Caractéristiques des capteurs chimiques et biologiques
Les performances des biocapteurs sont évaluées suivant différentes caractéristiques répondant au cahier des charges du biocapteur idéal. Dans un ordre d’importance, ces propriétés concernent la sélectivité, la reproductibilité, la stabilité, la sensibilité, la linéarité de réponse, et le temps de réponse du biocapteur.
Sélectivité. La sélectivité est une caractéristique centrale déterminante lorsqu’un biocapteur est développé. Il s’agit de la capacité du module biorécepteur à détecter avec une certaine spécificité la molécule cible contenue dans un échantillon complexe composé de molécules de conditionnement, d’éléments contaminants, et d’autres réactifs. Le niveau de sélectivité ou de spécificité est inhérent au biorécepteur utilisé au sein du dispositif. Une sélectivité idéale garantie une absence de faux positifs puisque le biorécepteur est fortement discriminant vis-à-vis de la molécule cible. Deux systèmes d’interface sélectives sont mentionnés dans la littérature : les interfaces enzymatiques (ou catalytiques) et les interfaces basées sur des reconnaissances affines (anticorps, nano anticorps (nanobodies), sondes oligonucléotidiques, matériaux possédant des propriétés d’affinité pour une molécule cible donnée, etc.). Les biorécepteurs enzymatiques ont démontré une spécificité supérieure aux biorécepteurs à affinités. Cependant, ils sont moins stables chimiquement, sujets à la dénaturation, peu adaptables aux différentes architectures de biocapteurs, et le phénomène métabolique de biodétection enzymatique n’est pas toujours réversible, ce qui peut être un inconvénient supplémentaire suivant l’application visée. Toutes ces raisons ont conduit les scientifiques à favoriser le développement des biorécepteurs à affinité .
Quelques exemples typiques de biorécepteurs à affinité très largement utilisés sont les sondes oligonucléotidiques et les anticorps, utilisés comme sondes bioréceptrices dans les classes des génocapteurs et des immunocapteurs, respectivement. La sélectivité est un axe principal d’amélioration des biocapteurs, notamment à travers la fabrication de nouveaux biorécepteurs artificiels synthétisés pour être spécifiques de la molécule cible. On trouve également l’utilisation combinée de plusieurs biorécepteurs pour obtenir une empreinte moléculaire spécifique qui soit propre à la molécule cible.
Reproductibilité. Lorsqu’une même mesure est répétée, un biocapteur reproductible communique des résultats précis et non dispersés autour d’une valeur moyenne. Tant que les paramètres d’analyses sont maintenus constants, les réponses du biocapteur sont constantes d’une mesure à l’autre. Cette propriété est fondamentale pour évaluer la fiabilité et la robustesse des biocapteurs.
Stabilité. La stabilité d’un biocapteur concerne sa capacité à conserver un signal de sortie sans dérive ou hystérésis, et reproductible, sous l’influence de perturbations environnementales ou locales (lumière, température, pH, autres). Cette propriété est d’une importance capitale en ce qui concerne les expérimentations à longue durée au cours desquelles le signal de sortie est mesuré en continu ou à des intervalles de temps allant d’une heure à plusieurs jours. La nature du biorécepteur utilisé peut influer sur la stabilité du biocapteur. Un biorécepteur peu stable chimiquement et qui se dénature dans le temps sera un élément limitant pour l’obtention d’une stabilité optimale.
Sensibilité. La sensibilité est la capacité du biocapteur à pouvoir détecter de faibles concentrations de molécules d’intérêt qui seraient présentes dans un échantillon. Théoriquement, il s’agit de la valeur du rapport entre la variation du signal de sortie « y » et la variation de l’évènement d’entrée mesuré « x » (i.e., la pente de la caractéristique du biocapteur « δy/ δx », ou la tangente en un point d’intérêt choisi par l’utilisateur). Une sensibilité optimale couplée à un rapport de signal sur bruit élevé permet une absence de faux négatifs (cas positif non détecté et présenté comme négatif du fait des limitations de sensibilité). Plusieurs états de santé pathologiques sont identifiés par des seuils cliniques. La capacité d’un biocapteur à pouvoir détecter de façon fiable de faibles traces de biomarqueurs permet un diagnostic précoce d’une maladie et présente ainsi un intérêt considérable pour le corps médical.
Linéarité. Cette propriété permet d’évaluer la précision de mesure du biocapteur sur une gamme de mesures linéaires. Une gamme de linéarité optimale est prévisible selon l’équation y = a×x + b avec y, le signal de sortie, a, la sensibilité du biocapteur, x, la concentration de l’analyte et b, le signal de référence.
Temps de réponse. Temps nécessaire à la restitution de 95% de la mesure analytique. Cette spécification dépend de plusieurs facteurs : le temps que met la molécule cible à migrer vers la couche sensible ou le biorécepteur, la durée du métabolisme réactionnel et le temps de réponse intrinsèque au couple transducteur/ élément de mesure du signal de détection. Le temps de réponse peut être optimisé suivant différentes stratégies. L’utilisation de systèmes microfluidiques permettant la manipulation de faibles volumes réactionnels afin d’optimiser la probabilité d’entrée en contact des molécules sondes et cibles, la fabrication d’une couche dense de fonctionnalisation du biocapteur, et le chauffage de l’électrolyte (ceci ayant pour effet d’augmenter les coefficients de diffusion des molécules).
Classification des biocapteurs suivant le type de transducteur
Comme abordé précédemment, les biocapteurs peuvent être catégorisés sur la base du principe d’opération du type de transducteur sur lequel ils sont construits. Les transducteurs peuvent être de type optique, électrochimique, piézoélectrique, gravimétrique, thermique, acoustique, etc. Les paragraphes suivants font une brève description des classes prédominantes.
Biocapteurs à transducteurs optiques . Dans cette configuration, le transducteur convertit le signal de détection en une variation de quantité de photons. Le paramètre variable mesuré peut être la variation d’absorbance du transducteur, la transmittance, la réflectance, la polarisation, ou d’autres paramètres optiques propres au transducteur. La variation de ces paramètres optiques est directement corrélée et est proportionnelle à la biodétection des molécules d’intérêt. Les phénomènes optiques sur lesquels sont fondées les mesures sont les phénomènes de fluorescence , de variation de longueur d’onde optique , de plasmons de surface , d’ondes évanescentes . Certaines entreprises telles que « cytivalifesciences » (instrument Biacore) ou « Aryballe » (instrument NeOse) ont des technologies de détection basées sur des transducteurs optiques.
Biocapteurs à transducteurs électrochimiques . Les transducteurs électrochimiques transmettent directement un signal électrique au module électronique de mesure. La réaction chimique acido-basique, d’oxydoréduction, ou d’adsorption se produisant entre le biorécepteur et la molécule cible induit une variation de charges qui modifie « proportionnellement » les propriétés électriques du transducteur au travers d’une variation de potentiel, de courant, d’impédance, ou de capacité entre les bornes d’une ou de plusieurs électrodes.
La nature électrique du signal de détection est un avantage qui a considérablement favorisé le développement et l’utilisation des biocapteurs à mode de transduction électrochimique. Le transducteur électronique peut être assimilé à un intermédiaire qui exerce une influence minimale sur la mesure analytique qui est, de facto, d’autant plus fine, rapide, et fiable. D’autres avantages existent et concernent notamment les faibles besoins énergétiques de ce type de systèmes, et leur capacité à être intégré aux systèmes électroniques avancés de mesure et de traitement des signaux émis par le transducteur.
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Table des matières
1. CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
1.1. CONTEXTE, INTERET ET ENJEUX
1.2. BIOCAPTEURS
1.2.1. Fondamentaux
1.2.1.1. Contexte Historique
1.2.1.2. Description des biocapteurs
1.2.1.3. Caractéristiques des capteurs chimiques et biologiques
1.2.1.4. Classification des biocapteurs suivant le type de transducteur
1.2.1.5. Biocapteurs FET à nanofils de silicium
1.2.2. Principe de fonctionnement des ISFETs/ BioFETs à nanofils de Si
1.2.3. Revue des travaux académiques
1.2.3.1. Détection de molécules d’intérêt à partir de BioFETs à nanofils de Si
1.2.3.2. Limitations des BioFETs à nanofils de Si
1.3. NOTRE POSITIONNEMENT PAR RAPPORT A L’ETAT DE L’ART
2. CHAPITRE 2 : DEVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE DES BIOCAPTEURS A NANOFILS DE SI
2.1. ETAPES TECHNOLOGIQUES DE FABRICATION DES BIOCAPTEURS A NANOFILS DE SI
2.1.1. Description de notre puce
2.1.1.1. Région « matrice »
2.1.1.2. Région de motifs variables
2.1.2. Principales étapes de fabrication
2.1.3. Photographie des biopuces fabriquées
2.2. CARACTERISATION ELECTRIQUE A SEC DES DISPOSITIFS BIOFET
2.2.1. Caractéristiques de transfert à l’échelle de la puce et de la plaque SOI
2.2.2. Effet de la gravure de cavité sur la tension de seuil des BioFETs
2.2.3. Effet du dimensionnement des structures de type nanofils
3. CHAPITRE 3 : FONCTIONNALISATION DES NANOFILS DE SI
3.1. INTRODUCTION A LA NOTION DE FONCTIONNALISATION DE SURFACE
3.2. GENERALITES SUR LES SILANES ET LEUR UTILITE EN TANT QU’AGENT DE FONCTIONNALISATION
3.3. PRESENTATION DES DIFFERENTES METHODES DE FONCTIONNALISATION UTILISEES
3.3.1. Méthode 1 : fonctionnalisation par silanisation en phase vapeur, APTES/GA
3.3.1.1. Fonctionnalisation d’échantillons plans SiO2/ Si
3.3.2. Méthode 2 : fonctionnalisation par silanisation en phase liquide, EHTES
3.3.3. Caractérisation optique des échantillons fonctionnalisés
3.3.3.1. Préparation des échantillons pour les sessions d’imagerie en microscopie à fluorescence
3.3.3.2. Environnement expérimental d’hybridation
3.3.3.3. Rinçages post-hybridation
3.3.4. Caractérisation des surfaces fonctionnalisées et greffées
3.3.4.1. Généralités sur la microscopie de fluorescence
3.3.4.2. Interprétation d’une micrographie de fluorescence et descriptif du matériel de microscopie à fluorescence utilisé
3.3.4.3. Observation de la fluorescence après hybridation de l’ADN en utilisant le protocole APTES/GA
3.3.4.4. Observation de la fluorescence après hybridation de l’ADN en utilisant le protocole EHTES
3.3.4.5. Discussion concernant les micrographies de fluorescence
3.3.5. Effet de la quantité de ssDNA greffée sur l’intensité de fluorescence mesurée
3.3.6. Conclusion
4. CHAPITRE 4 : CARACTERISATIONS ELECTRIQUES DES BIOFETS
4.1. MESURE DE PH
4.1.1. Introduction
4.1.2. Préparation des électrolytes
4.1.3. Modes de mesure
4.1.4. Caractéristiques de transfert mesurées en mode « Simple grille »
4.1.5. Caractéristiques de transfert mesurées en mode « Double grille »
4.1.6. Influence du motif du transistor sur la sensibilité de mesures en pH
4.1.7. Conclusion
4.2. DETECTION D’ADN
4.2.1. Etat de l’art sur les BioFETs à détection d’ADN
4.2.2. Réactifs expérimentaux et méthodologie de détection des oligonucléotides
4.2.3. Résultats et Discussion (détection électrique de deux brins d’ADN complémentaires)
4.2.4. Conclusion
4.3. DETECTION DE PROTEINE : EXEMPLE DE LA THROMBINE
4.3.1. Bibliographie
4.3.2. Méthodes de fonctionnalisation des oxydes de grille des transistors et détection électrique des molécules de thrombine
4.3.2.1. Détails du protocole de fonctionnalisation
4.3.2.2. Etapes de caractérisations électriques
4.3.3. Résultats et Discussion
4.3.3.1. Analyses de mouillabilité
4.3.3.2. Analyses des caractéristiques électriques
4.3.4. Conclusion
5. CONCLUSION GENERALE
6. PERSPECTIVES
7. RÉFÉRENCES
PUBLICATIONS
8. CONFÉRENCES