Caractérisation et quantification de la charge polluante anthropique et industrielle dans le bassin du Sebou

Les activités anthropiques sont à l’origine des perturbations des milieux aquatiques tant du point de vue quantitatif, par l’exploitation intensive des ressources hydriques, que qualitatif, par la modification de leurs propriétés physico-chimiques et biologiques. En effet, le développement économique et industriel s’accompagne d’une augmentation des flux de déchets contenant des agents pathogènes et diverses substances organiques et inorganiques. Les principales problématiques associées au déversement de ces polluants dans les milieux aquatiques sont l’eutrophisation (apports excessifs de nutriments) et la contamination (apports de substances chimiques potentiellement toxiques).

L’eutrophisation est un phénomène qui se traduit par la prolifération excessive de plantes aquatiques. Elle résulte des apports massifs de matières organiques et d’éléments nutritifs (azote, phosphore) par l’utilisation accrue de fertilisants chimiques en agriculture, le développement de l’élevage intensif et aussi les rejets industriels et domestiques (Hasler,1947; Correll, 1996 ; Smith, 2003 ; Billen et al., 2007). Les problèmes liés à l’eutrophisation consistent en une accumulation des macro-algues, une augmentation de la turbidité et des apports de matière entrainant un appauvrissement de l’eau en oxygène, avec pour conséquence un risque accru de mortalité des poissons et d’autres organismes aquatiques (Carpenter et al., 1998, Quinn, 1991 ; Burford et al., 2003 ) avec à terme une destruction du milieu.

Sources, transport et dynamique des éléments dans les systèmes fluviaux

Les hydrosphères rassemblent l’ensemble des eaux de toute nature, eaux marines et eaux continentales recouvrant 70% de la surface de la planète. Les écosystèmes marins sont caractérisés par une très grande diversité rassemblant tous les milieux salés, de la côte jusqu’au grand large. Dans le domaine continental, les réservoirs sont répartis entre eaux de surface et eaux souterraines. Ces derniers sont issus de l’infiltration des pluies, fonte de neige/glace dans le milieu souterrain à partir des pores ou des fissures de roches. Quant aux eaux de surface, elles regroupent les eaux stagnantes piégées dans les dépressions (mares, étangs, gravières, lacs…) et les eaux courantes ayant un écoulement apparent de l’eau (ruisseaux, torrents, rivières et fleuves). Parmi ces écoulements on peut recenser les oueds, terme d’origine arabe « wadi», et qui correspondent aux cours d’eau intermittent d’Afrique du Nord et des régions arides ou semi-désertiques.

Les eaux souterraines et/ou superficielles s’écoulent vers le point le plus bas en suivant la pente naturelle et se rejoignent dans un cours principal pour former une rivière ou un fleuve. La zone géographique correspondant à la totalité de l’aire drainée par un cours principal et ses affluents forme le bassin versant. Dans chaque bassin versant, les cours d’eau sont organisés en un réseau hydrographique et sont repérés par un ordre reflétant leur ramification. La classification topologique du réseau hydrographique est souvent établie à partir de la méthode proposée par Strahler (1952). Cette classification consiste à ordonner les cours d’eau selon l’importance croissante de leurs tributaires, de la source jusqu’au collecteur principal. Elle repose sur les règles suivantes : (1) tout cours n’ayant pas d’affluents est d’ordre un, (2) le cours d’eau formé par la confluence de deux cours d’eau du même ordre voit son ordre augmenté de 1, (3) le cours d’eau formé par la confluence de 2 cours d’eau d’ordre différent prend l’ordre du plus élevé des deux. Le bassin versant a l’ordre du plus élevé de ses cours d’eau, soit l’ordre du cours d’eau principal à l’exutoire.

La dynamique des cours d’eau dans un bassin versant est principalement gouvernée par la lithologie, le climat et l’homme. La lithologie du bassin versant influence le ruissellement des eaux ainsi que leur taux d’infiltration. Selon la nature du sol, l’eau ruisselle sur les substratums imperméables ou s’infiltre plus ou moins rapidement jusqu’aux roches réservoir constituant ainsi des aquifères. Ces réservoirs alimentent les cours d’eau et permettent de maintenir un débit de base en période d’étiage. D’autre part, la lithologie contrôle aussi la nature et les concentrations des éléments dissous et particulaires introduits dans les cours d’eau (Bricker et Jones, 1995).

Caractéristiques physico-chimiques et espèces majeurs

Caractéristiques physico-chimique

Les rivières sont des systèmes dynamiques dont le fonctionnement et la composition reflète l’interaction avec les conditions climatiques, géologiques et anthropiques régnant dans le bassin versant. Les caractéristiques physico-chimiques sont parmi les facteurs clé structurant le fonctionnement des systèmes aquatiques. Les paramètres physico-chimiques des cours d’eau tel que le pH, l’oxygène dissous ou la conductivité, conditionnent le maintien de la biodiversité aquatique et influencent le comportement et le devenir des contaminants dans la colonne d’eau. Ces paramètres contrôlent en grande partie le comportement et la mobilité des contaminants entre les différents compartiments (Buffle, 1988 ; Burgess et Scott, 1992 ; Stumm et al.,1996). La qualité physico-chimique d’une rivière peut être évaluée à partir des valeurs de plusieurs paramètres :

La température de l’eau dépend des variations journalières ou saisonnières de la température ambiante mais également des rejets anthropiques (ex. eaux utilisées pour le refroidissement). Ce paramètre joue un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques par son influence sur la solubilité de  l’oxygène mais aussi d’autres éléments (Wilby et al., 2014)
Le pH indique l’acidité ou l’alcalinité d’une eau et conditionne de nombreux équilibres physico-chimiques. Dans les eaux naturelles, le pH est compris entre pH 6.5 et pH 8.5 (Sigg et al., 2006). Il varie selon la nature géologique du bassin de drainage, il est acide dans les eaux des aquifères sableuses ou granitiques et alcalin dans les aquifères calcaires. Il peut être aussi influencé par les précipitations acides, l’activité biologique et certains rejets industriels (Rice et Herman, 2012). Les eaux impactées par les exploitations minières sont caractérisées par des pH très acides (pH < 3) résultant de l’oxydation des sulfures, notamment la pyrite (Drainage Minier Acide ou DMA) (Olias et al., 2004)
L’oxygène constitue l’un des paramètres les plus importants pour la qualité des eaux. L’oxygène dissous dans les rivières provient principalement de l’atmosphère et de l’activité photosynthétique des végétaux aquatiques. Il est inversement proportionnel à la température ce qui entraine des variations cycliques journalières et saisonnières très marquées.

Matières en suspension

Les matières en suspension (MES) sont des particules minérales et organiques de faibles taille et/ou densité qui se déplacent dans les rivières avec la vitesse de l’écoulement de l’eau, sans contact avec le fond. Leur présence en fortes quantités est à l’origine de la dégradation du milieu aquatique en augmentant la turbidité de l’eau, en perturbant la vie aquatique (ex. colmatage des branchies de poissons) et aussi en véhiculant de nombreux contaminants vers le réseau hydrographique.

Les MES proviennent en grande partie de l’érosion hydrique du sol. En effet, les facteurs climatiques, principalement les fortes précipitations, sont à l’origine de processus d’érosion suite à l’augmentation des forces d’arrachement des particules et leur transport par ruissellement pendant les événements pluvieux. L’érosion du sol est aussi influencée par la topographie (i.e. altitude, pentes, inclinaison) du bassin versant, sa lithologie, la nature du couvert végétal ainsi que les activités anthropiques. Sur les pentes fortes l’érosion des sols est accentuée suite à l’augmentation de la force motrice de l’écoulement de l’eau. La vitesse et le volume de particules déplacés par ruissellement sont ainsi plus importants. La proportion et la nature des particules érodées dépendent des facteurs lithologiques. Les roches meubles (sables, limons, marnes, craie, schistes) sont les plus sensibles à l’érosion, tandis que les roches compactes (granites, calcaires, argiles, gneiss), dont les grains sont généralement plus fins, résistent plus à l’action érosive de l’eau (Tessier, 2003). En outre, la résistance des sols à l’érosion augmente avec la présence de couvert végétal, qui diminue l’énergie des gouttes de pluie et réduit le volume d’eau qui atteint le sol. De plus, les activités anthropiques peuvent fortement influencer les concentrations des MES qui transitent dans les cours d’eau en aggravant les processus d’érosion de sol par remembrement agricole supprimant les haies et talus, déforestation, surpâturage ou par la construction des barrages qui sont à l’origine de modification importante des régimes d’écoulements des rivières et aussi de leur biogéochimie. Les rejets urbains et industriels (secteurs agro-alimentaire, papeterie, textile ou chimie) peuvent aussi être à l’origine de fortes concentrations en MES dans les rivières.

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Table des matières

LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I : Sources, transport et dynamique des éléments dans les systèmes fluviaux
GENERALITES
I-1) Caractéristiques physico-chimiques et espèces majeurs
I-1.1 Caractéristiques physico-chimique
I-1.2 Matières en suspension
I.1.3 Eléments majeurs
I.1.4 Eléments nutritifs
I.1.4.1 L’azote
I.1.4.2 Phosphore
I.1.5 Eutrophisation
I.2) Matière organique (MO)
I.2.1 Composition et réactivité de la matière organique
I-3) Eléments traces métalliques (ETM)
I-3.1 Sources des éléments traces métalliques (ETM)
I-3.2 Distribution et spéciation des ETM dans les systèmes aquatiques
I-3.3 Propriétés et sources des principaux ETM étudiés
I.4) Les organostanniques ou les organoétains
I.4.1 Sources des organoétains
I.4.2 Propriétés des organoétains
I.4.3 Devenir et toxicité des organoétains
I-5) Compartiment sédimentaire
I-5.1 Phases porteuses des ETM dans les sédiments
I-6) Facteurs influençant la mobilité et la spéciation des ETM
I-7) Conclusion
Chapitre II : Matériels et méthodes
II-1) Site d’étude
II-1.1 Cadre géographique
II-1.2 Cadre géologique
II-1.3 L’oued Fès
II-1.4 Régime climatique
II-1.5 Les eaux de surface du bassin du Sebou
II-1.6 Les eaux souterraines du bassin du Sebou
II-1.7 Réseau hydrographique du bassin de l’oued Fès
II-1.8 Activités anthropiques
II-2) Echantillonnage
II-2.1 Présentation des sites d’étude
II-2.2 Campagne de prélèvement
II-2.2.1 Prélèvement aqueux
II-2.2.2 Prélèvement des sédiments
II-3) Traitement des échantillons
II.3.1 Filtration des échantillons aqueux et conditionnement
II-3.2 Minéralisation de la phase solide (sédiments et filtres)
II.4) Techniques analytiques
II.4.1 Analyses du carbone
II.4.2 Caractérisation de la matière organique dissoute par spectroscopie de fluorescence
II-4.3 Analyse des ions majeurs par chromatographie ionique
II-4.4 Analyse des éléments traces métalliques
II-4.5 Analyse des organoétains dans les sédiments
II-4.6 Analyse du Mercure total dans les sédiments
Chapitre III : Evaluation de la contamination métallique des sédiments
III-1) Caractérisation des sédiments
III-1.1 Profils du carbone organique et inorganique (COP et CIP)
III-1.2 Caractérisation de la composition chimique en éléments majeurs
III-1.3 Profil sédimentaire des Eléments Traces Métalliques (ETM)
III-1.3.1 Distributions des composés du butylétain (TBT, DBT, MBT)
III-1.3.2 Distributions des ETM
III-1.4 Hypothèses sur l’origine des ETM par régression linéaire
III-2) Evaluation de l’intensité de la contamination et du risque écotoxicologique
III-2.1 Facteur d’enrichissement
III.2.2 Définition et calcul de l’indice de Géoaccumulation (Igeo)
III.2.3 Evaluation de la pollution des sédiments par les valeurs guides sédimentaires
III.3) Conclusion
Chapitre IV : Etude de la dynamique des éléments dans le système Fès-Sebou
IV- 1) Caractérisation physico-chimique et concentrations des nutriments, des ions majeurs et de la matière organique
IV- 2) Eléments traces métalliques dans la colonne d’eau
IV-2.1 Eléments traces métalliques dissous
IV-2.2 Eléments traces métalliques particulaires
IV-2.3 Caractérisation des principaux effluents industriels déversés dans l’oued Fès
IV-2.4 Fractionnement des ETM entre la phase dissoute et particulaire
IV-2.5 Modélisations de la spéciation des ETM par WHAM-VII
IV-2.6 Comparaison de la géochimie des particules en suspension par rapport à celle des sédiments de surface
IV-3) Variation temporelle et comportement des éléments dans la zone de mélange Fès/Sebou
IV-4) Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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