Premier poste mondial de consommation énergétique (36 %) et d’émission de dioxyde de carbone (39 %), le secteur du bâtiment (construction et exploitation) se doit d’entreprendre une conversion de ses pratiques constructives pour atténuer son impact environnemental et ainsi tenter de contenir la hausse des températures atmosphériques moyennes en dessous de 2 °C, par rapport à celles de l’ère préindustrielle, à l’horizon 2100. Bien que ces impacts soient principalement imputables à la phase d’exploitation des bâtiments, la contribution des matériaux de construction dans le bilan des émissions de CO2, ainsi que dans la production de déchets, est considérable et tend à augmenter. Le choix des matériaux de construction devient ainsi un paramètre déterminant. Ils doivent notamment permettre la baisse des consommations énergétiques des bâtis, liées à la fois à leur énergie grise (énergie associée aux phases de construction et de déconstruction) et à la phase d’exploitation des bâtis.
Développement durable, construction et matériaux
Prise de conscience écologique
Problématique environnementale
La multiplication et l’intensification des crises écologiques mettent en évidence un changement du climat et une dégradation de l’environnement à l’échelle du dernier siècle. L’augmentation des températures à la surface de la Terre constatée depuis 1950 ou l’élévation du niveau moyen des océans, mesurée depuis 1901, en sont des indicateurs [Pachauri et al. 2015]. Les conclusions de la communauté scientifique font désormais consensus sur le rôle des activités humaines dans ces perturbations.
En l’espace de quelques décennies, les modes de production et de consommation énergétique sans borne des sociétés industrielles ont entraîné la libération dans l’atmosphère du carbone que la Terre avait absorbé depuis plusieurs centaines de millions d’années. Les concentrations en vapeur d’eau (H2O), dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4) s’accroissent considérablement et les réserves d’énergies fossiles telles que le charbon, le gaz naturel et le pétrole, sont extrêmement sollicitées. Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (H2O, CO2, CH4, N2O, O3 et gaz fluorés) perturbent l’équilibre climatique : ils piègent une partie du rayonnement infra-rouge de la surface terrestre ce qui provoque une hausse de la température de la basse atmosphère. En France, ce sont près de 300 Mt de CO2 qui sont émises chaque année [Données et études statistiques 2019], soit près de 1 % des émissions mondiales (de l’ordre de 33 000 Mt de CO2) [The International Energy Agency 2017].
À la question du réchauffement climatique vient s’ajouter l’enjeu de la déplétion des sources d’énergies fossiles. Le pétrole (41 %), le gaz naturel (15 %) et le charbon (10 %) figurent aujourd’hui parmi les principales sources d’énergie primaire utilisées dans le monde et assurent à eux seuls 82 % de la production mondiale [The International Energy Agency 2017]. En France, le pétrole représente 28 % de la consommation primaire énergétique corrigée des variations climatiques, le gaz naturel 15 % et le charbon 4 % [Données et études statistiques 2019]. Toutefois, les réserves mondiales de pétrole, gaz et charbon sont détruites plus vite qu’elles ne se forment. Leur production et leur utilisation finiront donc inexorablement par décroître. Il est indispensable d’anticiper le déclin de la disponibilité de ces ressources. Cette nécessité coïncide avec celle de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et des autres conséquences négatives de l’utilisation de ces sources d’énergie (pollutions atmosphériques, pluies acides, marées noires, etc.).
Engagements politiques
C’est autour des bouleversements générés et d’une prise de conscience grandissante des enjeux écologiques que le concept de développement durable est construit. En 1987, la commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations Unies (ONU) publie le rapport «Notre Avenir Commun » (Our Common Future) dans lequel est définie, pour la première fois, la notion de développement durable : « le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins de générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » [Brundtland 1987].
Face à une capacité menacée des générations futures à subvenir à leurs besoins, les acteurs nationaux et mondiaux s’engagent et définissent des objectifs chiffrés afin d’apporter des réponses aux enjeux environnementaux. En 1992, le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, tenu sous l’égide des Nations Unies, officialise la notion définie par le rapport Brundtland et pose les piliers du développement durable, associant l’environnement à la croissance économique des pays au lieu de les opposer : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.
En 1997, lors de la troisième Conférence des parties (COP3), les débats politiques internationaux aboutissent au Protocole de Kyoto. Ce texte engage, pour la première fois, les pays le ratifiant sur des objectifs contraignants : sur la période 2008-2012, 37 pays développés ou en transition doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5,2 % par rapport à leur niveau de 1990. Dix-huit ans plus tard, la COP21 organisée à Paris débouche sur le premier accord universel pour le climat, approuvé à l’unanimité par les 196 délégations. Cet accord engage une nouvelle fois les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il confirme l’objectif central de contenir l’augmentation de la température en-deçà de 2 °C et de s’efforcer de limiter cette augmentation à 1,5 °C, afin de réduire les risques et les impacts liés aux conséquences du changement climatique.
En France, une série de mesures a été instaurée pour traduire, et même dépasser, les engagements internationaux. Ainsi ont été successivement mis en place le Programme national de lutte contre le changement climatique élaboré en 2000, le Plan Climat de 2004, le Grenelle de l’Environnement en 2009 et 2010 puis, en 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Par ces mesures, la France s’engage donc à diviser par un facteur 4 les émissions nationales de gaz à effet de serre du niveau de 1990 d’ici 2050 mais aussi à réduire de moitié la consommation d’énergie finale d’ici à 2050 par rapport à 2012, à intégrer 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2030 et 50 % d’énergie nucléaire dans la production d’électricité en 2025.
Secteur du bâtiment
Impacts environnementaux
Face à ces engagements environnementaux, le secteur du bâtiment doit agir prioritairement pour repenser et transformer son activité. Il doit notamment réduire les quatre principaux impacts de son activité sur l’environnement : ses émissions de gaz à effet de serre, sa consommation d’énergie, sa consommation de ressources naturelles non renouvelables et sa production de déchets. Le secteur résidentiel et tertiaire émet chaque année plus de 70 millions de tonnes de CO2, soit 24 % des émissions de gaz à effet de serre françaises [Moreau 2019]. Il est, par ailleurs, responsable à 46 % de la consommation énergétique en France (toutes énergies confondues) [Moreau 2019]. Les minéraux utilisés principalement dans la construction constituent près de 45 % des matières consommées en France. Avec 354 millions de tonnes consommées en 2017, la construction est ainsi le plus gros consommateur de matières premières non renouvelables. Selon les chiffres du Ministère de la Transition écologique [Scribe 2019], la construction est également le premier secteur d’activité producteur de déchets. Bien que le BTP ait diminué sa production de déchets de 14 % entre 2010 et 2016, il est encore aujourd’hui à l’origine de 70 % des déchets. Ces déchets, en grande partie inertes (80 %), ont un impact sur l’environnement du fait de leur gestion : acheminement, tri, traitement, stockage ou valorisation. Pour toutes ces raisons, le bâtiment constitue un secteur clé dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Contexte et état de l’art
Développement durable, construction et matériaux
Prise de conscience écologique
Secteur du bâtiment
Potentiel des matériaux biosourcés
Transferts en milieux poreux
Porosité
Stockage et transport de l’humidité
Transfert de la chaleur
Bétons végétaux
Formulation et mise en œuvre
Caractéristiques des agroressources
Caractéristiques des matrices liantes
Propriétés d’usage des agrobétons
Structures enduites
Enduits terre crue
Matériau terre
Construire en terre
Formulation et mise en œuvre
Caractéristiques physiques
Propriétés hygrothermiques
Comportement mécanique
Ajduvantation organique
Synthèse et présentation de la problématique de thèse
Références
Chapitre 2. Isolation répartie en béton végétal
Préambule
Article A. Influence of types of binder and plant aggregates on hygrothermal and mechanical properties of vegetal concretes
Introduction
Materials and methods
Materials
Methods
Hygric properties
Thermal conductivity
Compressive strength
Results and discussion
Raw material properties
Composite performances
Conclusion
Acknowledgements
References
Synthèse et transition
Chapitre 3. Enduits en terre crue
Préambule
Article B. Effects of organic admixtures on the fresh and mechanical properties of earthbased plasters
Introduction
Materials and methods
Materials, mortars and specimens
Testing Procedures
Results
Characteristics of plasters in the fresh state
Mechanical performance of earthen plasters
Conclusion
References
Synthèse et transition
Article C. Influence of chemical, mineralogical and geotechnical characteristics of soil on earthen plaster properties
Introduction
Materials and methods
Raw materials
Procedures
Results
Chemical and mineralogical characteristics
Geotechnical characterization of soils
Soil properties and behaviour of plasters
Conclusion
Acknowledgement
References
Synthèse et transition
Chapitre 4. Paroi bicouche bio et géosourcée
Préambule
Article D. Optimisation of the moisture buffer capacity of a bilayer bio- and geo-based wall
Introduction
Materials and methods
Sunflower-based concrete
Unfired clay plasters
Procedures
Numerical simulation
Heat and mass transfer
Initial values and boundary conditions
Results and discussion
Sunflower-based concrete hygrothermal characterisation
Clay-rich plaster
Moisture buffering capacity of the coated wall
Conclusion
References
Synthèse
Conclusion générale