Caractérisation hydrologique et climatique du site d’étude de 2013 à 2017

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Structure d’un karst

Dans un hydrosystème karstique on distingue trois zones : la zone d’alimentation, la zone d’infiltration et la zone saturée (figure 5). Il existe une diversité des systèmes karstiques, en raison de leurs différences de structures et de fonctionnements.
La zone d’alimentation est la surface du bassin versant drainée par le karst, aussi appelée impluvium. Selon la nature (composition, épaisseur) de l’impluvium, on distingue deux grands types de karst : les karsts unaires pour lesquels l’ensemble de l’impluvium est constitué de terrains karstiques (Figure 4a) et les karsts binaires pour lesquels l’impluvium comprend des terrains non karstiques et imperméables qui sont le siège d’un ruissellement qui rentre dans l’aquifère par l’intermédiaire de pertes (figure 4b). L’infiltration de l’eau dans un karst unaire est diffuse sur l’ensemble de la zone d’alimentation et peut être lente ou rapide (Bakalowicz, 1995). Au contraire dans un karst binaire dont l’impluvium non karstique entraîne la concentration des eaux de surface en un seul point, une perte, accélère et augmente le développement du réseau karstique.
La seconde zone caractéristique des formations karstiques qui se situe sous la zone d’alimentation est la zone d’infiltration composée de deux parties (i) le sol, (ii) l’épikarst. L’eau arrivant au sol peut s’accumuler à la surface, ruisseler ou s’infiltrer (figure 6). En fonction des conditions climatiques, une partie de l’eau du sol retourne à l’atmosphère par évaporation et évapotranspiration. Bien que souvent peu épais, ce compartiment joue un rôle crucial dans le transfert des solutés, l’enrichissement en CO2 dissous et, la composition minérale et surtout organique de l’eau dans le système. Directement sous le sol se situe l’épikarst correspondant à la zone superficielle très perméable du système karstique (3 à 10 m). Cette zone, caractérisant l’interface sol-calcaire, peut constituer une zone de réserves importantes des eaux d’infiltration et joue ainsi le rôle d’un aquifère plus ou moins temporaire : le réservoir épikarstique.
En dessous de l’épikarst se trouve la zone de transition, zone d’infiltration verticale au travers de laquelle l’eau en provenance de l’épikarst rejoint la zone noyée.

Vulnérabilité des hydrosystèmes karstiques à la contamination microbiologique

Dans les karsts binaires présentant une connexion directe entre la surface et l’eau souterraine par de larges conduits, les contaminants présents à la surface du bassin versant ou transportés par l’eau de surface sont transférés rapidement au travers de la zone d’infiltration (figure 7). Une couverture fine ou absente de sol à la surface, associée à des cavités et des conduits larges empêche la décontamination naturelle de l’eau par filtration. Le transfert rapide limite les interactions entre l’eau et la matrice ne permettant pas la filtration, adsorption et la détérioration des contaminants microbiologiques (Iván et Mádl-Szőnyi, 2017).
Dans la littérature, deux types de vulnérabilités ont été définis (i) la vulnérabilité intrinsèque (ii) la vulnérabilité spécifique. La vulnérabilité intrinsèque des eaux souterraines aux contaminants dépend des caractéristiques géologiques, hydrologiques et hydrogéologiques d’une zone (Plagnes et al., 2010) mais est indépendante de la nature du contaminant et du scénario de contamination. L’analyse de la vulnérabilité intrinsèque est basée sur les caractéristiques contrôlants le transport d’un contaminant conservatif ayant le même comportement qu’une molécule d’eau (Zwahlen et al., 2004). Au contraire la vulnérabilité spécifique prend en compte les propriétés d’un contaminant particulier ou d’un groupe de contaminants et leur relation avec les différents aspects de la vulnérabilité intrinsèque. La vulnérabilité spécifique définit ainsi l’impact potentiel d’un usage des sols et d’un contaminant spécifique ; ce concept intègre le risque de contamination d’un aquifère par l’activité humaine.
Les karsts ont la capacité de transférer les contaminants présents dans l’eau et les sédiments mais également de les stocker. Lors d’augmentation du débit, la re-suspension des sédiments intra-karstiques et la remise en circulation d’eau, stockée dans des zones connectées ponctuellement à l’aquifère, peut provoquer la contamination de sources karstiques, des jours ou des semaines après l’entrée des contaminants dans le système. Si le temps de transfert est plus court que le temps de survie des bactéries entrant dans le système karstique, la qualité microbiologique de l’eau du karst peut être altérée. En Normandie où la totalité de la ressource en eau est d’origine karstique, à la suite d’évènements pluvieux majeurs l’alimentation en eau potable de bonne qualité peut être interrompue ponctuellement (figure 8). En 2017 une non-conformité ponctuelle de la qualité de la ressource en eau a touché 14,4% de la population en Seine Maritime (Bilan régional eau potable 2018, ARS).

Maitrise de la qualité microbiologique des eaux environnementales

Enjeux sanitaires

La maîtrise de la qualité microbiologique des eaux environnementales utilisées comme ressource en eau potable, ou à usage récréatif est un enjeu de santé publique majeur. L’assemblée générale des Nations Unies a déclaré en 2010 qu’une eau de boisson sûre et saine (ne présentant aucun risque pour la santé d’une personne qui la consommerait sur toute la durée de sa vie, compte tenu des variations de sensibilité éventuelles aux différents stades de vie) et l’assainissement sont un droit de l’être humain essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’être humain. Dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement, le programme commun de suivi de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement dirigé par l’OMS et l’UNICEF vise à augmenter l’accès des populations à une ressource en eau « améliorée » : dont la nature de sa construction ou un traitement actif la protège de contaminations extérieures, en particulier de contamination fécale. En 2015, 89% de la population mondiale avait accès à un point d’eau amélioré (figure 9). Cependant l’accès à ces ressources en eau protégées n’assure pas une eau exempte de contamination fécale. Près de 2 milliard de personnes, dont plus de 50% sur les continents africain et asiatique consomment une eau contaminée par des matières fécales (OMS, 2015 ; Bain et al., 2014) provoquant plus de 500 000 décès par an.
Dans les pays industrialisés, des épisodes de gastro-entérites d’origines hydriques peuvent survenir ponctuellement causés par la contamination des eaux de surface ou souterraines consécutive à des évènements pluvieux importants provoquant la contamination de l’eau par des matières fécales, mais également dues au dysfonctionnement des systèmes de désinfection ou la contamination du réseau de distribution. Entre 2000 et 2014, le Canada, la Finlande, la France et la Grèce ont subi au moins un évènement de contamination à l’origine de plus de 1000 cas de gastro-entérites. Ces évènements sont généralement causés par la présence de microorganismes pathogènes d’origine fécale : des virus (Norovirus, Rotavirus, Sapovirus), des bactéries (Salmonella, Escherichia coli, Shigella, Campylobacter), ou des protozoaires (Cryptosporidium, Giardia) (Moreira et Bondelind, 2017 ; Craun et al., 2010) (figure 10).
La consommation d’une eau contaminée est le principal risque d’infection par un pathogène d’origine hydrique, cependant des gastro-entérites sont aussi liées aux activités de baignade, principalement causées par des parasites Cryptosporidium spp, des Norovirus et l’espèce bactérienne Escherichia coli. D’autres pathologies sont plus rarement observées : des dermatites (Pseudomonas aeruginosa) et des pneumopathies (Legionella).

Contrôle microbiologique de la qualité des eaux

La détection et quantification de tous les pathogènes étant difficilement réalisable techniquement, et la majorité des toxi-infections d’origines hydriques étant associées à une contamination fécale, des espèces bactériennes sont utilisées comme indicateurs microbiologiques de contamination fécale. Ils sont dénombrés pour évaluer la qualité des eaux. Les indicateurs (i) sont non pathogènes et présents dans le tractus intestinal des être humains et des animaux vertébrés, (ii) survivent autant de temps que les pathogènes d’origine fécale et ne se multiplient pas dans l’environnement aquatique, (iii) sont au minimum aussi résistants que les pathogènes à la désinfection et (iiii) sont détectés et quantifiés par des méthodes rapides et sensibles (Tallon et al., 2005).
E. coli a été proposée comme premier indicateur de contamination des eaux par Theobal Smith dans les années 1890 (Prescott et Winslow, 1915). L’espèce E. coli est majoritairement non pathogène des humains (Salyer et Whitt, 2002), présente à des concentrations élevées dans les fèces de tous les mammifères, survit moins longtemps que de nombreux pathogènes dans les eaux et est exclusivement associée à une contamination. Sa détection est simple, spécifique et peu onéreuse, elle remplit donc tous les critères pour être un bon indicateur de contamination fécale (Edberg et al., 2000).
L’utilisation de cet indicateur est remise en question depuis qu’il a été montré que certaines souches d’E. coli peuvent se multiplier dans l’environnement (Ishii et Sadowsky, 2008 ; Jang et al., 2017). Cependant ces études ont été majoritairement réalisées dans le sol, le sable et les sédiments sous des climats tropicaux et subtropicaux. Une autre limite potentielle de cette espèce bactérienne comme indicateur microbiologique de contamination est la résistance des oocystes de Cryptosporidium spp à la désinfection par l’eau de javel, alors que E. coli y est sensible (Lopez-Gàlvez et al., 2017). Ces études ne remettent pas en question l’utilisation de E. coli comme indicateur de contamination bactériologique de l’eau pour des zones tempérées, les Cryptosporidium peuvent être recherchés en paralléle pour évaluer la présence de parasites. Aujourd’hui seules les bactéries E. coli et les entérocoques intestinaux ont été retenus pour évaluer la qualité microbiologique des eaux notamment à usage récréatif par la plupart des pays industrialisés notamment l’Europe (Directive 2006/7/CE), le Canada (HC) et les Etats-Unis (USEPA). En Europe la qualité microbiologique des eaux à usages récréatifs est évaluée par trois valeurs seuils de concentration en E. coli et entérocoques intestinaux définissant la qualité de l’eau comme excellente, bonne ou suffisante (tableau 1). La directive européenne 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine impose une absence de E. coli dans 100 mL d’eau (tableau 2).

Démarche d’analyse du risque microbiologique dans l’environnement

La maîtrise de la qualité de l’eau repose sur une approche prédictive qui s’appuie sur une démarche quantitative de l’analyse du risque (QMRA : quantitative microbial risk assessment). Cette démarche préconisée par l’OMS est conduite pour une population au statut immunitaire préalablement défini et un agent pathogène donné. La démarche d’analyse du risque s’appuie sur une approche globale comportant 4 étapes (tableau 3). Tous les dangers potentiels, sources ponctuelles (par exemple les rejets d’eaux usées) et diffuses (par exemple le pâturage et l’épandage du fumier) ainsi que les évènements pouvant conduire à la présence de pathogènes de référence, pollution intermittente ou saisonnière, évènements extrêmes et peu fréquents, doivent être identifiés pour chaque composante du réseau d’eau. La deuxième étape consiste en l’évaluation des facteurs d’exposition à ce danger, la détermination des voies de contamination et de l’usage de l’eau (durée, intensité, fréquence). L’exposition dans les environnements aquatiques peut être liée à la consommation d’eau de boisson, et de produits de la mer, à un usage récréatif des eaux ou bien, plus rarement, l’exposition à des aérosols (Legionella). L’évaluation de l’exposition implique l’estimation du nombre d’agents pathogènes auxquels un individu est exposé. L’exposition quotidienne à des bactéries indicatrices de contamination fécale des eaux de boisson contaminées peut être calculée en multipliant leur concentration par le volume d’eau de boisson consommé (c’est-à-dire la dose). La troisième étape est l’évaluation de la dose-réponse permettant de déterminer la probabilité d’un effet sanitaire indésirable (gastro-entérite principalement) après une exposition à un organisme pathogène. Ainsi, la caractérisation du risque nécessite de collecter les données sur l’exposition, la relation dose-réponse qui est liée à la virulence du micro-organisme et au statut immunitaire de la personne exposée. La probabilité de contracter une infection est estimée comme le produit de l’exposition à l’eau et de la probabilité que l’exposition puisse provoquer une infection.
Cette démarche permet d’estimer le risque dans une population en tenant compte de la qualité de l’eau brute et de l’impact des mesures de maîtrise des risques. Le risque estimé peut être comparé au risque de référence ou à un risque acceptable déterminé localement. Ces calculs permettent de quantifier le degré de protection d’une source ou de déterminer quel traitement est nécessaire pour atteindre un niveau spécifié de risque acceptable et d’analyser l’impact estimé des modifications des mesures de maîtrise des risques (OMS, directive pour la qualité de l’eau de boisson, 4ème édition).

L’espèce bactérienne Escherichia coli

L’espèce bactérienne Escherichia coli (E. coli) a été isolée pour la première fois en 1885 par Theodor Escherich (Escherich, 1885) lors d’une étude sur le microbiote intestinal des nourrissons. La facilité à isoler et cultiver E. coli l’ont rendu incontournable en microbiologie. Cette espèce bactérienne a donc logiquement été choisie comme organisme modèle des microbiologistes au début du 20ème siècle. Plus de 200 000 publications comportant le terme « Escherichia coli » ont été publiées à ce jour (figure 11) (Pubmed, 27/08/2018). E. coli reste d’actualité avec l’émergence des souches de E. coli productrices de shiga toxine, découvertes en 1985, impliquées dans de nombreux scandales alimentaires et touchant plus de 2 millions de personnes par an (Majowicz et al., 2014).

Caractéristiques de l’espèce

C’est un bacille à Gram négatif appartenant à la classe des Υ-protéobactéries mesurant environ 0.5µm de diamètre et 1.0 à 3.3 µm de long, mésophile dont la température optimale de croissance est 37°C (Bergey’s, 2014). Cette bactérie est mobile avec une structure flagellaire péritriche et non-sporulée (figure 12). Chimio-organotrophe aéro-anaérobie facultatif fermentant le glucose, il existe au moins 180 sources de carbone utilisables par E. coli (Sabarly et al., 2011 ; Orth et al., 2011). L’habitat primaire d’E. coli est le microbiote intestinal de l’Être humain et de nombreux animaux. C’est une bactérie colonisatrice du tube digestif des animaux à sang chaud (carnivores, omnivores, herbivores et oiseaux), mais également des reptiles (Gordon et Cowling 2003 ; Tenaillon et al., 2010). L’abondance de E. coli chez l’Être humain est de 7,9 ± 0,5.1010 UFC/ g de fèces, 6,9 ± 0,5 1010 UFC/ g de fèces chez les animaux d’élevage (volailles, porc, mouton, vache) de et de 6,2 ± 0,8 .1010 UFC/ g de fèces chez les animaux sauvages (sanglier, cerf, lapin) (Smati et al., 2015). E. coli est l’espèce aérobie la plus représentée dans le tractus intestinal des mammifères, cependant la majorité du microbiote intestinal est composé de bactéries anaérobies strictes dominées par les phyla Bacteroidetes et Firmicutes qui représentent à eux seuls 90% des bactéries identifiées (figure 13). C’est pourquoi dans les analyses du microbiote par les techniques de séquençage haut débit, le genre Escherichia est à la limite du seuil de détection (Arumugam et al. 2011; Claesson et al. 2012).

E. coli dans les hydrosystèmes karstiques

Les aquifères interagissent avec d’autres écosystèmes et échangent de l’eau, de l’énergie, des substances et des organismes avec la surface. Les eaux de surface peuvent transporter des particules organo-minérale, des contaminants chimiques et microbiologiques dans les hydrosystèmes karstiques (Dussart-Baptista et al., 2003b ; Mahler et Massei, 2007), parfois jusqu’à la source alimentée par le karst. La qualité des eaux de source d’origine karstique dépend de la qualité des eaux de surface entrant dans l’hydrosystème.
Dans les eaux de rivière, après une période pluvieuse sur les bassins versants agricoles caractérisés par des activités de pâturage et d’épandage sur des sols, le ruissellement et le lessivage des sols ménent à la remise en suspension de bactéries fécales, dont des microorganismes pathogènes, présents en surface du sol. Les contaminants sont transportés par les flux d’eau puis concentrés dans les points d’engouffrement (exutoires) des hydrosystèmes. Les quantités de précipitation (Bucci et al., 2015), de ruissellement (Weaver et al., 2016) et d’infiltration (Dwivedi et al., 2016) ont une influence sur la concentration de bactéries d’origines fécales entrant dans l’aquifère (Hamelin et al. 2007; Lyautey et al. 2010; Ratajczak et al. 2010; Petit et al. 2017).

Transport des E. coli dans un hydrosystème karstique

Les principaux facteurs influençant le devenir de E. coli au cours de son transfert sont l’attachement, le piégeage dans les pores et son temps de survie (Foppen et al., 2006 ; Foppen et Schijven et al., 2008). Le temps de transfert des bactéries dans l’hydrosystème doit être compatible avec le temps de survie de E. coli pour une contamination de la source. Le transport de E. coli est influencé par les interactions physico chimiques de la bactérie et de la matrice de l’aquifère (Goldscheideret al., 2006) (figure 20). L’attachement des bactéries à des particules vient jouer un rôle essentiel dans le transport et le devenir d’E. coli. En effet, il a été démontré par Garzio-Hadzick et al. (2010) que le temps de survie de la bactérie en solution est moindre que lorsqu’elle est attachée à des particules sédimentaires. Peu importe la source de contamination, le transport d’E. coli est alors relié à celui des sédiments. Les processus d’érosion, de déposition et de remise en suspension de sédiments doivent ainsi être compris dans l’étude du transport et du devenir d’E. coli.
La présence de conduits larges et de vides dans la zone d’infiltration entraine un transfert rapide de l’eau permettant le passage de E. coli et rend l’aquifère vulnérable à une contamination bactérienne d’origine fécale (Taylor et al., 2004 ; Engström et al., 2015). Au contraire, si le flux d’eau traverse lentement la matrice poreuse ou de petites failles, la zone d’infiltration peut agir comme un filtre permettant la recharge de l’aquifère par une eau de bonne qualité microbiologique (Sinreich et al., 2014 ; Bucci et al 2015).

Un habitat protégé

Le mode de vie en biofilm permet la protection des bactéries des variations physico chimiques externes par la matrice qui forme un microenvironnement stable entouré d’une barrière hydrophobe (figure 23). Les EPS et les pores de la matrice peuvent piéger des nutriments et d’autre molécules par sorption. Les biofilms sont des systèmes adsorbant complexes grâce à différents mécanismes d’adsorption et des sites d’accrochage (dans le cytoplasme des cellules du biofilm, les membranes cellulaires et la matrice d’EPS). Une grande variété de substances peut être piégée et accumulée dans le biofilm, même des composés présents à de très faibles concentrations dans le milieu, permettant aux biofilms de croître dans des milieux oligotrophiques. La matrice a également un rôle de système de digestion extracellulaire, les enzymes extracellulaires sécrétées par les cellules du biofilm sont séquestrées par la matrice, elles interagissent avec certains composés des EPS comme les polysaccharides générant une matrice activée (Tielen et al., 2013). La diffusion des molécules au travers de la matrice est hétérogène formant des gradients chimiques au sein du biofilm. Cette hétérogénéité mène à la formation de micro-niches écologiques au sein du biofilm offrant des environnements adaptés à un grand nombre d’espèces bactériennes (Gregory et al., 2014 ; Stewart et Franklin, 2008). Il existe une hétérogénéité dans la localisation des especes bactériennes mais aussi des activités métaboliques au sein du biofilm, même dans des biofilms mono espèces. Certaines activités métaboliques sont localisées et contribuent à la formation de gradients dans le biofilm. La diversité phénotypique des bactéries au sein du biofilm permet la coordination du biofilm dans son ensemble (Flemming et al., 2016) (figure 22). De plus la matrice offre un environnement physiquement stable favorable pour les contacts cellule-cellule nécessaire pour les transferts de gènes (Madsen et al., 2012 ; Maeda et al., 2004) favorisant les échanges génétiques par transfert horizontal au sein des biofilms (Schwartz et al., 2003 ; Fux et al., 2005). Les taux de transfert de gènes horizontaux sont significativement plus important dans les communautés bactériennes en biofilms que dans celles à l’état planctonique (Madsen et al., 2012). De plus, la matrice conserve tous les composants des cellules lysées, y compris leur ADN disponible pour un transfert horizontal (Flemming et Wingender, 2010).
Il existe également une coopération métabolique au sein des biofilms, certains nutriments sont métabolisés par une espèce et leur produit est utilisé par une autre (Koch et al., 2015, Christensen et al., 2002). Les micro-organismes bénéficient ainsi de l’activité métabolique de l’intégralité de la communauté, les interactions mutualistes sont d’ailleurs fréquentes dans les biofilms (Ren et al., 2015; Seo et al., 2012; Elias et Banin, 2012).

Occurrence de bactéries pathogènes allochtones en biofilm dans les environnements aquatiques

Des bactéries pathogènes opportunistes sont naturellement présentes dans l’environnement aquatique et ont la capacité de persister sur de longues périodes et de se multiplier dans des biofilms. Les principaux genres identifiés sont Aeromonas spp., Legionella spp., Mycobacterium spp., mais également l’éspèce Pseudomonas aeruginosa et certaines enterobacteries (Citrobacter spp., Enterobacter spp., Klebsiella pneumoniae). Les espèces bactériennes pathogènes Salmonella enterica (e.g., serovar Typhi, Paratyphi et Typhimurium), Shigella spp., Vibrio cholerae, certaines E. coli (e.g., E. coli enterotoxigenique, E. coli O157:H7 enterohaemorrhagique), Yersinia enterocolitica, Campylobacter spp. et Helicobacter pylori impliquées dans des maladies d’origine hydrique ont également la capacité de former des biofilms ou de s’intégrer à des biofilms dans l’environnement aquatique et d’y persister (Wingender et Flemming, 2011). La présence de E. coli, dont des E. coli productrices de Shiga-toxine (STEC), dans des biofilms aquatiques a été détectée dans des rivières (Cooper et al., 2007 ; Maal-Bared et al., 2013), dans des réseaux de distribution des eaux potables en Europe (cultivable et VNC) (Juhna et al., 2007) et dans des eaux souterraines (Banning et al., 2003).

Le rôle des biofilms comme réservoirs de résistance aux antibiotiques

Les environnements aquatiques (rivières, lacs et réservoirs) sont exposés de façon chronique à une concentration faible mais constante de polluants chimiques. Cette exposition à des contaminants tels que les antibiotiques, analgésiques, anti-inflammatoires, β-bloquants, métaux et pesticides, qui peuvent être piégés dans la matrice du biofilm (Aubertheau et al., 2017), a un impact sur la composition, l’activité et la résilience des biofilms des rivières et lacs (Balcàzar et al., 2015). Le mode de vie en biofilm permet aux bactéries une résistance accrue aux antibiotiques. La croissance lente et l’état de dormance sont considérés comme des méthodes de survie pour les bactéries en biofilm exposées à des substances antimicrobiennes. Les biofilms contiennent des cellules en phase stationnaire présentant une susceptibilité réduite à beaucoup d’antimicrobiens ciblant le métabolisme des bactéries. Les faibles taux de croissance peuvent mener à un état viable non cultivable (VNC) ou d’autres formes de dormance. Certaines cellules dormantes sont des « persisters », des populations multi-résistantes phénotypiquement différentes des autres (Flemming et al., 2016). La proportion importante de cellules en phase stationnaire suggère la présence de persisters dans les communautés en biofilm (Lewis, 2005 ; Waters et al., 2016)
Pour déterminer l’impact de l’exposition des biofilms aux antibiotiques, des études sur la présence de gènes de résistance et d’éléments génétiques mobiles (dont les integrons cliniques de classe 1) dans des biofilms et dans l’environnement aquatique dans lequel ils s’étaient développés ont été réalisées. L’exposition chronique à ces substances exerce une pression de sélection sur les communautés bactériennes des biofilms et peut favoriser l’émergence et la dissémination de résistance aux antibiotiques ( Chow et al.., 2015 ; Balcàzar et al., 2015 ; Aubertheau et al., 2017). Des gènes de résistances à la vancomycine et à la tétracycline ont été détectés dans des biofilms en absence de bactéries allochtones résistantes aux antibiotiques suggérant la persistance de gènes de résistances aux antibiotiques dans des biofilms environnementaux. Le pourcentage d’isolats portant l’intégron clinique de classe 1 est plus important dans les biofilms que dans les eaux et sédiments, en l’absence d’exposition à des antibiotiques (Farkas et al., 2013 ; Gillings et al. ,2008 ; Aubertheau et al., 2017). Ces résultats montrent la persistance de gènes conférant des résistances à des antibiotiques plus longues dans les biofilms que dans les bactéries à l’état planctonique ou associées aux sédiments dans les environnements aquatiques. Les biofilms jouent le rôle de réservoirs de gènes de résistance aux antibiotiques et peuvent être considérés comme des indicateurs biologiques de contamination aux antibiotiques d’un environnement (Sabater et al., 2007). Le rôle de réservoir de gènes de résistance des biofilms associé à la fréquence de transfert de gènes élevée pourrait faire de ces structures des « hots spots » d’échange génétique entre les communautés environnementales et pathogènes. Le décrochage de ces bactéries antibiorésistantes des biofilms peut mener à la contamination de l’eau à destination de la consommation humaine (ECDH) comme montré dans un réseau de distribution d’eau potable (Zhang et al., 2018).
Lorsque ces bactéries pathogènes opportunistes ou non sont au sein des biofilms elles ne sont pas détectables par les méthodes classiques de dénombrement des bactéries cultivables dans l’eau, ne permettant de dénombrer que les bactéries planctoniques. Le détachement de bactéries pathogènes induisant une forte concentration bactérienne localisée, dans la colonne d’eau présente un risque de contamination microbiologique inattendu.

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Table des matières

Introduction générale
Synthèse bibliographique
1. Les hydrosystèmes karstiques
2. Maitrise de la qualité microbiologique des eaux environnementales
3. L’espèce bactérienne Escherichia coli
4. E. coli dans les hydrosystèmes karstiques
5. Les biofilms
Problématique de thèse
Partie 1 : Présentation du site d’étude L’hydrosystème karstique de Norville
1. Présentation générale
2. Fonctionnement hydrologique du bassin versant du Bébec
3. Fonctionnement hydrogéologique du système karstique
4. Vulnérabilité microbiologique du karst de Norville
5. Caractérisation hydrologique et climatique du site d’étude de 2013 à 2017
6. Chroniques hydrologiques et climatiques de données acquises pendant la durée de l’étude 67
7. Campagnes de prélèvements réalisées au cours de cette étude
Partie 2 : Proposition d’un indicateur de conditions hydrologiques propices à la contamination des eaux d’un hydrosystème karstique par Escherichia coli
1. Contexte scientifique
2. Démarche méthodologique
3. Résultats
4. Du calcul d’IndiCE à l’utilisation opérationelle
5. Conclusions et discussions
Partie 3 : Occurrence de E. coli dans des biofilms intra-karstiques
1. Contexte scientifique
2. Démarche méthodologique
3. Résultats
4. Conclusions et discussions
Conclusions et perspectives
Matériel et méthodes
Références bibliographiques

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