Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Rapport bénéfice/risque de l’association anticoagulant et antiagrégant(s) plaquettaire(s) chez le sujet âgé
Associations AC et AAP chez le sujet âgé
Fibrillation auriculaire:
D’après la littérature, il n’y a pas à ce jour de bénéfice de l’association AC et AAP en termes de diminution du risque thromboembolique comparé à une monothérapie par AC ou APP chez les personnes âgées en FA. A titre d’illustration, la French Fluindione Aspirin Anticoagulant Combination Study comparant l’association fluindione (INR 2,0-2,6) et aspirine 100mg/j versus fluindione et placebo a été interrompue prématurément devant l’augmentation significative du risque hémorragique dans le groupe fluindione et aspirine [24]. De la même façon, il n’a pas été démontré de diminution du risque hémorragique avec de faible dose d’AC associé à un AAP versus un AC à la dose usuelle chez les personnes âgées en FA [25]. Ainsi, selon les recommandations françaises, les patients atteints d’une FA valvulaire doivent bénéficier d’un traitement par AVK et en cas de FA non valvulaire, un traitement par AC est recommandé en cas de score CHA2DS2-VASc ≥ 2 et doit être discuté chez les patients avec un score de 1 (annexe 2) [26]. Seuls les patients hommes et femmes de moins de 65 ans, sans autre facteur de risque (score CHA2DS2-VASc = 0), n’ont pas d’indication au traitement par AC. Les indications du traitement antiagrégant sont très limitées. L’aspirine à la posologie de 75-100 mg/j associée au clopidogrel 75 mg/j, voire l’aspirine seule à la posologie de 75-300 mg/j, peut être proposée chez les rares patients qui refusent tout traitement AC, alors qu’il serait indiqué, ou chez les patients qui présentent une contre-indication aux AC. Le clopidogrel en association à l’aspirine a l’AMM « dans la prévention des événements athérothrombotiques et thromboemboliques, incluant l’AVC, chez les patients adultes avec FA, qui présentent au moins un facteur de risque d’événements vasculaires, qui ne peuvent être traités par un AVK et qui présentent un faible risque de saignements ». Néanmoins le risque de saignement grave associé à la prescription d’une association d’antiagrégants n’est pas significativement différent de celui des AC.
Prévention secondaire après un syndrome coronarien aigu:
L’association AC et AAP chez les patients en prévention secondaire après un syndrome coronarien aigu n’a pas montré à ce jour de bénéfice sur un risque composite incluant décès et récidive d’infarctus du myocarde alors que l’association augmente le risque hémorragique [27, 28].
Par contre, dès 2008, Ruiz-nodar et al [29] montrent que l’ajout de warfarine à la bithérapie antiplaquettaire diminue la mortalité et les évènements cardiaques graves sans augmenter significativement l’incidence des saignements chez les patients en FA ayant subi une intervention coronarienne percutanée. A ce jour, la Société Française de Gériatrie et Gérontologie et la Société Française de Cardiologie ont émis des recommandations pour guider le traitement des sujets âgés en FA coronariens [30].
La conduite du traitement antithrombotique repose sur trois facteurs essentiels : le contexte (syndrome coronarien aigu ou patient stable), la revascularisation par angioplastie (et en particulier le type de stent) et le risque hémorragique. D’une façon générale, le malade âgé de plus de 75 ans est considéré à haut risque hémorragique, chez qui la durée de la trithérapie (association d’un AC avec deux AAP) doit être la plus courte possible.
– Chez le coronarien stable non revascularisé récemment par angioplastie, un traitement au long cours par AC sans antiagrégant est suffisant.
– Chez le coronarien stable revascularisé récemment par stent, la trithérapie (aspirine + clopidogrel + AC) est recommandée durant 4 semaines, puis l’association d’un traitement AC et d’un seul AAP est nécessaire durant 1 à 12 mois après la pose du stent (en fonction du risque hémorragique). Au-delà, une monothérapie par AC est suffisante.
– Après un syndrome coronaire aigu chez un malade âgé de 75 ans et plus, en l’absence de geste de revascularisation, la trithérapie (aspirine + clopidogrel + AC) doit être la plus courte possible et ne pas excéder 1 mois. Il est souhaitable de poursuivre l’association AC + un seul AAP jusqu’à 12 mois, durée à moduler en fonction du risque hémorragique (avec une durée minimale de 1 mois). Au-delà, une monothérapie par anticoagulant est suffisante.
– Après un syndrome coronaire aigu chez un malade âgé de 75 ans et plus, en cas de revascularisation par angioplastie, la trithérapie (AC + aspirine + clopidogrel) est indiquée pour une durée de 4 semaines à 6 mois. Toutefois en raison du risque hémorragique augmenté après 75 ans, le plus souvent la durée de la trithérapie ne dépassera pas 4 semaines. Après cette période, une bithérapie (AC + un AAP) est recommandée pour une période allant jusqu’à 12 mois après la pose du stent. Au-delà, une monothérapie par AC est suffisante.
Ces recommandations sont cependant amenées à évoluer rapidement au vue d’études récentes dont l’étude Woest (What Is the Optimal Antiplatelet & Anticoagulant Therapy in Patients With Oral Anticoagulation and Coronary Stenting study) qui a montré des résultats encourageants chez des patients traités au long cours par AVK et récemment stentés, de la bithérapie clopidogrel + AVK en comparaison de la trithérapie aspirine + clopidogrel + AVK avec une réduction significative des complications hémorragiques sans augmentation des thromboses de stents [31].
Valves cardiaques mécaniques et artériopathie oblitérante des membres inférieurs:
Il n’y a pas à ce jour de bénéfice démontré à l’association AC-AAP dans la population dans la prise en charge respective de ces 2 pathologies alors que le risque hémorragique est par contre augmenté.
Risque hémorragique des AAP et des AC
Risque des AAP:
Les AAP ont pour cibles pharmacologiques les voies d’amplification de l’activation plaquettaire : l’aspirine inhibe l’enzyme cyclo-oxygénase 1 et la génération de thromboxane A2 alors que le clopidogrel et les médicaments plus récents, prasugrel et ticagrélor, inhibent la voie de l’adénosine diphosphate via le récepteur P2Y12.
Il n’y a pas de donnée démontrant le sur-risque hémorragique du clopidogrel en monothérapie comparé à l’aspirine. La seule grande étude randomisée comparant les deux AAP en monothérapie en prévention secondaire est l’étude CAPRIE [32]. Les complications hémorragiques majeures et totales étaient similaires avec le clopidogrel et l’aspirine et atteignaient 1 % par an. Toutefois, les saignements digestifs étaient significativement moins fréquents avec le clopidogrel.
Plusieurs études ont comparé le risque hémorragique de la bithérapie aspirine–clopidogrel à celui de l’aspirine. L’étude CURE menée dans le SCA a retrouvé une augmentation des hémorragies totales, majeures et mineures avec la bithérapie [33]. Le seul essai comparant l’association aspirine–clopidogrel au clopidogrel est l’étude MATCH, menée chez les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral ischémique [34]. La bithérapie augmentait les saignements totaux, menaçant le pronostic vital et majeurs par rapport au clopidogrel sans réduire les événements ischémiques.
Dans l’essai randomisé TRITON-TIMI- 38 mené chez les patients avec un SCA traités par angioplastie et démontrant la supériorité de la bithérapie aspirine–prasugrel comparé à la bithérapie aspirine–clopidogrel pour prévenir les événements cardiovasculaires et la mortalité chez les patients avec un SCA traités par angioplastie, le prasugrel augmentait le nombre d’hémorragies majeures et les hémorragies mortelles [35].
Enfin, dans l’essai PLATO [36], qui établit la supériorité du ticagrélor en association à l’aspirine sur la bithérapie aspirine–clopidogrel pour prévenir la survenue des événements cardiovasculaires et la mortalité chez les patients présentant un SCA quelles que soient ses modalités de revascularisation, les hémorragies majeures non liées au pontage, étaient plus fréquentes sous ticagrélor que sous clopidogrel dominées par les hémorragies gastro-intestinales et les hémorragies intracrâniennes .
Risque des AC:
Les AVK restent les médicaments privilégiés chez le sujet âgé. Il est cependant important de rappeler que les AVK ont une marge thérapeutique étroite et présentent une grande variabilité d’efficacité avec l’avancée en âge [37]. Notamment, chez les patients âgés polypathologiques et polymédicamentés, il existe un risque d’interactions médicamenteuses. Les AVK seraient la première classe pharmacologique responsable d’hospitalisations pour effets indésirables médicamenteux (12,3%) [38]. Certains médicaments fréquemment utilisés chez les patients âgés sont en cause dans la variabilité de l’International Normalized Ratio (INR) sous AVK comme l’amiodarone ou certains antibiotiques [39].
Concernant les AOD, ces anticoagulants ne nécessitent pas de surveillance de leur activité, ce qui est une contrainte en moins par rapport aux AVK mais ce qui, en contrepartie, limite la possibilité d’adaptations posologiques individualisées. S’ils présentent l’avantage, par rapport aux AVK, de ne pas entraîner d’interactions avec les aliments, ils ne sont par contre pas dénués d’interactions médicamenteuses. Tous ces médicaments sont des substrats de la glycoprotéine P (P-gp). Ils sont aussi (sauf le dabigatran) métabolisés par l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450. Ce double mécanisme explique ainsi les risques de surdosage avec les médicaments inhibiteurs de la P-gp et/ou du CYP 3A4 qui majorent la concentration plasmatique des AOD et augmentent donc leurs effets, tout particulièrement leur risque hémorragique. A l’inverse, les inducteurs du CYP 3A4 (antiépileptiques, rifampicine, certains antirétroviraux, millepertuis) peuvent augmenter le métabolisme du rivaroxaban ou de l’apixaban, diminuer leurs effets et faire donc courir un risque thrombotique. Ces médicaments (surtout le dabigatran et le rivaroxaban) sont éliminés par voie rénale. L’insuffisance rénale est un facteur de risque de surdosage, non seulement pour le dabigatran ou le rivaroxaban, mais aussi, pour l’apixaban. Il convient donc, au-delà des strictes recommandations officielles, d’être particulièrement prudent chez le sujet âgé. En gériatrie, on prêtera une attention toute particulière aux associations de ces AOD aux médicaments susceptibles de réduire leur élimination rénale : diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversions, sartans. De plus, des études sont nécessaires pour apprécier le risque hémorragique de l’association AOD-AAP en comparaison AVK-AAP.
Alors que pour l’European Society of Cardiology, dès qu’il y a une indication d’anticoagulation dans la FA selon le score de CHA2DS2-VASc, il faut privilégier les AOD par rapport aux AVK dans la majorité des situations [40], pour la haute autorité de santé (HAS), la prudence voudrait qu’un patient bien équilibré par un AVK poursuive son traitement sans qu’on envisage de lui substituer un AOD. Si le fait de prescrire un nouvel AOD en première intention est scientifiquement et réglementairement licite, l’indication la plus pertinente de ces nouveaux médicaments du fait du recul encore insuffisant pour apprécier leurs performances en vie réelle, doit être : – les patients sous AVK, mais pour lesquels le maintien de l’INR dans la zone cible n’est pas habituellement assuré malgré une observance correcte ; – les patients pour lesquels les AVK (hors risque hémorragique) sont contre-indiqués ou mal tolérés et – les patients qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l’INR [41]. Pour la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie, il faut être prudent lors de la prescription des AOD car peu de données spécifiques à la population âgée existent et notamment chez les patients ≥ 80 ans et fragiles [30]. Ainsi la prescription d’un AOD chez un patient âgé, impose une décision au cas par cas en mesurant le rapport bénéfice /risque [42].
En ce qui concerne les héparines, l’héparine non fractionnée est indiquée à la phase aigüe des complications thromboemboliques qu’elles soient veineuses ou artérielles alors que les héparines de bas poids moléculaires ont acquis une place importante pour le traitement de la MTEV mais sont aussi indiquées dans les syndromes coronariens aigus. Il existe des avantages à l’utilisation des héparines, notamment une réponse anticoagulante non modifiée par l’alimentation ou l’usage de médicaments concomitants, une administration sous-cutanée qui évite les difficultés de la voie orale fréquemment rencontrées chez certains malades âgés ou le problème de l’observance avec la réalisation des injections par un infirmier, cependant leur usage reste anecdotique à côté des AC oraux.
Évaluation et prédiction du risque hémorragique
Évaluation du risque hémorragique associé aux AAP:
La prise en charge d’un patient traité par AAP doit intégrer l’évaluation du risque hémorragique car la survenue d’une hémorragie majeure en cours de traitement est un facteur pronostique indépendant de mortalité. Dans l’analyse d’Eikelboom et al. [43] regroupant plus de 30 000 patients avec un SCA, la survenue d’un saignement majeur en cours d’hospitalisation multipliait par 5 la mortalité à 30 jours et par 1,5 la mortalité entre 30 jours et 6 mois. Dans le registre GRACE également, la mortalité intrahospitalière des patients admis pour SCA était constamment plus élevée chez ceux qui avaient saigné [44]. L’évaluation du risque hémorragique associé aux AAP est cependant difficile en raison de la grande hétérogénéité, des définitions du saignement utilisées dans la littérature médicale mais aussi du regroupement sous le terme de « saignements » d’entités dont le mécanisme physiopathologique, et en particulier le rôle de l’altération des fonctions plaquettaires, est différent (saignement digestif versus hémorragie intra-crânienne). Enfin, les facteurs de risque hémorragique ne sont pas clairement identifiés. Dans l’étude ADAPT-DES, évaluant l’impact de la survenue d’un saignement dans les 2 ans suivant la pose d’un stent actif chez 8577 patients, l’âge avancé, un niveau d’hémoglobine bas, une faible réactivité plaquettaire sous clopidogrel et l’association à une anticoagulation orale étaient les facteurs prédictifs les plus puissants de saignement [45]. Dans le registre REACH incluant 68 236 patients à haut risque cardiovasculaire ou en prévention secondaire, l’âge > 65 ans, la bithérapie antiplaquettaire et l’association à une anticoagulation orale augmentaient respectivement d’un facteur 2,14, 1,4 et 2,28 le risque d’hémorragie majeure [46]. Le diabète, l’insuffisance rénale, le sexe féminin ont également été rapportés comme facteurs de risque hémorragique. Ces critères ont été intégrés dans différents scores cliniques en réalité peu contributifs en pratique car la plupart des marqueurs du risque hémorragique sont également prédictifs des événements thrombotiques.
Évaluation du risque hémorragique associé aux AC:
Le traitement anti-vitamine K (AVK) constitue le traitement anticoagulant de référence pour des pathologies cardio-vasculaires fréquentes telles que la FA, les valvulopathies et la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Cependant, l’hémorragie est la principale complication du traitement AVK et son taux augmente avec l’âge, passant de 1,8 % avant 75 ans, à 3,2 % par an après 75 ans [47]. Pour mieux appréhender ce risque, des scores ont été créés. En 2006, Gage développe le score HEMORR2HAGES (Hepatic or renal failure, ethanol abuse, malignancy, older, reduce platelet count or function, rebleeding risk, hypertension, anemia, genetic factors, excessive fall risk and history of stroke) afin d’évaluer le risque hémorragique des patients de plus de 65 ans traités par warfarine pour une FA (annexe 1) [48]. Ce score rassemble les principaux facteurs de risque d’hémorragie cités dans la littérature cependant sa complexité le rend difficilement utilisable en pratique [49]. Le score actuellement recommandé par l’European society of cardiology (ESC) est le score HAS-BLED (Hypertension, abnormal renal/liver function, stroke, bleeding history or predisposition, labile INR, elderly (>65), drugs/alcohol concomitantly) (annexe 1) [50]. Ce score a été étudié dans une population ayant une moyenne d’âge de 66,8 ans. Un score plus récent a été créé en 2011, qui attribue plus d’importance à l’âge avancé et notamment à l’âge supérieur à 75 ans. Il s’agit du score ATRIA (anémie, insuffisance rénale sévère, âge ≥ 75 ans, antécédent hémorragique, hypertension artérielle) (annexe 1) [51]. Aucun d’eux n’a toutefois été validé pour les héparines et surtout les nouveaux anticoagulants oraux (AOD). Les facteurs habituels du risque hémorragique sont à prendre en compte, pour les nouveaux anticoagulants en attendant la création d’un score spécifique, en particulier l’âge > 75 ans, un faible poids, une clairance de la créatinine entre 30-50 ml/min, la prise d’antiagrégant plaquettaire et la prise de médicaments inhibiteurs de la P-Gp ou d’inhibiteurs/inducteurs CY3A4. De plus, si on veut être exhaustif, il faut citer le score de RIETE qui ne concerne pas la FA mais la MTEV [52].
Limites:
A ce jour, aucun score ne prend en compte tous les facteurs de risque hémorragique. D’autres facteurs sont associés à une augmentation du risque hémorragique. Parmi eux, la variabilité importante de l’INR au cours du temps, l’albuminémie, les néoplasies et les interactions médicamenteuses. La démence et les troubles cognitifs n’accentuent pas en eux-mêmes le risque de complications hémorragiques, en revanche la perte d’autonomie et le risque de chute sont des facteurs à prendre en compte [53-55]. Une étude observationnelle, menée chez 4 093 patients de plus de 80 ans traités par AVK indique une augmentation par 3 du risque d’hémorragies majeures chez les chuteurs [56]. Ainsi en cas de chutes répétées sans facteur étiologique modifiable, la prudence inciterait à ne pas prescrire d’AC surtout quand l’espérance de vie est réduite. De plus, aucun score ne prend en compte les AOD ni les AAP plus récents, prasugrel et ticagrélor. L’évaluation du risque hémorragique reste ainsi difficile et la médecine actuelle ne doit pas être une médecine de score. La décision thérapeutique doit tenir compte des scores mais reposer aussi sur le jugement clinique, l’un ne remplaçant pas l’autre, ce d’autant que l’estimation du risque relatif et du bénéfice relatif pour un patient évolue au cours du temps.
Caractéristiques clinico-biologiques des patients (Tableau 1)
Tous les patients inclus dans notre étude étaient polypathologiques avec au moins 3 pathologies chroniques et 42 étaient polymédiqués (au moins 5 médicaments). Les comorbidités et les antécédents sont détaillées dans le tableau 1 mais on peut retenir que 90% des patients étaient hypertendus, 89% en fibrillation auriculaire et 58% coronariens. Quinze avaient présenté un accident vasculaire cérébral ischémique et dix rapportaient un évènement hémorragique notable dans leurs antécédents. Soixante-dix-neuf pour cent des patients étaient en perte d’autonomie et 30% présentaient des troubles cognitifs. Douze (28%) étaient chuteurs et 8 étaient dénutris.
En ce qui concerne l’index de comorbidité de Charlson corrélé positivement à la mortalité, seuls 9 patients avaient un score inférieur ou égal à 6.
Sur le plan biologique, une anémie avec un taux d’hémoglobine inférieur à 8g/dl amenant à discuter une transfusion chez les patients coronariens ou insuffisants cardiaques était notée chez 2 patients et 8 patients avaient un taux d’hémoglobine entre 8 et 10g/dl. Seulement 3 patients présentaient une thrombopénie. Parmi les patients de notre étude, 5 présentaient à l’admission une insuffisance rénale avec une clairance de la créatinine inférieure à 30ml/min. Aucun de ces 5 patients n’était sous AOD. Enfin, 33 patients étaient sous AVK mais il est important de noter que 10 patients seulement avaient un INR dans la fourchette ciblée.
Indications de l’association AC-AAP
Dans notre cohorte, nous avons retrouvé que des indications séparées pour les traitements AC et AAP.
L’indication la plus fréquente d’anticoagulation curative était une fibrillation auriculaire non valvulaire pour 75% des patients, valvulaire pour 14% d’entre eux. Une maladie thromboembolique veineuse expliquait l’anticoagulation pour 7% des patients (2 patients ayant une thrombose veineuse profonde et un patient une embolie pulmonaire), un patient était anticoagulé pour un syndrome des antiphospholipides et pour un patient aucune indication d’anticoagulation n’était retrouvée.
Concernant les indications du traitement antiagrégant plaquettaire, nous avons retrouvé pour plusieurs patients plusieurs indications à savoir pour 14% des patients une prescription en prévention secondaire après un syndrome coronarien aigu et pour une AOMI, pour 12 % une prescription en prévention secondaire après un syndrome coronarien aigu et un AVC ischémique et pour 12% une prescription en prévention secondaire après un syndrome coronarien aigu et une AOMI. Par ailleurs, 18 % des patients avaient un AAP uniquement en prévention secondaire d’un syndrome coronarien aigu, 14% en prévention secondaire après un AVC ischémique, 14% pour une AOMI, 9% en prévention primaire (patients associant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires HTA, diabète et dyslipidémie) et enfin 7% des patients n’avait pas d’indication à notre connaissance.
Evaluation du risque thromboembolique et hémorragique (Tableau 2)
Pour les 32 patients ayant une FA non valvulaire, le score CHA2DS2-VASc a été calculé. Tous les patients avaient un score supérieur à 2 justifiant l’indication de l’anticoagulation qu’ils avaient. En détail, ils recevaient un AVK pour 22 d’entre eux, un AOD pour 7 d’entre eux et une héparinothérapie à dose curative pour les 3 derniers.
Bien qu’étant des scores validés pour évaluer le risque hémorragique chez des patients en FA sous AVK, nous avons utilisé les scores HAS BLED et HEMORR2HAGES pour estimer le risque de saignement des 43 patients de notre cohorte. La première constatation est qu’avec le HAS BLED, score recommandé à l’heure actuelle, tous les patients sont à risque et pour 95% d’entre eux le risque hémorragique est élevé. Avec le score HEMORR2HAGES, 56% sont à risque modéré et 39% à risque élevé de saignement.
Attitude au cours de l’hospitalisation vis-à-vis de l’association AC-AAP (Tableau 3)
L’association AVK+AAP a été maintenue chez 18 patients sur 33 (54.5%), l’association AOD+AAP chez 1 patient sur 7 et l’association Héparine+AAP chez aucun des 3 patients. Ainsi dans notre population âgée, une bithérapie antithrombotique a été poursuivie à la suite de l’hospitalisation que dans 44% des cas (19 patients sur 43).
L’antiagrégant plaquettaire a été supprimé chez 13 patients (30 %) qui ont poursuivi une anticoagulation par un AVK pour 8 d’entre eux, par rivaroxaban pour 3 et par héparine pour 2 patients.
L’anticoagulation a été stoppée chez 26% des patients (n = 11). Parmi eux, 7 étaient sous AVK et 3 sous AOD.
Caractéristiques clinico-biologiques et motifs d’hospitalisation des patients selon l’attitude adoptée en hospitalisation vis-à-vis de la bithérapie antithrombotique
En analysant les caractéristiques démographiques des patients de l’étude en fonction de l’attitude thérapeutique proposée en service, on constate que le maintien de l’association AC-AAP a été proposé à des patients plus jeunes. En effet, la médiane est de 84 ans dans ce groupe versus 86 ans dans les groupes où une des 2 thérapies a été stoppée.
Concernant un lien éventuel avec les antécédents, on observe un arrêt plus fréquent de l’AAP chez des patients ayant un antécédent d’AVC ischémique. Force est de constater qu’un seul patient avec antécédent d’AVC ischémique n’avait pas de FA associée et concernant les 3 patients chez qui l’AC a été stoppé, 1 n’avait pas d’indication d’anticoagulation retrouvée, 1 était hospitalisé pour une hémorragie et pour le 3ième chutait à répétition. La poursuite de la bithérapie a été proposée pour seulement 3 des 10 patients ayant un antécédent hémorragique.
On note au vu des comorbidités que l’AC est stoppé chez un seul des patients ayant une FA valvulaire chuteur.
Sur le plan gériatrique, on observe que plus les patients avaient des syndromes gériatriques moins le maintien de l’association AC-AAP a été proposé. A l’inverse, 58% des patients chez qui la bithérapie a été maintenue avaient seulement 2 syndromes gériatriques. Ainsi une des 2 thérapies a été plus fréquemment stoppée chez les patients en perte d’autonomie, présentant des troubles cognitifs, chuteurs ou encore dépressifs.
Enfin, sur le plan biologique, sur 10 patients ayant une anémie avec une hémoglobine inférieure à 10g, l’association des 2 thérapeutiques a été maintenue chez seulement 3.
Aucun lien n’a été mis en évidence entre les scores HAS BLED et HEMORR2HAGES et la conduite tenue en hospitalisation vis-à-vis du maintien ou non de l’association AC-AAP.
Concernant le motif d’hospitalisation, les 11 patients chez qui l’AC a été stoppé venaient pour :
– une hémorragie pour 2 d’entre eux (digestive pour l’un et ORL pour l’autre) et l’indication de l’AC était une FA .
– une chute pour 3 d’entre eux dans un contexte de chutes à répétition avec un rapport bénéfice/risque jugé défavorable malgré une FA pour 2 d’entre eux et un douteux diagnostic de SAPL pour le dernier .
– un AVC ischémique pour 2 avec une FA connue bien anticoagulée par AVK pour l’un et sous Xarelto® pour l’autre. Du fait de chutes répétées et de la survenue des AVC sous anticoagulation bien conduite, il a été privilégié le switch du clopidogrel pour de l’aspirine pour l’un et l’augmentation de la dose de l’aspirine pour l’autre .
– un malaise pour 2 dont un n’avait pas d’indication retrouvée à l’anticoagulation et un présentait une FA valvulaire mais chutait .
– une arthrite septique pour 1 ayant une FA mais la ponction s’est compliquée d’une hémarthrose qui a motivé l’arrêt de l’anticoagulant .
– et une épilepsie pour le dernier avec la mise en évidence au scanner d’un hématome intra-cérébral justifiant l’arrêt de l’anticoagulation malgré une FA mais la reprise en fin d’hospitalisation de l’AAP seul pour une AOMI.
Pour les 13 patients chez qui l’AAP a été arrêté, les motifs d’hospitalisation étaient :
– pour 5 d’entre eux une infection. L’anticoagulation a été privilégiée pour 4 d’entre eux du fait d’une FA valvulaire et/ou d’une MTEV et un patient l’AAP a été stoppé devant l’absence d’indication .
– pour 3 d’entre eux un AVC ischémique dans un contexte de FA mal anticoagulée (sous dosage AVK pour 2 et mauvaise posologie rivaroxaban pour l’autre avec décision de mise sous coumadine).
– pour 2 d’entre eux une décompensation cardiaque avec FA sous-jacente chez des patients chuteurs .
– pour 1 patient une épilepsie mais aucune indication n’a été trouvée à l’AAP.
– pour 1 patient des chutes répétées avec le traitement d’une FA emboligène privilégiée.
– et pour le dernier une ischémie critique sur FA du fait d’hématomes diffus au cours de l’hospitalisation le choix de stopper l’AAP.
Enfin, ce que l’on peut noter pour les patients chez qui les 2 traitements ont été maintenus c’est qu’ils avaient tous une indication formelle d’anticoagulation et une indication d’antiagrégation plaquettaire et qu’aucun n’était hospitalisé pour une hémorragie.
Suivi à 3 mois
Quarante et deux médecins traitants sur 43 ont pu être contactés. Un seul n’avait pas maintenu le traitement de sortie de l’hôpital à savoir l’association AVK+aspirine en raison de la survenue spontanée d’un hématome intramusculaire au niveau de la cuisse chez son patient. Pour un seul patient, nous n’avons pas pu récupérer des informations en raison d’un changement de lieu de vie a priori. Un suivi hospitalier après la sortie d’hospitalisation ayant pu influencer la continuité des thérapeutiques proposées au cours du séjour, nous avons analysé ce facteur et constaté que 68% des patients chez qui l’association était maintenue, avaient été revus en consultation ; que 46% des patients chez qui l’AAP n’avait pas été repris avaient été suivis et que 54% des patients chez qui l’AC n’avait pas été réintroduit avaient également été revus en consultation.
Parmi les patients chez qui la bithérapie a été poursuivie, on a pu noter lors du suivi à 3 mois que 3 étaient décédés (2 cause inconnue et 1 suite à la thrombose du pontage fémoro-poplité réalisé dans les suites de l’hospitalisation). Deux patients ont présenté un tableau d’ischémie subaiguë d’un membre inférieur malgré la poursuite de la bithérapie en externe et un patient a présenté un évènement hémorragique comme nous l’avons déjà évoqué.
Parmi les patients à qui l’antiagrégant plaquettaire a été stoppé, deux sont décédés et nous n’avons pu connaitre la cause de ces décès. Enfin, parmi les patients dont l’AC a été supprimé, un patient sous aspirine seule après l’arrêt du rivaroxaban a présenté un AVC ischémique d’étiologie inconnue.
|
Table des matières
I. Introduction
II. Rapport bénéfice/risque de l’association anticoagulant et antiagrégant(s) plaquettaire(s) chez le sujet âgé
A. Associations AC et AAP chez le sujet âgé
B. Risque hémorragique des AAP et des AC
C. Évaluation et prédiction du risque hémorragique
III. Matériels et méthodes :
A. Population étudiée
B. Données recueillies
C. Analyses statistiques
IV. Résultats
A. Caractéristiques clinico-biologiques des patients
B. Indications de l’association AC-AAP
C. Evaluation du risque thromboembolique et hémorragique
D. Attitude au cours de l’hospitalisation vis-à-vis de l’association AC-AAP
E. Caractéristiques clinico-biologiques et motifs d’hospitalisation des patients selon l’attitude adoptée en hospitalisation vis-à-vis de la bithérapie antithrombotique
F. Suivi à 3 mois
V. Discussion
VI. Conclusion
Bibliographie
Télécharger le rapport complet