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LA METHYLATION
La transformation chimique la plus importante et la plus prรฉoccupante du point de vue รฉcotoxicologique est la mรฉthylation du mercure qui sโeffectue uniquement ร partir de Hg2+.
Cโest un processus principalement biologique bien que la production abiotique puisse se produire dans les eaux naturelles. La littรฉrature est unanime pour accorder un rรดle prรฉpondรฉrant aux bactรฉries particuliรจrement aux bactรฉries sulfato-rรฉductrices (BSR) ou ferri-rรฉductrices (BFR). Ces derniรจres sont localisรฉes dans les zones dรฉpourvues dโoxygรจne au sein des sรฉdiments et dans les colonnes dโeau lorsque les conditions hydrodynamiques et gรฉochimiques conduisent ร lโanoxie [13].
Les bactรฉries mรฉthylantes utilisent la mรฉthylcobalamine (CH3CoB12), molรฉcule naturellement prรฉsente dans lโenvironnement aquatique. CH3CoB12 + H2O + Hg2+ CH3Hg2+ + H2OCoB12
La mรฉthylation a lieu soit au sein de la bactรฉrie par transfert du groupement CH3 depuis une molรฉcule donneuse de mรฉthylcorrinoรฏde, soit par un processus extracellulaire qui est accentuรฉ par lโactivitรฉ dโexoenzymes bactรฉriennes [11].
๏ผ Dรฉterminants de la mรฉthylation :
Plusieurs facteurs influencent la production microbienne de MeHg : le pH, la tempรฉrature, les conditions Rรฉdox, la prรฉsence de sulfate et de matiรจres organiques dissoutes qui ont une incidence sur la spรฉciation et la disponibilitรฉ des ions mercure ainsi que sur lโactivitรฉ des bactรฉries mรฉthylantes [5, 8].
La matiรจre organique, comme lโacide fulvique, constitue un paramรจtre majeur dans la mรฉthylation du mercure. Elle est la source de nutriments qui stimule les bactรฉries, devient le ligand complexant en lโabsence de sulfure et augmente lโaccessibilitรฉ de Hg2+ ร ces mรชmes bactรฉries. Elle est aussi un vecteur de diffusion du MeHg en augmentant sa solubilitรฉ. Lโoxydation des sulfures par les Bactรฉries Sulfato-Oxydantes (BSO) ou par les matiรจres abiotiques rรฉduit lโaccumulation des sulfures et stimule lโaction mรฉthylante des BSR en conditions suboxyques [5, 11].
Deux paramรจtres jouent un rรดle crucial dans le processus de mรฉthylation. Il sโagit de la teneur en oxygรจne et de la profondeur. Cโest dans les couches profondes oรน les teneurs en oxygรจnes sont les plus basses que la mรฉthylation sera optimale. Il est montrรฉ que cโest seulement ร la profondeur de -5 m quโon dรฉtecte la prรฉsence de MeHg dont la concentration augmente jusquโร atteindre un maximum ร la profondeur de -18 m [5, 13].
Par ailleurs, les biofilms qui ont colonisรฉ la surface des troncs dโarbres รฉmergรฉs jouent un rรดle important ร lโรฉgard de la production de MeHg, selon des รฉtudes rรฉalisรฉes dans le site du Petit-Saut (Guyane) oรน plus dโun milliard de m2 serait aussi recouvert par ces biofilms riches en bactรฉries [13].
๏ผ Mรฉthylation abiotique et dรฉmรฉthylaton :
La mรฉthylation chimique ou abiotique est aussi possible si des donneurs appropriรฉs de groupement mรฉthyle sont prรฉsents. Cโest le cas des composรฉs solubles de mรฉthylsilicium, les organosiloxanesโฆ
La rรฉaction inverse ร la mรฉthylation, la dรฉmรฉthylation, est un processus important qui permet de rรฉguler la charge mercurielle organique dans les sรฉdiments et les eaux. Cette dรฉgradation est assurรฉe principalement par des bactรฉries et algues anaรฉrobies pour la dรฉcomposition biotique et par un mรฉcanisme photolytique pour la dรฉcomposition abiotique [5].
LA BIOACCUMULATION ET LA BIOMAGNEFICATION
Lโimpact du mercure sur le biotope est dรป en grande partie ร la bioamplification du mรฉtal, c’est-ร -dire ร sa capacitรฉ ร se concentrer dans les organismes le long de la chaรฎne alimentaire. Deux processus doivent รชtre retenus ร ce niveau : la bioaccumulation et la biomagnรฉfication.
Le MeHg produit dans les colonnes dโeau ou dans les sรฉdiments est rapidement assimilรฉ par les petits poissons mais lentement รฉliminรฉ favorisant ainsi sa concentration dans ces poissons : cโest la bioaccumulation [10]. Elle ne concerne que lโespรจce vivante considรฉrรฉ qui voit sa concentration en mรฉtal se multiplier ร partir dโun autre organisme biotique ou abiotique du fait de la rapiditรฉ dโabsorption et de la lenteur dโรฉlimination du mercure. Les mรฉcanismes de lโaccumulation et de lโรฉlimination ne sont pas bien connus mais il semble dรฉpendre des caractรฉristiques biologiques de chaque espรจce de poissons ainsi que des propriรฉtรฉs des systรจmes aquatiques. Cependant, il convient de retenir que le MeHg est absorbรฉ et accumulรฉ plus que les autres formes du mรฉtal. Il se fixe fortement dans le poisson grรขce ร des liaisons covalentes avec les groupements sulfhydriles des protรฉines, responsables de la longue demi-vie dโรฉlimination estimรฉe ร prรจs de 2 ans [5, 6].
La biomagnification, par contre, est une continuitรฉ de la bioaccumulation. Il fait intervenir plusieurs espรจces et dรฉsigne lโaccumulation progressive du mรฉtal en passant dโun niveau trophique ร un autre. Elle dรฉbute par une espรจce de la base de la chaรฎne qui a concentrรฉ au dรฉpart une certaine quantitรฉ de mรฉtal. Cette espรจce va devenir la proie dโune autre espรจce (Prรฉdateur Nยฐ1) occasionnant ainsi une sommation du mercure prรฉexistant dans la chaire du Prรฉdateur Nยฐ1 ร celui de sa proie. Un autre prรฉdateur de niveau supรฉrieur (Prรฉdateur Nยฐ2) va se nourrir du Prรฉdateur Nยฐ1 et ainsi de suite jusqu’ร atteindre le sommet de la chaรฎne alimentaire qui donne des charges รฉlevรฉes en MeHg. La biomagnรฉfication est alors un processus naturel qui repose sur des transferts cumulatifs de MeHg entre proies et prรฉdateurs. Ce transfert est liรฉe ร la forte capacitรฉ de passage au travers les barriรจres รฉpithรฉliales et membranaires des organismes accumulateurs [13]. Les poissons qui se trouvent en haut de la chaรฎne comme les gros poissons vont avoir des concentrations รฉlevรฉes en MeHg. Les populations dont lโalimentation repose sur ce type de nourriture, comme les Inuits de lโArctique, les Amรฉrindiens et toutes les autres populations qui dรฉpendent du poisson de mer et du poisson dโeau douce courent un risque plus important dโintoxication au MeHg [14]. Les schรฉmas ci-dessous illustrent bien la bioamplification, ainsi que le cycle complet du mรฉtal.
EFFETS DU MERCURE CHEZ LโHOMME
Dans les annรฉes 70, une nouvelle ruรฉe vers lโor a entraรฎnรฉ des millions de personnes vers les sites miniers [2]. Avec la pauvretรฉ et le dรฉsespoir manifestes, ces hommes nโont quโun seul rรชve en commun ; trouver ce mรฉtal prรฉcieux. Trouver de lโor devient le leitmotiv et la seule voie de sortie de ce cauchemar et de cette pauvretรฉ rรฉcurrente. De lโor, les orpailleurs en trouvent et les mines sont loin dโรชtre รฉpuisรฉes ; mais ร quel prix ?
Dans ce chapitre, nous allons prรฉsenter les risques qui pourraient dรฉcouler dโune exposition au mercure chez lโHomme. En fait, lโexposition survient par deux formes de contaminations dont lโune par inhalation et lโautre par ingestion. La premiรจre se produit lors du chauffage de lโamalgame entre lโor et le mercure et lors du raffinage de lโor oรน lโinhalation de vapeurs de mercure est trรจs aisรฉe surtout si aucune prรฉcaution (recyclage du mercure) nโest prise par les orpailleurs. La seconde forme fait suite ร lโingestion de poissons contaminรฉs par le MeHg via lโalimentation et concerne la population gรฉnรฉrale [2].
Toutefois, il est nรฉcessaire de prรฉciser que lโimpact du mercure sur la santรฉ nโest pas simple ร cerner car il est difficile dโanalyser et de discriminer les symptรดmes relevant des maladies infectieuses et chroniques prรฉsentes dans les zones dโรฉtude et les maladies relevant de chacune des deux formes dโintoxication au mercure.
Les รฉtudes dโexposition chez lโhomme sont articulรฉes sur deux situations diffรฉrentes. Lโune sur une population typique dโorpailleurs supposรฉs รชtre exposรฉs uniquement ou en grande partie aux vapeurs de mercure pour รฉvaluer les risques encourus lors dโune exposition au mercure รฉlรฉmentaire et inorganique. Lโautre sur des populations riveraines dโimplantation rรฉcente et ancienne et situรฉes dans les environs inรฉgalement affectรฉs par lโactivitรฉ dโorpaillage afin de mesurer les risques dโune exposition au MeHg.
Les signes de toxicitรฉ vont diffรฉrer selon la forme chimique du mรฉtal ; cependant, il est bien รฉvident que chez de nombreuses populations รฉtudiรฉes comme celles dโAmazonie et des Philippines, les familles dโorpailleurs peuvent รชtre exposรฉes aux deux formes dโexposition. La clinique et les charges de mercure dans les milieux biologiques (sang, urines, cheveuxโฆ) sont conditionnรฉes comme on vient de lโรฉnumรฉrer par les formes dโexposition, mais aussi par le chemin suivi par le toxique dans lโorganisme. Il apparaรฎt donc que la cinรฉtique du mercure ou son devenir dans lโorganisme constitue une รฉtape importante pour la comprรฉhension de ses effets et pour la mise en place de mรฉthodes de biomรฉtrologie.
CINETIQUE ET BIOMETROLOGIE DU MERCURE
๏ผ La cinรฉtique
Mercure รฉlรฉmentaire et inorganique :
Le mercure รฉlรฉmentaire sous forme de vapeur est essentiellement absorbรฉ par voie pulmonaire. Le taux dโabsorption est compris entre 75 et 85%. Lโabsorption par voie orale est faible (15% pour le nitrate de mercure). Elle est encore plus faible par voie cutanรฉe avec un taux de 2,6% [8].
Le Hg0 se distribue dans tout le corps et se concentre essentiellement au niveau du cerveau du fait de ses propriรฉtรฉs lipophiles. A raison du bref temps de transit entre les poumons et le cerveau, une partie de Hg0 absorbรฉe parvient au cerveau et traverse la barriรจre hรฉmatoencรฉphalique qui lui est permรฉable. Au niveau cรฉrรฉbral, lโoxydation de Hg0 en Hg2+ se fait rapidement. Le Hg2+ est alors piรฉgรฉ dans le cerveau oรน il va sโaccumuler si lโexposition se poursuit. Lโoxydation, principale rรฉaction de mรฉtabolisation du mercure, se fait au niveau des hรฉmaties par lโhydrogรฉne peroxydase, au niveau du cerveau, du foie, des poumons et probablement dans dโautres tissus. Le Hg2+ est รฉgalement rรฉduit en Hg0 dans le tissu des mammifรจres par la glutathion rรฉductase.
Le Hg2+, moins lipophile, ne traverse pas la barriรจre hรฉmatoencรฉphalique et placentaire ; par contre, il est soluble dans de nombreux fluides corporels et se concentre essentiellement au niveau des reins (50 ร 90% de la charge corporelle) fixรฉ en grande partie aux mรฉtallothionรฉines. Il se concentre aussi dans le cerveau [8, 16].
Lโexcrรฉtion du mercure inorganique et รฉlรฉmentaire se fait, quelque soit la voie dโabsorption, par les urines et les fรจces. Mais elle est majoritairement retrouvรฉe dans les urines pour le Hg2+. Au Japon, il est retrouvรฉ chez des travailleurs, des concentrations urinaires de mercure รฉgales ร 600ยตg/L qui prรฉsentent des troubles neurologiques 20 ร 35 ans aprรจs lโexposition au vapeur de mercure. Ceci montre que la demi-vie dโรฉlimination du mercure dans le cerveau est plus longue que dans les reins. Le mercure รฉlรฉmentaire et inorganique peuvent รชtre รฉgalement excrรฉtรฉs par lโair exhalรฉ, par la salive et par la bile [6, 8].
Mercure organique :
Lโabsorption du mercure organique, plus importante que celle des deux autres formes, se fait essentiellement par voie orale par le biais de lโalimentation. Environ 95% dโune dose de nitrate de MeHg sont absorbรฉs par voie orale [8]. Lโabsorption du MeHg est beaucoup plus efficace que celle du mercure inorganique. 70 ร plus de 90% du mercure dans le poisson est sous forme de MeHg [6].
Le mercure organique est distribuรฉ dans tout le corps. Dans le sang, il est concentrรฉ presque complรจtement au niveau des รฉrythrocytes (80 ร 90%). Il passe aisรฉment la barriรจre hรฉmatoencรฉphalique et se concentre dans le cerveau qui reprรฉsente avec les reins les organes cibles critiques. La diffusion ร travers le placenta est รฉgalement trรจs facile; le passage dans le lait est important [10, 16].
Dans les tissus, le MeHg subit une mรฉtabolisation qui le transforme en mercure inorganique, forme dโรฉlimination, excrรฉtรฉ principalement par les fรจces. Moins dโun tiers du mercure organique inhalรฉ ou ingรฉrรฉ est excrรฉtรฉ dans les urines. Comme le MeHg est plus lentement mรฉtabolisรฉ et รฉliminรฉ que les composรฉs inorganiques, le rรฉsultat global est une bioaccumulation nette dans lโorganisme au fil du temps [6, 8].
๏ผ La biomรฉtrologie
Mercure รฉlรฉmentaire et inorganique :
Le meilleur indicateur biologique de lโexposition ร ces formes de mercure est la concentration urinaire du mรฉtal. Elle est infรฉrieure ร 5ยตg/g de crรฉatinine dans la population gรฉnรฉrale et la valeur limite pour les travailleurs exposรฉs est de 50ยตg/g de crรฉatinine. Le mercure plasmatique est aussi un indicateur, mais il nโy pas de valeurs limites et il nโest utilisable que si les sujets ne consomment pas de poissons plusieurs fois par semaine car il est trรจs dรฉpendant du MeHg. La mercuriรฉmie de la population gรฉnรฉrale est infรฉrieure ร 5ยตg/L et la valeur limite pour les travailleurs exposรฉs est de 15ยตg/L. les urines et le sang constituent un bon indicateur aussi pour une exposition aigรผe et professionnelle [12, 16].
Mercure organique :
Les meilleurs indicateurs de lโexposition au MeHg sont les concentrations sanguine et capillaire du mรฉtal. Dans la population gรฉnรฉrale, elles sont bien corrรฉlรฉes ร la consommation de poisson. Les premiers effets neurotoxiques dรฉcelรฉs chez lโadulte surviendraient quand elles dรฉpassent respectivement 200ยตg/L (sang) et 50ยตg/g (cheveux). Chez les personnes exposรฉes au MeHg, il est recommandรฉ de maintenir la mercuriรฉmie en dessous de 100ยตg/L. Le mercure dans les cheveux constitue un bon indicateur biologique lors dโune exposition chronique [16].
EFFETS LIES A LโEXPOSITION AUX VAPEURS DE MERCURE
Lโexposition aux vapeurs de mercure concerne essentiellement les orpailleurs, les raffineurs et les populations vivant ร proximitรฉ des zones dโorpaillage. Lโinhalation de ces vapeurs constitue la plus importante voie de contamination pour ces professionnels. Cโest une intoxication qui est surtout professionnelle.
Lโeffet ultime du mercure et de ces composรฉs est lโinhibition de lโaction de certaines enzymes et lโaltรฉration de la barriรจre hรฉmatoencรฉphalique qui auront des rรฉpercussions sur le mรฉtabolisme du systรจme nerveux [6]. Les reins sont les organes atteints pour des durรฉes dโexposition moyenne ร des niveaux รฉlevรฉs, alors que le cerveau est le principal rรฉcepteur dans une exposition ร long terme ร des niveaux modรฉrรฉs. Une exposition de courte durรฉe ร des niveaux รฉlevรฉs peut entraรฎner des symptรดmes cliniques qui concernent essentiellement les voies respiratoires [6, 13].
Lโintoxication aiguรซ par lโinhalation de vapeur est initialement bien tolรฉrรฉe. Ce nโest que quelques heures plus tard quโapparaissent une asthรฉnie, une hyperthermie, des troubles respiratoires ร titre de toux, dyspnรฉe, traduisant une irritation intense des voies respiratoires. Ces accidents graves รฉvoluent rapidement vers une alvรฉolite hรฉmorragique qui peut รชtre responsable dโun dรฉcรจs prรฉcoce. Dans tous les cas, la mort est attribuรฉe ร une asphyxie. Les signes dโintoxication systรฉmique ร savoir atteinte tubulaire, rรฉnale, stomatite sont toujours discrets ou absents. A terme, chez les survivants, une fibrose pulmonaire sรฉquellaire est souvent constatรฉe [16]. Friberg et Vostal (1972) vont dans le mรชme sens en dรฉcrivant une pneumonie mercurielle aiguรซ suivie de trachรฉobronchite, de pneumonie diffuse et parfois dโun pneumothorax bilatรฉral et dโun arrรชt respiratoire avec une exposition de 1 ร 3 mg/m3 de Hg0. Au niveau cรฉrรฉbral, lโintoxication aiguรซ par inhalation de vapeur de Hg0 se manifeste par des convulsions, une diminution de lโactivitรฉ motrice et des rรฉflexes musculaires, des maux de tรชte, un รฉlectroencรฉphalogramme anormal, des rรฉactions allergiques (cas amalgame dentaire) [8, 14].
Lโintoxication ร terme est la forme la plus rรฉpandue et elle touche diffรฉrents organes. Une exposition ร long terme au Hg0 provoque les mรชmes effets quโune exposition ร court terme, mais plus sรฉvรจres et peu rรฉversibles [8].
๏ผ Effets nerveux
La principale manifestation de lโintoxication mercurielle chronique est une encรฉphalopathie : cรฉphalรฉe, asthรฉnie, hypermotricitรฉ, irritabilitรฉ, trouble du sommeil, difficultรฉs mnรฉsiques et de concentration, diminution de la libido. Des altรฉrations des tests psychomรฉtriques potentiels รฉvoquรฉs permettent dโobjectiver lโatteinte neurologique centrale. A un stade ultรฉrieur, apparaissent un tremblement, puis un syndrome cรฉrรฉbelleux complet et une importante dรฉtรฉrioration intellectuelle. Plus rarement, il existe une atteinte des voies optiques et/ou un syndrome extrapyramidal [16]. Une salivation [8], une sensation de goรปt mรฉtallique et la maladie des gencives telles que la gingivite, les ulcรฉrations et la formation dโune tache bleue ร la marge des gencives sont aussi notรฉes lors dโune exposition excessive [6]. La majoritรฉ de ces รฉtudes suggรจre que les troubles du systรจme moteur sont rรฉversibles alors que la diminution cognitive, les pertes de mรฉmoire [8] et les tremblements [5] peuvent รชtre permanentes.
AU NIVEAU MONDIAL
DEFINITIONS ET TECHNIQUES
Lโor natif est rencontrรฉ dans les plages des graviers, situรฉes dans les riviรจres, sous forme de particules plus ou moins grosses mรฉlangรฉes au sable. Lโorpaillage est lโexploitation artisanale de lโor ร partir des gรฎtes alluvionnaires des riviรจres.
Les gisements se divisent en deux grands types : les gisements primaires et les gisements secondaires. La majeure partie de lโor a รฉtรฉ extraite ร partir des gisements secondaires. Les gisements primaires constituent des anomalies gรฉologiques, c’est-ร -dire des concentrations exceptionnelles dโor dans les roches, conditions souvent prรฉsentes dans les filons de quartz. La tectonique, le volcanisme ont parfois remaniรฉ les roches en place et, dans certains cas, ont entraรฎnรฉ des mรฉtaux vers la surface. Actuellement, lโexploitation dโor primaire ne reprรฉsente quโune faible part de la production totale (5%), car elle nรฉcessite une technologie complexe comprenant la plupart du temps des travaux souterrains : forage de puits et de galeries jusquโร une centaine de mรจtres de profondeur, suivi par un dรฉcapage mรฉcanique du minerai par concassage, broyage, dรฉbourbageโฆ Les gisements secondaires proviennent de la destruction progressive des gisements primaires par รฉrosion. Les minรฉralisations aurifรจres des roches altรฉrรฉes se trouvent alors libรฉrรฉes ; elles sont transportรฉes par les eaux de ruissellement et sโaccumulent dans des endroits prรฉcis. Quand leur transport se termine sur des terrasses alluviales (flat) ou dans les lits des cours dโeaux, les minรฉralisations forment des gisements alluvionnaires.
Pour sรฉparer lโor natif des alluvions, on utilise la gravitรฉ avec la diffรฉrence de densitรฉ de lโor alluvionnaire (16 ร 19 suivant la teneur en autres mรฉtaux comme lโargent ou le cuivre) du sable. Les phases dโexploitation et de rรฉcupรฉration de lโor provoquent successivement le dรฉboisement du site, parfois le dรฉtournement des cours dโeau, lโouverture de fosses dโexploitation dans le flat par dรฉcapage des couches argileuses ร la pelle hydraulique et la dรฉforestation qui peut รชtre irrรฉmรฉdiable. Puis les orpailleurs procรจdent, dans certains cas, ร lโabattage : une lance ยซ monitor ยป projette un jet dโeau ร haute pression sur les graviers et les sables contenant lโor. Ensuite, ils utilisent une pompe (drague aspiratrice ou ยซ succion dredge ยป) pour aspirer les alluvions dans les graviers ou dans les lits du fleuve ou des riviรจres, et les dรฉversent sur une rampe de lavage posรฉ sur un radeau. La rampe de lavage ou sluice ou longtom est un canal en bois ou en mรฉtal garni de tapis spรฉciaux et de tasseaux dans lequel on fait sโรฉcouler les alluvions avec un courant dโeau. Lโor est alors piรฉgรฉ par les tapis ou retenu derriรจre les tasseaux alors que le sable est รฉvacuรฉ. A ce stade, les rejets dโeau contenant des matiรจres en suspension perturbent lโรฉcosystรจme dans les cours dโeau. Le concentrรฉ gravimรฉtrique contenant lโor subit lโopรฉration dโamalgamation au mercure. La distillation du mercure permet dโobtenir la ยซ cassave ยป appelรฉe aussi lโรฉponge dโor. Amalgame et distillation constituent des moments dรฉlicats oรน tout rejet de mercure dans le milieu provoque de graves contaminations. Ces orpailleurs pourraient avec un simple alambic rรฉcupรฉrer le mercure รฉvaporรฉ, mais ils le fond trรจs rarement, cโest pourquoi lโintรฉgralitรฉ de leur mercure pollue la biosphรจre [19].
Les premiers intoxiquรฉs sont les orpailleurs qui en respirent les vapeurs quand ils le sรฉparent de lโor par chauffage. Le reste du mercure pollue lโair puis les brumes, rosรฉes et pluies, les sols et la chaรฎne alimentaire finalement.
LโORPAILLAGE ET LโUTILISATION DU MERCURE : LES NONS DITS DโUN TRAFIC
Lโutilisation du mercure pour lโextraction de lโor remonte ร lโAntiquitรฉ romaine. Lโinvention en Amรฉrique coloniale espagnole dโune nouvelle mรฉthode de raffinage (systรจme de la cour dโamalgamation), a permis de produire de lโor ร grande รฉchelle en Amรฉrique ainsi quโen Australie, en Asie du Sud-est et mรชme en Angleterre. Les rejets de mercure dans la biosphรจre attribuables ร cette activitรฉ pratiquรฉe depuis des siรจcles pourraient avoir dรฉpassรฉ, pour la pรฉriode 1550-1930, les 260 000 tonnes. En 1930, les gisements facilement exploitables รฉtaient presque รฉpuisรฉs, et le procรฉdรฉ dโamalgamation au mercure a รฉtรฉ en partie remplacรฉ par le procรฉdรฉ de cyanuration. Celle-ci รฉtant plus efficace, permet lโextraction de lโor ร grande รฉchelle, mรชme ร partir de minerais pauvres. A la suite de cette transition, lโamalgamation au mercure a รฉtรฉ complรจtement abandonnรฉe comme procรฉdรฉ dโextraction jusquโaux annรฉes 1970. La flambรฉe exceptionnelle du prix de lโor de mรชme que lโapparition dโune conjoncture socioรฉconomique difficile dans les annรฉes 70 ont entraรฎnรฉ une nouvelle ruรฉe vers lโor, en particulier dans lโhรฉmisphรจre Sud, ร laquelle ont participรฉ plus de 10 millions de personnes venues de tous les continents. A lโheure actuelle, lโamalgamation au mercure est la principale technique dโextraction artisanale de lโor en Amรฉrique du Sud (surtout dans le bassin de lโAmazone), en Chine, en Asie du Sud-est et dans certains pays dโAfrique comme le Burkina-Faso, la Cรดte dโIvoire, le Niger, le Mali, le Sรฉnรฉgal (dans sa partie orientale) [5].
Les pays qui ont eu ร pratiquer lโamalgamation au mercure sont le Brรฉsil, le Venezuela, la Bolivie, la Guyane franรงaise, le Pรฉrou, lโรฉquateur, la Colombie, les Philippines, lโIndonรฉsie, le Vietnam, la Chine, le Panama, la Papouasie-Nouvelle-Guinรฉe, le Ghana, le Zimbabwe, la Tanzanie, la Russie, lโAustralie, le Burundi, le Burkina Faso, le Costa Rica, la Cote dโIvoire, lโInde, le Kirghizistan, le Mali, la France, la Mongolie, la Mozambique, lโAfrique du Sud, le Suriname, le Sรฉnรฉgalโฆ ยซ Le mercure est un problรจme mondial ยป comme le prรฉtendent certains peut se comprendre par cette rรฉpartition planรฉtaire des sites dโexploitation miniรจre artisanale qui intรฉresse de nos jours tous les continents, mais aussi, par la mobilitรฉ du produit dans lโenvironnement [5, 19].
La ruรฉe vers lโor des temps modernes en Amรฉrique latine, qui a commencรฉ dans les annรฉes 1980, a entraรฎnรฉ des millions de personnes fuyant la marginalisation sociale. Plus dโun million de personnes sont impliquรฉes directement, produisant entre 115 et 190 tonnes dโor et รฉmettant plus de 200 tonnes/an de mercure dans lโenvironnement. Lโamalgamation de lโor utilisant le mercure est illรฉgale au Brรฉsil, comme dans la plupart des pays ; donc lโimportation de mercure nโest admise que pour lโusage industriel. Mais, de toute รฉvidence, il est difficile de faire respecter cette interdiction dans le bassin de lโAmazone. En 1989, lโutilisation par les industries ne reprรฉsentait que 22% du total de 340 tonnes. Le reste devrait รชtre importรฉ pour la revente ร dโautres industries, mais il est estimรฉ que plus de 170 tonnes ont รฉtรฉ illรฉgalement dรฉtournรฉ pour ravitailler les activitรฉs miniรจres. Les donnรฉes fournies par le ministรจre national brรฉsilien des mines et de la prospection indiquent que le Brรฉsil a produit 112,5 tonnes dโor en 1988, dont 90 tonnes attribuables ร lโextraction de lโor ร petite รฉchelle. En 1995, il est dรฉclarรฉ une production totale dโor de 63 tonnes considรฉrรฉe comme faible, dont 20 pour cent pour lโextraction ร petite รฉchelle. Les importations de mercure pour lโannรฉe 1992, sont estimรฉes ร 250 tonnes, dont 150 ont รฉtรฉ employรฉes pour lโextraction miniรจre [5, 6].
En Chine, plus de 200 petites mines auraient รฉtรฉ mises en exploitation depuis 1992 dans une province aprรจs quโil soit devenu permis de crรฉer des entreprises individuelles. Cela a conduit ร une hausse de 10% de la production dโor qui pourrait expliquer les importations relativement importantes de mercure par la Chine. Cependant, les autoritรฉs chinoises ont interdit toute extraction artisanale de lโor et du mercure depuis au moins 7 ans [5].
La Guyane franรงaise constitue elle aussi une zone oรน se dรฉroulent dโimportantes activitรฉs dโexploitation artisanale de lโor. De 1999 ร 2003, le mercure importรฉ provient essentiellement (90%) de la mรฉtropole, arrivant par bateau. En 1999, 2200Kg de mercure sont arrivรฉs en France ; en 2000, 4700Kg ; en 2001, 4200KgโฆPour lโUniversitaire Montpelliรฉrain, F. Catzeflis, les orpailleurs professionnels de Guyane admettent quโils consomment environ 1,3 Kg de mercure pour rรฉcupรฉrer 1 Kg dโor. Et sโil nโy a pas de dispositif destinรฉ ร rรฉcupรฉrer les vapeurs de mercure, alors au moins les 2/3 de celui-ci sont rejetรฉs dans lโatmosphรจre et retombent dans lโenvironnement proche. Par consรฉquent, vu le rapport qui existe entre les quantitรฉs dโor produites et les quantitรฉs de mercure utilisรฉes, on peut dรฉterminer en toute รฉvidence la quantitรฉ dโor produite par les orpailleurs guyanais. Mais, paradoxalement, en 2002 et 2003, les masses de mercure importรฉes sont respectivement 5600 Kg et 8400 Kg, alors que les quantitรฉs dโor extraites et dรฉclarรฉes stagnent ร 3255 Kg et 3200 Kg respectivement. Alors ยซ ce mercure sert-il maintenant aussi aux chantiers illรฉgaux, dont les patrons โ orpailleurs ne vont pas dรฉclarerโฆ (toute) leur rรฉcolte dโor ?ยป, se demande F. Catzeflis. Nรฉanmoins, il est รฉvident quโune bonne partie du mercure est utilisรฉe clandestinement, soit dans lโexploitation de lโor comme cโest le cas dans beaucoup de rรฉgions ร travers le monde, soit dans dโautres activitรฉs. Lโor exportรฉ de Guyane franรงaise a pratiquement triplรฉ la production, soit 9300 et 3255Kg en 2002. Rappelons quโon a une importation dโor dans la localitรฉ qui est considรฉrรฉe comme infime. Ce qui nous fait croire que cet excรจs de mercure est utilisรฉ dans lโexploitation lรฉgale et /ou illรฉgale de lโor (figure 4) [20].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I / CARACTERISTIQUES DU MERCURE : INTERACTIONS AVEC LE BIOTOPE ET LA BIOCENOSE
I.1 / INTERACTIONS DU MERCURE AVEC LโENVIRONNEMENT
I.1.1 / QUELQUES PROPRIETES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
I.1.2 / CYCLE DU MERCURE
I.1.3 / LA METHYLATION
I.1.4 / LA BIOACCUMULATION ET LA BIOMAGNEFICATION
I.1.5 / RISQUES ECOTOXICOLOGIQUES
I.2 / EFFETS DU MERCURE CHEZ LโHOMME
I.2.1/ CINETIQUE ET BIOMETROLOGIE DU MERCURE
I.2.2 / EFFETS LIES A LโEXPOSITION AUX VAPEURS DE MERCURE
I.2.3 / EFFETS LIES A LโEXPOSITION AU METHYLMERCURE
I.2.4 / VALEURS DE REFERENCE ET EFFETS NEUROLOGIQUES
II / ORPAILLAGE
II.1 / AU NIVEAU MONDIAL
II.1.1 / DEFINITIONS ET TECHNIQUES
II.1.2 / LโORPAILLAGE ET LโUTILISATION DU MERCURE : LES NONS DITS DโUN TRAFIC
II.2 / AU NIVEAU DU SENEGAL ORIENTAL
II.2.1 / CADRE GEOGRAPHIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE
II.2.2 / STATUT LEGAL DE LโORPAILLAGE
II.2.3 / CARACTERISTIQUES DES SITES AURIFERES
II.2.4 / LโORPAILLAGE A KEDOUGOU : DE LA PROSPECTION AU RAFFINAGE
II.2.5 / LUTTE CONTRE LES EFFETS DU MERCURE : INTRODUCTION DES ROTORS DANS LโORPAILLAGE
III / PREVENTION, DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DE LโINTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.1 / MESURES DE PROTECTION CONTRE LE METHYLMERCURE : LIMITATION DE LA CONSOMMATION DE POISSONS
III.2 / MESURES TECHNIQUES SUSCEPTIBLES DE REDUIRE LโEXPOSITION
III.3 / INSUFFISANCE DE DONNEES ET DโINFORMATIONS ET BESOINS EN RECHERCHES
III.4 / INITIATIVES POUR UNE LIMITATION DE LโEXPOSITION
III.5 / DIAGNOSTIC DโUNE INTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.6 / TRAITEMENT DE LโINTOXICATION CHRONIQUE AU MERCURE
III.7 / RECOMMANDATIONS A COURT TERME AU NIVEAU LOCAL
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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