Caractérisation in vivo de la paroi abdominale de volontaires patients

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L’éventration, une pathologie de la paroi abdominale

Parmi les pathologies de la paroi abdominale, l’éventration, est la complication post-opératoire la plus fréquente en chirurgie générale (Schumpelick et al. 2006). Elle concerne jusqu’à 20 % des opérés, 1 mois à 1 an après leur chirurgie (Hoer et al. 2002). L’éventration est la protrusion de viscères sous la peau, à travers un orifice non naturel de la paroi abdominale (Figure 8). Cette pathologie survient généralement après une laparotomie, et parfois suite à des incisions au trocart. L’éventration peut résulter d’un défaut de cicatrisation par infection de la plaie ou plus fréquemment lorsqu’une tension chronique est exercée sur les muscles abdominaux. A travers l’orifice, les tissus sont progressivement poussés dans le tissu adipeux sous-cutané par la pression des organes abdominaux. Le peritoneum forme ainsi un sac où s’installent généralement des parties de l’intestin grêle et du colon. Ce sac d’éventration est protubérant en position debout ou à l’effort, et s’affaisse au repos ou en position allongée lorsque son contenu réintègre l’abdomen. L’éventration est dite étranglée et irréductible dans le cas où le sac devenu trop volumineux, est étranglé dans l’orifice et que son contenu ne peut plus réintégrer l’abdomen. Cela peut donner lieu à une occlusion intestinale. De plus, des adhérences peuvent se créer entre les viscères, entre les viscères et le sac d’éventration et entre le sac d’éventration et la paroi. Les grandes éventrations peuvent entrainer des douleurs intenses, des ulcères de la peau et des problèmes respiratoires (Hobeika et Houdart 2005).
Différents facteurs de risque affectent le développement d’une éventration. Les facteurs dus à la technique chirurgicale sont le type d’incision (médiane, oblique ou transverse), le matériel utilisé pour la suture et la méthode de suture utilisée. Les facteurs liés au patient sont également identifiés : la capacité de cicatrisation, l’âge, le genre, la présence d’une pathologie concomitante (obésité, anémie, diabète sucré, affection maligne sous-jacente, anévrisme de l’aorte abdominale, trouble héréditaire des tissus conjonctifs) et la prise de toxines exogènes (tabac, certains médicaments) (Schumpelick et al. 2006). La taille des orifices d’éventration est variable. Les orifices de moins de 5 cm sont considérés comme petits, entre 5 et 10 cm comme grands, entre 10-15 comme très grands et plus de 15 cm comme géants.

Caractérisation mécanique ex vivo de la paroi abdominale et de ses composants

Dans la littérature, la caractérisation de la paroi abdominale est essentiellement faite grâce à des expérimentations ex vivo, selon des essais mécaniques simples.
Quelques études utilisent des échantillons de paroi abdominale entière, mais la majorité travaille à caractériser des composants de la paroi abdominale isolés. Parmi eux, les corps musculaires se distinguent des structures membranaires. Cette partie de l’état de l’art résumera donc les résultats de ces études. Une attention particulière sera portée à la variabilité inter-individus, inter-composants et à l’anisotropie. L’influence du genre, de l’âge et de l’état sain ou pathologique sera également étudiée.
Pour la suite de cette partie, la direction longitudinale correspond à l’axe cranio-caudal et la direction transverse à l’axe médial-latéral. Ces directions de référence sont surtout utilisées dans les études concernant la partie ventrale de la paroi abdominale, car les muscles rectus abdominis et leurs fibres sont dans la direction longitudinale. Latéralement, les muscles ayant des orientations obliques, les orientations sont définies parallèlement ou perpendiculairement aux fibres musculaires.

Essais mécaniques sur paroi entière

A notre connaissance, seules les études de Junge et al. 2001, Könerding et al. 2011 et Podwojewski et al. 2013 s’intéressent au comportement global de la paroi abdominale ex vivo. Les études de Podwojewski et al. testent des parois abdominales comprenant toutes les épaisseurs de la peau au peritoneum tandis que Junge et al. et Könerding et al. testent des spécimens sans peau ni tissu adipeux sous-cutané.
Junge et al. étudient l’élongation de la paroi abdominale dans les directions longitudinales, transverse et obliques. Les spécimens sont positionnés sur un banc d’essai et la peau et le tissu adipeux sous-cutané sont réséqués. Ils observent une différence significative entre les hommes et les femmes pour toutes les directions dans la partie supérieure de la paroi abdominale. Les résultats sur une longueur totale de paroi tendue à 16 N montrent une plus grande distension dans la direction longitudinale (23% pour les hommes et 32% pour les femmes) que dans la direction transverse (15% pour les hommes et 17% pour les femmes). Dans l’étude de Könerding et al., la paroi n’est pas excisée du sujet d’anatomie, mais la peau et le tissu adipeux sont retirés. Une incision de 6 cm le long de la linea alba est réalisée. Les déformations pendant la mise en pression de la paroi abdominale sont mesurées. A une pression de 0.2 bar, la linea alba se déforme de 16.5% dans la direction longitudinale et 5.7% dans la région supra-ombilicale dans la direction transverse. Podwojewski et al. 2013 ont étudié des parois abdominales porcines et les ont sollicitées en pression et par contact d’une sphère. Ils observent des cartographies de déplacement et de déformation lagrangienne de la paroi abdominale externe et interne. Puis, une incision le long de la linea alba est réalisée et ensuite réparée à l’aide d’un implant placé en intra-péritonéal. Les résultats montrent qu’une incision augmente les déformations moyennes (de 75% pour une pression de 0.07 bar) et réduit la raideur (de 25% en moyenne). La mise en place d’un implant permet de restaurer le comportement de la paroi intacte. La même méthodologie a été appliquée à des parois abdominales humaines (Podwojewski 2012) et des tendances similaires ont été rapportées. Suite 25 à l’incision de la linea alba, la déformation moyenne augmente de 30% à 0.07 bar et diminue ensuite de 18% après pose d’implant.

Composants musculaires de la paroi abdominale

L’étude morphologique d’Urqhart et al. 2005 décrit l’orientation des faisceaux musculaires des muscles abdominaux latéraux de sujets cadavériques (âgés de 73 à 95 ans). Les épaisseurs et longueurs moyennes de muscles en fonction de la région haute, moyenne ou basse de l’abdomen sont rapportées. Les épaisseurs dans la région haute sont plus importantes que dans la région basse. Dans la région moyenne par exemple, l’épaisseur des muscles obliquus externus, obliquus internus et transversus abdominis sont respectivement de 0.7 mm, 1.8 mm et 1.7 mm. Ces résultats sont plus faibles que ceux rapportés dans des études in vivo (respectivement 5.5 mm, 11.1 mm et 5.8 mm d’après Misuri et al. 1997). Les auteurs expliquent cette différence par l’atrophie musculaire due à l’âge ainsi qu’à la modification des tissus due à l’embaumement des sujets.
Les travaux de caractérisation mécanique des muscles abdominaux sont effectués principalement sur des tissus d’origine animale (lapin, chien, rat).
Le caractère anisotrope des muscles abdominaux est observé. Hwang et al. 2005 constatent pour le transversus abdominis une raideur plus faible dans la direction perpendiculaire aux fibres que dans la direction parallèle. Hernandez et al. 2011 montrent pour l’obliquus externus une raideur plus faible dans la direction longitudinale que dans la direction transverse.
Nilsson et al. 1982, Hwang et al. 2005 et Hernandez et al. 2011 s’intéressent à la caractérisation des muscles abdominaux isolés, ou associés avec leurs muscles adjacents. Ils mettent en place des essais de traction uniaxiale et biaxiale. L’anisotropie d’une couche composite de muscle est moins importante que pour les muscles pris séparément. Les auteurs l’expliquent par l’orientation à 45° qu’ont les fibres des muscles obliquus internus (OI) et transversus abdominis (TrA) et de 90° entre les obliquus internus et obliquus externus (OE).
Chez le chien, Hwang et al. 2005 calculent le ratio de compliance CR (déformation dans le sens transverse par rapport aux fibres/déformation dans le sens des fibres). Le transversus abdominis (CR = 0,64) semble plus anisotrope que le muscle obliquus internus (CR= 0.45). De plus, la couche composite musculaire IO+TrA (CR=0.76) est moins anisotrope que les muscles IO et TrA pris séparément.
Chez le lapin, aucune variation des propriétés mécaniques n’est observée entre les composites EO+IO et EO+IO+TrA tandis qu’une différence est observée entre EO et IO+TrA (Hernandez et al. 2011). Les fibres musculaires ont globalement les mêmes orientations (Figure 10) que chez le chien décrit par Hwang et al. 2005.
A une échelle différente, Brown et al. 2012 déterminent le module d’Young de fibres isolées (43 à 58 kPa en moyenne) et de faisceaux de fibres (54 à 74 kPa en moyenne) des muscles rectus abdominis, obliquus externus, obliquus internus et transversus abdominis de rats. Ils ne trouvent pas de différence significative entre les quatre muscles abdominaux.
Figure 10. a: Schéma de l’arrangement des fibres musculaires de la paroi abdominale de lapins blancs de Nouvelle Zélande (EO: obliquus externus et IO: obliquus internus). b : image macroscopique de l’obliquus externus gauche. Les traits représentent la directions des fibres musculaires dans cette région. Hernandez et al. 2011

Composants membranaires de la paroi abdominale

Outre les études histologiques basées sur la microscopie, les propriétés mécaniques des composants membranaires sont caractérisées. Les résultats proviennent majoritairement d’essais de traction uniaxiale, puis d’essais de résistance à l’éclatement et d’indentation.

La linea alba

Askar et al. 1977 étudient la structure à l’échelle macroscopique. Ils considèrent que la linea alba est une zone de décussation (entrecroisement de structures en X). Ce modèle est précisé par les observations microscopiques d’Axer et al. (2001 a et b) (Figure 11) et de Korenkov et al. 2001. Ces derniers décrivent trois zones d’orientation de fibres dans l’épaisseur de la linea alba. La couche supérieure contient majoritairement un enchevêtrement de fibrilles obliques, la couche médiane de fibres transverses et la couche profonde, plus fine et plus irrégulière, de fibres obliques. Les observations ont par ailleurs permis de montrer une variation régionale. En effet, le diamètre moyen des faisceaux de fibrilles et l’épaisseur de la linea alba dans la région supra-ombilicale sont plus petits que dans la région infra-ombilicale (Axer et al. 2001a). La largeur de la linea alba est d’environ 15 mm dans la partie supra-ombilicale, 20 mm au niveau ombilical et 5 mm dans la partie sous-ombilicale. Son épaisseur est d’environ 1000 μm dans la partie supra-ombilicale et 2000 μm dans la partie infra-ombilicale (Axer et al. 2001a).
D’autre part, la linea alba est caractérisée par des essais mécaniques. Dans la littérature, nous retrouvons majoritairement l’essai de traction uniaxiale (Rath et al. 1996, Grässel et al. 2005, Korenkov et al. 2001, Hollinsky et Sandberg 2007, Förstemann et al. 2011) tels qu’illustrés Figure 12, ainsi que des essais de résistance à la pression (Rath et al. 1996). Les résultats sont synthétisés dans le Tableau 1. La contrainte à rupture (σrupt) varie de 3.63 MPa à 10.0 MPa. Des expérimentations non publiées ont été menées au LBMC sur la linea alba avec la même méthodologie que dans l’étude de Ben Abdelounis et al. 2013. Les modules d’Young varient de 7.2 à 19.0 MPa.

Comparaison entre les structures membranaires dans des études appariées

Les gaines des rectus abdominis et le fascia transversalis ont été comparées par Pans et al. 1997. Leurs mesures lors de la création d’une dépression (aspiration) à l’aide d’un cutomètre, montrent une déformation maximale identique pour les deux tissus.
D’après les études de Rath et al. 1996 et Rath et al. 1997 sur la linea alba et la gaine des rectus abdominis, il n’y a pas de différence significative pour la résistance à la traction entre la gaine antérieure et la linea alba. De même, la résistance à la pression au niveau supra-ombilical est similaire pour la linea alba et la gaine antérieure. Cependant, la linea alba est moins résistante en pression dans la région infra-ombilicale (0.6 MPa) que la gaine antérieure (0.4 MPa) (p<0.05). Hollinsky et Sandberg 2007 observent une résistance de la gaine antérieure de 1.4 à 1.8 fois supérieure à celle de la gaine postérieure.
Wolloscheck et al. 2004 comparent différentes membranes de la paroi abdominale (Tableau 4). Leurs essais de sollicitation par contact (Figure 15) montrent que c’est l’aponévrose de l’obliquus externus qui est la plus résistante à la pression, puis vient l’aponévrose de l’obliquus internus, et ensuite la couche péritonéale et enfin le fascia transversalis. Ces résultats sont expliqués par leur étude histologique montrant que les aponévroses des OE et OI ont des faisceaux de fibres de collagène plus épaisses que dans le fascia transversalis et la couche péritonéale. La différence entre la couche péritonéale (σrupt=9.32 MPa) et le fascia transversalis (σrupt=5.8 MPa) est statistiquement significative à la fois dans l’étude histologique et pour le test mécanique.

Anisotropie et variations inter-individuelles

Les différents auteurs s’accordent sur l’anisotropie des structures membranaires et rapportent des rigidités plus importantes dans la direction parallèle aux fibres que dans la direction perpendiculaire aux fibres (Tableau 5).
Grässel et al. 2005 montrent que la compliance des échantillons de linea alba prélevés longitudinalement est plus grande que celle des échantillons prélevés selon une direction oblique qui est elle-même plus grande que celle des échantillons prélevés transversalement. En fonction du genre et de la région (supra-ombilicale ou infra-ombilicale), la compliance des échantillons prélevés longitudinalement est de 25% à 48% plus grande que celle des échantillons obliques et 32% à 65% plus grande que les échantillons transverses. Hollinsky et Sandberg 2007 constatent que la contrainte à rupture de la linea alba dans la direction longitudinale est 50% plus faible que dans la direction transverse. Ils l’expliquent par l’orientation majoritairement transverse des fibres. Förstemann et al. 2011 confirment le comportement anisotrope de la linea alba. La direction privilégiée des fibres de collagène et la faible compliance sont corrélées (Grässel et al. 2005). Le diamètre et la densité des fibres sont également corrélés à la force à rupture (Korenkov et al. 2001).
Concernant la gaine des rectus, Hollinsky et Sandberg 2007 et Martins et al. 2012 observent une contrainte à rupture et un module d’Young plus important dans la direction parallèle que dans la direction perpendiculaire aux fibres.
L’anisotropie du fascia transversalis a été montrée pour la contrainte à rupture et le module d’Young (Figure 16 et Figure 17). Ces propriétés sont plus élevées dans la direction parallèle aux fibres. Toutefois la déformation n’est pas significativement différente dans les deux directions (Kirilova et al. 2011, Kureshi et al. 2008). Enfin, le degré d’anisotropie ne semble pas varier en fonction de l’état sain ou pathologique du tissu.

Caractérisation in vivo de la paroi abdominale

Parmi toutes les études in vivo ayant comme sujet d’étude la paroi abdominale, la grande majorité d’entre elles s’intéressent aux muscles abdominaux à cause de leur implication dans le maintien du tronc et de leur rôle important dans les douleurs du bas du dos. Quelques études s’intéressent également aux parois abdominales de femmes enceintes ou à la stabilité du tronc des personnes âgées.

Activation des muscles de la paroi abdominale

Ce sont principalement les muscles latéraux (externus obliquus, internus obliquus et transversus abdominis) qui sont étudiés. L’utilisation d’électromyographie (EMG) surfacique ou intramusculaire permet de quantifier l’activité des muscles abdominaux. Bjerkefors et al. 2010 montrent qu’il est possible d’activer graduellement et de manière sélective le transversus abdominis en réalisant, dans des postures asymétriques, des exercices où les sujets rentrent le ventre sans bouger le dos ni le pelvis (Figure 20). Différentes études cherchent à comprendre par quels exercices chaque muscle est recruté (Vera-Garcia et al. 2007 (Figure 21), Urquhart et al 2005, Crommert et al. 2011). Urquhart et al. 2005 par exemple (Figure 22), montrent que le transversus abdominis est préférentiellement recruté pendant les exercices où les sujets rentrent leur ventre sans bouger le dos ni le pelvis. L’internus obliquus est recruté lors des exercices de basculement du pelvis vers l’arrière et l’obliquus externus pendant les exercices de gonflement de l’abdomen, sans bouger ni le dos ni le pelvis.
L’observation des épaisseurs et des changements d’épaisseurs des muscles par échographie est une technique largement répandue pour identifier l’activation musculaire (Figure 23). Une augmentation de l’épaisseur de muscle est considérée synonyme d’activation musculaire (Ferreira et al. 2004, Mc Cook et al. 2009, Mc Meeken et al. 2004). Il est également montré que l’échographie est un outil acceptable pour détecter le début de l’activité musculaire comparé aux EMG intra-musculaires (Vasseljen et al. 2009). De nombreuses études s’intéressent à l’épaisseur des muscles en fonctions de différents exercices, postures et phases de la respiration (Misuri et al. 1997, Ainscough-Pott et al. 2006, Kaneko et al. 2006, Norateh et al. 2007, Mew 2009, Vasseljen et al. 2010, Arab et al. 2011, Larivière et al. 2012, Mc Gaillard et al. 2010, Ishida et al. 2013). L’effet de l’âge, du sexe, et de la condition physique sont étudiés (incontinence dans Arab et al. 2011, douleurs chroniques du bas du dos, post-partum dans Coldron et al. 2008). Critchley et al. 2002 trouvent des augmentations d’épaisseurs du transversus abdominis plus faibles chez des patients ayant des douleurs chroniques du bas du dos que pour la population de référence. Ils ne trouvent pas de différence d’épaisseur ni de changement d’épaisseurs de l’obliquus externus et de l’obliquus internus en fonction du sexe, du poids, de la taille. Cependant Manshadi et al. 2011, Rho et al. 2012 observent des épaisseurs de muscles plus importantes chez l’homme que chez la femme. Kanehisa et al. 2004, Ota et al. 2012 montrent que tous les muscles abdominaux sont plus épais chez des sujets jeunes que des sujets âgés, excepté pour le transversus abdominis.
Des études de répétabilité (Larivière et al. 2013), reproductibilité et de fiabilité (Mc Pherson et al. 2012) des mesures échographiques sur les muscles abdominaux confirment l’intérêt de cette technique. Ils proposent également des dispositifs d’amélioration des mesures pour contrôler la position, l’angle et la pression appliquée sur la sonde (Figure 24).
Cependant quelques études montrent que le lien entre activité musculaire et épaisseur de muscles n’est pas toujours évident. John et Beith 2007, Coghlan et al. 2008 observent par exemple une diminution d’épaisseur de l’obliquus externus lors de son activation. Brown et Mc Gill 2010 ne trouvent pas de corrélation entre les mesures d’activité musculaire par EMG de surface et les épaisseurs de muscle lors d’exercices de « abdominal hollowing4 » et « bracing5 ». Ils attribuent ce fait à la structure laminée de la paroi abdominale où les forces se transmettent entre les différentes couches de muscle qui sont orientées différemment.

Déformation et élasticité de la paroi abdominale

Quelques études s’intéressent à la déformation de la paroi abdominale externe in vivo. La mobilité de la paroi a été évaluée par stéréographie dans l’étude de Klinge et al. 1998 entre une configuration ventre sorti et ventre rentré de sujets allongés sur le dos. Ils mesurent la déflexion (5.3 cm en moyenne) et observent une différence significative du rayon de courbure sagittal (en moyenne 111 cm pour le ventre rentré et 41 cm pour le ventre sorti). Song et al. 2006a et Song et al. 2006 b utilisent un système d’analyse du mouvement infra-rouge lors de la mise en pression de la paroi abdominale avec du dioxyde de carbone en cœlioscopie (Figure 25). Leur étude caractérise le comportement passif de la paroi abdominale, car les sujets sont sous anesthésie générale. Les muscles sont alors curarisés et donc inactifs. Ils mesurent les rayons de courbures de l’abdomen dans les directions sagittale et transverse. Connaissant l’épaisseur de la paroi par mesures échographiques et la pression appliquée lors de l’insufflation de gaz, ils estiment ensuite un module d’Young global équivalent grâce aux formules de Laplace. Ils rapportent des valeurs de module d’Young global de 27.7 kPa pour les hommes et 21.0 kPa pour les femmes. Ils confirment l’anisotropie de la paroi et obtiennent un module d’Young transverse de 42.5 kPa et sagittal de 22.5 kPa. L’étude de Szymczak et al. 2012 examine des volontaires actifs lors d’exercices d’étirement longitudinal, de flexion latérale et de torsion de l’abdomen (Figure 26). En suivant le déplacement de points sur la peau de la paroi abdominale à l’aide de deux caméras, ils montrent que les zones subissant le plus de déformation (en moyenne plus de 25%) sont la région supra-ombilicale sur la ligne médiane et dans les zones sous-ombilicales latérales dans les directions semi-verticales. Les plus petites déformations (moins de 7%) apparaissent le long d’une ligne horizontale en bas de l’abdomen. Ils remarquent toutefois de grandes variations entre les sujets et les zones de déformations maximales ou minimales.

Mesures de raideur locale

L’étude de Van Ramshorst et al. 2011 rapporte des mesures de la raideur de la paroi abdominale en différentes localisations (Figure 27) à l’aide d’un dispositif d’indentation (Figure 28). Des raideurs plus importantes (31%) sont trouvées chez les hommes que chez les femmes, et une grande variabilité inter-individuelle est observée. Ils montrent une corrélation entre la raideur et le niveau de pression intra-abdominale résultant des exercices. La raideur lors de la manœuvre de Valsalva est plus importante qu’en fin d’inspiration. Cette dernière est elle-même plus importante qu’en fin d’expiration. La posture influe également, et la raideur debout (1.36 N/mm) est plus importante qu’en position allongée (1.18 N/mm), elle-même plus grande qu’en position assise (1.06 N/mm). Des mesures de raideurs locales de la paroi abdominale in vivo ont également été mises en œuvre dans la thèse de Florence Podwojewski (soutenue le 11 décembre 2012). Elles ont été évaluées à l’aide de mesures d’effort et de mesures de déplacement par stéréovision. Les résultats montrent que la raideur locale augmente avec la contraction musculaire. Au repos, une différence significative a été trouvée entre la zone latérale (0.61 N/mm en moyenne) et la zone antérieure de la paroi abdominale (0.97 N/mm en moyenne). Au cours de la manœuvre de la Valsalva, les valeurs sont similaires pour les deux zones (1.94 N/mm et 1.89 N/mm respectivement).

Conclusion intermédiaire

Les examens in vivo sur la paroi abdominale et notamment les muscles abdominaux rapportent les points suivants. Le suivi de l’épaisseur musculaire grâce à l’échographie est largement utilisé pour identifier la contraction des muscles, mais cette technique a donné des résultats apparemment contradictoires dans la littérature. Les EMG surfaciques ne permettent pas de fournir d’information spécifique sur l’activation des différentes couches musculaires mais l’utilisation d’EMG intra-musculaire est difficile à mettre en place car la technique est invasive. Très peu d’études s’intéressent finalement à la caractérisation mécanique de la paroi abdominale in vivo. Song et al. 2006 évaluent un module d’Young global de la paroi au cours d’une opération chirurgicale en la considérant comme une couche homogène. Cette méthodologie est difficilement réalisable sur une large population. Szymczak et al. 2012 et Van Ramshorst et al. 2011 effectuent des mesures sur des volontaires, mais leurs résultats sont limités à l’observation de la déformation de la peau. Toutes ces approches ne considèrent pas les constituants de la paroi abdominale.
Dans l’objectif d’une caractérisation in vivo, une étude associant différents moyens de mesure permettrait de mieux décrire le comportement de la paroi abdominale. De plus, recueillir des données sur la géométrie externe et interne de la paroi abdominale et des propriétés mécaniques locales ou des composants pourrait aider à la construction d’un modèle numérique qui prendrait en compte la structure multicouche de la paroi.
La partie suivante de cet état de l’art présente l’élastographie, une technologie récente applicable in vivo et permettant de caractériser les propriétés mécaniques des muscles abdominaux pendant leur contraction.

Élastographie ultrasonore par onde de cisaillement

L’élastographie ultrasonore par onde de cisaillement est un mode d’imagerie permettant de quantifier le module de cisaillement de tissus mous. Par rapport à l’élastographie par compression (Ophir, 1991) qui ne permet d’estimer que des différences relatives de rigidité entre tissus, cette technique a l’avantage de fournir une mesure locale et quantitative de rigidité en temps réel.
Dans cette technique (Bercoff et al. 2004, Gennisson et al. 2013), des ondes de cisaillement sont générées par une source de faisceaux ultrasonores en régime supersonique se focalisant successivement à différentes profondeurs. La force de radiation créée engendre des ondes de cisaillement transversales à la direction du faisceau qui sont amplifiées le long d’un cône de Mach (Figure 29). Le module de cisaillement est directement déduit de la mesure de la vitesse de propagation de ces ondes selon l’équation G=ρc² (avec G le module de cisaillement, ρ la masse volumique des tissus supposée constante à 1000 kg/m3 et c la vitesse de propagation de l’onde). Elle est obtenue en temps réel par corrélation d’image, grâce à l’acquisition de films d’imagerie échographiques ultrarapides. Le processus est automatisé et accéléré en carte graphique. L’imageur calcule et affiche des cartes de rigidité en temps réel (Figure 30), en surimpression sur l’image échographique. La résolution de l’image est de l’ordre du millimètre.

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Table des matières

Chapitre I : Contexte et état de l’art
1.1. Introduction
1.2. Anatomie
1.2.1. Les muscles verticaux
1.2.2. Les muscles larges
1.2.3. Les structures membranaires
1.3. L’éventration, une pathologie de la paroi abdominale
1.3.1. Définition
1.3.2. Traitement des éventrations
1.3.3. Conclusion intermédiaire
1.4. Caractérisation mécanique ex vivo de la paroi abdominale et de ses composants
1.4.1. Essais mécaniques sur paroi entière
1.4.2. Composants musculaires de la paroi abdominale
1.4.3. Composants membranaires de la paroi abdominale
1.4.3.1. La linea alba
1.4.3.2. La gaine des rectus abdominis
1.4.3.3. Le fascia transversalis
1.4.3.4. Comparaison entre les structures membranaires dans des études appariées
1.4.3.5. Anisotropie et variations inter-individuelles
1.4.3.6. Loi de comportement
1.4.4. Conclusion intermédiaire
1.5. Caractérisation in vivo de la paroi abdominale
1.5.1. Activation des muscles de la paroi abdominale
1.5.2. Déformation et élasticité de la paroi abdominale
1.5.3. Mesures de raideur locale
1.5.4. Conclusion intermédiaire
1.6. Élastographie ultrasonore par onde de cisaillement
1.7. Conclusion et objectifs spécifiques de la thèse
Chapitre II : Contribution des composants à la réponse biomécanique de la paroi abdominale ex vivo
2.1. Introduction
2.2. Matériels et méthode
2.2.1. Échantillons
2.2.2. Dispositif expérimental
2.2.3. Mesures
2.2.4. Traitement des données
2.3. Résultats
2.3.1. Paroi abdominale intacte
2.3.2. Dissection successive des composants
2.3.3. Comportement mécanique à travers les dissections successives
2.4. Discussion
2.4.1. Paroi abdominale intacte
2.4.1.1. Paramètres géométriques
2.4.1.2. Déformation
2.4.1.3. Élasticité
2.4.2. Evolution des déformations initiales et sous pression au cours de l’expérimentation
2.4.3. Limites
2.5. Conclusions
Chapitre III : Caractérisation in vivo de la paroi abdominale de volontaires non malades
3.1. Introduction
3.2. Matériels et Méthodes
3.2.1. Les sujets volontaires
3.2.2. Équipements d’essai et mesures
3.2.2.1. Acquisition de données géométriques externes et internes
3.2.2.2. Caractérisation par élastographie et réponse de la paroi à une sollicitation mécanique externe
3.2.2.3. Évaluation de l’activité musculaire
3.2.3. Activités réalisées par les volontaires
3.2.3.1. Position au repos, état de référence
3.2.3.2. Sollicitation vers l’arrière
3.2.3.3. Manoeuvre de Valsalva
3.2.3.4. Toux
3.2.3.5. Respiration abdominale
3.2.4. Déroulement du protocole
3.2.5. Traitement et analyse des données
3.2.5.1. Surface externe de la paroi abdominale
3.2.5.2. Géométrie interne
3.2.5.3. Déplacement de la paroi abdominale
3.2.5.4. Élasticité
3.2.5.5. Raideur locale
3.2.5.6. Analyse statistique
3.3. Résultats
3.3.1. Géométrie
3.3.2. Modules de cisaillement des muscles
3.3.3. Corrélation entre raideur locale et module de cisaillement
3.3.4. Évaluation des activités musculaires et EMG
3.4. Discussion
3.4.1. Reproductibilité de la mesure élastographique
3.4.2. Valeurs de module de cisaillement et effet de la contraction
3.4.3. Élasticité et anisotropie
3.4.4. Corrélation entre raideur locale et élasticité
3.4.5. Activation musculaire et EMG
3.5. Conclusion
Chapitre IV : Caractérisation in vivo de la paroi abdominale de volontaires patients
4.1. Introduction
4.2. Matériels et Méthodes
4.2.1. Les sujets volontaires patients
4.2.2. Équipements d’essais et mesures
4.2.3. Chirurgie
4.2.4. Traitement et analyse des données
4.3. Résultats
4.3.1. Description des patients et de leur réparation chirurgicale
4.3.2. Mesures Anthropométriques
4.3.3. Module de cisaillement
4.4. Discussion
4.4.1. Élasticité
4.4.2. Raideurs locales
4.5. Conclusion
Conclusion générale et perspectives
Liste des références

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