Caractéristiques de l’utilisation de l’ocytocine
Matériel et méthode
Une étude rétrospective a été menée au sein de la maternité du CHU d’Angers entre le le 1er janvier et le 31 décembre 2014 incluant toutes les hémorragies du post-partum. A partir des données du PMSI du CHU d’Angers, ont été extraits les accouchements pour lesquels un codage « hémorragie de la délivrance » ou « hémorragie sévère de la délivrance » avait été saisi au cours de l’année 2014. Les dossiers correspondant à ces accouchements ont tous été consultés et la vérification de l’existence d’une hémorragie du post-partum (perte sanguine supérieure à 500ml) a été effectuée. Les critères d’exclusion suivants ont ensuite été appliqués : accouchement par césarienne (programmée ou en urgence), âge gestationnel inférieur à 37 SA, grossesse multiple, patiente présentant une pathologie de l’hémostase identifiée en antepartum, anomalie d’insertion placentaire (placenta prævia /accreta), mort foetale in utero, présentation du siège, accouchement survenu hors de la maternité.
Caractéristiques de l’utilisation de l’ocytocine
En dehors des déclenchements, la justification de l’utilisation de l’ocytocine a rarement été tracée dans les dossiers (5,7%), sans différence entre les deux groupes. La dilatation cervicale au début de l’administration était identique dans les deux groupes avec une moyenne de 5,7 cm (± 3,1 cm) ainsi que le ratio de temps de travail avec ocytocine (57,5% en moyenne (± 28,1%)). La durée d’utilisation de l’ocytocine, la dose totale et le débit maximal atteint étaient statistiquement différents dans les deux groupes (p-value respectivement égales à 0,029, 0,020 et 0,019), avec des valeurs supérieures dans le groupe d’HPP sévère. Dans ce groupe la durée moyenne d’utilisation de l’ocytocine était de 308,2 minutes (vs 249,3), la dose totale moyenne de 2818,4mUI (vs 1941,8) et le débit maximal de 10,7 mUI/minute (vs 9). Le poids foetal, et plus précisément la macrosomie foetale, étant un facteur de risque connu d’atonie utérine et donc d’HPP, un ajustement sur le poids foetal a été réalisé. Deux sous-groupes ont été constitués : les nouveau-nés de poids inférieur à 4000 grammes (non macrosomes) et ceux de poids supérieur à 4000 grammes (macrosomes). Pour les accouchements concernant les nouveau-nés non macrosomes, les p-value relatives à la dose, à la durée d’utilisation et au débit maximal restent statistiquement significatives. En revanche, les différences ne sont pas significatives pour les accouchements concernant les nouveau-nés macrosomes (tableau II).
Discussion
Cette étude a mis en évidence que les valeurs moyennes des variables relatives à l’utilisation de l’ocytocine de synthèse pendant le travail (la dose totale administrée, la durée d’utilisation et le débit maximal atteint) étaient significativement plus élevées chez les patientes ayant fait une HPP sévère par rapport à celles ayant fait une HPP modérée. Ces différences restaient significatives pour les accouchements concernant les nouveau-nés non macrosomes mais pas pour les nouveau-nés macrosomes. Les autres variables associées à l’HPP sévère étaient le poids foetal et le temps de travail. Concernant la prise en charge de l’hémorragie, des différences de pratiques ont été identifiées avec un recours plus fréquent au sulprostone et au ballon de tamponnement en cas d’hémorragie sévère.
En cas d’hémorragie modérée, il était plus fréquemment utilisé une administration lente d’ocytocine. Cette étude repose sur un recueil quasi exhaustif des données puisque seuls six dossiers n’ont pas été retrouvés. Les dossiers étaient également exhaustifs puisqu’aucune donnée n’était manquante et toutes les données relatives à l’utilisation de l’ocytocine pendant le travail ont pu être calculées à l’aide des partogrammes et/ou des enregistrements du rythme cardiaque foetal. Toutefois cette étude comporte certaines limites. Son caractère monocentrique ne permet pas une généralisation des données à l’ensemble des maternités.
L’analyse des HPP seules, et non la réalisation d’une étude cas-témoin HPP versus absence d’HPP, limite probablement sa puissance statistique. L’incidence de l’HPP retrouvée de cette étude concorde avec les données de la littérature relatives aux équipes utilisant des sacs de recueil, soit environ 10%(5). Les études sur l’utilisation de l’ocytocine de synthèse pendant le travail et ses conséquences en termes d’issues maternelles et néonatales sont peu nombreuses. Les comparaisons entre études sont difficiles en raison de différences de définitions et de pratiques, que ce soit pour l’administration de l’ocytocine comme pour la prise en charge de l’HPP. En 2013, deux meta-analyses de la Cochrane collaboration ont porté sur l’utilisation de l’ocytocine (faible dose vs dose élevée) et son impact sur la voie d’accouchement d’une part (6) et sur le déclenchement du travail d’autre part (7). Ces études intégraient l’HPP parmi les complications des accouchements.
Aucune de ces deux meta-analyses ne retrouvait de lien entre l’utilisation de l’ocytocine et les HPP. En France, l’étude de référence sur le sujet a été publiée en 2011 par Belghiti et al.(3). Cette étude cas-témoin en population, nichée dans la cohorte Pithagore 6, a retrouvé une association dose-dépendante entre administration d’ocytocine pendant le travail et risque d’hémorragie sévère du post-partum. Cette étude incluait 1483 HPP graves (baisse du taux d’hémoglobine ≥ 4g/dL et/ou transfusion sanguine) et 1758 témoins. Un sur-risque d’HPP sévère a été retrouvé pour les patientes ayant reçu de l’ocytocine pendant le travail (OR de 1 à 5 selon le niveau d’exposition à l’ocytocine). Cependant ce sur-risque était moindre en cas de pratique d’une délivrance dirigée et significatif uniquement pour les patientes ayant reçu de fortes doses d’ocytocine (supérieures à 4000mUI) (OR ajusté = 2,1, 95%IC [1,3-3,3]).
Conclusion
A la maternité du CHU d’Angers en 2014, parmi la cohorte de patientes ayant fait une HPP après un accouchement voie basse, celles ayant fait une HPP sévère avaient reçu significativement plus d’ocytocine de synthèse, pendant plus longtemps et à un débit maximal plus élevé que celles ayant fait une HPP modérée. Cependant, après analyse multivariée, les variables relatives à l’utilisation de l’ocytocine (dose, durée d’utilisation et débit maximal) n’apparaissent pas comme des facteurs de risque indépendants d’HPP. Dans cette population ayant fait une hémorragie du post-partum et ayant reçu de l’ocytocine de synthèse pendant le travail, seul le poids du nouveau-né apparait comme facteur de risque indépendant d’HPP sévère. Nous ne sommes donc pas en mesure, à partir des données recueillies, d’établir le risque de survenue d’HPP sévère à partir de la dose d’ocytocine ni de son débit maximal ni de sa durée d’utilisation. Les pratiques actuelles de prévention et de prise en charge de l’HPP contribuent très probablement à une réduction du volume hémorragique et interviennent donc comme un facteur protecteur limitant l’étude des corrélations entre facteurs de risque et HPP sévère. Une large étude de cohorte de patientes, recevant de l’ocytocine de synthèse pendant le travail, serait nécessaire afin d’étudier de manière plus précise le rôle de cette thérapeutique dans la survenue d’hémorragies du post-partum.
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Table des matières
1.Introduction
2.Matériel et méthode
3.Résultats
3.1. Analyse univariée
3.1.1. Caractéristiques maternelles
3.1.2. Caractéristiques du travail et de l’accouchement
3.1.3. Caractéristiques de l’utilisation de l’ocytocine
3.1.4. Caractéristiques de la prise en charge de l’HPP
3.2. Analyse multivariée
3.2.1. Régression logistique binaire descendante pas à pas avec variables entrées dans l’équation significatives en analyse univariée (p <0,1) et non colinéaires
3.2.2. Régression logistique binaire descendante pas à pas avec variables entrées dans l’équation significatives en analyse univariée (p < 0,1), et non colinéaires, plus variables d’intérêt clinique
Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES FIGURES
TABLE DES TABLEAUX
ABREVIATIONS
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