CARACTERISTIQUES DE LA DOULEUR
LA DOULEUR DANS LโHISTOIRE: (9,10)
Lโidรฉe que lโon sโest faite de la douleur a variรฉ ร travers lโhistoire au grรฉ des connaissances disponibles ร diffรฉrentes รฉpoques et dans les diffรฉrentes civilisations. La douleur รฉtait souvent associรฉe ยซ au mal ยป. Durant la prรฉhistoire, lโhomme aurait considรฉrรฉ la douleur comme lโoeuvre du dรฉmon. Lโรชtre humain fait la relation entre une blessure ou un traumatisme et la souffrance. En revanche, la souffrance dont il ne perรงoit pas la cause, reprรฉsente un รฉvรฉnement mystรฉrieux qui ne peut venir que dโune puissance surnaturelle. Dรจs lโorigine, le souci dโallรฉger lโhumanitรฉ de ses souffrances fut une prรฉoccupation importante des mรฉdecins. Hippocrate dira : ยซ Soulager la douleur est une chose divine ยป. Cโest-ร -dire que le mรฉdecin, lorsquโil rรฉussit, est comme un dieu ; puissant et bienfaisant.
Cependant, lโaphorisme signifie aussi bien que la sรฉdation de la douleur est le privilรจge des dieux. Lโhomme, lui, fait ce quโil peut ! Les mรฉdecins de lโantiquitรฉ, รฉgyptiens, grecs et plus tard les romains connaissaient bien les substances naturelles qui provoquent le sommeil et apaisent la douleur. Au Moyen Age et avec la montรฉe du christianisme, la douleur รฉtait considรฉrรฉe comme expiation et on abandonna progressivement la pharmacopรฉe antique. Lโaction des plantes hypnogรจnes faisait aussi courir le risque de surdosage parfois mortel et รฉtait considรฉrรฉe comme relevant de la sorcellerie, seule la sanctification prรฉalable de ces plantes autorisait ร les utiliser. Les chirurgiens rรฉpugnaient ร opรฉrer sur un corps endormi qui prรฉsentait tous les signes de la mort. Mรชme les malades croyaient ร lโefficacitรฉ du chirurgien en proportion du mal quโil faisait. Quelques siรจcles dโobscurantisme se succรจdent oรน seule la mรฉdecine arabe, notamment avec Avicenne (980โ1037), sโintรฉressera aux analgรฉsiques. Vers la fin du Moyen Age, sous lโinfluence de lโรฉglise, la douleur devient rรฉdemptrice.
Celui qui souffre gagnera son paradis, mais aussi celui qui soulage les souffrances de son prochain. Les premiers hรดpitaux sont tenus par des religieux. Les interventions chirurgicales sont pratiquรฉes sous ยซ anesthรฉsie ยป. Des รฉponges imbibรฉes dโopium, de lierre, de mandragore et de musc sont appliquรฉes au patient dรจs le XIIe siรจcle. Le XVIIe siรจcle voit รฉclore les moyens dโanalgรฉsie et dโanesthรฉsie : le protoxyde dโazote ou gaz hilarant. En 1792, sous la rรฉvolution franรงaise, lโรฉther retrouve le jour. Larrey, chirurgien de Napolรฉon, applique du froid pour insensibiliser localement ses patients. Cโest aussi sous lโEmpire, quโon met en รฉvidence les propriรฉtรฉs analgรฉsiques de la morphine et anesthรฉsiques du chloroforme. En 1886, le paracรฉtamol est dรฉcouvert et quelques annรฉes plus tard lโaspirine est nรฉe. Malgrรฉ ceci, et jusquโau dรฉbut du XIXe siรจcle, un courant dโopposition au besoin de traiter la douleur et dโappliquer lโanesthรฉsie opรฉratoire persiste, considรฉrant la douleur comme message dโalarme pour des maux plus graves encore cachรฉs. Lโintรฉrรชt pour la douleur chronique ne dรฉbutera quโaprรจs la premiรจre guerre mondiale, avec lโรฉmergence des douleurs neuropathiques des mutilรฉs et amputรฉs de cette guerre. Ce nโest quโร la fin de la deuxiรจme guerre mondiale, que lentement commence ร รฉvoluer le statut de la douleur. Cโest en 1953 que J. Bonica, anesthรฉsiste amรฉricain, introduit la notion de la douleur ยซ maladie en soi ยป et le concept de ยซ pain clinic ยป.
LES RELIGIONS ET LE SENS DE LA DOULEUR : (8,11,12)
La douleur est diversement interprรฉtรฉe par les religions et soulรจve la question infinie de la signification du mal. ร lโaube des temps, du pays Maya ร lโรgypte ancienne, la douleur est vรฉcue comme une punition des dieux aux faiblesses des hommes. Les hommes lโendurent comme offrande aux divinitรฉs pour obtenir leur pardon. La position de la religion juive nโest pas trรจs diffรฉrente, la douleur รฉtant liรฉe au mal. Le juste est heureux et sans histoire, le mรฉchant paie douloureusement son รฉcart. Cโest pour cela que lโhistoire de Job, homme pieux รฉprouvรฉ ร lโextrรชme par Dieu, choque les esprits : la douleur est une รฉpreuve infligรฉe par Dieu permettant le mรปrissement du fidรจle. Mais la tradition juive autorise la rรฉvolte face ร la douleur, elle est รฉtrangรจre ร lโascรจse ou ร la mortification. La religion chrรฉtienne considรฉrait la douleur comme consรฉquence du pรฉchรฉ originel dโAdam et รve et comme opportunitรฉ de participer aux souffrances du Christ. Son sens รฉvolue dโune douleur rรฉdemption en douleur compassion. Cโest ainsi que les grands ordres religieux, soulageront la souffrance humaine en fondant les premiรจres structures hospitaliรจres.
De nos jours, lโรฉglise admet sans รฉquivoque la nรฉcessitรฉ de calmer la souffrance tout en reconnaissant une force et une grรขce particuliรจres cachรฉes dans lโexpรฉrience de la souffrance. La possibilitรฉ de se rapprocher de Dieu par la souffrance, de faire de sa douleur une priรจre, serait davantage caractรฉristique caractรฉristique de lโรฉglise orientale (orthodoxe). Pour les Protestants, la douleur est un malheur universellement partagรฉ quโil faut guรฉrir, ร chacun de dรฉcouvrir en lui les forces spirituelles nรฉcessaires pour mener le combat et vaincre cette douleur. LโIslam, qui รฉtymologiquement signifie ยซsoumission aux dรฉcrets de Dieuยป, interprรจte la douleur comme une fatalitรฉ. Elle nโest pas un chรขtiment, ni une rรฉdemption. Le fidรจle se remet avec patience entre les mains de Dieu et tรฉmoigne par son endurance et son acceptation de lโรฉpreuve. Les grandes religions orientales constatent le caractรจre douloureux de la condition humaine. Pour les hindouistes, avec la notion de karma, la douleur physique permet de retrouver la puretรฉ originelle et dโachever ainsi le cycle des rรฉincarnations. Les bouddhistes considรจrent la souffrance comme une dimension indissociable de la vie, elle purifierait des actions mauvaises accumulรฉes dans cette vie ou lors dโautres vies. Par la douleur, lโhomme forge son caractรจre et รฉlargit sa conscience de soi. ยซ Toute existence nโest que douleur. Ne vous rรฉvoltez pas contre votre condition actuelle car elle est punition du passรฉ ยป (Premier Sermon du Bouddha). Chez les individus non religieux, lโempreinte morale pesant sur la douleur persiste encore. Lโidรฉe de la souffrance mรฉritรฉe venant punir la mauvaise conduite dโun individu est encore profondรฉment enracinรฉe dans les consciences contemporaines. Elle suscite la rรฉvolte de celui qui ne se reconnaรฎt pas dans un tel chรขtiment. La peur et la plainte accompagnent souvent la douleur, ceci parce quโon nโarrive plus ร accepter les travers du destin. Lโexplosion du recours ร la psychothรฉrapie le confirme.
Douleur idiopathique, douleur psychogรจne : (47,48,50 ,51) Cโest souvent au stade chronique que lโorigine idiopathique ou psychogรจne dโune douleur finit par รชtre รฉvoquรฉe. Diffรฉrentes prรฉsentations cliniques peuvent รชtre considรฉrรฉes. Certaines entitรฉs pathologiques sont reconnues sans que nous en ayons une comprรฉhension satisfaisante ou des critรจres diagnostiques incontestables. Leur identification permet cependant aux mรฉdecins et aux patients une reconnaissance du trouble, essentielle au contrat thรฉrapeutique. On peut citer : la glossodynie, la fibromyalgie (douleurs diffuses invalidantes, avec cortรจge de troubles fonctionnels), cรฉphalรฉe de tension, ect. Dans ces cas, il est prรฉfรฉrable de parler de douleur idiopathique car nous ne connaissons pas les mรฉcanismes physiopathologiques en cause. Dans dโautres cas, la description est imprรฉcise, variable dans le temps ; la sรฉmiologie est atypique, mal systรฉmatisรฉe. La connotation affective peut attirer lโattention, de par les termes employรฉs pour dรฉcrire la douleur et son retentissement. Le diagnostic repose avant tout sur la nรฉgativitรฉ du bilan clinique et paraclinique, mais lโabsence de substratum anatomique lรฉsionnel initial ne suffit pas pour รฉvoquer une origine psychogรจne. On doit mettre en รฉvidence une sรฉmiologie psychopathologique, et lร , divers cadres nosologiques peuvent รชtre รฉvoquรฉs : conversion hystรฉrique, somatisation dโun dรฉsordre รฉmotionnel (douleur par contraction musculaire), dรฉpression masquรฉe, hypocondrie โฆ Dans tous ces cas, il sโagit bien dโune ยซ douleur exprimรฉe en termes dโune lรฉsion tissulaire ยป, comme le souligne la dรฉfinition de lโIASP. En fait, de nombreuses douleurs chroniques ne sont pas purement psychogรจnes ; elles rรฉsultent plutรดt de lโintrication de facteurs organiques et psychosociaux. En pratique, lโindispensable รฉvaluation des facteurs psychologiques ne doit pas faire nรฉgliger la dรฉmarche diagnostique de lโorigine fonctionnelle ou organique de la douleur.
La douleur chronique cancรฉreuse : (4,34,37,59,60,61) La douleur liรฉe ร un cancer peut rรฉvรฉler la maladie, apparaรฎtre au cours de lโรฉvolution comme signe dโune rรฉcidive locale ou dโune mรฉtastase, survenir pendant ou aprรจs une procรฉdure diagnostique ou thรฉrapeutique. Prรจs de 80 % des patients cancรฉreux en รฉvolution prรฉsentent des douleurs intenses, en majoritรฉ liรฉes directement au cancer avec, le plus souvent, plusieurs localisations douloureuses. Un traitement antalgique bien conduit permet le maintien dโune vie relationnelle de qualitรฉ, tant ร la pรฉriode terminale de la maladie que lors des traitements ร visรฉe curative. La survenue dโune douleur chez un patient atteint dโun cancer doit entraรฎner une rรฉponse rapide. Cette rรฉponse dรฉbute par une dรฉmarche dโรฉvaluation en utilisant diffรฉrents outils et des procรฉdures bien รฉtablis. Les douleurs en cancรฉrologie sont le plus souvent chroniques et instables. Elles peuvent se prรฉsenter sous de multiples formes : douleurs par excรจs de nociception, neuropathiques, ou mixtes le plus souvent. La connaissance du mรฉcanisme physiopathologique de la douleur est un รฉlรฉment fondamental de la stratรฉgie antalgique. Les douleurs par excรจs de nociception sont secondaires ร la mise en jeu des nocicepteurs pรฉriphรฉriques par des processus lรฉsionnels inflammatoires, ischรฉmiques et mรฉcaniques liรฉs ร la tumeur ou aux traitements. Les mรฉdicaments employรฉs pour les traiter diminuent ou suppriment la transmission du message nociceptif des rรฉcepteurs pรฉriphรฉriques vers les centres spinaux et supraspinaux.
La stratรฉgie antalgique doit aussi prendre en compte lโinstabilitรฉ des douleurs notamment la prรฉsence dโaccรจs douloureux paroxystiques (ADP) qui existent selon les enquรชtes chez 50 ร 89 % des patients atteints de cancer. Ces ADP correspondent ร des douleurs plus ou moins sรฉvรจres qui se manifestent sur un fond douloureux contrรดlรฉ. Ils surviennent en quelques secondes ou minutes et durent en moyenne 15 minutes bien que, chez certains patients, ils puissent persister plusieurs heures. Le nombre dโADP est en moyenne de quatre par jour. Ils sont souvent dรฉclenchรฉs par les mouvements.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
HISTORIQUE
IโSENS DE LA DOULEUR
II-LA DOULEUR DANS LโHISTOIRE
III-LA RELIGION ET LE SENS DE LA DOULEUR
METHODES ET MATERIELS
I- RECRUTEMENT ET MALADE
II- METHODOLOGIE DE TRAVAIL
III- CRITERES DโINCLUSION
III- CRITERES DโEXLUSION
RESULTATS
I-EPIDEMIOLOGIE
1 โ Age
2- sexe
II-CARACTERISTIQUES DE LA DOULEUR
1-durรฉe dโรฉvolution de la douleur
2-mode de rรฉvรฉlation de la pathologie douleureuse
3- type de la douleur
4-localisation de la douleur et pathologie initiale
III- EVALUATION DE LโINTESITE DE LA DOULEUR
IV- PRISE EN CHARGE AVANT LA CONSULTATION DOULEUR
1-consultation antรฉrieure
2-traitement prescrit
3-Efficacitรฉ du traitement antรฉrieur
V-PRISE EN CHARGE APRES LA CONSULTATION DOULEUR
1-Diagnostic
2- traitement prescrit
3-Traitement selon lโรฉtiologie
VI- LโEVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
1- Evolution du seuil de la douleur et รฉvaluation du soulagement
2-Retentissement da la douleur sur le plan socioprofessionnel
3-Effets secondaires
DISCUSSION
I-DEFINITION DE LA DOULEUR
II-EPIDEMIOLOGIE
1-Prรฉvalence
2-Age
3-Sexe
III-DEMARCHE ETIOLOGIQUE
1-La douleur aigue
1.1-Dรฉfinition
2.2-Approche de la douleur aigue
2-La douleur chronique
2.1-Dรฉfinition
2.2-Approche de la douleur chronique
a- Mรฉcanismes gรฉnรฉrateurs de la douleur chronique
b-Composantes interactives de la douleur chronique
2.3-Douleur chronique: nomadisme mรฉdical et examens
3-Etiologies de la douleur chronique
3.1-La douleur cancรฉreuse
3.2-Les douleurs chroniques non cancรฉreuses
a-Les douleurs chroniques rhumatologiques
b- Les douleurs neuropathiques
c-Cรฉphalรฉes
-Migraine
-Les cรฉphalรฉes symptomatiques
-les cรฉphalรฉes de tension
IV-LโEVALUATION DU PATIENT DOULEUREUX CHRONIQUE
1-Nรฉcessitรฉ dโรฉvaluation
2-Outils de lโรฉvaluation de la douleur chronique
2.1-Auto-รฉvaluation
a-Echelles
b-Echelles multidimensionnelles
2.2-Hรฉtรฉro-รฉvaluation
3-Evaluation somatique
3.1-Evaluation organique et bilan complรฉmentaire
a-Invention des traitements
b-Evaluation pluridisciplinaire
c-Evaluation psychologique
d-Evaluation du retentissement et du champ socio-รฉconomique
e-Evaluation de la douleur et du soulagement
f-Evaluation des objectifs ร atteindre
j-Conduite thรฉrapeutique devant une douleur chronique
V-CONDUITE THERAPEUTIQUE DEVANT UNE DOULEUR CHRONIQUE
1-Mรฉdicaments
1.2-Les antalgiques morphiniques : opiacรฉs
a-Opioรฏdes forts ยซ agonistes purs ยป :morphine et dรฉrivรฉs
-Morphine ร libรฉration immรฉdiate
-Morphine ร libรฉration prolongรฉe
-Indication ร la morphine
-Effets secondaires de la morphine, prรฉvention et traitement
b-Agonistes antagonistes morphiniques
-Buprรฉnorphine
-Nalbuphine
-Pentazocine
-Effets secondaires des agonistes antagonistes
c-Opioides faibles ยซ agonistes purs
-Dextroproxyphรจne
-La codeine
-Tramadol
-Effets secondaires
1 .2-Les antalgiques non morphiniques
a-Acide acetylsalicylique et AINS
-Acide acetylsalicylique
-Antalgiques dรฉrivรฉs des AINS
-Antalgiques dรฉrivรฉs des AINS
b-Le paracetamol et ses effets secondaires
c-La noramidopyrine
1.1-Les mรฉdicaments coantalgiques
a-Les AINS envisagรฉs comme antalgiques
b-Les antidรฉpresseurs
c-Les antiรฉpileptiques
d-Autres coantalgiques
e-Anxiolytiques et sรฉdatifs
f-Les corticoรฏdes
2-Les principales rรจgles dโutilisations des antalgiques (morphine
3-Initiation du traitement antalgique
3.1-Rotation des opioรฏdes
3.2-Regles simples de passage entre les diffรฉrentes voies
4-Mรฉthodes antalgiques non mรฉdicamenteuses
4.1-La neurostimulation รฉlรฉctrique transcutanรฉ et acupuncture
a-Neurostimulation รฉlรฉctrique transcutanรฉe
b-Acupuncture
4.2-Rรฉรฉducation et reconditionnement physique
3 .4-Techniques anesthรฉsiques
a-Bloc nerveux diagnostic
b-Bloc nerveux thรฉrapeutique
c-Techniques neurochirurgicales
4.4-Indication
a-Stratรฉgie dโรฉvaluation et de traitement des douleurs cancรฉreuses
b-Stratรฉgie dโรฉvaluation et traitement des douleurs neuropathiques
c-Stratรฉgie dโรฉvaluation et de traitement des lombalgies chroniques
d-Stratรฉgie thรฉrapeutique des migraines
VI-PERSPECTIVES DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
1-Introduction dโun enseignement de la douleur dans les facultรฉs de mรฉdecine
2-Crรฉation dโune documentation spรฉcialisรฉe sur la douleur
3-organisation des unitรฉs ou de centres de traitement de la douleur
CONCLUSION
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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