Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
LA METHYLATION
La transformation chimique la plus importante et la plus préoccupante du point de vue écotoxicologique est la méthylation du mercure qui s’effectue uniquement à partir de Hg2+.
C’est un processus principalement biologique bien que la production abiotique puisse se produire dans les eaux naturelles. La littérature est unanime pour accorder un rôle prépondérant aux bactéries particulièrement aux bactéries sulfato-réductrices (BSR) ou ferri-réductrices (BFR). Ces dernières sont localisées dans les zones dépourvues d’oxygène au sein des sédiments et dans les colonnes d’eau lorsque les conditions hydrodynamiques et géochimiques conduisent à l’anoxie [13].
Les bactéries méthylantes utilisent la méthylcobalamine (CH3CoB12), molécule naturellement présente dans l’environnement aquatique. CH3CoB12 + H2O + Hg2+ CH3Hg2+ + H2OCoB12
La méthylation a lieu soit au sein de la bactérie par transfert du groupement CH3 depuis une molécule donneuse de méthylcorrinoïde, soit par un processus extracellulaire qui est accentué par l’activité d’exoenzymes bactériennes [11].
Déterminants de la méthylation :
Plusieurs facteurs influencent la production microbienne de MeHg : le pH, la température, les conditions Rédox, la présence de sulfate et de matières organiques dissoutes qui ont une incidence sur la spéciation et la disponibilité des ions mercure ainsi que sur l’activité des bactéries méthylantes [5, 8].
La matière organique, comme l’acide fulvique, constitue un paramètre majeur dans la méthylation du mercure. Elle est la source de nutriments qui stimule les bactéries, devient le ligand complexant en l’absence de sulfure et augmente l’accessibilité de Hg2+ à ces mêmes bactéries. Elle est aussi un vecteur de diffusion du MeHg en augmentant sa solubilité. L’oxydation des sulfures par les Bactéries Sulfato-Oxydantes (BSO) ou par les matières abiotiques réduit l’accumulation des sulfures et stimule l’action méthylante des BSR en conditions suboxyques [5, 11].
Deux paramètres jouent un rôle crucial dans le processus de méthylation. Il s’agit de la teneur en oxygène et de la profondeur. C’est dans les couches profondes où les teneurs en oxygènes sont les plus basses que la méthylation sera optimale. Il est montré que c’est seulement à la profondeur de -5 m qu’on détecte la présence de MeHg dont la concentration augmente jusqu’à atteindre un maximum à la profondeur de -18 m [5, 13].
Par ailleurs, les biofilms qui ont colonisé la surface des troncs d’arbres émergés jouent un rôle important à l’égard de la production de MeHg, selon des études réalisées dans le site du Petit-Saut (Guyane) où plus d’un milliard de m2 serait aussi recouvert par ces biofilms riches en bactéries [13].
Méthylation abiotique et déméthylaton :
La méthylation chimique ou abiotique est aussi possible si des donneurs appropriés de groupement méthyle sont présents. C’est le cas des composés solubles de méthylsilicium, les organosiloxanes…
La réaction inverse à la méthylation, la déméthylation, est un processus important qui permet de réguler la charge mercurielle organique dans les sédiments et les eaux. Cette dégradation est assurée principalement par des bactéries et algues anaérobies pour la décomposition biotique et par un mécanisme photolytique pour la décomposition abiotique [5].
LA BIOACCUMULATION ET LA BIOMAGNEFICATION
L’impact du mercure sur le biotope est dû en grande partie à la bioamplification du métal, c’est-à-dire à sa capacité à se concentrer dans les organismes le long de la chaîne alimentaire. Deux processus doivent être retenus à ce niveau : la bioaccumulation et la biomagnéfication.
Le MeHg produit dans les colonnes d’eau ou dans les sédiments est rapidement assimilé par les petits poissons mais lentement éliminé favorisant ainsi sa concentration dans ces poissons : c’est la bioaccumulation [10]. Elle ne concerne que l’espèce vivante considéré qui voit sa concentration en métal se multiplier à partir d’un autre organisme biotique ou abiotique du fait de la rapidité d’absorption et de la lenteur d’élimination du mercure. Les mécanismes de l’accumulation et de l’élimination ne sont pas bien connus mais il semble dépendre des caractéristiques biologiques de chaque espèce de poissons ainsi que des propriétés des systèmes aquatiques. Cependant, il convient de retenir que le MeHg est absorbé et accumulé plus que les autres formes du métal. Il se fixe fortement dans le poisson grâce à des liaisons covalentes avec les groupements sulfhydriles des protéines, responsables de la longue demi-vie d’élimination estimée à près de 2 ans [5, 6].
La biomagnification, par contre, est une continuité de la bioaccumulation. Il fait intervenir plusieurs espèces et désigne l’accumulation progressive du métal en passant d’un niveau trophique à un autre. Elle débute par une espèce de la base de la chaîne qui a concentré au départ une certaine quantité de métal. Cette espèce va devenir la proie d’une autre espèce (Prédateur N°1) occasionnant ainsi une sommation du mercure préexistant dans la chaire du Prédateur N°1 à celui de sa proie. Un autre prédateur de niveau supérieur (Prédateur N°2) va se nourrir du Prédateur N°1 et ainsi de suite jusqu’à atteindre le sommet de la chaîne alimentaire qui donne des charges élevées en MeHg. La biomagnéfication est alors un processus naturel qui repose sur des transferts cumulatifs de MeHg entre proies et prédateurs. Ce transfert est liée à la forte capacité de passage au travers les barrières épithéliales et membranaires des organismes accumulateurs [13]. Les poissons qui se trouvent en haut de la chaîne comme les gros poissons vont avoir des concentrations élevées en MeHg. Les populations dont l’alimentation repose sur ce type de nourriture, comme les Inuits de l’Arctique, les Amérindiens et toutes les autres populations qui dépendent du poisson de mer et du poisson d’eau douce courent un risque plus important d’intoxication au MeHg [14]. Les schémas ci-dessous illustrent bien la bioamplification, ainsi que le cycle complet du métal.
EFFETS DU MERCURE CHEZ L’HOMME
Dans les années 70, une nouvelle ruée vers l’or a entraîné des millions de personnes vers les sites miniers [2]. Avec la pauvreté et le désespoir manifestes, ces hommes n’ont qu’un seul rêve en commun ; trouver ce métal précieux. Trouver de l’or devient le leitmotiv et la seule voie de sortie de ce cauchemar et de cette pauvreté récurrente. De l’or, les orpailleurs en trouvent et les mines sont loin d’être épuisées ; mais à quel prix ?
Dans ce chapitre, nous allons présenter les risques qui pourraient découler d’une exposition au mercure chez l’Homme. En fait, l’exposition survient par deux formes de contaminations dont l’une par inhalation et l’autre par ingestion. La première se produit lors du chauffage de l’amalgame entre l’or et le mercure et lors du raffinage de l’or où l’inhalation de vapeurs de mercure est très aisée surtout si aucune précaution (recyclage du mercure) n’est prise par les orpailleurs. La seconde forme fait suite à l’ingestion de poissons contaminés par le MeHg via l’alimentation et concerne la population générale [2].
Toutefois, il est nécessaire de préciser que l’impact du mercure sur la santé n’est pas simple à cerner car il est difficile d’analyser et de discriminer les symptômes relevant des maladies infectieuses et chroniques présentes dans les zones d’étude et les maladies relevant de chacune des deux formes d’intoxication au mercure.
Les études d’exposition chez l’homme sont articulées sur deux situations différentes. L’une sur une population typique d’orpailleurs supposés être exposés uniquement ou en grande partie aux vapeurs de mercure pour évaluer les risques encourus lors d’une exposition au mercure élémentaire et inorganique. L’autre sur des populations riveraines d’implantation récente et ancienne et situées dans les environs inégalement affectés par l’activité d’orpaillage afin de mesurer les risques d’une exposition au MeHg.
Les signes de toxicité vont différer selon la forme chimique du métal ; cependant, il est bien évident que chez de nombreuses populations étudiées comme celles d’Amazonie et des Philippines, les familles d’orpailleurs peuvent être exposées aux deux formes d’exposition. La clinique et les charges de mercure dans les milieux biologiques (sang, urines, cheveux…) sont conditionnées comme on vient de l’énumérer par les formes d’exposition, mais aussi par le chemin suivi par le toxique dans l’organisme. Il apparaît donc que la cinétique du mercure ou son devenir dans l’organisme constitue une étape importante pour la compréhension de ses effets et pour la mise en place de méthodes de biométrologie.
CINETIQUE ET BIOMETROLOGIE DU MERCURE
La cinétique
Mercure élémentaire et inorganique :
Le mercure élémentaire sous forme de vapeur est essentiellement absorbé par voie pulmonaire. Le taux d’absorption est compris entre 75 et 85%. L’absorption par voie orale est faible (15% pour le nitrate de mercure). Elle est encore plus faible par voie cutanée avec un taux de 2,6% [8].
Le Hg0 se distribue dans tout le corps et se concentre essentiellement au niveau du cerveau du fait de ses propriétés lipophiles. A raison du bref temps de transit entre les poumons et le cerveau, une partie de Hg0 absorbée parvient au cerveau et traverse la barrière hématoencéphalique qui lui est perméable. Au niveau cérébral, l’oxydation de Hg0 en Hg2+ se fait rapidement. Le Hg2+ est alors piégé dans le cerveau où il va s’accumuler si l’exposition se poursuit. L’oxydation, principale réaction de métabolisation du mercure, se fait au niveau des hématies par l’hydrogéne peroxydase, au niveau du cerveau, du foie, des poumons et probablement dans d’autres tissus. Le Hg2+ est également réduit en Hg0 dans le tissu des mammifères par la glutathion réductase.
Le Hg2+, moins lipophile, ne traverse pas la barrière hématoencéphalique et placentaire ; par contre, il est soluble dans de nombreux fluides corporels et se concentre essentiellement au niveau des reins (50 à 90% de la charge corporelle) fixé en grande partie aux métallothionéines. Il se concentre aussi dans le cerveau [8, 16].
L’excrétion du mercure inorganique et élémentaire se fait, quelque soit la voie d’absorption, par les urines et les fèces. Mais elle est majoritairement retrouvée dans les urines pour le Hg2+. Au Japon, il est retrouvé chez des travailleurs, des concentrations urinaires de mercure égales à 600µg/L qui présentent des troubles neurologiques 20 à 35 ans après l’exposition au vapeur de mercure. Ceci montre que la demi-vie d’élimination du mercure dans le cerveau est plus longue que dans les reins. Le mercure élémentaire et inorganique peuvent être également excrétés par l’air exhalé, par la salive et par la bile [6, 8].
Mercure organique :
L’absorption du mercure organique, plus importante que celle des deux autres formes, se fait essentiellement par voie orale par le biais de l’alimentation. Environ 95% d’une dose de nitrate de MeHg sont absorbés par voie orale [8]. L’absorption du MeHg est beaucoup plus efficace que celle du mercure inorganique. 70 à plus de 90% du mercure dans le poisson est sous forme de MeHg [6].
Le mercure organique est distribué dans tout le corps. Dans le sang, il est concentré presque complètement au niveau des érythrocytes (80 à 90%). Il passe aisément la barrière hématoencéphalique et se concentre dans le cerveau qui représente avec les reins les organes cibles critiques. La diffusion à travers le placenta est également très facile; le passage dans le lait est important [10, 16].
Dans les tissus, le MeHg subit une métabolisation qui le transforme en mercure inorganique, forme d’élimination, excrété principalement par les fèces. Moins d’un tiers du mercure organique inhalé ou ingéré est excrété dans les urines. Comme le MeHg est plus lentement métabolisé et éliminé que les composés inorganiques, le résultat global est une bioaccumulation nette dans l’organisme au fil du temps [6, 8].
La biométrologie
Mercure élémentaire et inorganique :
Le meilleur indicateur biologique de l’exposition à ces formes de mercure est la concentration urinaire du métal. Elle est inférieure à 5µg/g de créatinine dans la population générale et la valeur limite pour les travailleurs exposés est de 50µg/g de créatinine. Le mercure plasmatique est aussi un indicateur, mais il n’y pas de valeurs limites et il n’est utilisable que si les sujets ne consomment pas de poissons plusieurs fois par semaine car il est très dépendant du MeHg. La mercuriémie de la population générale est inférieure à 5µg/L et la valeur limite pour les travailleurs exposés est de 15µg/L. les urines et le sang constituent un bon indicateur aussi pour une exposition aigüe et professionnelle [12, 16].
Mercure organique :
Les meilleurs indicateurs de l’exposition au MeHg sont les concentrations sanguine et capillaire du métal. Dans la population générale, elles sont bien corrélées à la consommation de poisson. Les premiers effets neurotoxiques décelés chez l’adulte surviendraient quand elles dépassent respectivement 200µg/L (sang) et 50µg/g (cheveux). Chez les personnes exposées au MeHg, il est recommandé de maintenir la mercuriémie en dessous de 100µg/L. Le mercure dans les cheveux constitue un bon indicateur biologique lors d’une exposition chronique [16].
EFFETS LIES A L’EXPOSITION AUX VAPEURS DE MERCURE
L’exposition aux vapeurs de mercure concerne essentiellement les orpailleurs, les raffineurs et les populations vivant à proximité des zones d’orpaillage. L’inhalation de ces vapeurs constitue la plus importante voie de contamination pour ces professionnels. C’est une intoxication qui est surtout professionnelle.
L’effet ultime du mercure et de ces composés est l’inhibition de l’action de certaines enzymes et l’altération de la barrière hématoencéphalique qui auront des répercussions sur le métabolisme du système nerveux [6]. Les reins sont les organes atteints pour des durées d’exposition moyenne à des niveaux élevés, alors que le cerveau est le principal récepteur dans une exposition à long terme à des niveaux modérés. Une exposition de courte durée à des niveaux élevés peut entraîner des symptômes cliniques qui concernent essentiellement les voies respiratoires [6, 13].
L’intoxication aiguë par l’inhalation de vapeur est initialement bien tolérée. Ce n’est que quelques heures plus tard qu’apparaissent une asthénie, une hyperthermie, des troubles respiratoires à titre de toux, dyspnée, traduisant une irritation intense des voies respiratoires. Ces accidents graves évoluent rapidement vers une alvéolite hémorragique qui peut être responsable d’un décès précoce. Dans tous les cas, la mort est attribuée à une asphyxie. Les signes d’intoxication systémique à savoir atteinte tubulaire, rénale, stomatite sont toujours discrets ou absents. A terme, chez les survivants, une fibrose pulmonaire séquellaire est souvent constatée [16]. Friberg et Vostal (1972) vont dans le même sens en décrivant une pneumonie mercurielle aiguë suivie de trachéobronchite, de pneumonie diffuse et parfois d’un pneumothorax bilatéral et d’un arrêt respiratoire avec une exposition de 1 à 3 mg/m3 de Hg0. Au niveau cérébral, l’intoxication aiguë par inhalation de vapeur de Hg0 se manifeste par des convulsions, une diminution de l’activité motrice et des réflexes musculaires, des maux de tête, un électroencéphalogramme anormal, des réactions allergiques (cas amalgame dentaire) [8, 14].
L’intoxication à terme est la forme la plus répandue et elle touche différents organes. Une exposition à long terme au Hg0 provoque les mêmes effets qu’une exposition à court terme, mais plus sévères et peu réversibles [8].
Effets nerveux
La principale manifestation de l’intoxication mercurielle chronique est une encéphalopathie : céphalée, asthénie, hypermotricité, irritabilité, trouble du sommeil, difficultés mnésiques et de concentration, diminution de la libido. Des altérations des tests psychométriques potentiels évoqués permettent d’objectiver l’atteinte neurologique centrale. A un stade ultérieur, apparaissent un tremblement, puis un syndrome cérébelleux complet et une importante détérioration intellectuelle. Plus rarement, il existe une atteinte des voies optiques et/ou un syndrome extrapyramidal [16]. Une salivation [8], une sensation de goût métallique et la maladie des gencives telles que la gingivite, les ulcérations et la formation d’une tache bleue à la marge des gencives sont aussi notées lors d’une exposition excessive [6]. La majorité de ces études suggère que les troubles du système moteur sont réversibles alors que la diminution cognitive, les pertes de mémoire [8] et les tremblements [5] peuvent être permanentes.
AU NIVEAU MONDIAL
DEFINITIONS ET TECHNIQUES
L’or natif est rencontré dans les plages des graviers, situées dans les rivières, sous forme de particules plus ou moins grosses mélangées au sable. L’orpaillage est l’exploitation artisanale de l’or à partir des gîtes alluvionnaires des rivières.
Les gisements se divisent en deux grands types : les gisements primaires et les gisements secondaires. La majeure partie de l’or a été extraite à partir des gisements secondaires. Les gisements primaires constituent des anomalies géologiques, c’est-à-dire des concentrations exceptionnelles d’or dans les roches, conditions souvent présentes dans les filons de quartz. La tectonique, le volcanisme ont parfois remanié les roches en place et, dans certains cas, ont entraîné des métaux vers la surface. Actuellement, l’exploitation d’or primaire ne représente qu’une faible part de la production totale (5%), car elle nécessite une technologie complexe comprenant la plupart du temps des travaux souterrains : forage de puits et de galeries jusqu’à une centaine de mètres de profondeur, suivi par un décapage mécanique du minerai par concassage, broyage, débourbage… Les gisements secondaires proviennent de la destruction progressive des gisements primaires par érosion. Les minéralisations aurifères des roches altérées se trouvent alors libérées ; elles sont transportées par les eaux de ruissellement et s’accumulent dans des endroits précis. Quand leur transport se termine sur des terrasses alluviales (flat) ou dans les lits des cours d’eaux, les minéralisations forment des gisements alluvionnaires.
Pour séparer l’or natif des alluvions, on utilise la gravité avec la différence de densité de l’or alluvionnaire (16 à 19 suivant la teneur en autres métaux comme l’argent ou le cuivre) du sable. Les phases d’exploitation et de récupération de l’or provoquent successivement le déboisement du site, parfois le détournement des cours d’eau, l’ouverture de fosses d’exploitation dans le flat par décapage des couches argileuses à la pelle hydraulique et la déforestation qui peut être irrémédiable. Puis les orpailleurs procèdent, dans certains cas, à l’abattage : une lance « monitor » projette un jet d’eau à haute pression sur les graviers et les sables contenant l’or. Ensuite, ils utilisent une pompe (drague aspiratrice ou « succion dredge ») pour aspirer les alluvions dans les graviers ou dans les lits du fleuve ou des rivières, et les déversent sur une rampe de lavage posé sur un radeau. La rampe de lavage ou sluice ou longtom est un canal en bois ou en métal garni de tapis spéciaux et de tasseaux dans lequel on fait s’écouler les alluvions avec un courant d’eau. L’or est alors piégé par les tapis ou retenu derrière les tasseaux alors que le sable est évacué. A ce stade, les rejets d’eau contenant des matières en suspension perturbent l’écosystème dans les cours d’eau. Le concentré gravimétrique contenant l’or subit l’opération d’amalgamation au mercure. La distillation du mercure permet d’obtenir la « cassave » appelée aussi l’éponge d’or. Amalgame et distillation constituent des moments délicats où tout rejet de mercure dans le milieu provoque de graves contaminations. Ces orpailleurs pourraient avec un simple alambic récupérer le mercure évaporé, mais ils le fond très rarement, c’est pourquoi l’intégralité de leur mercure pollue la biosphère [19].
Les premiers intoxiqués sont les orpailleurs qui en respirent les vapeurs quand ils le séparent de l’or par chauffage. Le reste du mercure pollue l’air puis les brumes, rosées et pluies, les sols et la chaîne alimentaire finalement.
L’ORPAILLAGE ET L’UTILISATION DU MERCURE : LES NONS DITS D’UN TRAFIC
L’utilisation du mercure pour l’extraction de l’or remonte à l’Antiquité romaine. L’invention en Amérique coloniale espagnole d’une nouvelle méthode de raffinage (système de la cour d’amalgamation), a permis de produire de l’or à grande échelle en Amérique ainsi qu’en Australie, en Asie du Sud-est et même en Angleterre. Les rejets de mercure dans la biosphère attribuables à cette activité pratiquée depuis des siècles pourraient avoir dépassé, pour la période 1550-1930, les 260 000 tonnes. En 1930, les gisements facilement exploitables étaient presque épuisés, et le procédé d’amalgamation au mercure a été en partie remplacé par le procédé de cyanuration. Celle-ci étant plus efficace, permet l’extraction de l’or à grande échelle, même à partir de minerais pauvres. A la suite de cette transition, l’amalgamation au mercure a été complètement abandonnée comme procédé d’extraction jusqu’aux années 1970. La flambée exceptionnelle du prix de l’or de même que l’apparition d’une conjoncture socioéconomique difficile dans les années 70 ont entraîné une nouvelle ruée vers l’or, en particulier dans l’hémisphère Sud, à laquelle ont participé plus de 10 millions de personnes venues de tous les continents. A l’heure actuelle, l’amalgamation au mercure est la principale technique d’extraction artisanale de l’or en Amérique du Sud (surtout dans le bassin de l’Amazone), en Chine, en Asie du Sud-est et dans certains pays d’Afrique comme le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Mali, le Sénégal (dans sa partie orientale) [5].
Les pays qui ont eu à pratiquer l’amalgamation au mercure sont le Brésil, le Venezuela, la Bolivie, la Guyane française, le Pérou, l’équateur, la Colombie, les Philippines, l’Indonésie, le Vietnam, la Chine, le Panama, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Ghana, le Zimbabwe, la Tanzanie, la Russie, l’Australie, le Burundi, le Burkina Faso, le Costa Rica, la Cote d’Ivoire, l’Inde, le Kirghizistan, le Mali, la France, la Mongolie, la Mozambique, l’Afrique du Sud, le Suriname, le Sénégal… « Le mercure est un problème mondial » comme le prétendent certains peut se comprendre par cette répartition planétaire des sites d’exploitation minière artisanale qui intéresse de nos jours tous les continents, mais aussi, par la mobilité du produit dans l’environnement [5, 19].
La ruée vers l’or des temps modernes en Amérique latine, qui a commencé dans les années 1980, a entraîné des millions de personnes fuyant la marginalisation sociale. Plus d’un million de personnes sont impliquées directement, produisant entre 115 et 190 tonnes d’or et émettant plus de 200 tonnes/an de mercure dans l’environnement. L’amalgamation de l’or utilisant le mercure est illégale au Brésil, comme dans la plupart des pays ; donc l’importation de mercure n’est admise que pour l’usage industriel. Mais, de toute évidence, il est difficile de faire respecter cette interdiction dans le bassin de l’Amazone. En 1989, l’utilisation par les industries ne représentait que 22% du total de 340 tonnes. Le reste devrait être importé pour la revente à d’autres industries, mais il est estimé que plus de 170 tonnes ont été illégalement détourné pour ravitailler les activités minières. Les données fournies par le ministère national brésilien des mines et de la prospection indiquent que le Brésil a produit 112,5 tonnes d’or en 1988, dont 90 tonnes attribuables à l’extraction de l’or à petite échelle. En 1995, il est déclaré une production totale d’or de 63 tonnes considérée comme faible, dont 20 pour cent pour l’extraction à petite échelle. Les importations de mercure pour l’année 1992, sont estimées à 250 tonnes, dont 150 ont été employées pour l’extraction minière [5, 6].
En Chine, plus de 200 petites mines auraient été mises en exploitation depuis 1992 dans une province après qu’il soit devenu permis de créer des entreprises individuelles. Cela a conduit à une hausse de 10% de la production d’or qui pourrait expliquer les importations relativement importantes de mercure par la Chine. Cependant, les autorités chinoises ont interdit toute extraction artisanale de l’or et du mercure depuis au moins 7 ans [5].
La Guyane française constitue elle aussi une zone où se déroulent d’importantes activités d’exploitation artisanale de l’or. De 1999 à 2003, le mercure importé provient essentiellement (90%) de la métropole, arrivant par bateau. En 1999, 2200Kg de mercure sont arrivés en France ; en 2000, 4700Kg ; en 2001, 4200Kg…Pour l’Universitaire Montpelliérain, F. Catzeflis, les orpailleurs professionnels de Guyane admettent qu’ils consomment environ 1,3 Kg de mercure pour récupérer 1 Kg d’or. Et s’il n’y a pas de dispositif destiné à récupérer les vapeurs de mercure, alors au moins les 2/3 de celui-ci sont rejetés dans l’atmosphère et retombent dans l’environnement proche. Par conséquent, vu le rapport qui existe entre les quantités d’or produites et les quantités de mercure utilisées, on peut déterminer en toute évidence la quantité d’or produite par les orpailleurs guyanais. Mais, paradoxalement, en 2002 et 2003, les masses de mercure importées sont respectivement 5600 Kg et 8400 Kg, alors que les quantités d’or extraites et déclarées stagnent à 3255 Kg et 3200 Kg respectivement. Alors « ce mercure sert-il maintenant aussi aux chantiers illégaux, dont les patrons – orpailleurs ne vont pas déclarer… (toute) leur récolte d’or ?», se demande F. Catzeflis. Néanmoins, il est évident qu’une bonne partie du mercure est utilisée clandestinement, soit dans l’exploitation de l’or comme c’est le cas dans beaucoup de régions à travers le monde, soit dans d’autres activités. L’or exporté de Guyane française a pratiquement triplé la production, soit 9300 et 3255Kg en 2002. Rappelons qu’on a une importation d’or dans la localité qui est considérée comme infime. Ce qui nous fait croire que cet excès de mercure est utilisé dans l’exploitation légale et /ou illégale de l’or (figure 4) [20].
|
Table des matières
INTRODUCTION
I / CARACTERISTIQUES DU MERCURE : INTERACTIONS AVEC LE BIOTOPE ET LA BIOCENOSE
I.1 / INTERACTIONS DU MERCURE AVEC L’ENVIRONNEMENT
I.1.1 / QUELQUES PROPRIETES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
I.1.2 / CYCLE DU MERCURE
I.1.3 / LA METHYLATION
I.1.4 / LA BIOACCUMULATION ET LA BIOMAGNEFICATION
I.1.5 / RISQUES ECOTOXICOLOGIQUES
I.2 / EFFETS DU MERCURE CHEZ L’HOMME
I.2.1/ CINETIQUE ET BIOMETROLOGIE DU MERCURE
I.2.2 / EFFETS LIES A L’EXPOSITION AUX VAPEURS DE MERCURE
I.2.3 / EFFETS LIES A L’EXPOSITION AU METHYLMERCURE
I.2.4 / VALEURS DE REFERENCE ET EFFETS NEUROLOGIQUES
II / ORPAILLAGE
II.1 / AU NIVEAU MONDIAL
II.1.1 / DEFINITIONS ET TECHNIQUES
II.1.2 / L’ORPAILLAGE ET L’UTILISATION DU MERCURE : LES NONS DITS D’UN TRAFIC
II.2 / AU NIVEAU DU SENEGAL ORIENTAL
II.2.1 / CADRE GEOGRAPHIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE
II.2.2 / STATUT LEGAL DE L’ORPAILLAGE
II.2.3 / CARACTERISTIQUES DES SITES AURIFERES
II.2.4 / L’ORPAILLAGE A KEDOUGOU : DE LA PROSPECTION AU RAFFINAGE
II.2.5 / LUTTE CONTRE LES EFFETS DU MERCURE : INTRODUCTION DES ROTORS DANS L’ORPAILLAGE
III / PREVENTION, DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DE L’INTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.1 / MESURES DE PROTECTION CONTRE LE METHYLMERCURE : LIMITATION DE LA CONSOMMATION DE POISSONS
III.2 / MESURES TECHNIQUES SUSCEPTIBLES DE REDUIRE L’EXPOSITION
III.3 / INSUFFISANCE DE DONNEES ET D’INFORMATIONS ET BESOINS EN RECHERCHES
III.4 / INITIATIVES POUR UNE LIMITATION DE L’EXPOSITION
III.5 / DIAGNOSTIC D’UNE INTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.6 / TRAITEMENT DE L’INTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.7 / RECOMMANDATIONS A COURT TERME AU NIVEAU LOCAL
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet