléus se lit en volume autant qu’en surface(s) et peut revêtir plusieurs aspects : pyramidal, en coin, polyédrique, quadrangulaire etc.
Le Nucléus est un élément central de notre étude techno-typologique pour comprendre les modalités de production laminaire mises en œuvre, il « nous indique le dernier processus de débitage avant l’abandonner dans milieu » (Andrefsky, 1998: 145-158 ; Brézillon, 1977: 87).
La morphologie des nucléus rencontrés peut se regrouper en deux grandes familles :
1) prismatique,
2) et quadrangulaire.
D’un point de vue technologique il y aurait deux types de nucléus :
1) nucléus à enlèvements de direction unipolaire,
2) nucléus à enlèvements de direction bipolaire.
A cette distinction des directions des négatifs d’enlèvements vient d’ajouter l’observation de leur nombre qui va nous informer sur l’avancée du débitage ainsi que l’état d’abandon (nucléus très exploite a peu exploité). En ce sens, nous avons trouvé pertinent de comptabiliser le nombre de négatifs d’enlèvements lisibles sur les surfaces débitées selon trois catégories :
– 1 à 2 enlèvements,
– 2 à 4 enlèvements,
– 5 enlèvements et plus.

Les éclats

Les éclats sont des produits de débitage voulus mais peut-être moins recherchés que les lamelles qui restent, vu leur nombre, l’objectif à atteindre dans ce choix de débitage. Toutefois, les éclats ont été observés attentivement car ils sont des éléments importants de la chaîne opératoire et sont des supports d’outil(s) recherchés : « Les éclats proviennent des enlèvements sur tout bloc de matière première et ils ont en commun nombre de caractères déterminés par la propagation des ondes de fracture dans les roches dures. Les descriptions qui suivent concernent les seules roches à cassure conchoïdale, car ce sont elles, essentiellement, qui ont été taillées » (Inizan et al., 1995: 34).
Comme nous venons de le préciser supra, dans ce site la production d’éclat n’est pas l’objectif premier (la lamelle) et a été fait de manière assez simple, qui nous permet aussi de provenir des phases de préparation ou d’entretien des chaînes opératoires lamino-lamellaires.
Les éclats ont été classés dans deux catégories : éclat et éclat lamellaire (plus ou moins allongé).

Les lamelles

La lamelle est le support voulu et recherché par les tailleurs de Garm Roud 2 et elle est associée très étroitement avec la mise en forme des nucléus rencontrés selon une logique morpho- structurale. « Le débitage laminaire est un débitage organisé, préconçu, afin d’obtenir des produits en série – les lames ou les lamelles – sur un même nucléus. Les lames et les lamelles sont des éclats dont la longueur égale ou dépasse le double de la largeur selon une convention largement adoptée. Elles sont normalisées grâce à des nervures, sinon parallèles, tout au moins de directions point trop irrégulières » (Inizan et al., 1995: 73). C’est pour cela que la lamelle est un élément très important à la fois pour l’approche typologique (reconnaissance et description de l’outil) et pour l’approche technologique qui renseigne sur les objectifs et les options techniques propres à la chaîne opératoire.
L’étude métrique a été faite sur chaque lamelle en tenant compte de la longueur, de la largeur et de l’épaisseur. Par comparaison avec les lames et leur typologie nous les avons classées dans différents groupes de mesure :
4. 2 à 4mm,
5. 4 à 6mm,
6. 6 à 8mm,
7. 8 à 10mm,
8. 10 à 12mm
9. et 12 à 14mm.
En tenant compte à la fois de critères morphologiques et technologiques, nous avons classés ces produits de débitage en 4 grands techno-types :
-Techno-type A : lamelle rectiligne
Il s’agit d’une lamelle qui a une forme bien rectiligne lorsqu’on observe son profil droit et gauche mais aussi le caractère rectiligne et parallèle de ses négatifs d’enlèvements observés depuis la vue supérieure.
-Techno-type B : lamelle torse
La lamelle torse est un produit de petite dimension, très particulier et recherché par les tailleurs : « Certaines lamelles ne sont pas rectilignes et présentent une déviation de leur extrémité distale par rapport à l’axe technologique de la pièce. Cette déviation peut, selon les cas, se situer vers la droite ou vers la gauche. Les deux extrémités de la lamelle (proximale et distal) se rapprochent l’une de l’autre entraînant la formation d’une concavité de la face inférieure de la lamelle » (Laurent, 2003). Les lamelles torses de Garm Roud 2 sont conforment à la définition citée plus haut dans le texte (Laurent 2003) et rappellent les formes classiques c’est-à-dire, celles connues dans le Paléolithique supérieur européen.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
CHAPITRE I HISTOIRE DES RECHERCHES PALEOLITHIQUES EN IRAN ET LES ENVIRONS
1.1. BREF HISTORIQUE DES RECHERCHES EN IRAN
1.1.1. Recherches paléolithiques dans le Zagros
1.1.2. Caractéristiques du Paléolithique supérieur dans le Zagros
1.1.3. Recherches sur le Paléolithique de l’Alborz
1.2. SITES DU PALEOLITHIQUE SUPERIEUR DANS LES REGIONS VOISINES
1.3. EN RESUME
CHAPITRE II LE SITE DE GARM ROUD 2, RAPPELS
2.1. Historique et présentation du site
2.2. Eléments stratigraphiques et chronologiques
2.3. L’assemblage archéologique
2.3.1. La répartition du matériel archéologique
2.3.2.. L’assemblage lithique
2.3.3. Les vestiges de faune trouvés dans le site
CHAPITRE III MATERIEL ET METHODES
3.1. Matériel
3.1.1. Classement typologique de l’assemblage de Garm Roud 2:
3.2. Méthodologie
CHAPITRE IV RESULTATS
4.1. Présentation de l’assemblage
4.2. Acquisition de matière première
4.3. Technique de débitage
4.4. Chaînes opératoires
CHAPITRE V DISCUSSION ET CONCLUSION
Bibliographie

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