Caractéristiques des fœtus ayant une cardiopathie congénitale

INTRODUCTION

    La Guyane française est un département français d’Outre-Mer situé en Amérique du Sud, entre le Brésil et le Suriname. Sa population est multiethnique, résultat de vagues de migrations successives [1]. Au 1er janvier 2016, la Guyane compte 269 352 habitants, soit 31 803 personnes de plus qu’en 2011. La Guyane a la plus forte croissance démographique de France, derrière celle de Mayotte [2]. Cette vigueur démographique est principalement portée par un solde naturel* positif. Celui-ci, sur la période 2011-2016, se caractérise par 28 850 naissances de plus que de décès. Entre 2014 et 2017, le nombre de naissances a notamment augmenté de 24%. En 2017, 8060 bébés sont nés en Guyane, soit 1470 de plus qu’en 2014 [3]. En revanche, la Guyane enregistre un taux de mortalité infantile élevé trois fois plus fort qu’en France métropolitaine. En 2017, près de dix enfants sur mille décèdent avant leur premier anniversaire contre 3,6 sur mille en métropole. Le suivi plus difficile d’un certain nombre de grossesses, le manque d’accès aux soins périnataux et des conditions de vie plus défavorables pourraient expliquer cette surmortalité infantile [3]. Les cardiopathies congénitales (CC) constituent le groupe le plus répandu d’anomalies congénitales majeures. Malgré des progrès considérables dans la prise en charge médicale et chirurgicale des nouveau-nés atteints de CC, la mortalité et la morbidité essentiellement associées aux malformations cardiaques les plus complexes restent significatives et constituent la première cause de mortalité par anomalies congénitales [4]. Ainsi, avec une prévalence totale proche de 1%, les CC représentent environ la moitié des décès dus à des anomalies congénitales, et sont devenues l’une des principales causes de mortalité infantile dans les pays développés. Plusieurs études décrivent dans certaines régions du monde l’épidémiologie des CC, notamment l’étude française EPICARD (EPIdémiologie des CARDiopathies congénitales) et l’étude européenne EUROCAT (European Surveillance of Congenital Anomalies) [5,7]. Ces études se sont particulièrement intéressées au mode de diagnostic (pré ou post natal) des CC, à la mortalité infantile des patients atteints de CC, ainsi qu’au devenir des patients à long terme [5,7].
*Solde naturel : différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès enregistrés au cours d’une période naturel : A notre connaissance, il n’existe aucune étude s’intéressant à ces différentes thématiques en Guyane Française. L’objectif principal de notre étude était d’analyser la file active de patients nés entre 2012 et 2016 ayant une cardiopathie congénitale et suivis en Guyane Française par les cardiopédiatres du CHU de Martinique. Les objectifs secondaires étaient d’étudier les caractéristiques des cardiopathies des fœtus expertisés durant cette même période (2012-2016), ainsi que le taux d’interruption médicale de grossesse (IMG) en fonction de chaque groupe de CC. Enfin, il s’agissait également de décrire la mortalité néonatale, post néonatale et infantile des patients atteints de CC en Guyane.

Schéma et cadre de l’étude – Population et variables étudiées

    Il s’agit d’une étude descriptive transversale monocentrique, avec un recueil rétrospectif des données. La période de collecte des données s’est déroulée entre le 10 juin 2019 et le 9 août 2019. Les cardiopédiatres appartenant au centre de compétence inter-régional M3C* AntillesGuyane, du CHU de Martinique, réalisent depuis 2007 des missions pluriannuelles (8-10 missions/an) de consultation spécialisée en Guyane, dans les hôpitaux de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni. Tous les enfants nés vivants entre 2012 et 2016 ayant bénéficié d’une expertise cardiopédiatrique en Guyane Française par l’équipe du centre de compétence M3C ont été inclus. Ont aussi été inclus l’ensemble des fœtus ayant bénéficié d’une expertise cardiaque fœtale par cette même équipe, entre 2012 et 2016, avec une cardiopathie congénitale confirmée. Les patients inclus pouvaient présenter une anomalie structurelle du cœur (malformation cardiaque), une anomalie constitutionnelle du cœur (cardiomyopathie hypertrophique, dilatée, non compaction ventriculaire), un trouble conductif ou rythmique. Les critères de non-inclusion ont été les patients présentant la persistance d’un foramen ovale perméable (FOP), la persistance du canal artériel dans un contexte de prématurité, les patients ayant présenté dans la première année de vie la fermeture spontanée de minimes communications inter-ventriculaires (CIV), ou encore les patients possédant une sténose valvulaire pulmonaire lâche et non évolutive avec un gradient maximal strictement inférieur à 30 mmHg. Les patients présentant une cardiopathie acquise, comme une cardite rhumatismale, une coronarite associée à une maladie de Kawasaki ou une myocardite ont été exclus. Afin de répondre à l’objectif principal, un certain nombre de variables ont été recueillies afin de définir les caractéristiques sociodémographiques, anatomiques, anténatales, génétiques et évolutives de ces CC, comme la date de naissance, la présence d’un diagnostic anténatal de la malformation cardiaque, la présence d’une anomalie génétique ou chromosomique, le type de cardiopathie, la réalisation d’un cathétérisme cardiaque diagnostique et/ou interventionnel, la réalisation d’une chirurgie cardiaque curative ou palliative.
*M3C : Malformations Cardiaques Congénitales Complexes : Afin de répondre aux objectifs secondaires, nous avons vérifié si chaque patient était vivant au 31 décembre 2018, ou au contraire s’il était décédé ou perdu de vue. Pour chaque décès confirmé, nous avons tenté de récupérer les dates et causes potentielles de chacun. Nous avons décrit, dans la mesure de nos connaissances, la mortalité néonatale précoce (inférieure ou égale à 7 jours), la mortalité néonatale tardive (de 8 à 28 jours), la mortalité post-néonatale (de 29 jours à 1 an) et dans l’ensemble, la mortalité infantile. Nous avons aussi analysé l’ensemble des fœtus expertisés sur le plan cardiaque, en Guyane, entre 2012 et 2016, afin d’étudier le taux de diagnostic anténatal (DAN) de chaque cardiopathie et le devenir des CC ainsi diagnostiquées (interruption médicale de grossesse (IMG), transfert-in utero (TIU) vers la Martinique ou la France métropolitaine). Le transfert-in utero consiste à orienter une patiente pour son accouchement vers une autre maternité dont le niveau de soins est adapté à son état de santé et/ou à celui de son futur nouveau-né. Dans notre situation, il permet d’améliorer les conditions de prise en charge néonatale : pour la réalisation d’un cathétérisme cardiaque interventionnel seul, le transfert a eu lieu vers le CHU de Martinique. Par contre, si une chirurgie néonatale précoce a été envisagée, le transfert a été effectué vers le centre de référence parisien. L’analyse du nombre des cardiopathies congénitales sur les 5 années étudiées, rapportée aux nombres de naissances, totales et vivantes, issue des données du RIGI (Registre d’Issue de Grossesse Informatisé) nous ont permis d’estimer une prévalence minimale des malformations cardiaques en Guyane Française [8]. Ainsi, les principales variables étudiées que sont la prévalence des CC, le taux d’IMG et la mortalité infantile ont été évaluées pour toutes les cardiopathies congénitales, pour les CC en excluant les patients « non codants », et les CC « isolées » c’est-à-dire sans atteinte chromosomique ou génétique associée.

Source des données, analyses et consentements

     Les données médicales ont été recueillies à l’aide des comptes rendus de consultations réalisées localement par l’équipe de cardiopédiatres du CHU de Martinique. Ces données ont été complétées par les comptes – rendus médicaux des patients hospitalisés dans les différents centres hospitaliers de Guyane (Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni). L’ensemble des données recueillies a été anonymisé pour le traitement des données. Le suivi bien structuré des patients depuis plus de 10 ans par l’équipe du centre M3C AntillesGuyane a permis un recensement pouvant être considéré comme très exhaustif des patients guyanais ayant une cardiopathie congénitale, en particulier pour les formes les plus complexes. Un consentement écrit et traduit en 4 langues (Français, Anglais, Créole haïtien et Portugais) a été envoyé à chaque famille dont l’enfant était inclus. L’absence de réponse au bout d’un mois confirmait la non-opposition de la famille à la participation de l’étude. Dans le cas contraire, il était possible aux parents de transmettre le refus de la participation de leur enfant à l’étude par mail ou par téléphone. Aucune opposition n’a été exprimée par courriel ou téléphone.

Caractéristiques des fœtus ayant une cardiopathie congénitale

     Le nombre de fœtus expertisés entre 2012 et 2016 s’élevait à 60 au total, parmi lesquels 44 sont nés vivants entre 2012 et 2016 et ont été inclus dans la population de l’étude. Le tableau 4 décrit la distribution et le devenir des cardiopathies des fœtus expertisés, selon la classification ACC-CHD (11 groupes, dont un groupe « non codant ») associées ou non à une anomalie chromosomique ou génétique. Le diagnostic anténatal était le plus important pour les 2 groupes de cardiopathies suivants : le groupe des hétérotaxies avec 100% de DAN et le groupe des ventricules fonctionnellement uniques avec 92,3% de DAN. Nous avons retrouvé une anomalie chromosomique chez 12 fœtus sur les 60 étudiés (soit 20%) amenant à un pourcentage total d’anomalies chromosomiques chez les 264 cas de CC (fœtus + naissances vivantes) de 11,4%. Il n’y a eu aucun diagnostic anténatal de fait pour les 3 groupes de cardiopathies suivantes : groupe 3 (anomalies des oreillettes et communications inter-auriculaires) ; groupe 5 (anomalies complexes des connexions atrio-ventriculaires) ; groupe 10 (anomalies congénitales des artères coronaires). Le nombre total d’IMG réalisées sur la période 2012 à 2016 s’élevait à 5,7% toutes cardiopathies confondues, et à 6% pour les cardiopathies « isolées » (anomalies chromosomiques et génétiques exclues). Le calcul du taux d’IMG en ayant extrait les patients « non codants » revient à 6,5% pour toutes les cardiopathies et à 6,9% pour les cardiopathies « isolées ». Une IMG a été réalisée dans 48,1% des cas pour les fœtus ayant un ventricule fonctionnellement ou anatomiquement unique.

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Table des matières

I/ INTRODUCTION
II/ MATÉRIELS ET MÉTHODES
Schéma et cadre de l’étude – Population et variables étudiées
Classification des cardiopathies congénitales
Source des données, analyses et consentements
III/ RÉSULTATS
Population de l’étude
Caractéristiques des fœtus ayant une cardiopathie congénitale
Estimation de la prévalence des cardiopathies congénitales en Guyane Française
Évaluation de la mortalité des cardiopathies congénitales
IV/ DISCUSSION
Le territoire Guyanais et ses enjeux de santé
Les cardiopathies congénitales et la classification ACC-CHD
Mise en parallèle de nos résultats avec les résultats EPICARD
Analyse des fœtus expertisés entre 2012 et 2016
Analyse du groupe des cœurs univentriculaires
Force et limites de notre étude
Quelles pistes pour l’avenir ?
V/ CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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