Caractéristiques des victimes d’agression sexuelle
Incidence et prévalence de l’agression sexuelle
Au Québec, le taux d’infractions sexuelles par 100 000 habitants a augmenté depuis 2001 passant de 62,7 à 68,9 en 2008 (Ministère de la Sécurité publique, 2010). En 2008, 5 341 AS ont donc été enregistrées par les corps de police du Québec (Ministère de la Sécurité publique, 2010). Les infractions sexuelles sont plus fréquentes chez les moins de 18 ans, surtout chez les filles, le taux étant de 363 par 100 000 filles et 97 par 100 000 garçons (Ministère de la Sécurité publique, 2010). Les recherches visant à évaluer l’incidence1 et la prévalence2 de TAS chez les enfants et adolescents sont rares.
En 2000, TAS représentait près de 10 % des 88 000 histoires de maltraitance vécues durant l’enfance rapportées officiellement aux autorités (Putnam, 2003). Au Canada, une enquête a été réalisée en 2003, sur 7 326 cas de violence et de négligence envers les enfants rapportés aux autorités, l’AS représentait 3 % de tous les mauvais traitements corroborés (Black, Trocmé, Fallon, & MacLaurin, 2008; Trocmé et al., 2005). Récemment, les résultats de méta-analyses ont mis en lumière l’ampleur internationale de l’AS (Pereda et al., 2009; Stoltenborgh, IJzendoorn, Euser, & Bakermans- Kranenburg, 2011). En effet, les résultats de ces deux méta-analyses indiquent qu’environ 8 % des hommes et entre 18 et 20 % des femmes ont subi une AS durant leur enfance (c.-à-d. avant l’âge de 18 ans). On retrouve au Québec des données similaires.
Deux enquêtes téléphoniques réalisées auprès d’environ 800 adultes ayant pour objectif de documenter la prévalence de TAS vécue durant l’enfance démontrent que de 18 à 22 % des femmes rapportent en avoir été victimes et que ce taux diminue à 10 % chez les hommes (Tourigny, Gagné, Joly, & Chartrand, 2006; Tourigny, Hébert, Joly, & Baril, 2008). Parmi ces victimes, quatre personnes sur cinq auraient dévoilé TAS, les hommes étant moins enclins à le faire que les femmes (Tourigny et al., 2006; Tourigny et al., 2008). De plus, 21,2 % des répondants affirment avoir dévoilé TAS promptement alors que 57,5 % l’auraient dévoilée plus de cinq ans après la dernière agression (Tourigny et al., 2006; Tourigny et al., 2008). Pour l’année 2010-2011, les statistiques provinciales démontrent qu’au Québec, 1862 signalements d’AS ont été retenus par la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ) et 1334 signalements retenus d’enfants à risque sérieux d’AS (Association des centres jeunesse du Québec, 2011).
Cela est sans compter que l’AS chez les enfants est une problématique beaucoup plus étendue qu’il n’y paraît compte tenu de la faible proportion d’AS qui est rapportée aux autorités officielles (Pereda et al., 2009). Plusieurs facteurs peuvent décourager les victimes à dénoncer l’agression vécue notamment, la honte ressentie, le secret entourant la situation d’AS, la violence domestique, les sentences criminelles que peut recevoir l’agresseur ainsi que la relation de dépendance des enfants face aux adultes, relation tributaire de leur jeune âge. L’ensemble de ces facteurs entraîne une sous-estimation de la réelle étendue de PAS chez les enfants (Finkelhor, 1994; Goldman, & Padayachi, 2000; Kellogg & Menard, 2003; Widom & Morris, 1997). La recension des écrits de Wolfe (2007) souligne d’ailleurs que seulement 9 à 30 % des cas d’AS envers les enfants sont rapportés aux autorités officielles. La prochaine section décrit justement les principales caractéristiques observées chez les jeunes victimes.
Caractéristiques des victimes d’agression sexuelle
Les victimes d’AS doivent faire face à plusieurs mythes, certains concernent directement les jeunes de moins de 18 ans. On y retrouve par exemple la croyance qu’ils doivent détester leur agresseur ou encore que l’excitation sexuelle parfois vécue est une forme de consentement implicite (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2004a; Régie de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2003). Ces mythes sont des préjugés qui stigmatisent le jeune et deviennent, dès lors, de fausses caractéristiques attribuées à tort aux victimes. Par ailleurs, il existe des facteurs de risque connus liés à la victimisation sexuelle qui sont communs à certains enfants (Tourigny & Dufour, 2000 ; Tourigny & Baril, 2011). Connaître ces facteurs s’avère essentiel pour cibler les enfants à risque et orienter les efforts de prévention et d’intervention. Il est possible de les regrouper parmi les trois catégories suivantes : caractéristiques sociodémographiques, psychosociales et environnementales.
Caractéristiques sociodémographiques
L’AS peut survenir indépendamment du statut socioéconomique, de l’origine ethnique ou de la culture (Finkelhor, 1994; Pereda et al., 2009). Le genre influe cependant sur son risque d’apparition, les victimes de sexe féminin étant deux à trois fois plus à risque de subir une AS (Finkelhor, 1994; U.S. Department of Health and Human Services, 1998; Pereda et al. 2009). Cette réalité s’applique également au Québec (Tourigny et al., 2006; Tourigny et al., 2008). Il faut toutefois noter que les victimes de sexe masculin seraient moins portées à dévoiler la situation d’AS dont ils ont été victimes (Holmes, Offen, & Waller, 1997; Lab, Feigenbaum, & De Silva, 2000; Pereda et al, 2009). D’autre part, les enfants de moins de 6 ans se trouvent moins à risque que tout autre groupe d’âge d’être victimes d’AS (Tourigny & Dufour, 2000).
En ce qui a trait aux situations d’AS où l’agresseur est un membre de la famille, dite AS intra-familiale, ce sont les enfants âgés entre 6 et 12 ans qui se trouvent le plus à risque, contrairement aux adolescents de plus de 12 ans qui eux, présentent un risque plus grand d’être victimes d’AS lorsque l’agresseur est un membre extérieur de la famille, dite AS extra-familiale (Tourigny & Dufour, 2000; Tourigny & Baril, 2011).
Caractéristiques psychosociales
L’étude de Fleming, Mullen et Bammer (1997) a démontré que l’isolement social et le décès d’une mère sont des facteurs de risque importants de l’AS avant l’âge de 12 ans et qu’après cet âge, c’est de vivre au sein d’un environnement violent ou avec une mère qui présente des problèmes de santé mentale qui le sont. En ce qui a trait à l’isolement social, Fleming et al. ont effectivement démontré que des habiletés sociales déficitaires entraînant une difficulté à tisser des liens d’amitié à l’école primaire et secondaire ainsi qu’un sentiment d’insatisfaction par rapport à sa vie sociale à l’adolescence sont des éléments importants à considérer puisqu’ils sont souvent liés à l’AS. Selon ces auteurs, les risques d’être victime d’AS sont donc augmentés par la pauvreté du réseau social et le peu d’activités qui en découlent. Dans un autre ordre d’idée, bien que peu d’études scientifiques aient été réalisées sur l’AS auprès des enfants ayant une déficience intellectuelle (Dion, Bouchard, Gaudreault, & Mercier, 2012), il est d’ores et déjà établi que cette population est plus à risque d’en être victime en comparaison avec les enfants au développement typique (Allard-Dansereau & Frapier, 2012; Sullivan & Knutson, 2000).
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Table des matières
Sommaire
Table des matières
Liste des figures
Figures
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Définition de l’agression sexuelle
Incidence et prévalence de l’agression sexuelle
Caractéristiques des victimes d’agression sexuelle
Caractéristiques sociodémographiques
Caractéristiques psychosociales
Caractéristiques environnementales
Séquelles de l’agression sexuelle
Services destinés aux victimes d’agression sexuelle
Centres désignés
Évaluation de l’implantation de programme
Méthodologie
Contexte
Déroulement
Participants
Mesures
Analyses
Résultats
Organisation des centres désignés
Procédures mises en place
Formation des intervenants
Collaboration avec les partenaires du réseau et promotion des centres désignés
Grilles d’évaluation des services offerts
Homogénéité des services entre les centres désignés des régions identifiées
Données sur les victimes
Utilisation des trousses
Données sur les caractéristiques de l’agression sexuelle et de l’agresseur
Résumé des principaux résultats
Discussion
Organisation des centres désignés
Années d’implantation
Procédures mises en place
Formation des intervenants
Collaboration avec les partenaires du réseau et promotion des centres désignés
Accessibilité et contexte géographique
Homogénéité des services entre les centres désignés des régions étudiées
Données sur les victimes, utilisation des trousses et caractéristiques des agressions sexuelles
Réflexion sur le modèle idéal
Implications cliniques et recommandations
Limites de l’étude
Conclusion
Références
Annexe A
Annexe B
Annexe C
Annexe D
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