Afin de répondre à une demande énergétique qui ne cesse de croître et dans l’optique de renouveler le parc des réacteurs nucléaires qui fournissent de l’ordre de 75% de la production électrique en France, il est devenu indispensable d’orienter la recherche nucléaire vers le développement de nouveaux concepts encore plus performants. Ces « réacteurs du futur » doivent en priorité apporter plus de sûreté et de fiabilité au nucléaire ainsi qu’une résistance améliorée à la prolifération et aux agressions externes. Ces nouveaux réacteurs doivent également permettre une utilisation plus optimale des ressources naturelles et une réduction des déchets, être économiquement plus compétitifs que ce soit en termes de coûts de construction ou d’exploitation.
Afin de proposer des solutions et des technologies innovantes à ces nouveaux besoins, le Forum International Génération IV a été lancé en 2001. Ce forum rassemble 12 pays, dont la France, et a pour mission de sélectionner et de développer les solutions répondant aux différents critères déjà cités. Dans ce cadre, de nombreux concepts de réacteurs nucléaires du futur ont été retenus par le forum, parmi eux deux systèmes ont reçu le plus d’intérêt de la part du CEA et d’AREVA : il s’agit de deux de réacteurs à neutrons rapides (RNR), le premier est refroidi au sodium, le deuxième est refroidi au gaz. Deux prototypes de réacteur nucléaire à neutrons rapides et à caloporteur sodium ont déjà été construits en France: Phénix qui a été arrêté définitivement en 2010 et Superphénix qui est en cours de démantèlement depuis 2007. Un nouveau prototype de ce type de réacteur est actuellement porté par le CEA, le réacteur ASTRID, qui permettra probablement de relancer la filière des réacteurs du futur.
Caractérisation expérimentale du comportement mécanique en fatigue-relaxation de l’acier 316LN
Les aciers austénitiques inoxydables de type AISI 316L et AISI 316L(N) sont largement utilisés dans le milieu industriel et notamment dans des applications à haute température. Leurs bonnes propriétés mécaniques ainsi que leur résistance à la corrosion font de ces alliages des candidats potentiels pour des composants de circuits dans les Réacteurs à Neutrons Rapides (RNR). Dans les conditions de fonctionnement à haute température prévues pour ces réacteurs, ces composants seront soumis à des chargements cycliques incluant une mise en charge, un maintien en charge pour de longues durées (de l’ordre d’un mois) et une décharge. Ces cycles se caractérisent par une interaction complexe entre différents mécanismes (fatigue-relaxation ou fatigue-fluage) dont la compréhension est nécessaire afin de décrire le comportement des matériaux utilisés dans des conditions aussi sévères.
Avec le développement des RNR, un grand nombre d’études expérimentales et théoriques ont été menées afin de caractériser le comportement de ces matériaux en fatigue-fluage et en fatiguerelaxation [(Wood et al., 1980), (Mottot et al., 1982), (Cailletaud et al., 1984), (Levaillant et al., 1988), (Sauzay et al., 2004), (Gentet, 2009), (Catalao, 2005)]. Ces études mettent en évidence un fort effet du temps de maintien sur le comportement cyclique induisant une synergie et/ou compétition entre des mécanismes d’écrouissage et de relaxation et/ou restauration pendant le maintien. Ces interactions impactent les mécanismes d’endommagement et induisent une forte réduction du nombre de cycles à rupture par rapport à la fatigue pure. Ce chapitre se compose d’une partie bibliographique consacrée à la présentation du matériau de l’étude (316LN) et à une synthèse des différents travaux entrepris afin de caractériser le comportement mécanique et microstructural des aciers 316L et 316L(N) en fatigue pure à température ambiante et à haute température ainsi qu’en fatigue-relaxation (à haute température).
Ensuite, les nouveaux résultats de l’étude du comportement de l’acier 316L(N) à 500°C en fatigue pure et en fatigue-relaxation sont présentés. Les essais ont été menés à amplitude de déformation totale imposée (0.3%) et à une vitesse de déformation totale de 2.10⁻³ s-1. Deux temps de maintien en traction ont été étudiés : 10h et 50h. L’effet de ces temps de maintien beaucoup plus longs que ceux habituellement appliqués dans la littérature est discuté aussi bien sur le comportement mécanique que sur l’évolution des structures de dislocations.
Enfin, les interactions entre les différents mécanismes caractéristiques de la fatigue-relaxation sont discutées ainsi que leurs liens avec le comportement macroscopique et microstructural du matériau. L’identification et la compréhension de ces mécanismes constituent une étape clé de ce travail dont le but est de proposer un modèle physique capable de prédire le comportement du matériaudans les conditions en service, inaccessibles en laboratoire.
Méthodes expérimentales et matériau
Généralités sur les aciers inoxydables
Les aciers inoxydables sont des alliages fer-carbone contenant au minimum 12% de chrome et au maximum 1.2% de carbone. Les premières nuances d’acier à bas carbone allié au chrome ont été développées eu début du XXème siècle en Europe et aux USA (Goldschmidt, Guillet (1904), Portevin (1909), Chevenard(1929)). La faible teneur en carbone évite la précipitation des carbures et l’enrichissement en chrome permet à ces aciers de développer une couche fine d’oxyde de chrome en surface. Appelée aussi couche de passivation, elle confère aux aciers inoxydables une meilleure résistance à la corrosion, d’où leur nom « aciers inoxydables ».
Les aciers inoxydables sont nombreux ainsi que leurs domaines d’applications. On les classe toutefois en quatre grandes catégories, selon leur composition chimique et leur structure cristallographique.
❖ Les aciers ferritiques
❖ Les aciers austénitiques
❖ Les aciers martensitiques
❖ Les aciers austéno-ferritiques .
Le matériau étudié fait partie des aciers inoxydables austénitiques. Ce sont des aciers contenant duchrome (couramment 18 %) et du nickel (couramment de 8 à 10 %) dont la structure est austénitique (phase γ) à température ambiante. Ils se caractérisent par une grande aptitude à la déformation, une très bonne soudabilité et une résistance à la corrosion très satisfaisante et ce dans différents milieux. Leur stabilité structurale permet leur utilisation aussi bien à hautes températures (échangeurs de chaleur) qu’aux basses températures (stockage de gaz liquéfié).
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Table des matières
Introduction générale
I. Caractérisation expérimentale du comportement mécanique en fatigue-relaxation de l’acier 316LN
1. Introduction
2. Méthodes expérimentales et matériau
2.1. Généralités sur les aciers inoxydables
2.2. Présentation de l’acier 316L(N)
2.3. Méthodes expérimentales
3. Revue bibliographique
3.1. Comportement cyclique de l’acier 316L(N) à température ambiante
3.2. Effet de la température sur le comportement cyclique du 316LN
3.3. Vieillissement dynamique
3.4. Effet du temps de maintien
4. Caractérisation du comportement en fatigue-relaxation du 316L à 500°C
4.1. Effet du temps de maintien sur la réponse mécanique
4.2. Effet du temps de maintien sur la microstructure
4.3. Etude du vieillissement dynamique à 600°C
5. Discussion
6. Conclusions
7. Références
II. Prédiction du comportement cyclique à température ambiante des polycristaux à structure CFC : modèles à champs moyens
1. Introduction
2. Description of the whole model
2.1. Effect of grain size
2.2. Description of the homogenization schemes
2.3. Constitutive laws and parameters adjustment
3. Prediction of the macroscopic cyclic behavior
3.1. Effect of secondary slip
3.2. Effect of single slip
3.3. Effect of grains oriented for multiple slip
4. Polycrystalline mean grain distributions
4.1. Mean grain plastic strain distribution
4.2. Mean grain stress distributions
5. Theoretical distributions
6. Discussion
6.1. Effect of crystalline elasticity
6.2. Effect of crystalline plasticity parameters
7. Simulation of complex loadings and limitations of the modelling
7.1. Average strain effect
7.2. Strain memory effect
7.3. Multiaxial proportional loadings
7.4. Multiaxial non-proportional loadings
8. Conclusions
9. References
III. Vers une modélisation basée sur les densités de dislocations : validation en déformation monotone à température ambiante
1. Introduction
2. Revue bibliographique
2.1. Déformation monotone des monocristaux CFC
2.2. Effet de la taille des grains
3. Formulation du modèle
3.1. Lois d’évolution des différentes populations de dislocations
3.2. Loi d’écoulement
3.3. Loi d’écrouissage
4. Identification des paramètres
5. Critère de séparation des grains selon l’orientation cristalline
6. Résultats : prédiction des courbes monotones macroscopiques à température ambiante 130
7. Conclusion
8. Références
IV. Prédiction du comportement elasto-visco-plastique de l’acier 316LN en fatigue-relaxation à haute température
1. Introduction
2. Description de la restauration durant la phase relaxation
2.1. Mécanisme de montée des dislocations
2.2. Loi d’évolution des dipôles
2.3. Prédiction du temps critique pour homogénéisation de la microstructure
3. Modélisation du vieillissement dynamique
3.1. Synthèse bibliographique
4. Schémas d’homogénéisation en elasto-visco-plasticité
4.1. Description des modèles d’homogénéisation adoptés
4.2. Validation des modèles d’homogénéisation à champs moyen avec les calculs par EFs
5. Conclusions
6. Références
V. Modèle polycristallin en fatigue-relaxation
Conclusion générale