Caractérisation physico-chimique des nanoparticules et internalisation

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Forme de la nanoparticule

La morphologie des nanoparticules peut également influencer leur toxicité. Deux nanoparticules de même surface mais de formes différentes peuvent avoir une activité bactéricide différente (Pal et al. 2007). Ce paramètre est donc également important à évaluer dans les études d’écotoxicologie.

Dissolution

La dissolution des nanoparticules métalliques est un paramètre majeur qui détermine leur toxicité (Ma, Williams, et al. 2013; Mijnendonckx et al. 2013). Cette dissolution est dépendante aussi bien des paramètres physico-chimiques intrinsèques de la nanoparticule (taille, composition chimique, enrobage) (Meulenkamp 1998; Angel et al. 2013) que des paramètres du milieu (pH, température, matière organique) (Borm et al. 2006). Par exemple, la dissolution des Ag-NPs (conformément aux constantes thermodynamiques de l’argent métallique) augmente avec la température mais diminue lorsque le pH augmente (Figure 10) (Liu & Hurt, 2010 ; Miao et al., 2010).

Changement de spéciation des Ag-NPs et ZnO-NPs

Un autre type de transformation va également déterminer la toxicité des nanoparticules, c’est la transformation chimique. Alors que les TiO2-NPs peuvent être considérées comme plutôt inertes dans l’environnement, les Ag-NPs et de ZnO-NPs subissent des transformations chimiques, susceptibles de modifier leur toxicité telles que l’oxy-sulfuration et la dissolution-reprécipitation, respectivement. La partie suivante concernera donc essentiellement ces deux types de  nanoparticules.

Oxydation des Ag-NPs

En condition aérobie, les Ag-NPs réagissent avec l’oxygène et forment de l’Ag2O. Cependant, cette formation d’Ag2O ne semble pas être thermodynamiquement favorable en présence de soufre et de chlore (Becking et al. 1960). Elle se produit le plus souvent en surface des nanoparticules lorsque la quantité d’O2 est bien supérieure aux quantités de S et de Cl, et est favorisée lorsque la taille des NPs diminue (Cai et al. 1998). La présence d’une couche superficielle d’Ag2O, et donc l’état d’oxydation de ces NPs conditionne leur toxicité (Gunawan et al. 2009). Ceci est la conséquence d’une dissolution des ions argent de la couche superficielle d’Ag2O qui, contrairement à l’argent métallique, se dissout dans l’eau pure (Johnston et al. 1933). Au fur et à mesure de la dissolution de cette couche, l’oxydation progresse vers le centre de la particule. Elzy et Grassian montrent que cette dissolution est favorisée à bas pH (Elzey & Grassian 2010). Suite à cela la réaction suivante de dissolution oxydative est proposée : 2Ag(s) + ½ O2(aq) + 2H+ => 2Ag+(aq) + H2O(l).

Chloration des Ag-NPs

Les réactions avec le chlore impliquent les ions Ag+, elles ne sont donc possibles qu’après oxydation des Ag-NPs. Li et al montrent que la dissolution des Ag-NPs est corrélée au rapport Cl/Ag (Li et al. 2010). Une faible quantité de Cl- permet de piéger les substances toxiques d’Ag+ de la solution, formant ainsi des précipités AgCl, alors qu’une quantité élevée de Cl- induit la formation de complexes biodisponibles (AgCl2-, AgCl32- et AgCl43-) (Xiu et al. 2011 ; Bielmyer et al. 2008). Dans l’environnement nous pouvons observer ces deux types de réactions, le diagramme Eh-pH réalisé par Levard et al. (2012) l’illustre bien (Figure 11). Sur ce diagramme nous observons qu’une forte concentration en Cl-, comme dans l’eau de mer, conduit à la formation d’AgCl2- alors qu’une concentration plus faible en Cl- dans l’eau douce conduit à la formation d’AgCl solide. L’effet des ions Cl- sur la toxicité des Ag-NPs est donc ambivalent, une quantité faible tend à la diminuer alors qu’une quantité forte tend à l’augmenter.

Sulfuration des Ag-NPs

La sulfuration de l’argent est un phénomène qui a longtemps été étudié en raison de son impact sur la conductivité de l’argent en électronique. Une étude montre qu’une heure d’incubation à 0.2 ppb d’H2S suffit pour voir apparaitre une couche d’Ag2S sur de l’argent métallique. Cette même expérience est complètement inhibée en absence d’O2 comme accepteur d’électrons (Bennett et al. 1969 ; Volpe & Peterson 1989). Comme pour la chloration, l’oxydation préalable de l’argent est donc indispensable pour la sulfuration, il s’agit d’une oxy-sulfuration. Cette sulfuration se fait selon deux mécanismes qui dépendent de la concentration en soufre dans le milieu : l’oxy-sulfuration in situ des Ag-NPs en Ag2S-NPs (concentration élevée de soufre) ou la sulfuration indirecte qui nécessite une oxydation-dissolution de l’argent puis une reprécipitation (concentration faible de soufre). La concentration en soufre dans l’environnement reste faible, c’est donc la sulfuration indirecte qui est majoritairement observée. La sulfuration directe est quant à elle possible dans certaines zones où la concentration en soufre est bien plus élevée comme dans les stations d’épuration (Liu et al. 2011).
Dans l’environnement, il existe différentes sources de soufre telles que :
– Les gaz : comme le sulfure d’hydrogène qui est naturellement présent dans l’air
– Les composés organo- sulfurés (exp : bacillithiol, glutathion…) : Ces composés sont omniprésents dans la nature, et résultent de l’activité biologique des organismes. Le complexe Ag-cystéine présente une constante de stabilité élevée (logK =11.9). Ce type d’interaction entre l’Ag et les composés organo-sulfurés est donc attendue. Dans leurs études Levard et al. montrent qu’en présence de concentrations équimolaires
de cystéine et d’argent et deux concentrations de Cl- différentes, l’Ag se lie fortement à la cystéine, malgré le fait que Cl- soit à des concentrations de 4 à 5 ordres de grandeur supérieurs à la cystéine (Figure 12). Ces composés organo-sulfurés, en se liant aux nanoparticules d’argent, vont les protéger et se protéger de l’oxydation.

Changement de spéciation des ZnO-NPs

Les ZnO-NPs, comme les nanoparticules d’argent, se dissolvent facilement et peuvent donc subir diverses modifications chimiques. Les réactions les plus souvent observées sont celles avec le phosphate, le soufre et les oxydes de fer, qui aboutissent ainsi à la formation de Zn3(PO4)2, ZnS et de Zn absorbé sur les oxyde de Fer (Lv et al. 2012 ; Ma, Levard, et al. 2014). Ces réactions ont été observées dans les stations d’épuration et les produits ont été identifiés dans les boues d’épuration. L’importance de ces trois types de réactions est dépendante des conditions environnementales comme l’humidité, le pH, la teneur en phosphate ou en sulfure inorganique, ainsi que de la présence de protéines avec des groupements thiol (Lombi et al. 2012). La sécrétion bactérienne pourrait donc avoir une influence sur ces réactions. Des études plus approfondies seraient nécessaires pour les mettre en évidence.
Ces transformations chimiques tendent à diminuer la toxicité des ZnO-NPs en raison d’une diminution de la dissolution des ions zinc (Ma, Levard, et al. 2014) (Ma et al., 2014). Cependant, cette diminution de toxicité reste réduite car contrairement aux nanoparticules d’argent sulfurées, le complexe ZnS possède une constante de solubilité bien supérieure, il est donc moins stable (Tableau 1).

Interactions avec des biomolécules

Toutes ces modifications physico-chimiques peuvent être la conséquence des interactions entre les molécules biologiques du sol et les nanoparticules. En raison de la complexité biologique du sol, l’influence de celle-ci sur les transformations physico-chimiques des nanoparticules reste peu connue.
Cependant, il a été montré que la biotransformation la plus courante est l’adsorption de bio-macromolécules (exp : protéines, polysaccharides) à la surface des nanomatériaux. Cette adsorption peut avoir pour conséquence de modifier la charge, la dissolution et/ou l’agglomération des nanoparticules. Prenons pour exemple les nanoparticules d’oxyde de zinc qui sont très toxiques en raison d’une dissolution rapide dans l’environnement, cette dissolution et donc cette toxicité sont grandement diminuées en présence de matières organiques suite à une recomplexation des ions zinc (Li, Pokhrel, et al. 2011).
Un autre type de transformation ressort de ces études, elle fait suite aux réactions redox du vivant (Lowry et al. 2012). Les réactions redox, sont des réactions fondamentales pour la croissance de tous les systèmes biologiques, qui sont réalisées grâce à des enzymes ou grâce à la production d’espèces réactives à l’oxygène (ROS). Les ROS et les enzymes peuvent réagir avec les nanoparticules et transformer leur charge, leur agrégation et leur réactivité, ce qui peut affecter leur biodisponibilité et donc leur toxicité. Pour exemple, il a été vu que les nanotubes de carbone étaient oxydés et carboxylés par une enzyme nommée la peroxydase (Allen et al. 2008). Cette biotransformation peut également se faire aussi bien sur la nanoparticule métallique que sur son revêtement.
Les études préliminaires montrent que les organismes du sol ont un impact direct sur le devenir des nanoparticules dans le sol et donc sur leur toxicité. Les NPs peuvent interagir avec de nombreuses molécules biologiques et changer de leur biodisponibilité. En raison d’une variété importante d’espèces et donc de molécules biologiques présentes dans l’environnement, ces interactions sont mal connues. Elles sont pourtant essentielles dans la détermination de la toxicité des nanoparticules dans le sol. Dans ce travail, nous avons décidé d’étudier les interactions potentielles entre ces nanoparticules et une bactérie du sol, Bacillus subtilis. Le paragraphe suivant, explique les raisons du choix de cette bactérie.

Propriétés biologiques

Le poly-gamma-glutamate a été décrit pour la première fois au début du 20ème siècle pour son rôle dans la pathogénie chez Bacillus anthracis. Le rôle physiologique du-PGA reste cependant encore mal connu et est dépendant de l’organisme ainsi que de l’environnement. Deux types de-PGA existent : celui qui est lié à la capsule bactérienne et celui qui est sécrété. Le-PGA lié à la capsule est connu pour son rôle protecteur contre les phages, les peptides antimicrobiens mais également pour permettre une meilleure virulence en échappant à la phagocytose (Kocianova et al. 2005). Le-PGA sécrété est connu pour diminuer la toxicité des métaux et la salinité en séquestrant les ions métalliques et les cations, être une source de carbone en cas de carence (Kimura et al. 2004), résister à des environnements hostiles et aider à l’absorption de certains nutriments (Zhang, Yang, et al. 2017). Bacillus subtilis produit ces deux types de-PGA, dans notre étude nous nous sommes intéressés uniquement au-PGA sécrété.

Production et application du-PGA en industrie

Le γ-PGA est un polymère anionique soluble, biodégradable et non toxique pour l’environnement et pour l’homme, ce qui fait de lui un biopolymère intéressant pour divers domaines d’application comme (Bajaj & Singhal 2011; Shih & Van 2001):
– Assainissement des eaux usées : En raison de sa capacité à se lier à divers cations (Fe2+, Fe3+ Ca2+, Zn2+, Mg2+ or Mn2+) (Ashiuchi 2013) , le γ-PGA est un bioabsorbant potentiel pour l’élimination et la récupération des métaux lourds contenus dans les eaux usées par floculation. Plusieurs études montrent en effet l’efficacité de floculation du γ-PGA (Bajaj & Singhal 2011; Shih et al. 2001; Taniguchi et al. 2005). Le γ-PGA pourrait remplacer les floculants synthétiques actuellement utilisés dans le traitement des eaux usées, connus pour persister dans l’environnement. La littérature recense plusieurs mécanismes possibles qui utilisent le γ-PGA pour la dépollution des eaux. Pour exemple, Bhattacharyya et al ont développé des membranes de microfiltration des métaux, avec du γ-PGA. (Bhattacharyya et al. 1998). Bodnar et al. ont quant à eux décrit une préparation de nouvelles nanoparticules biodégradables basées sur la complexation du γ-PGA avec du plomb (Bodnár et al. 2008).
C’est cette capacité d’absorption pour de nombreux cations qui fait du γ-PGA un acteur potentiel du devenir des nanoparticules dans l’environnement.
Le γ-PGA est un polymère produit par B. subtilis. Au-delà de sa bonne représentation dans l’environnement, il peut aussi être considéré comme un modèle de biopolymère polycarboxylique et permettre d’évaluer les interactions des nanoparticules avec ce type de molécules produites par certains organismes.
– Médecine : Le γ-PGA est également utilisé en médecine, comme adjuvant pour la libération contrôlée des médicaments. Les groupements carboxyles de sa chaine latérale offrent un point d’attachement pour la conjugaison de molécules thérapeutiques. Le médicament conjugué au γ-PGA permet par exemple une entrée plus facile au niveau des sites tumoraux puis une libération de la molécule thérapeutique grâce à ses propriétés biodégradables (Li et al. 1998 ; Singer 2005).
D’autres utilisations ont également été envisagées en médecine comme le remplacement de la fibrine dans les adhésifs chirurgicaux par le γ-PGA ou l’utilisation de celui-ci dans l’ingénierie tissulaire afin d’améliorer la résistance mécanique des tissus(Hsieh et al. 2005 ; Otani et al. 1999).
– Cosmétique : le γ-PGA est utilisé en cosmétique pour son pouvoir hydratant, son élasticité et sa miscibilité.
– L’industrie alimentaire : il permet d’améliorer la texture de certains produits, mais également d’augmenter la biodisponibilité de certains éléments comme le calcium. (Tanimoto et al. 2007).
En raison des nombreuses applications industrielles du γ-PGA, l’essentiel de la littérature le concernant étudie le rendement de production par fermentation bactérienne. En effet, malgré la possibilité de faire du γ-PGA synthétique, les industriels préfèrent utiliser la fermentation bactérienne. Ceci s’explique par l’impossibilité de produire du γ-PGA synthétique de grande taille. Le γ-PGA synthétique fait au maximum 100KDa alors que Bacillus subtilis est capable de faire du γ-PGA de plus de 10000KDa. Nous retiendrons de ces études que le milieu de culture influe sur la production ainsi que sur la taille du γ-PGA. Par exemple un milieu riche en carbohydrates va augmenter la production du glutamate et donc du γ-PGA (Figure 19) alors qu’un milieu riche en NaCl ou en sulfate d’ammonium va augmenter sa taille.
En raison de la capacité du γ-PGA à se lier aux métaux ainsi qu’à la présence de ses groupements réactifs (COOH), nous avons fait l’hypothèse dans cette étude que le γ-PGA pourrait former un complexe avec les Ag-NPs. Ce type d’interaction a déjà été identifiée comme possible dans l’étude de Nidya et ses coauteurs, qui montrent une interaction entre les groupements carboxyles de l’acide glutamique et les nanoparticules d’argent (Nidya et al. 2015). Pour donner suite à la première partie qui s’est concentrée essentiellement à l’impact de l’environnement sur les nanoparticules rejetées dans le sol, cette étude se poursuit dorénavant en s’intéressant à l’impact des nanoparticules sur les organismes biologiques du sol, et plus particulièrement sur le devenir de Bacillus subtilis.

Rôles des ions métalliques libérés par les NPs sur l’activité antibactérienne

L’impact de la libération d’ions lors de la dissolution des NP sur la toxicité est bien connu (McShan et al. 2014). Lok et al montrent qu’une libération d’argent ionique par les Ag-NPs cause la mort cellulaire de E.coli suite à une déplétion d’ATP et une déstabilisation de la membrane (Lok et al. 2006). De même, Smetana et al. montrent que l’ajout de NaCl dans le milieu de culture diminue la toxicité des Ag-NPs, en induisant une réduction de la libération de l’argent ionique suite à la formation d’un complexe AgCl (Smetana et al. 2008). Pourtant, la libération d’ions Ag+ ne peut expliquer à elle seule la toxicité des Ag NPs. Par exemple Radzig et al. montrent une valeur de MIC (concentration minimal d’inhibition) différente entre les ions argent et les nanoparticules d’argent, avec une toxicité plus importante pour les nanoparticules d’argent (Radzig et al. 2013).
Pour les ZnO-NPs, la toxicité semble essentiellement liée à la dissolution rapide et la libération de Zn2+, sans effet supplémentaire dû à la forme nano (Franklin et al. 2007). Les ions Zn2+ perturberaient l’homéostasie de la cellule et provoqueraient des inhibitions d’activité enzymatique (Ma, Williams, et al. 2013; Xia et al. 2008).
Concernant les nanoparticules de TiO2 leur dissolution est très faible, c’est en partie pour cela que leurs activités antibactériennes sont bien inférieures à celles des nanoparticules d’argent et de zinc (Adams et al. 2006).

Génération de ROS et perméabilité membranaire

Le stress majoritairement observé suite à l’entrée d’ions métalliques après dissolution des nanoparticules est le stress oxydatif. Ce stress est induit par la génération d’espèces réactives à l’oxygène (ROS).

Les espèces réactives à l’oxygène

Les trois principaux ROS sont le superoxyde (O2-), le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et le radical hydroxyle (OH.) (Figure 24). En conditions physiologiques de croissance, l’ion superoxyde (O2-) est issu de la respiration, puis est rapidement transformé en peroxyde d’hydrogène (H2O2) par dismutation. Cette réaction est soit spontanée soit réalisée par la superoxyde dismutase (SOD). Quant au radical d’hydroxyle (OH.), il est produit en présence de fer, grâce à l’ion superoxyde et au peroxyde d’hydrogène, via les réactions de Fenton et d’Haber-Weiss (Figure 25).
Parmi ces trois ROS, l’hydroxyle (OH.) est le composé le plus réactif et le plus toxique (Zuber 2009). En effet, il induit la formation de nouvelles espèces radicalaires, comme la malondialdehyde et le 4-hydroxyl-nométal (via la peroxydation lipidique) qui modifient l’ADN et les protéines (Esterbauer et al. 1991). La réactivité de l’H2O2 est quant à elle spécifique des résidus cystéines et méthionines des protéines (Gilbert 1990). L’oxydation de la cystéine par l’H2O2 conduit à la formation d’acide sulfénique (SOH), qui pourra ensuite être oxydé en sulfonique (SO2H), ou en sulifinique (SO3H), ou réagir avec une autre cystéine et faire des ponts disulfures modifiant ainsi la structure et/ou l’activité protéique. Enfin l’anion superoxyde O2- réagit avec le Fer. Il peut induire soit la réduction du Fer(III) en Fer(II) (réaction d’haber-Xeiss) soit la destruction des centres Fer-Soufre après oxydation du Fer(II) en Fer(III). La destruction des centres Fer-Soufre qui est responsable en grande partie de la toxicité de l’ion superoxyde (O2-), aura pour conséquence non seulement d’inactiver les enzymes à centre Fer-Soufre, parmi lesquelles se trouvent des activités essentielles au métabolisme cellulaire, mais également de déclencher une augmentation de la quantité de Fer libre dans la cellule, ce qui participera à la production d’OH. (Réaction de Fenton, Figure 25).

Induction du stress oxydant après un stress aux nanoparticules

Une première étude montre qu’en absence d’oxygène ou en présence d’un antioxydant les nanoparticules d’argent ne sont plus toxiques pour E.coli (Xu et al. 2011). Cela suggère un rôle des ROS, mais cela pourrait aussi être dû à une inhibition de l’oxydation-dissolution des Ag-NPs. Dans une autre étude Kora et al. montrent que les lésions membranaires produites après un stress Ag-NPs sont similaires à celles produites par un stress H2O2, ce qui favorise l’hypothèse du rôle des ROS (Kora & Sashidhar n.d.). Par la suite de nombreuses études sur d’autres types de nanoparticules métalliques, vont confirmer le rôle du stress oxydatif sur l’effet antibactérien aussi bien chez les Gram+ que les Gram-, à l’aide de différents marqueurs de stress (Kim, Lee, et al. 2011; Marambio-Jones & Hoek 2010; Park et al. 2009).
L’induction du stress oxydatif peut avoir plusieurs effets délétères pour la bactérie, comme une déstructuration de sa membrane qui entraine une perméabilité, ou des dommages à l’ADN (Figure 23) (Cabiscol et al. 2000; Radzig et al. 2013).
Le mécanisme de défense mis en place par la bactérie suite à un stress oxydatif est détaillé en partie 2 chapitre 2.
Pour certaines nanoparticules métalliques comme le TiO2, la production de ROS se fait par photocatalyse et nécessite donc des rayonnements UV (Wei et al. 1994). Ces nanoparticules apportent un intérêt industriel important en raison de leur possibilité d’activer et de désactiver la production de ROS. Cependant, une mort bactérienne étant également possible dans le noir, ceci indique que d’autres mécanismes inconnus pourraient être impliqués (Adams et al. 2006)

Interaction des nanoparticules d’argent avec la membrane, les protéines et l’ADN

L’induction de ce stress oxydant fait suite à une interaction entre les ions libérés par les NPs et des composants cellulaires comme les protéines, l’ADN ou même la membrane. En raison d’une activité antibactérienne à large spectre des Ag-NPs (Lara et al. 2011), et donc de leur intérêt industriel, la littérature recense de nombreuses études sur leurs activités antibactériennes. Les interactions entre les ions métalliques et les composants cellulaires ont donc été mises en évidence essentiellement pour les ions Ag, ils seront donc détaillés dans cette partie.
Une des premières interactions observées est celle entre les nanoparticules et la membrane bactérienne. Cette interaction se fait grâce aux protéines membranaires par complexation entre les ions argent et les groupements carboxyle, phosphoryle, amine et thiols (McShan et al. 2014; Morones et al. 2005). Ces interactions semblent être en partie responsables de l’induction d’un stress oxydant conduisant à la perte d’intégrité de la membrane cellulaire, après un stress aux Ag-NPs. Plusieurs études expliquent cette perte d’intégrité par une modification de la composition membranaire en acide gras après un stress au Ag-NPs, augmentant ainsi leur rapport Trans/Cis (Hachicho et al. 2014; Anas et al. 2013). La membrane bactérienne est un élément essentiel au bon fonctionnement cellulaire de la bactérie, elle permet de la protéger tout en laissant entrer les nutriments nécessaires à sa croissance. Cette modification a pour conséquence une augmentation de sa perméabilité et donc une perte de son intégrité pouvant conduire jusqu’à la lyse cellulaire (Jung et al. 2008).
D’autres interactions avec de nombreux composants essentiels pour la survie de Bacillus subtilis ont également été observées dans le cytoplasme, suite à l’entrée de l’argent ionique. Ces interactions sont possibles en raison d’une forte affinité entre l’argent et le soufre. L’argent est capable de se lier aux groupements thiols des protéines ce qui perturbera leurs fonctions. Pour exemple, l’argent ionique est capable d’interagir avec des protéines impliquées, dans la génération d’ATP, dans la chaine respiratoire ou dans le métabolisme de sucre, perturbant ainsi la production d’énergie essentielle pour la croissance bactérienne (Lok et al. 2006 ; Holt & Bard 2005). Outre les interactions protéiques, les Ag+ une fois dans le cytoplasme peuvent également interagir avec l’ADN (Morones et al. 2005) et s’intercaler entre les paires de bases (entre la purine et pyrimidine), provoquant ainsi une dénaturation de l’ADN et/ou une perturbation de la transcription de certains gènes essentiels (Vishnupriya et al. 2013). Par exemple, il a été vu que les gènes de réparation peuvent être affectés, provoquant alors un arrêt de la division cellulaire et/ou un mort cellulaire (Yang et al. 2009). Hsueh et al. montrent qu’un stress Ag-NPs change la structure même de l’ADN passant d’un ADN condensé à un ADN beaucoup plus lâche, cette modification peut entrainer une perte de la capacité de réplication (Hsueh, Lin, et al. 2015).
De nombreuses autres interactions entre les Ag-NPs et les constituants intracellulaires sont possibles mais encore mal connues. Plusieurs paramètres peuvent modifier ces interactions comme le potentiel zeta des nanoparticules, le pH et la force ionique du milieu (Khan, Mukherjee, et al. 2011 ; Khan, Srivatsan, et al. 2011). Compte tenu de l’impact de ces interactions sur la toxicité des Ag-NPs et de l’influence du milieu sur celle-ci, il est essentiel lors des études de toxicité de mieux caractériser l’état des nanoparticules ainsi que le milieu d’exposition.
Ces différentes interactions ont essentiellement été observées pour les nanoparticules d’argent, en raison d’études plus approfondies. Cependant, au vu des toxicités des autres nanoparticules métalliques, il est fort possible qu’elles se produisent également. Concernant les nanoparticules de zinc, comme les nanoparticules d’Ag, elles se dissolvent facilement et ont une forte affinité avec le soufre. Nous pouvons donc faire l’hypothèse qu’elles sont elles aussi capables de se lier aux groupements thiols des protéines. Une première étude tend à confirmer cette hypothèse, les auteurs montrent une diminution de la toxicité des ZnO-NPs en présence de matières organiques dans le sol suite à une complexation des ions zinc (Li, Pokhrel, et al. 2011).De plus Ma et al. montrent la formation de ZnS dans les boues des stations d’épuration induisant une diminution de la toxicité des ZnO-NPs (Ma, Levard, et al. 2013; Ma, Levard, et al. 2014). Ces interactions sont cependant moins probables pour les nanoparticules de TiO2 qui sont beaucoup plus stables.
La dissolution des nanoparticules semble donc un facteur essentiel pour la toxicité de certaines nanoparticules métalliques. Il est donc important de caractériser l’état de celles-ci dans l’environnement afin de mieux évaluer leur toxicité (Fabrega, Fawcett, et al. 2009). Cependant, la toxicité intrinsèque des nanoparticules ne doit pas être négligée.

La voie des pentoses phosphates

La voie des pentoses phosphates peut être réalisée au début de la glycolyse et permet de convertir le G6P en F6P et G3P (Figure 29). Cette voie a trois rôles essentiels qui sont :
– La production de NADPH, utilisé dans les voies de biosynthèses.
– La production du ribose-5-phosphate utilisé lors de la biosynthèse des nucléotides.
– La production d’erythrose-4-phosphate, qui est un précurseur de la synthèse des noyaux aromatiques des acides aminés aromatiques.
La voie est divisée en deux phases, une phase oxydative et une phase non oxydative (Figure 29). La phase oxydative convertit le G6P en ribulose-5-phosphate permettant la formation de NADPH. La phase non oxydative convertit le ribulose-5-phophate en F6P ou en G3P ou en erythrose-4-phosphate qui permettent d’intégrer dans la glycolyse.
Cette voie des pentoses phosphates peut aussi utiliser du gluconate, du ribose, de l’arabinose ou du xylose comme source de carbone. Bacillus subtilis peut répondre au stimulus environnemental ainsi qu’à ses besoins en choisissant de mettre en place la voie des pentoses phosphates ou d’utiliser uniquement la glycolyse.
Elle peut par exemple favoriser cette voie par rapport à la glycolyse après un stress, tout ceci dans le but d’augmenter la production NADPH, un élément essentiel pour se défendre par exemple contre un stress oxydatif.

La synthèse du (p)ppGpp

Les (p)ppGpp, aussi appelés phéromones, sont accumulés lors de la réponse stringente. Ils sont synthétisés à partir du GTP et du GDP tout en utilisant de l’ATP comme donneur de phosphate. Le niveau de (p)ppGpp est inversement proportionnel au taux de croissance : il augmente rapidement quand la croissance diminue (lors de carence) et diminue rapidement quand les conditions redeviennent favorables à la croissance (Cashel & Gallant 1969). Chez Bacillus subtilis, trois (p)ppGpp synthases ont été identifiées : RelA, YwaC et YjbM (Nanamiya et al. 2008). RelA, également notée RSH, a la double fonction de synthèse et de dégradation du (p)ppGpp, comme SpoT chez E. coli. YwaC et YjbM sont quant à elles uniquement des (p)ppGpp synthases, leurs rôles dans la réponse stringente ne sont pas encore complétement élucidés. Cependant, ce qui a été identifié, c’est que le gène yjbM est essentiellement exprimé lors de la phase exponentielle, alors que le gène ywaC est lui sous le contrôle du facteur sigma M (Eiamphungporn & Helmann 2008).
Le facteur Sigma M est un facteur d’activé suite à différents stress comme : la salinité, l’éthanol, la température, le pH mais également les stress antibiotiques qui perturbent la membrane. Même si le rôle de ces deux (p)ppGpp synthases est mal connu, leur impact sur la réponse stringente a bien été identifié (Nanamiya et al. 2008).

Mécanisme d’action du (p)ppGpp

Ce (p)ppGpp produit lors de la réponse stringente est une alarmone qui possède de nombreuses fonctions, dont le mode d’action varie d’un organisme à l’autre. Ces différentes fonctions sont des modifications de la transcription, de la traduction ainsi que de la réplication de nombreux gènes. Chez Bacillus subtilis, ces différentes fonctions sont la conséquence d’une diminution du niveau basal du GTP. Ce niveau basal est régulé par le (p)ppGpp de deux manières : d’une part suite à sa consommation lors de la synthèse de (p)ppGpp et d’autre part par l’inhibition de sa production (Figure 31). En effet, le (p)ppGpp est capable d’inhiber plusieurs enzymes impliquées dans la production de GTP : l’IMP déshydrogénase (GuaB) (Lopez et al. 1981), l’hypoxanthine phosphoribosyltransférase (Hpt) (Beaman et al. 1983) et peut-être même une troisième enzyme récemment identifiée, la guanylate kinase (Gmk) (Kriel et al. 2012) (Figure 31).
La production de (p)ppGpp via le niveau basal de GTP qu’il induit peut avoir de multiples actions (Figure24) :
– Action sur la transcription : la transcription de nombreux gènes est régulée par le GTP. Les gènes dits iGTP sont activés par le GTP (Krásný & Gourse 2004; Tojo et al. 2008; Tojo et al. 2010; Krásný et al. 2008). D’autres sont régulés négativement par le GTP, notamment les gènes régulés par CodY, un régulateur essentiel de la réponse stringente en raison de son large champ de régulation génétique (Handke et al. 2008). Cette régulation sera donc détaillée dans le paragraphe suivant. Lors de la réponse stringente, en raison d’une diminution du niveau basal de GTP, les gènes iGTP verront donc leur transcription diminuer alors que les gènes régulés négativement par le GTP verront leur transcription augmenter.
– Action sur la traduction : Parmi les ARNs dont la transcription est régulée positivement par le GTP, il y a les ARNs ribosomiques (Krásný & Gourse 2004). Lors de la réponse stringente, la transcription des ARNs ribosomiques sera donc diminuée, provoquant ainsi une diminution du nombre de ribosomes disponibles et donc une diminution de la traduction.
– Action sur la réplication : Chez B. subtilis, le (p)ppGpp peut provoquer un arrêt des fourches de réplication, en agissant sur une primase, induisant ainsi un arrêt de la réplication (Wang et al. 2007).
– Action sur le métabolisme des acides aminés : Chez B. subtilis, le (p)ppGpp permet une activation de la biosynthèse des acides aminés grâce à l’induction d’une diminution du niveau de GTP.

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Table des matières

Synthèse Bibliographique
Partie 1 : Les nanomatériaux : enjeux, propriétés et impact sur l’environnement
Définitions
Un marché en plein essor
Les nanoparticules : Propriétés et applications
Les nanoparticules de TiO2
Les nanoparticules de ZnO
Les nanoparticules d’argent
Le cycle de vie des nanoparticules et le rejet dans l’environnement
Le devenir des nanoparticules dans l’environnement
Agrégation/agglomération
Charge de surface
Forme de la nanoparticule
Dissolution
Changement de spéciation des Ag-NPs et ZnO-NPs
Changement de spéciation des ZnO-NPs
Interactions avec des biomolécules
Choix du modèle bactérien : Bacillus subtilis
Le poly-γ-glutamate-interaction biologique
Définition et propriétés biologiques
Mécanisme de synthèse du γ-PGA
Production et application du γ-PGA en industrie
Partie 2 : Effets des nanoparticules sur Bacillus subtilis
Effets antibactériens des nanoparticules
Rôles des ions métalliques libérés par les NPs sur l’activité antibactérienne
Génération de ROS et perméabilité membranaire
Interaction des nanoparticules d’argent avec la membrane, les protéines et l’ADN
Réponse cellulaire de Bacillus subtilis à un stress aux nanoparticules
Le stress Oxydant
Modifications du métabolisme central du carbone
La réponse stringente
La compétence génétique et la sporulation
Matériels et Méthodes
Partie 1 : Caractérisation physico-chimique des nanoparticules et internalisation.
Taille et diamètre hydrodynamique
Définition
Outils de mesures : TEM et DLS
Agglomération et agrégation
Composition chimique et spéciation
TEM/EDX
NanoXRF
Spectroscopie d’absorption des rayons X (XAS)
Détection et/ou quantification des nanoparticules intracellulaires
Partie 2 : Approche protéomique de la réponse au stress par Bacillus subtilis
Protéomique définition
Stratégie
Préparation de l’échantillon
Séparation protéique
Identification protéique par spectrométrie de masse
Résultats et Discussions
Partie 1 : Effets de Bacillus subtilis sur la biodisponibilité des nanoparticules d’argent
Impact de Bacillus subtilis ainsi que son sécrétome sur le devenir des nanoparticules d’argent
Introduction
Article 1 Conclusion
Interaction entre les molécules sécrétées par Bacillus subtilis et les nanoparticules d’argent
Introduction
Article 2 Conclusion
Partie 2 : Effets des nanoparticules de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc sur Bacillus subtilis
Induction de la réponse stringente et réorientation du métabolisme de Bacillus
subtilis après un stress aux nanoparticules ZnO
Introduction
Article 3 Conclusion
Effet des nanoparticules sur la compétence chez Bacillus subtilis : Impact des nanoparticules sur le transfert horizontal des gènes
Introduction
Article 4 Conclusion
Discussions et perspectives
A propos des nanoparticules
A propos des concentrations et des modalités d’exposition aux nanoparticules
1.3. A propos des techniques utilisées
Discussion Générale sur les résultats
Effets de Bacillus subtilis sur la biodisponibilité des nanoparticules d’argent
Effets des nanoparticules de TiO2-NPs et de ZnO-NPs sur Bacillus subtilis
Conclusion Générale et perspectives
Références bibliographiques

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