Caractérisation par analyse élémentaire (PIXE et ICP-MS/-AES) d’un verre naturel

Au cours des cinquante dernières années, l’archéologie a fait de plus en plus appel aux méthodes de la physique. Un des domaines de rencontre est celui de la caractérisation physico-chimique des objets archéologiques, dont un aspect est la recherche de leur origine géographique. Ce travail se rattache à cet aspect d’études, dites de provenance. Nous avons choisi, comme matériau d’étude, un verre volcanique : l’obsidienne, utilisée dans l’industrie lithique au cours de périodes préhistoriques. La rareté des sources de cette matière première et l’intérêt dont elle a fait l’objet par le passé en font actuellement pour le préhistorien un marqueur remarquable d’échanges et de contacts humains à grande distance. Ce matériau possède aussi des propriétés uniques qui caractérisent son lieu d’origine. Nous nous sommes intéressé à la plus fréquemment mesurée, la composition élémentaire, et nous avons pratiqué deux approches différentes pour sa détermination.

Tout d’abord nous avons eu accès au système d’analyse par faisceaux d’ion AGLAE, installé au Laboratoire de Recherche des Musées de France au début des années 90, dédié à l’analyse des objets d’art ou archéologiques et permettant notamment des analyses par PIXE (Particle Induced X-ray Emission) non destructives, en faisceau extrait. Ce type d’analyse élémentaire par faisceau d’ions a été appliqué sur les obsidiennes depuis la fin des années 70 par des équipes australiennes. Cependant de nouveaux développements ont été introduits depuis la fin des années 80 avec la mise sur le marché de logiciels de traitement des spectres PIXE ouvrant le champ des analyses quantitatives. Nous avons donc pu tester sur une grande échelle un outil exceptionnel pour les analyses élémentaires non destructives.

D’un autre côté, nous avons disposé à l’Institut Dolomieu de méthodes d’analyse basées sur les plasmas couplés par induction. Ces méthodes, l’ICP-AES (Inductively Coupled Plasma-Atomic Emission Spectrometry) et l’ICP-MS (Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry, installée en 1994) respectivement développées à la fin des années 70 et 80, se sont imposées dans le domaine de l’analyse élémentaire. Elles donnent accès de façon complémentaire à l’analyse d’un large spectre d’éléments avec de grandes sensibilités, mais nécessitent des prélèvements. Nous avons développé les applications à la problématique de provenance d’obsidiennes de ces méthodes dont l’utilisation se développe actuellement en archéologie.

Les études de provenance en archéologie

En archéologie la reconstruction et la compréhension du passé passe par l’étude des documents restés à notre disposition : textes, vestiges, coutumes. Pour les vestiges matériels, audelà de leur étude en tant qu’objets (fonction, technologie, style, etc.), l’étude du/des matériaux le composant peut être réalisée afin de caractériser la matière première et déterminer son origine. En effet les ressources en ces matières premières pouvant être limitées, les hommes ont dû mettre en place des stratégies d’approvisionnement : exploitation, transport, échange, pour se les procurer. Ces processus d’organisation, de contacts entre hommes, depuis les outils en pierre taillée jusqu’aux technologies actuelles, sont une clef pour mieux comprendre leurs modes de vie, leur histoire.

En archéologie se sont donc mises en place “les études de provenance”, l’étude des matières premières en tant que telles. Tout d’abord la connaissance de leur utilisation, la recherche et la description des ressources et enfin la possibilité de faire le lien entre un objet et sa “source”. Pour être capable d’identifier et différencier les matériaux, il est fait appel à des méthodes allant de l’observation visuelle aux techniques avancées de la physique pour en déterminer certaines propriétés. L’objectif est alors de caractériser un matériau pour le reconnaître parmi d’autres ou discriminer les différentes sources possibles. Si cela est réalisable il est alors possible d’un côté d’étudier la diffusion d’un matériau, c’est-à-dire l’ensemble des lieux où il est retrouvé (suite à un déplacement d’origine anthropique). D’un autre côté, quand l’origine géographique d’un matériau peut être déterminée, on peut alors étudier sa diffusion en termes de système d’exploitation-transport-échange.

Les méthodes physiques ont acquis un rôle primordial dans les études de provenance puisqu’elles sont souvent les seules entrant suffisamment dans l’intimité de la matière pour être capables de fournir les discriminations nécessaires.

De nombreux matériaux ont fait l’objet d’études de provenance, nous avons exclusivement pour l’instant parlé de “matières premières” qui peuvent être, pour les matériaux inorganiques : silex (Luedtke, 1992), obsidiennes, andésite (Jones G. et al., 1997), ocre (Weinstein-Evron, 1994), jaspe (King et al., 1997), calcaire (Hayward, 1996), etc, mais il peut aussi s’agir de matériaux technologiques : céramiques, verre, métal, pour lesquels ce n’est pas forcément l’origine de la matière première qui est identifiée mais l’atelier de fabrication, puisque le processus de fabrication influe fortement sur les propriétés du matériau. Les matériaux organiques d’un autre côté présentent tout d’abord des problèmes de pérennité puisque le problème de leur conservation fait que l’on ne peut les retrouver que dans des contextes spécifiques, par la suite le problème de leur provenance ne dépend pas des mêmes contraintes et les solutions apportées ne sont pas du même ordre.

Le rôle des analyses élémentaires

Les déterminations de compositions chimiques (ou analyses élémentaires) sont non seulement représentées par un grand nombre de méthodes dans les études de provenance mais ce sont aussi celles qui sont le plus communément utilisées. En effet, la composition chimique, en particulier en certains éléments présents à de très faibles quantités dans les matériaux (éléments traces), peut être un très bon marqueur de la provenance d’objets archéologiques. Il s’agit, soit de matièrespremières, qui par leur processus de formation et par le contexte dans lequel il s’est produit ont pu acquérir une caractéristique de composition propre à une source. Soit il s’agit “d’ateliers” pour des matériaux technologiques où la composition élémentaire est fonction des constituants et des technologies, l’ensemble pouvant caractériser un centre de production. Ceci a donc fait des analyses élémentaires l’approche la plus courante dans les problèmes de provenance d’autant que l’arsenal des méthodes disponibles est important et que certaines d’entre elles permettent des déterminations très fines d’éléments présents à de faibles teneurs. Elles possèdent aussi l’avantage d’une mise en oeuvre simple avec la possibilité de traiter de grands nombres d’échantillons, ce qui est nécessaire pour une utilisation en archéologie. Dans l’idéal, l’interprétation des résultats présente aussi l’avantage de suivre un principe simple : les objets d’un même type se répartissent en groupes compositionnels, chacun de ces groupes étant en relation avec une provenance, celle-ci étant définie par référence à une banque de données préalablement établie.

Cette approche par les analyses élémentaires est donc une des bases des études de provenance et c’est celle-ci que nous allons utiliser pour un matériau naturel : l’obsidienne, que nous allons présenter afin d’expliciter les spécificités de l’analyse élémentaire pour en déterminer la provenance.

Le matériau : l’obsidienne

Les verres naturels

L’obsidienne est un verre naturel d’origine volcanique. D’autres verres naturels existent comme les verres d’impact, par exemple les tectites issus de la collision d’une météorite avec la terre ou les pseudo-tachylites (verres d’origine tectonique). Les obsidiennes sont issues d’un volcanisme acide c’est-à-dire de laves riches en silicium (SiO2 > 66%) qui sont les seules à posséder les propriétés nécessaires à la formation de verres massifs dans les conditions “normales” régnant à la surface de la planète. En effet pour la formation d’un verre deux paramètres sont importants : la vitesse de refroidissement et la composition chimique de la lave. La vitesse de refroidissement doit être assez rapide et la composition favorable afin que ne se produise pas une cristallisation en masse ne conduisant pas à un verre. Cependant, des conditions particulières, comme les éruptions sous-marines (formation de “pillow lavas”), des projections atmosphériques (téphra : cendre volcanique) produisant un refroidissement extrêmement rapide, peuvent permettre la formation d’un verre avec des laves de composition a priori non favorable de type basique (laves basaltiques).

Les verres naturels ayant un intérêt en préhistoire se limitent principalement aux obsidiennes pour des raisons d’accessibilité de la matière première en quantité et en qualité suffisantes pour permettre leur exploitation pour la confection d’objets taillés. Cependant, d’autres verres naturels comme le verre de Lybie (issu de l’impact d’un météorite) ont été utilisés par les préhistoriques (Roe et al., 1982).

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie I : L’obsidienne et ses méthodes d’étude
Chapitre I : Cadre général : archéométrie-provenance-obsidienne
I.1. Problématique
I.1.1. Les études de provenance en archéologie
I.1.2. Le rôle des analyses élémentaires
I.2. Le matériau : l’obsidienne
I.2.1. Les verres naturels
I.2.2. Composition
I.2.3. Structure
I.2.4. Processus de formation
I.2.5. L’obsidienne sur le terrain
I.2.6. “Prédispositions” pour les études de provenance
I.2.7. La provenance de l’obsidienne : historique des études
I.3. L’hydratation de l’obsidienne et les datations archéologiques
Chapitre II : Méthodes
II.1. Une méthode d’analyse par faisceaux d’ions : le PIXE (Particle Induced X-ray Emission)
II.1.1. Principe
II.1.2. Le dispositif AGLAE
II.1.2.1. AGLAE description technique
II.1.2.2. L’enregistrement du signal et des spectres PIXE
II.1.3. Conditions de travail
II.1.4. Le dépouillement des spectres PIXE : le logiciel GUPIX
II.1.5. Préparation des échantillons
II.2. Les méthodes de spectrométrie basées sur la torche à plasma couplé par induction (Inductively Coupled Plasma : ICP)
II.2.1. La spectrométrie d’émission atomique : Inductively Coupled Plasma-Atomic Emission Spectrometry (ICP-AES)
II.2.2. La spectrométrie de masse : Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry (ICP-MS)
II.2.3. Préparation des échantillons pour les méthodes ICP
II.3. Fiabilité des mesures
II.3.1. PIXE
II.3.2. ICP-AES et ICP-MS
II.3.3. Les comparaisons PIXE / ICP
Partie II : Applications
Chapitre III : Les obsidiennes d’Equateur et de Colombie
III.1. Présentation du projet
III.2. Les sources dans les études antérieures
III.2.1. Découverte et description
III.2.1.1. Equateur
III.2.1.2. Colombie
III.2.2. Les échantillons géologiques antérieurement étudiés
III.3. Echantillons géologiques disponibles à Grenoble
III.3.1. Les échantillons reçus à Grenoble
III.3.2. Echantillons prélevés par le groupe de Grenoble
III.4. Les artefacts
III.4.1. Les études antérieures
III.4.2. Les sites étudiés : contexte archéologique et échantillonnage des artefacts
III.5. Résultats
III.5.1. Les sources
III.5.1.1. Mesures PIXE
III.5.1.2. Mesures ICP-AES et ICP-MS
III.5.1.3. Conclusions sur les sources
III.5.2. Les artefacts
III.5.2.1. Mesures PIXE
III.5.2.2. Confrontation aux données issues de la datation par traces de fission
III.5.2.3. Mesures ICP-AES et ICP-MS
III.5.2.4. Discussion sur les attributions
III.6. Conclusions – Perspectives
Chapitre IV : Les obsidiennes de Turquie et leur diffusion au Proche-Orient
IV.1. Historique du projet
IV.2. La préhistoire au Proche-Orient et l’apparition de la Néolithisation
IV.3. Les obsidiennes de Turquie et leur diffusion au Proche-Orient
IV.3.1. Les sources de Turquie
IV.3.2. La diffusion de l’obsidienne au Proche-Orient : l’état des connaissances
IV.4. Problématiques abordées
IV.5. Les sites de la Haute Vallée de l’Euphrate – Echantillonnage archéologique
IV.6. Les sources analysées
IV.7. Résultats ICP-AES / -MS
IV.8. Discussion sur les provenances
IV.9. Conclusions – Perspectives
CONCLUSION
ANNEXES

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