Caractéristiques biologiques de Oreochromis niloticus
Présentation générale
L’espèce Oreochromis niloticus (Linneaus, 1758) du genre Oreochromis, appartient à la sousfamille des Tilapinae, à la famille des Cichlidae, au sous-ordre des Labroidei et à l’ordre des Perciformes. La sous-famille des Tilapinae est subdivisée en quatre genres suivant les caractères anatomiques, le comportement reproducteur et la nutrition (Trewavas, 1983):
• le genre Ti/apia regroupant les macrophytophages incubateurs sur substrat avec garde biparentale ;
• le genre Sarotherodon qui concerne les planctonophages incubateurs buccaux avec garde biparentale ou paternelle;
• le genre Oreochromis regroupant les planctonophages incubateurs buccaux avec garde uniparentale maternelle;
• le genre Danakilia ayant des caractéristiques éco-rnorphologiques particulières.
0. niloticus (photo 1) est facilement reconnaissable grâce à ses rayures verticales régulières noires sur la nageoire caudale. Sa teinte générale est grisâtre, sa poitrine et ses flancs étant rosâtres; son corps est plus ou moins comprimé et recouvert d’écailles cycloïdes (Levêque et Paugy, 2006). La nageoire dorsale est longue avec la partie antérieure comportant 17 à 18 épines, et la partie postérieure formée de 12 à 14 rayons mous. La ligne latérale supérieure compte 21 à 24 écailles et la latérale inférieure 14 à 18 (Levêque et Paugy, 2006).
Il présente une répartition originelle strictement africaine couvrant les bassins du Nil, du Tchad, du Niger, de la Volta, du Sénégal et du Jourdain, ainsi que les lacs du graben estafricain jusqu’au lac Tanganyika (Levêque et Paugy, 2006). L’espèce a été largement répandue hors de sa zone d’origine pour compléter le peuplement des lacs naturels, des barrages déficients ou pauvres en espèces planctonophages, et pour développer la pisciculture. C’est une espèce relativement eurytope adaptée à de larges variations des facteurs écologiques du milieu aquatique et colonisant des milieux extrêmement variés. Son optimum thermique de croissance se situe entre 24 et 2S°C et il tolère un pH variant de 5 à Il (Mélard, 1986).
En milieu naturel, 0. niloticus a un régime alimentaire proche de celui des omnivores et des détritivores (Bowen, 1982). L’analyse de son contenu stomacal a révélé que l’espèce consomme principalement le phytoplancton et accessoirement les algues bleues et les sédiments riches en bactéries et en diatomées (Bard et al., 1974). En captivité, 0. niloticus s’accommode des déchets agricoles (tourteaux d’oléagineux, drèches de brasserie etc.), des excréments de porc et de volaille, des résidus alimentaires domestiques, ainsi que les aliments artificiels (granulés et pulvérulents) utilisés dans les systèmes modernes de pisciculture.
Reproduction dans le milieu naturel
Dans les milieux naturels, l’âge de première maturation sexuelle de 0. niloticus est d’environ 6 mois (Ruwet et al., 1976). Toutefois, en cas de stress lié notamment au déficit alimentaire qualitatif et quantitatif, ou à l’étroitesse du milieu, l’espèce peut se reproduire dès l’âge de trois mois. La période de reproduction de 0. niloticus est exponentiellement continue pendant toute l’année, à condition que la température de l’eau soit supérieure à 22°C; la fréquence de reproduction varie de 30 à 40 jours.
La stratégie de reproduction de 0. niloticus correspond à une organisation sociale en arène (figure 1). Au moment de la reproduction, le mâle aménage un nid et tente d’attirer et de retenir une femelle mure. Les femelles vivent en bande à proximité de l’aire de reproduction et n’effectuent que de brefs séjours sur les arènes. Une femelle est courtisée par plusieurs mâles et finit par former un couple éphémère avec un, en s’arrêtant au-dessus de la cuvette de son nid. Après une parade de synchronisation sexuelle, la femelle dépose des petits lots d’ovules que le mâle féconde immédiatement. L’espèce étant un incubateur buccal à garde uni-parentale maternelle, la femelle quitte le nid à la fin de la fécondation en emportant les œufs dans sa bouche pour les incuber dans les zones protégées. Les œufs éclosent dans la bouche de la femelle après 4 à 6 jours d’incubation. La durée de résorption de la vésicule vitelline dépend de la température de l’eau; elle varie généralement entre Il et 12 jours post fécondation (JPF) (Mélard, 1986). Après la résorption de la vésicule vitelline, la femelle laisse s’échapper de sa bouche un nuage d’alevins qui sont désormais capables de prendre la nourriture exogène. Ces alevins s’orientent par rapport à leur mère et se refugient dans sa bouche au moindre danger et à l’appel de ses mouvements. Lorsqu’ils atteignent environ 1 cm les alevins s’affranchissent définitivement de leur mère; ils sont libérés en eau peu profonde où ils s’organisent en banc et continuent leur croissance (Mélard, 1986).
Dimorphisme sexuel et croissance différentielle liée au sexe
Le dimorphisme sexuel de la papille urogénitale est très marqué chez cette espèce (photo 2). Chez les mâles, elle est protubérante en forme de cône et porte un pore urogénital à l’extrémité, alors que chez les femelles, elle est courte, arrondie et présente une fente transversale en son milieu; il s’agit de l’oviducte situé entre l’anus et l’orifice urétral. Le mâle se distingue en plus par un liseré noir en bordure des nageoires dorsale et caudale (Trewavas, 1983). Outre la morphologie des orifices génitaux, les mâles se distinguent des femelles au niveau de leur anatomie interne, de par l’aspect de leurs gonades respectives. Ainsi, chez les femelles, les gonades sont blanchâtres et plus larges du côté de la papille urogénitale et sont terminées par un filament fin du côté antérieur; ce filament occupe seulement 1/3 de la cavité péritonéale. Chez les mâles les gonades sont fines sur toute la longueur de la paroi péritonéale, et sont plus translucides (Toguyeni, 1996).
Parallèlement, il faut signaler également un dimorphisme des performances de croissance. En effet, l’hétérogénéité de croissance au sein d’un groupe est un phénomène couramment rencontré chez les poissons (Mélard et al., 1989; Toguyeni, 1996; Chevassus-au-Louis et Lazard, 2009). Les mâles de différentes espèces de Tilapia ont une meilleure performance de croissance comparativement aux femelles (figure 2). Ainsi, à la maturité, les mâles 0. niloticus présentent une croissance plus rapide que les femelles. Cette croissance différentielle liée au sexe peut être corrélée au mode d’utilisation de l’énergie métabolique qui est plus abondamment dirigée vers la fonction de reproduction chez les femelles que chez les mâles notamment du fait de la production des ovules (Philippart et Mélard, 1987 ; Toguyeni, 1996). Cela peut être également lié à la différence de statut hormonal, caractérisé par un effet anabolisant des hormones mâles que sont les androgènes (Katz et al., 1976 ; Lone et Matt y, 1980; Toguyeni, 1996). Par ailleurs, le différentiel de croissance observé pourrait aussi résulter d’une croissance supérieure des mâles sous l’effet d’un facteur lié au chromosome sexuel Y et/ou aux autosomes intervenant dans le déterminisme du sexe (Hanson, 1983; Toguyeni, 1996).
Les mécanismes d’expression du sexe
Déterminisme sexuel et Différenciation sexuelle
L’expression du sexe chez les poissons gonochoriques est consécutive à l’interaction de deux processus que sont le déterminisme et la différenciation sexuels. Le déterminisme du sexe est le processus qui fixe le sexe génétique et oriente son expression phénotypique en établissant les éléments génétiques responsables de l’existence de la gonade bipotente, et de sa différenciation en ovaire ou en testicule; la différenciation sexuelle inclut les évènements permettant l’expression du sexe génétique par le phénotype approprié selon la base moléculaire établie (Piferrer, 2001). En d’autres termes, le processus de la détermination induit le sexe génétique, tandis que la différenciation établit son expression phénotypique.
Le déterminisme sexuel est soit génétique (« GSD: Genetic Sex Determination ») soit environnemental (« ESD : Environmental Sex Determination») (Devlin et Nagahama, 2002). Cependant, les travaux de Devlin et Nagahama (2002) ont montré que certaines espèces possèdent les deux (GSD + ESD) et il existerait un continuum entre les 2 systèmes.
Le déterminisme génétique du sexe est régulé soit par un système mono-factoriel représenté par le modèle «mammifère» XY!XX (hétérogamétie mâle) et le modèle « oiseau» WZ/ZZ (hétérogamétie femelle), soit par un système polygénique. Le déterminisme mono-factoriel ou chromosomique est piloté par des facteurs génétiques majeurs impliquant un seul gène déterminant porté par le chromosome sexuel Y ou W selon les espèces concernées tandis que le déterminisme polygénique ou autosomal est contrôlé par des facteurs génétiques mineurs intégrant l’action combinatoire de plusieurs gènes (Devl in et Nagahama, 2002 ; Baroiller et al., 2009a).
En ce qui concerne le déterminisme environnemental du sexe, il est modulé par différents paramètres du milieu d’élevage tel que la température, la photopériode, la salinité et le pH (Baroiller et D’Cotta, 2001 ; Devlin et Nagahama, 2002). Chez les espèces à déterminisme environnemental du sexe, la température constitue le facteur environnemental le plus déterminant, et on parle alors d’espèces à «déterminisme sexuel température dépendant» (Temperature-Dependant Sex Determination ou TSD) dont le déterminisme sexuel est exclusivement contrôlé par la température.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE: SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE 1 : CARACTÉRISTIQUES BIOLOGIQUES DE OREOCHROMIS NILOTICUS
1. Présentation générale
2. Reproduction dans le milieu naturel.
3. Dimorphisme sexuel et croissance différentielle liée au sexe
CHAPITRE 2 : LES MÉCANISMES D’EXPRESSION DU SEXE
1. Déterminisme sexuel et Différenciation sexuelle
2. Inversion du sexe et facteurs environnementaux
DEUXIÈME PARTIE: EXPÉRIMENTATION
CHAPITRE 1 : MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. Obtention des alevins
2. Traitement thermique en aquarium
3. Élevage en happas
4. Suivi des paramètres zootechniques
5. Sexage des alevins
6. Analyse des données
CHAPITRE 2 : RÉSULTATS ET DISCUSSION
1. Résultats
1.1. Paramètres physico-chimiques de l’eau
1.2. Effet de la température sur le sex-ratio
1.3. Évolution des paramètres zootechniques des alevins de Oreochromis niloticus
2. Discussion
2.1. Influence du traitement thermique sur le sex-ratio des alevins de Oreochromis niloticus
2.2. Analyse des performances zootechniques
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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