Caractérisation mécanique des films fins

Caractérisation mécanique des films fins

Problématique clinique

La modification de surface est une pratique de plus en plus répandue dans le domaine biomédical car elle permet de cibler expressément certaines faiblesses inhérentes aux biomatériaux d’usage courant, notamment la réponse biologique dans l’environnement immédiat du biomatériau, tout en conservant les propriétés pour lesquels le matériau avait été retenu initialement. Ainsi, dans le domaine vasculaire, de nombreux types de revêtements et de fonctionnalisations de surfaces ont fait leur apparition dans les dernières années, qu’il s’agisse d’endoprothèses vasculaires (stents) à élution médicamenteuse ou de cathéters d’électrophysiologie recouverts d’héparine pour éviter la formation de caillots sanguin (ASM, 2011). L’utilisation de revêtements fins se heurte toutefois à plusieurs défis, que ce soit au niveau de la préparation des surfaces (pensons par exemple à l’adhésion du revêtement pendant la déposition), de l’implantation des surfaces (possibilité de délamination du revêtement de son substrat) ou de la durabilité de celles-ci (conservation des propriétés bioactives et mécaniques ainsi que stabilité du film en milieu physiologique). L’objectif de cette maitrise porte sur la caractérisation de la stabilité et du comportement mécanique de films polymérisés par plasma, et ce pour une application bien particulière, les endoprothèses couvertes pour anévrismes de l’aorte abdominale (AAA). Il est donc essentiel de connaître cette pathologie et surtout son traitement endovasculaire, afin de choisir les propriétés et les paramètres investigués.

Les AAA consistent en une dilatation localisée permanente de l’aorte, de plus de 1,5 fois sa taille normale ou à plus de 3 cm (Chambers et al., 2009) dans la région de l’abdomen (généralement infra rénal (Marieb, 2005)). Leur rupture provoque une hémorragie massive et est la cause d’entre 1 et 3% des décès chez les hommes âgés d’entre 65 et 85 ans dans les pays développés (Sakalihasan, Limet et Defawe, 2005). Il existe deux traitements pour prévenir cette rupture (figure 1.1). La chirurgie ouverte, lors de laquelle un greffon synthétique est suturé aux extrémités du sac anévrismal, (Jonker et al., 2009), et son alternative moins invasive, le traitement endovasculaire nommé EVAR (pour « EndoVascular Aneurysm Repair »). Lors de cette intervention, une prothèse composée d’une armature métallique soutenant un tube en polymère (généralement en polyéthylène téréphtalate – PET – ou en polytetrafluoroéthylène étendu – ePTFE) devant remplacer la surface intérieure de l’aorte endommagée est insérée à l’aide d’un cathéter via l’artère fémorale afin d’exclure le sang de la poche anévrismale (Major, 2006). Ainsi, depuis son introduction en 1991, l’EVAR a permis d’opérer des patients dont l’état de santé était insuffisant pour pouvoir faire la chirurgie ouverte (Jetty, Hebert et van Walraven, 2009). La réduction significative de la mortalité, de la morbidité, des pertes de sang durant l’intervention et du temps de séjour à l’hôpital (Jonker et al., 2009) ont contribué à populariser ce traitement au-delà de la population à haut-risque visée initialement.

Procédures et contraintes de l’implantation

L’implantation de la prothèse s’effectue à l’aide d’un cathéter par voie endovasculaire; c’està- dire que la prothèse est repliée autour d’une tige-guide (environ 2,7 mm de diamètre) de façon à réduire son diamètre autant que possible (< 4 mm), insérée dans les vaisseaux sanguins et guidée jusqu’au site de l’anévrisme où elle sera déployée jusqu’à un diamètre légèrement supérieur à celui de l’aorte, soit entre 10 et 50 mm selon les cathéters d’insertion et les prothèses (GoreMedical, 2011). Il existe deux types d’EC : auto-déployantes et déployées par ballonnet. Les prothèses auto-déployantes, avant leur insertion, sont recouvertes d’une gaine les protégeant pendant la mise en place et évitant leur déploiement avant d’avoir atteint le site de l’anévrisme. Lorsque le cathéter est positionné dans la zone du sac anévrismal, la gaine recouvrant la prothèse est retirée graduellement, permettant à la prothèse de se mettre en place. Dans les cas d’un déploiement par ballonnet, la prothèse n’est pas recouverte d’une gaine pendant l’insertion, mais plutôt glissée à l’intérieur d’une canule menant au site de déploiement, où le ballonnet sur la tige centrale est gonflé (figure 1.2) de façon à repousser la prothèse contre la paroi intérieure de l’aorte.

Ces étapes permettant la mise en place de l’endoprothèse couverte dans la portion anévrismale de l’aorte impliquent également l’application de contraintes particulièrement importantes sur la surface du dispositif. En effet, lors de l’insertion et du déploiement, la surface extérieure de la prothèse sera mise en contact avec les bordures d’une valve antiretour de la canule de guidage et, pour la prothèse auto-déployante, avec la paroi intérieure de la canule lorsque celle-ci est retirée pour permettre le déploiement de l’armature à mémoire de forme. Cette friction générera une contrainte de cisaillement non-négligeable sur la surface externe de la prothèse. Les prothèses déployées par ballonnet, pour leur part, subissent une déformation plastique importante de la structure métallique lors du déploiement (« oversizing » avoisinant les 20% pour le collet proximal et 10% pour le collet distal (Towne, 2005; Zarins et al., 2003)) afin que l’armature procure une fixation satisfaisante aux collets de la prothèse. Le canevas polymérique de ce type de prothèse est également déformé pendant l’opération, faisant subir à un éventuel revêtement de surface des déformations. Il est toutefois impossible de dire à partir des informations trouvées dans la littérature quelle proportion de cette déformation correspond au déploiement du canevas et laquelle à une déformation élastique ou plastique de ce dernier, s’il y a lieu.

En termes de milieux auxquels la prothèse est appelée à être exposée, son environnement normal en opération sera constitué de sang qui, comme milieu physiologique est aqueux et salin avec un pH ne variant que légèrement autour de la neutralité, et dont la température sera de 37,5°C, à peu de choses près. Par contre, dans le cas où ces revêtements sont utilisés pour greffer d’autre molécules bioactives, le pH pourra varier beaucoup plus drastiquement, allant de valeurs franchement acides à basiques. De plus, au moment de son insertion, la prothèse est déjà humide puisque généralement mise dans une solution physiologique en vue de la préparer à son implantation dans le corps humain.

Bien que l’intérêt principal de notre revêtement soit d’ordre biologique, il est primordial de vérifier également la tenue mécanique du film; en effet, tel qu’abordé ci-haut, le déploiement de la prothèse à l’intérieur de l’aorte implique une utilisation en milieu aqueux, et l’application d’une contrainte de cisaillement et d’une déformation importante sur la paroi recouverte de l’EC. Comme nous l’avons vu, les EC sont soumises à un milieu potentiellement dégradant et à des contraintes et déformations mécaniques importantes, notamment lors de leur déploiement. Il est donc essentiel de déterminer si les revêtements bioactifs conçus pour améliorer la biocompatibilité des EC seront stables et capables de subir ces contraintes sans altérations majeures. La suite de cette revue de littérature présentera les méthodes de déposition du film, les propriétés mécaniques et biologiques s’appliquant à ce type de matériau et les méthodes de caractérisation permettant de les obtenir ainsi que, en dernier lieu, les modèles mathématiques généralement utilisés pour l’interprétation de ce type de résultats. Par la suite, sera présenté un survol des résultats préalablement obtenus par les équipes des Dr. Wertheimer et Lerouge quant aux revêtements L-PPE :N et leur caractérisation.

Revêtements plasma

Le procédé utilisé pour fabriquer les revêtements étudiés est le dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma (en anglais Plasma-Enhanced Chemical Vapor Deposition – PECVD). Le dépôt chimique en phase vapeur (qui peut être ou non assisté par plasma) est un procédé permettant de générer des couches minces à partir d’un mélange de gaz, essentiellement en procurant de l’énergie aux gaz de façon à ce qu’ils se dissocient et puissent se greffer à la surface par la formation de nouvelles liaisons chimiques. Dans le cas du PEVCD, l’énergie de réaction permettant la déposition de ces gaz précurseurs est donnée à l’aide d’un générateur de plasma (décharge électrique). Ce procédé est utilisé principalement pour sa capacité à générer des surfaces minces aux propriétés physiques et chimiques particulières et adaptables à l’application. Il existe une multitude d’applications et de types de revêtements créés par PECVD, notamment en microélectronique pour l’impression de circuits intégrés et optiques, ainsi que dans les domaines automobile et aérospatial pour la préparation et la finition de surfaces (Forch, Zhang et Knoll, 2005).

Initialement, la déposition par plasma était faite par utilisation en continu d’un générateur de radiofréquence couplé conductivement (CCP), alimenté par des puissances relativement grandes (Denaro, Owens et Crawshaw, 1968). Ce mode d’opération a cependant le désavantage de favoriser le bombardement ionique de la surface où l’on fait le dépôt à cause du haut voltage de polarisation généré à l’anode. Le bombardement ionique augmentant grandement la densité, la réticulation et les propriétés mécaniques des films déposés, on pourrait penser ce phénomène utile; cependant, de par sa nature difficile à réguler, les films produits avec un bombardement ionique important sont reconnus pour avoir une uniformité très faible; leur densité et leurs propriétés mécaniques variant énormément dans un même dépôt. De plus, le bombardement ionique vient à l’encontre d’un des points intéressant de la déposition par plasma, soit la capacité de fonctionnaliser la surface des films produits (Forch, Zhang et Knoll, 2005). Ainsi, plusieurs solutions ont été élaborées afin de réduire le bombardement ionique au cours de la déposition afin de générer des films de plasma mous (soft plasma); il est notamment possible de réduire le bombardement ionique par l’utilisation de faibles puissances, d’un mode pulsé sur le générateur de radiofréquences ou encore en utilisant un générateur couplé inductivement plutôt que conductivement (la différence étant au niveau du voltage de polarisation, qui est nul en mode ICP) (Friedrich et al., 2001).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 Revue de littérature
1.1 Problématique clinique
1.1.1 Procédures et contraintes de l’implantation
1.2 Revêtements plasma
1.2.1 Fabrication des revêtements
1.2.2 Stabilité et morphologie des revêtements L-PPE :N
1.2.3 Propriétés biologiques
1.3 Caractérisation mécanique des films fins
1.3.1 Nano-indentation
1.3.1.1 Fluage et relaxation de contrainte
1.3.1.2 Module dynamique
1.3.1.3 Essais avec composante latérale
1.4 Caractérisation de l’interaction des films fins avec différents milieux
1.4.1 Microbalance QCM-D
1.5 Objectifs et hypothèses
CHAPITRE 2 Matériels et méthodes
2.1 Déposition par plasma et contrôle
2.1.1 Réacteur au plasma
2.1.2 Ellipsométrie
2.2 Stabilité et biocompatibilité
2.2.1 Microbalance QCM-D
2.2.1.1 Protocoles de nettoyage
2.2.1.2 Essais de stabilité
2.2.1.3 Adsorption de protéines sur le PPE :N
2.3 Caractérisation mécanique
2.3.1 Nano-indenteur
2.3.1.1 Nano-indentation
2.3.1.2 Nano-DMA
2.3.1.3 Nano-striage
2.3.1.4 Nano-usure
2.3.2 Modélisation par éléments finis
2.3.3 Essai de traction sous microscopie optique
CHAPITRE 3 Résultats et discussion
3.1 Stabilité des films en milieu aqueux
3.1.1 Influence du ratio des gaz
3.1.1.1 Influence du ratio sur la vitesse de déposition par polymérisation plasma
3.1.1.2 Influence du ratio sur la stabilité en milieu aqueux
3.1.2 Influence de la température
3.1.3 Influence du pH
3.2 Caractérisation des propriétés mécaniques du L-PPE :N par QCM-D
3.3 Biocompatibilité : adsorption des protéines
3.3.1 Influence de différents substrats sur l’adsorption de fibrinogène
3.3.2 Influence de la concentration de PEG sur l’adsorption de fibrinogène
3.4 Propriétés mécaniques
3.4.1 Nano-indentation
3.4.1.1 Résultats expérimentaux
3.4.1.2 Modélisation par éléments finis
3.4.2 Viscoélasticité
3.4.3 Nano-striage
3.4.3.1 Délamination
3.4.3.2 Coefficient de friction
3.4.4 Usure
3.4.5 Déformation à la rupture
CHAPITRE 4 Discussion générale et recommandations
4.1 Synthèse des principaux résultats
4.2 Limites du projet
4.3 Perspectives
CONCLUSION
ANNEXE I Procédure de déposition du L-PPE :N
ANNEXE II Protocole de nettoyage du circuit de fluide du QCM-D
ANNEXE III Tableau des résultats individuels par expérience sur QCM-D
ANNEXE IV Résultats des essais de reproductibilité de nano-indentation
ANNEXE V Détail des maillages de l’étude de convergence
ANNEXE VI Résultats détaillés de la MEF pour la nano-indentation
ANNEXE VII Images microscopiques des résultats de traction
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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