L’antibioprophylaxie est une prescription d’antibiotique qui s’applique à certains types de chirurgies « propres » (à risque infectieux faible mais grave comme la mise en place de matériels prothétiques) ou des chirurgies « propre – contaminées» (à risque infectieux élevé) [1]. Son objectif est de s’opposer à la prolifération bactérienne au niveau du site opératoire et de diminuer ainsi le risque d’infection. Selon la littérature, elle permet de diminuer d’environ 50 % le risque d’infection du site opératoire (ISO) [2]. L’ISO se définit comme toute infection au niveau du site opératoire qui apparait dans les 30 jours en post opératoire ou dans l’année qui suit la mise en place d’un matériel prothétique [3]. Elle constitue la première cause d’infection liée aux soins dans les pays en développement [4] et la deuxième cause d’infections nosocomiales après les infections urinaires dans les pays développés [5]. Elle est associée à une charge économique significative en termes d’allongement de séjour à l’hôpital et de coût d’hospitalisation [6]. Aux Etats-Unis, en 2005, l’incidence de l’ISO est de 1,98% [6] et en Europe, cette incidence est de 0,6 à 9,5% en 2013- 2014 [7]. Pour le continent africain, de 2004 à 2009, une méta-analyse publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rapporte une incidence d’ISO qui varie de 2,5 à 30,9 % [8]. L’existence d’un protocole bien définit de prévention d’ISO, parmi lequel l’antibioprophylaxie chirurgicale ; d’une évaluation régulière de ces pratiques de prévention ainsi qu’un système de surveillance continue de l’incidence d’ISO dans les pays développés dont l’incidence d’ISO est assez faible pourrait expliquer l’incidence assez faible d’ISO dans ces pays par rapport à celle des pays africains[9].
A Madagascar, il n’y a pas encore des données exactes sur l’incidence globale d’ISO. Toutefois, en 2012, il existe une étude de sept jours effectués dans tous les services de l’Hôpital Universitaire Joseph Ravoahangy Andrianavalona (HUJRA) qui a constaté un taux de prévalence d’infection nosocomiale de 9,42% ; dont l’ISO représente 47,8% des cas [10]. Et une autre étude a retrouvée 10 cas d’infection sur matériels d’ostéosynthèse en un an [11]. Ainsi, nous supposons qu’il est jugé nécessaire d’effectuer une évaluation des moyens de prévention dont l’antibioprophylaxie et parallèlement l’incidence d’ISO. D’où l’objectif principal de notre étude qui est d’évaluer la pratique de l’antibioprophylaxie chirurgicale pour les interventions programmées à l’HUJRA.
RESULTATS
Caractéristiques générales
A la fin de l’étude, nous avons retenus 353 dont 183 de genre masculin (soit 52%) et 170 de genre féminin (soit 48%) avec un sex ratio de 1,06 (Figure 1). L’âge médiane est de 46 ans (± 16 ans) avec des extrêmes de 16 ans et 91ans, dont 34 patients ont plus de 70 ans (Figure 2). Le poids moyen est de 59,09 kg (±12,26 kg) : 04 patients ont une IMC plus de 30 kg/m2 , une patiente a une IMC à 15,5kg/m2 .
Et environ 28% des patients ont présenté des comorbidités (Tableau I).Des situations particulières pouvant modifiées l’immunité comme le diabète, l’éthylotabagisme chronique, la chimiothérapie mais également l’existence d’allergie aux bétalactamines ont été spécialement précisés (Figure 3). 3,97% des patients présentaient une allergie aux béta-lactamines.
Types d’intervention
Nous avons classé les interventions en six (06) sous-groupes (Tableau II): la neurochirurgie, la chirurgie thoracique et vasculaire (incluant chirurgie du cou comme la thyroïdectomie), la chirurgie digestive (incluant le tube digestif et des voies biliaires
ainsi que la paroi abdominale), la chirurgie urologique, la chirurgie gynécologique et enfin la chirurgie orthopédique et traumatologique. La chirurgie gynécologique prédomine dans 25,55% des cas. On y compte parmi ce type de chirurgie l’hystérectomie totale ou partielle qui sont effectué en totalité par laparotomie; puis il y a la chirurgie du sein, que ce soit mammectomie avec ou sans curage ganglionnaire, ou quadrantectomie ou seulement nodulectomie ; enfin la cure de fistule vesico-vaginale et l’annexectomie. La chirurgie digestive occupe les 19,55% des cas. Elle est composée de chirurgie de la paroi abdominale avec l’abdominoplastie, l’hernioraphie sans pose de plaque ; de la chirurgie proctologique comme la cure de fistule péri-annale et des hémorroïdes, puis l’appendicectomie non compliqué, une réintégration de colostomie sur colon préparé, enfin la cholécystectomie, et toute exérèse de masse abdominale. La chirurgie urologique (18,70%) est dominée par la chirurgie de la prostate : adénomectomie, prostatectomie radical, puis les dilatations urétrales, vient ensuite la chirurgie vésicale par résection vésicale via laparotomie ou trans urétrale. On y compte aussi parmi cette classe la chirurgie testiculaire (orchydectomie, orchydopéxie) et les ablations des lithiases à ciel ouvert ou par endoscopie, et enfin il y a la néphrectomie. Concernant la chirurgie orthopédique et traumatologique, 18,70% des interventions appartiennent à cette sous-groupe et 14,45% des interventions totales comportent la pose de matériel, il s’agit des ostéosynthèses et des prothèses articulaires, le reste est composé de l’AMO ; la chirurgie des parties molles (biopsie, exérèse, séquelles brûlures), et les ligamentoplasties. La chirurgie du thorax (10,76%) est composée de la chirurgie pleurale et pariétale (talcage, décortication, thoracoplastie, tumeur pariétale), puis il y a la thyroïdectomie sur goitre plongeante, les médiastinoscopies et lobectomies. La chirurgie vasculaire est constituée exclusivement par les varices.
Enfin pour neurochirurgie (6,80%), il y a les interventions sur la boite crânienne comme le relèvement d’embarrure et la cranioplastie ; les interventions intracrâniennes (évacuation HSD, exérèse de tumeur cérébral), la dérivation du LCS; et enfin il y a les interventions sur le rachis : laminectomie, ostéosynthèse avec mise en place de plaque.
Caractéristiques de l’antibioprophylaxie
Type d’antibiotique utilisé
Parmi les 353 patients étudiés, 09 patients (2,55%) n’ont eu aucun antibiotique, 85 patients, soit 24,07%, ont reçu un seul antibiotique, et 258 patients (73,08%) ont eu deux antibiotiques de différents types, et il y a eu un patient (0,28%) qui a bénéficié trois types d’antibiotiques.
➤ En monothérapie
La céphalosporine de 3ème génération (C3G), type Ceftriaxone est l’antibiotique le plus utilisé en monoprophylaxie (11,66%), vient ensuite le Métronidazole, qui est utilisé seul chez 21 patients (5,95%), puis les pénicillines A avec ou sans inhibiteur de bétalactamase (3,12%), enfin les Fluoroquinolones (Ofloxacine et Ciprofloxacine) (2,83%) et Céphalosporine de 1ère génération (C1G) (0,57%) (Figure 7).
➤ En bithérapie et trithérapie
L’association C3G – Métronidazole est la plus fréquente car elle concerne 239 prescriptions, soit 69,12% de la population totale. Vient ensuite les Fluoroquinolones associés au Métronidazole, qui sont administré chez 11 patients (3,12%), 04 patients ont eu Amoxicilline-acide clavulanique et Métronidazole (1,13%). Un patient a reçu Lincomycine associé au Métronidazole et un autre Fluoroquinolone associé au C3G.
Une association de trois types d’antibiotique comprenant C3G, Métronidazole et Gentamycine a été faite chez un patient.
Choix de l’antibiotique selon le type de chirurgie
Sur les 236 chirurgies propres, 230 ont bénéficiés d’une antibioprophylaxie. Une chirurgie qui consiste en une pose de matériel ainsi que deux chirurgies propres – contaminées n’ont pas reçus d’antibioprophylaxie .
➤ En monothérapie
L’antibiotique le plus utilisé en Neurochirurgie est la métronidazole. Pour le cas de la chirurgie thoracique et vasculaire ainsi que la chirurgie digestive, le C3G et l’imidazolé constituent les antibiotiques les plus employés en prophylaxie chirurgicale. En chirurgie urologique, il s’agit surtout du Fluoroquinolones. Enfin, en orthopédie et traumatologie, c’est le C3G
➤ Utilisée en association
Presque dans tous types de chirurgie, l’association C3G et métronidazole prédomine largement, avec une fréquence d’utilisation à plus de 80% par rapport aux autres types d’association. Les autres associations sont quasi nulles sauf en urologie où, après l’association C3G-Métronidazole, on retrouve en second position l’utilisation de Fluoroquinolone associé au Métronidazole. En traumatologie il y a eu un cas de trithérapie avec association C3G, Métronidazole et Gentamycine pour une ostéosynthèse .
Heure de la première injection
La première dose d’antibiotique injectée entre 30 à 60 minutes avant l’incision est faite chez 184 patients, soit 52,12% des cas. Cette première dose est administrée entre l’incision et 30 minutes avant chez 109 patients (30,88%), chez 31 patients (8,78%), l’antibiotique est administré entre 60 et 90 minutes avant l’incision, l’injection est effectué à plus de 90 minutes de l’incision chez 11 patients (3,17%) et après l’incision chez 18 patients (5,10%). La figure 8 illustre cette heure de la première injection, en abscisse il y a l’heure et en ordonnée le nombre de patients : l’heure de l’incision équivaut à M0, toutes heures d’injections avant l’incision est exprimée en nombre négatif et celles faites après l’incision en nombre positif.
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Table des matières
INTRODUCTION
METHODES ET RESULTATS
I. METHODES
I.1. Objectifs de recherche
I.2. Caractéristiques du cadre d’étude
I.3. Type d’étude
I.4. Période et durée de l’étude
I.5. Population d’étude
I.6. Variables étudiés
I.7. Outils de collecte de données
I.8. Analyse statistique
II. RESULTATS
II.1. Caractéristiques générales
II.2. Caractéristiques de l’intervention
II.2.1. Durée de l’intervention
II.2.2.Types d’intervention
II.2.3.Classification de POLK/ALTEMEIER
II.2.4.Pertes sanguines peropératoires
II.3. National Nosocomial Infections Surveillance (NNIS)
II.4. Caractéristiques de l’antibioprophylaxie
II.4.1.Type d’antibiotique utilisé
II.4.2.Choix de l’antibiotique selon le type de chirurgie
II.4.3.Heure de la première injection
II.4.4.Réinjection
DISCUSSION
I. ETUDE DU TERRAIN
I.1. L’âge
I.2. Le poids
I.3. L’allergie aux béta – lactamines
II. PARAMETRES LIES A L’INTERVENTION
II.1. Le type d’intervention
II.2. La durée de l’intervention
III. INDEX DE NNIS
IV. PARAMETRES LIES A L’ANTIBIOPROPHYLAXIE
IV.1. Le choix de la molécule
IV.2. L’heure de la première dose
IV.3. Les réinjections
V. LIMITES ET PERSPECTIVES
VI.1. Limites de l’étude
VI.2. Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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