Caractéristiques des tentatives de suicide
Histoire de la Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie a été découverte en 1774 par le navigateur britannique James Cook.1 Il la baptise « New Caledonia » en souvenir de la Caledonia, nom latin de l’Ecosse. Mais c’est le contreamiral français, Febvrier Despointes, qui la proclame colonie française en 1853. La population autochtone subit le code de l’indigénat jusqu’en 1946. Les Kanaks obtiennent alors le droit de circulation, de propriété et leurs droits civils. Les vagues successives de pays décolonisés dans le Pacifique à partir des années 60 et les phénomènes sociaux et idéologiques de 1968, entraînent une montée en puissance des partis indépendantistes Kanaks. L’affrontement des indépendantistes et non-indépendantistes connaît son apogée dans les années 80. Les accords de Matignon en 1988 mettent un terme aux « évènements qui ont secoué le Territoire de 84 à 88 ». La Nouvelle-Calédonie est alors découpée en trois provinces, permettant le partage des institutions entre les deux groupes politiques. La Province Sud est à majorité non-indépendantiste, la Province Nord, la plus grande des trois provinces et la moins densément peuplée, est à majorité indépendantiste et kanak, tout comme la Province des Iles, la plus petite en superficie. La Nouvelle-Calédonie a actuellement un statut institutionnel particulier depuis les accords de Nouméa en 1998. Sa large autonomie de collectivité sui genesis (« de son propre genre ») lui confère une place singulière dans le paysage des collectivités françaises. L’accord de Nouméa prévoit une évolution de ce statut, lors d’un ou plusieurs référendums qui doivent avoir lieu entre 2014 et 2018.
Caractéristiques sociodémographiques de la Nouvelle-Calédonie
Au recensement de 2011 mené par l’Institut de la Statistique et des Etudes Economiques en Nouvelle- Calédonie, le nombre d’habitants était de 254 000.2 La moitié de la population a moins de 30 ans, ce qui signe sa jeunesse. Depuis les années 90 la tendance s’inverse et la population vieillit. L’accroissement démographique est plus du double de celui en France (respectivement 1,7% et 0,6%).3 La répartition de la population sur le territoire est très inégale, car trois personnes sur quatre habitent en Province Sud, et deux tiers dans la zone urbaine du Grand Nouméa. Une volonté de rééquilibrage économique du territoire est menée depuis les accords de Matignon et de Nouméa, avec notamment la construction d’une usine multinationale de nickel dans la Province Nord. Le système de santé calédonien est performant. Il a permis le recul de la mortalité infantile, avec un taux proche de celui de la France métropolitaine (3,6 pour 1000 naissances en Nouvelle-Calédonie contre 3,9 pour 1000 naissances en France). L’espérance de vie globale à la naissance est en constante progression et atteint 77,9 ans en 2012, même si elle reste inférieure à celle de France métropolitaine. L’espérance de vie à la naissance est de 74,0 ans chez les hommes en Nouvelle-Calédonie, contre 78,5 ans en France, et de 80,4 ans pour les femmes en Nouvelle-Calédonie contre 84,9 ans en France.
Enfin, on note une fluctuation de cet indice en fonction du lieu de résidence : en Province Sud l’espérance de vie est supérieure de deux ans à celle en Province Nord, et de quatre ans à celle en Province des Iles. Le système de soins psychiatriques en Nouvelle-Calédonie, propose une prise en charge dans le secteur public et privé. Le secteur public propose des consultations, un service d’accueil des urgences au CHT de Nouméa et des lits d’hospitalisations au Centre Hospitalier Spécialisé de Nouville, également situé dans Nouméa. Le secteur privé propose seulement des consultations, ce qui ne laisse donc pas le choix aux patients en cas d’urgence ou d’hospitalisation. La Nouvelle-Calédonie est un melting-pot d’ethnies et de métissages, consécutifs à son histoire et aux flux migratoires. Les us et coutumes sont fortement ancrés dans le quotidien des différentes communautés. Au recensement de 2009, les deux communautés majoritaires étaient les Kanaks, aussi appelés les Mélanésiens (40,3%), et les Européens (28,6%). Venaient ensuite les Wallisiens et Futuniens avec 8,6% de la population totale, puis 7,3% étaient regroupés dans les autres communautés identifiées (Tahitiens, Ni-Vanuatais, Indonésiens, Vietnamiens, autres Asiatiques et « autres »). 8,3% déclaraient appartenir à plusieurs communautés, ce sont les Métis, et 5% déclaraient appartenir à la communauté « Calédonienne », c’est à dire nés sur le territoire calédonien avec une identité culturelle se rapprochant de celle des Européens.
Les études menées sur les tentatives de suicide en Nouvelle- Calédonie
Le suicide est un problème de santé publique mondial. L’Organisation Mondiale de la Santé a décrété en 2012 dans son rapport sur la prévention du suicide, « l’état d’urgence mondial ».4 Le suicide est la deuxième cause de mortalité dans le monde chez les 15-29 ans après les accidents de voiture. La tentative de suicide est l’un des axes prioritaires de prévention du suicide. Avec 804 000 suicides dans le monde en 2012, le taux de suicide global standardisé selon l’âge est de 11,4 suicides pour 100 000 habitants avec une prédominance masculine. Le suicide touche légèrement plus les pays à revenus faibles et intermédiaires, avec un pic du taux de suicide dans la tranche d’âge 15-29 ans, alors que dans les pays à revenus élevés, la courbe ne subit pas de variation en fonction de l’âge. L’une des premières études à se pencher sur le problème du suicide en Nouvelle-Calédonie, est menée dans les années 70 sur 2616 patients hospitalisés à l’hôpital territorial de Nouméa.5 De 1969 à 1975, le taux de suicides dans la population générale (défini ici par les tentatives et les morts) semblait croître et être plus élevé qu’en France.
En 1987, ce sont les tentatives de suicide qui sont étudiées en psychiatrie au Centre Hospitalier Spécialisé de Nouméa.6 Sur les 40 patients hospitalisés pour tentative de suicide, les suicidants étaient majoritairement des femmes en couple. Le statut professionnel n’était pas un critère discriminant, le sexe masculin ne concernait exclusivement que des Européens, et aucun Mélanésien ou Wallisien. Mais cette étude manquait de puissance. Une étude de l’INSERM en 2008 concernant le comportement de santé des jeunes calédoniens, montrait le problème du suicide dans cette population. Ils feraient deux fois plus de tentatives de suicide que les jeunes vivant en France métropolitaine (12% contre 6%).7 La déclaration des tentatives de suicide ne variait pas selon l’âge, la région de résidence, la communauté ou encore la situation d’activité. Il faut attendre 2009 pour que soient rendus les résultats d’une vaste étude en population générale sur la santé mentale en Nouvelle-Calédonie, incluant 1500 personnes.8,9 Le risque suicidaire a été évalué à l’aide du MINI test (Mini International Neuropsychiatric Interview). Le risque suicidaire est alors plus élevé en ville qu’en tribu et en rural, et plus élevé dans le Grand Nouméa qu’en France métropolitaine. Les urbains déclaraient proportionnellement plus de tentatives de suicide que les ruraux et tribaux. On trouvait majoritairement des femmes dans les trois groupes et des personnes vivant seules en ville. Cette étude montrait aussi que les 18-29 ans étaient surreprésentés, davantage en milieu rural et tribal qu’en ville.
Ces deux études constituaient un apport considérable sur la connaissance de la santé de la population calédonienne. Mais elles comportaient des limites. La remémoration d’évènements douloureux et embarrassants, peut entraîner des réponses partielles ou erronées. De plus, le temps peut entraîner une réinterprétation d’évènements passés, un oubli partiel. Enfin, le facteur socio-culturel est important en Nouvelle-Calédonie. Répondre « oui » à une question est une forme de politesse ou de complaisance que l’on rencontre fréquemment chez les populations locales. Se pose le problème des questionnaires élaborés en France métropolitaine ou à l’échelle mondiale, qui ne sont pas toujours adaptés aux cultures locales. C’est dans ce contexte qu’a été mené à partir de 2010 un recueil de données sur les patients accueillis pour une tentative de suicide aux urgences psychiatriques du CHT Gaston Bourret de Nouméa. Une première analyse a été réalisée pour le sujet d’une thèse sur la période de février 2010 à février 2012.10 Il s’agissait principalement de femmes jeunes, le mode opératoire était l’intoxication médicamenteuse volontaire, majoritairement de personnes vivant seules, ayant un travail et d’origine Calédonienne. D’autres données recueillies lors de cette enquête n’ont pas été exploitées : le lieu de la tentative de suicide, l’intentionnalité donnée au geste, la sévérité somatique induite par la tentative de suicide, la nature de l’antécédent psychiatrique, l’hospitalisation en psychiatrie, la notion d’un évènement traumatique et sa nature. Cette étude s’est poursuivie jusqu’à février 2014. Les nouveaux éléments recueillis sur deux années supplémentaires, ont donc pour objectif de caractériser les tentatives de suicide prises en charge et d’affiner le profil du patient suicidant accueilli aux urgences du CHT de Nouméa. Une comparaison sera réalisée avec une étude similaire à la nôtre, réalisée en France Métropolitaine, pour en dégager les similitudes et les différences.
Type d’étude et population étudiée
C’est une étude épidémiologique monocentrique et rétrospective de tous les patients accueillis au Centre Hospitalier Territorial de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, pour une tentative de suicide, de février 2010 à février 2014, et ce, quelle que soit la prise en charge (retour à domicile, hospitalisation en médecine, en chirurgie ou en psychiatrie). Nous avons défini comme « suicidant » selon la Classification Internationale des Maladies (CIM-10), un individu qui a fait une tentative de suicide, c’est à dire « une intoxication ou une lésion traumatique que s’inflige délibérément un individu », par opposition au suicidé qui lui est décédé par suicide. La recherche s’est effectuée à partir des dossiers, et un tableau Excel a été complété pour les renseignements de plusieurs variables. Le CHT de Nouméa accueille la quasi totalité des suicidants de Nouvelle-Calédonie, car c’est l’unique structure d’urgences psychiatriques du territoire. Les suicidants habitant loin de Nouméa semblaient peu nombreux d’après les deux psychiatres travaillant alors en Province Nord (10 tentatives de suicide en moyenne hospitalisées au niveau du Centre Hospitalier Nord par an). Il n’y a pas de psychiatre basé dans les îles. Les patients isolés, sont adressés au CHT de Nouméa si une hospitalisation est nécessaire.
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Table des matières
- I.INTRODUCTION
I.1. Géographie de la Nouvelle-Calédonie
I.2. Histoire de la Nouvelle-Calédonie
I.3. Caractéristiques sociodémographiques de la Nouvelle-Calédonie
I.4. Les études menées sur les tentatives de suicide en Nouvelle-Calédonie
II.METHODES
II.1. Type d’étude et population étudiée
II.2. Variables étudiées
II.3. Gestion des données et analyses
II.4. Conditions éthiques
II.5. Choix de l’étude comparative métropolitaine
III. RÉSULTATS
III.1. Caractéristiques des tentatives de suicide
III.1.1. Nombre de tentatives de suicide
III.1.2. Le sexe et l’âge
III.1.3. Les communautés d’appartenance
III.1.4. L’association à des toxiques
III.1.5. Les modes de tentatives de suicide
III.1.6. Les hospitalisations en psychiatrie
III.1.7. Le lieu de la tentative de suicide
III.1.8. L’intentionnalité suicidaire
III.1.9. La sévérité somatique
III.2. Caractéristiques des patients suicidants
III.2.1. Nombre de tentatives de suicide par suicidant pendant l’étude
III.2.2. Le sexe et l’âge des suicidants
III.2.3. Les communautés d’appartenance des suicidants
III.2.4. Le niveau d’études des suicidants
III.2.5. Le statut matrimonial des suicidants
III.2.6. L’activité professionnelle des suicidants
III.2.7. Les antécédents psychiatriques et les diagnostics posés
III.2.8. Les antécédents de tentatives de suicide avant l’étude
III.2.9. Les antécédents d’évènements traumatiques
IV.DISCUSSION
IV.1. Commentaires sur les résultats observés
IV.2. Commentaires sur la méthodologie
IV.3. Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
VII. TABLE DES FIGURES
VIII. TABLE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE
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