Caractérisation multimodale de l’ostéointégration et du remodelage osseux en fonction de l’environnement

L’os cortical et l’os trabéculaire

     On distingue deux types d’os : l’os cortical et l’os trabéculaire. L’os cortical (Figure 1.1) est un os compact constitué notamment d’ostéons, eux-mêmes composés de lamelles organisées de manière concentrique autour du canal de Havers (Larousse, 2020b). Ce canal contient la moelle osseuse, les nerfs et les vaisseaux sanguins. L’os cortical est responsable des fonctions de support et de protection du squelette et son renouvellement est lent (John E. Davies, 2003). L’os trabéculaire ou os spongieux (Figure 1.1) est constitué de tiges et de plaques interconnectées, les trabécules. Les espaces ainsi formés, de l’ordre du millimètre (Keaveny, Morgan, Niebur, & Yeh, 2001), sont occupés par de la moelle osseuse et de la graisse (Larousse, 2020a). Bien qu’il permette aussi de soutenir des charges, l’os spongieux a pour rôle l’homéostasie minérale, c’est-à-dire l’équilibre des concentrations en minéraux du corps. La moelle osseuse qu’il contient possède également une fonction hématopoïétique. Lors de fracture ou pendant la croissance osseuse, l’os nouvellement formé est fibreux et composé d’une matrice de fibres de collagènes et d’ostéocytes. Ce matériau possède une activité cellulaire importante, mais il est peu rigide. D’une durée de vie limitée, il peut se résorber et être remplacé par de l’os lamellaire (ou os mature) composé de couches superposées (lamelles). Chaque lamelle a une épaisseur de 3 à 7 μm et est constituée de fibres de collagène parallèles. Sous lumière polarisée, les lamelles se différencient par l’orientation de ces fibres. L’os mature, à l’activité cellulaire moindre, est plus résistant que l’os nouvellement formé. (Cowin, 2001; C. Davies et al., 2006; Liebschner, 2004) Les différences de structures et de comportement de ces différents tissus (os cortical/os spongieux, os mature/os nouvellement formé) induisent des comportements mécaniques différents qui ont leur importance dans le cadre de l’étude du tissu osseux et de l’interface osimplant. (Liebschner, 2004; Mathieu, Vayron, Soffer, Anagnostou, & Haïat, 2012)

Stabilités primaire et secondaire de l’interface os-implant

     Une intégration réussie de l’implant par l’os se fait par l’entremise de deux types de stabilité : la stabilité primaire qui intervient lors de la pose de l’implant, et la stabilité secondaire qui se met en place pendant la période de cicatrisation (X. Gao, Fraulob, & Haïat 2019; Biemond et al. 2011). Parmi les différentes causes de révision de l’implant après la première chirurgie, le descellement aseptique en est la principale pour les prothèses totales de hanche ou les arthroplasties de genou (National Joint Registry, 2020; Ulrich et al., 2008). Ce descellement a plusieurs origines (Biemond et al., 2011). L’usure de l’implant liée à son utilisation produit des débris, responsable de la nécrose du tissu osseux autour de l’implant, notamment par le recrutement de macrophages pour éliminer ces débris, macrophages qui peuvent eux-mêmes recruter ou devenir des ostéoclastes. De plus, une mauvaise répartition des contraintes à l’interface os-implant, appelée déviation de contraintes, crée une surstimulation locale de l’os, amenant à une résorption importante, ou ostéolyse, de ce tissu, et conduisant à l’instabilité de l’implant. Enfin, les micromouvements de l’implant pendant son utilisation peuvent favoriser la formation de tissu fibreux entre l’os et l’implant, isolant ce dernier par encapsulation et rendant toute ostéointégration impossible. (Sundfeldt, V Carlsson, B Johansson, Thomsen, & Gretzer, 2006) La déviation de contraintes et l’encapsulation de l’implant sont aussi rapportées comme les causes principales du descellement aseptique des implants dentaires (El Askary, Meffert, & Griffin, 1999; Shemtov-Yona & Rittel, 2015). Ces causes sont directement associées à la stabilité primaire de l’implant, c’est-à-dire à la mise en place de l’interface osimplant dès la chirurgie. Une fois établie, la stabilité primaire peut conduire à la stabilité secondaire de l’implant, ou ostéointégration. Ce processus consiste en la croissance et la maturation d’os néoformé au contact de l’implant, le reliant à l’os mature et limitant ainsi ses micromouvements. (Haïat, Wang, & Brunski, 2014).

Les différents types de bioréacteurs

      On distingue quatre types de bioréacteurs, chacun maintenant en vie un échantillon osseux par une approche différente. Le bioréacteur in vivo est proposé en ingénierie tissulaire pour développer des matrices osseuses au sein d’un animal hôte en le reliant à un pédicule (ensemble de vaisseaux sanguins et de nerfs reliés à un organe). Il est isolé du reste de l’animal par une paroi en silicone (Figure 1.7). Cependant, l’évolution de l’échantillon est dépendante de l’animal et son état de santé, sachant que le risque d’infection est élevé. De plus, l’échantillon n’est pas sollicité mécaniquement. (Holt, Halpern, Dovan, Hamming, & Schwartz, 2005) La fiole rotative (Figure 1.8) est une cuve remplie de liquide nutritif, l’échantillon étant suspendu dans ce milieu. Un agitateur magnétique est utilisé pour permettre un meilleur échange de nutriments avec l’échantillon. Cependant, la survie de l’échantillon est difficile, les nutriments ne pouvant pas pénétrer facilement au cœur de l’échantillon, ce qui entraîne généralement sa nécrose. (El Haj & Cartmell, 2010; Rauh, Milan, Günther, & Stiehler, 2011; Vetsch, Müller, & Hofmann, 2015; Yeatts & Fisher, 2011) La cuve tournante est une cuve constituée de deux cylindres concentriques séparés par le liquide nutritif (Figure 1.9). Le cylindre intérieur permet les échanges gazeux (O2, CO2) tandis que le cylindre extérieur agite le liquide nutritif pour favoriser les échanges de nutriments avec l’échantillon, laissé en libre mouvement dans le bioréacteur. Cependant, là encore, de la nécrose apparaît au cœur des échantillons. (El Haj & Cartmell 2010; Yeatts & Fisher 2011; Rauh et al. 2011; Vetsch, Müller, & Hofmann 2015; Zhao et al. 2016) Le bioréacteur à perfusion est plus complexe à mettre en place, sa géométrie étant réduite à l’échantillon seul. Une pompe pousse le liquide dans la chambre contenant le spécimen afin d’assurer la pénétration des nutriments au cœur de l’échantillon. Le débit de cette pompe est contrôlé et permet aussi de recréer les stimulations mécaniques rencontrées in vivo (Figure 1.10). De plus, ce bioréacteur offre la possibilité de venir appliquer un chargement mécanique directement sur l’échantillon. (El Haj & Cartmell, 2010; Rosa, Simoes, Magalhães, & Marques, 2015; Vetsch et al., 2015; Yeatts & Fisher, 2011; Zhao et al., 2016) Contrairement au bioréacteur in vivo, la fiole rotative, la cuve tournante et le bioréacteur à perfusion maintiennent en vie un échantillon en dehors de l’animal. De fait, il n’est pas nécessaire de garder le donneur/l’hôte en vie ce qui coûte plus cher que la culture ex vivo. Cependant, le maintien en vie du tissu osseux en vie en dehors de l’animal exige d’apporter à l’échantillon tout ce dont il a besoin pour sa survie. Aujourd’hui, l’ensemble des nutriments nécessaires et leur impact sur le tissu sont encore en étude. Ainsi, l’inconvénient de la culture ex vivo est que le tissu peut ne pas réagir correctement, car il ne lui a pas été fourni tous les nutriments essentiels à sa bonne santé. Toutefois, il s’agit aussi d’un avantage dans la mesure où un contrôle total sur ce qui est apporté à l’échantillon permet l’étude de leur influence. Parmi ces nutriments, un bioréacteur ex vivo étant un système ouvert, l’échange de gaz (O2 et CO2 notamment) peut se faire librement. (Holt et al., 2005; Nokhbatolfoghahaei et al., 2017; Rauh et al., 2011) D’autre part, en particulier pour le bioréacteur à perfusion, d’autres facteurs peuvent être étudiés plus facilement que sur le vivant, comme la stimulation mécanique. De plus, les erreurs systématiques liées à l’animal peuvent être éliminées en augmentant le nombre de donneurs par exemple. (Holt et al., 2005; Nokhbatolfoghahaei et al., 2017; Rauh et al., 2011)

La tomographie par neutrons

     Dans l’objectif de limiter les artéfacts métalliques en imagerie, d’autres alternatives en imagerie que les rayons X peuvent être utilisées, reposant sur un rayonnement ou une interaction avec la matière différents. C’est le cas de la tomographie par neutrons qui, se basant sur le même principe de tomographie que le µCT pour accéder à la structure 3D d’un objet, permet d’imager les objets avec un flux de neutrons. Cette technique a été appliquée dans de multiples domaines (paléontologie, géologie, ingénierie, etc.) (Kardjilov, Manke, Woracek, Hilger, & Banhart, 2018; Tengattini, Lenoir, Andò, & Viggiani, 2020) et plusieurs études ont comparé la tomographie par neutrons et les rayons X sur différents tissus biologiques tels que des fossiles (Schwarz, Vontobel, Lehmann, Meyer, & Bongartz, 2005; Urciuoli et al., 2018) ou des perles de nacre (Micieli et al., 2018). Alors que les rayons X interagissent avec les électrons, les neutrons entrent en contact avec le noyau des atomes de l’échantillon, transmettant à ces noyaux tout ou partie de leur énergie. Par cette interaction, la tomographie par neutrons présente une influence plus faible sur l’intégrité de la matière, comparativement aux rayons X (Burca et al., 2018), bien que la technique engendre de la radioactivité ce qui la rend incompatible avec une utilisation in vivo. De plus, cette interaction rend les neutrons fortement sensibles aux atomes légers tels que l’hydrogène, et faiblement aux atomes lourds comme les métaux (Kardjilov et al., 2018). Cette différence de sensibilité avec les rayons X montre une complémentarité des deux techniques, la tomographie par neutrons étant particulièrement sensible aux molécules de collagène (Micieli et al., 2018) et à d’autres tissus biologiques comme le poumon (Cekanova et al. 2014; Watkin, Bilheux, & Ankner 2009) ou encore à différents isotopes (Urciuoli et al., 2018), permettant ainsi la distinction de plus de tissus qu’aux rayons X. La sensibilité aux isotopes a d’ailleurs été exploitée pour étudier la circulation de l’eau dans les plantes (Tötzke, Kardjilov, Manke, & Oswald, 2017) en remplaçant l’eau H2O par de l’oxyde de deutérium D2O. La faible atténuation des neutrons par les métaux a pour conséquence que les neutrons ne créent pas d’artéfacts dans les images, comme l’ont démontré Isaksson et al. (Isaksson et al., 2017) en imageant par tomographie par neutrons et par rayons X un échantillon implanté d’une vis. Cette étude compare quatre acquisitions d’une interface os-implant, deux par µCT à rayons X et deux par tomographie par neutrons, en utilisant des résolutions différentes pour évaluer l’effet de la qualité d’image sur l’analyse de l’interface os-implant. Alors que les deux acquisitions aux rayons X présentent des artéfacts autour de l’implant, les deux acquisitions par tomographie par neutrons démontrent une bonne visibilité de l’interface os-implant, sans artéfacts. Toutefois, l’étude rapporte aussi que la résolution de la tomographie par neutrons est plus faible que celle obtenue avec le µCT à rayons X. Cela est en partie expliqué par le processus de conversion des neutrons en lumière, et donc en signal quantifiable, qui est indirect par tomographie par neutrons, contrairement aux rayons X. En effet, après leur interaction avec les atomes de l’échantillon, les neutrons doivent traverser un scintillateur (Figure 1.13) pour convertir l’énergie résiduelle des neutrons en lumière, qui est ensuite classiquement mesurée par une caméra. Cette conversion neutrons-lumière se fait par conséquent en deux étapes, contrairement à celle des rayons X qui est directe (faisceau de photons). (Paul Scherrer Institute, 2020)

Volume de fluides échangés entre l’intérieur et l’extérieur du bioréacteur

    Aucune information n’étant disponible à ce sujet sur le bioréacteur ZetOs, il est considéré que le système proposé ne présente pas de fuites. Des tests préliminaires de remplissage sur les premier et troisième prototypes, combinés à des tests stimulations mécaniques, ont pu mettre en évidence des risques de fuite pendant la culture. Les deux prototypes ont tous deux montré des soucis de fuite aux entrées et sorties de perfusion, ces fuites étant moins importantes dans le cas du prototype 3. Ces fuites sont causées dans le prototype 1 par le choix de l’embouchure de perfusion qui est non adaptée. Dans le prototype 3, les embouchures de perfusion sont agrémentées d’un joint en silicone. Lors de l’installation des embouchures, ce joint est comprimé contre la surface de la chambre, limitant considérablement le risque de fuites. L’utilisation du prototype 1 sur la machine de test mécanique après son remplissage a montré des fuites importantes pendant la stimulation de l’échantillon. En effet, lors de la stimulation, le bouchon de la tige de compression se délogeait, permettant le passage du fluide. Ce problème n’est pas présent dans le second prototype, le bouchon étant vissé à la chambre. Toutefois, l’absence de joint entre le bouchon et la chambre dans les deux premiers prototypes crée une infiltration de fluide, qui peut être source de contamination et de prolifération de contaminants. Dans le cas du prototype 3, un joint vient directement relier la tige à la chambre, empêchant toute circulation du fluide vers l’extérieur. Dans les trois prototypes, le joint de la vitre prévient efficacement l’apparition de fuites à cet endroit.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Le tissu osseux
1.1.1 L’os cortical et l’os trabéculaire
1.1.2 Les cellules osseuses
1.1.3 Le remodelage osseux
1.2 Étude de l’interface os-implant : techniques et connaissances
1.2.1 Stabilités primaire et secondaire de l’interface os-implant
1.2.2 Étude de la stabilité primaire – Étude in vitro de l’interface os-implant
1.2.3 L’interface os-implant in vitro – études cellulaires
1.2.4 Étude de l’interface os-implant in vivo
1.2.5 L’interface os-implant ex vivo
1.2.5.1 Les différents types de bioréacteurs
1.2.5.2 Étude du tissu osseux par méthodologie ex vivo
1.3 Caractérisation de l’interface os-implant par imagerie
1.3.1 La (micro-)tomographie par rayons X – Technique et résultats
1.3.2 La tomographie par neutrons
CHAPITRE 2 PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
2.1 Problématique
2.2 Hypothèses et objectifs de recherche
CHAPITRE 3 CULTURE EX VIVO
3.1 Conception d’une chambre environnementale
3.1.1 Définition du cahier des charges
3.1.2 Présentation et évaluation des prototypes
3.1.2.1 Nombre de paliers de stimulation mécanique en compression
3.1.2.2 Surface de l’échantillon comprimée
3.1.2.3 Mécanisme de blocage du mouvement de l’échantillon
3.1.2.4 Volume de fluides échangés entre l’intérieur et l’extérieur du bioréacteur
3.1.2.5 Diamètre des bulles d’air dans le bioréacteur
3.1.2.6 Temps de renouvellement du milieu de culture
3.1.2.7 Volume du bioréacteur
3.1.2.8 Nombre de pièces à fabriquer
3.1.2.9 Pourcentage de pièces stérilisables à l’autoclave
3.1.2.10 Volume total de fluide dans la chambre
3.1.2.11 Rayons de courbure intérieurs
3.1.2.12 Nombre de mécanismes de chargement statique
3.1.2.13 Nombre de côtés plans transparents
3.1.2.14 Radio-opacité des pièces
3.1.3 Matrice de décision et sélection du concept
3.2 Mise en place d’une culture ex vivo – Matériel et Méthodes
3.2.1 Animal et préparation des échantillons
3.2.2 Stimulation mécanique
3.2.3 Changement de milieu de culture et analyse cellulaire
3.2.4 Acquisitions µCT
3.2.5 Fin de culture
3.2.6 Traitement des images µCT
3.2.7 Analyse statistique
3.3 Résultats
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
CHAPITRE 4 ÉTUDE DE L’INTERFACE OS-IMPLANT PAR TOMOGRAPHIE PAR NEUTRONS
4.1 Préparation des échantillons et Imagerie
4.2 Comparaison entre la tomographie par neutrons et l’histologie
4.2.1 Matériels et Méthodes
4.2.1.1 Histologie
4.2.1.2 Traitement des images neutrons
4.2.1.3 Traitement des coupes histologiques
4.2.1.4 Procédure de recalage
4.2.1.5 Comparaison des deux techniques
4.2.1.6 Analyse statistique
4.2.2 Résultats
4.2.3 Discussion
4.2.4 Conclusion
4.3 Étude tridimensionnelle de l’interface os-implant
4.3.1 Analyse des images neutrons
4.3.1.1 Traitement des images
4.3.1.2 Calcul du BIC et de la faction volumique (BV/TV)
4.3.1.3 Analyses statistiques
4.3.2 Résultats
4.3.3 Discussion
4.3.4 Conclusion
CHAPITRE 5 DISCUSSION GÉNÉRALE
5.1 Originalité des travaux proposés
5.2 Limites du projet
5.3 Perspectives et recommandations
CONCLUSION

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