Les liquides magnétorhéologiques (MR) sont des suspensions de particules magnétiques micrométriques dans des liquides supports non magnétiques. Ces matériaux présentent un comportement tyique de plastiques de Bingham : tant que le cisaillement est inférieur à une valeur seuil, le liquide se déforme élastiquement, et dans le cas contraire, il sécoule avec une croissance du cisaillement proportionnelle à la vitesse de la surface solide avec laquelle il intéragit. En l’absence de champ magnétique, le seuil d’écoulement est typiquement faible et le comportement est assimilé à Newtonien ; en présence d’un champ magnétique, il peut atteindre des ordres de grandeurs tels que le liquide apparaît solidifié. Ce phénomène s’explique par l’agrégation des particules du liquide qui, aimantées par le champ, s’attirent entre elles pour former un réseau de « chaînes » qui rigidifie le liquide. Notons que la durée caractéristique de la formation de ce réseau est de l’ordre de la milliseconde.
La relation entre le champ magnétique et le seuil d’écoulement qui caractérise les liquides MR peut être mise à profit pour réaliser des dispositifs d’amortissement ou de freinage dont la force ou le couple de dissipation peut être modulé(e) indépendamment de la vitesse du piston ou du rotor par un courant électrique, en l’occurrence, le courant source du champ. Bien que les liquides MR soient connus depuis les années quarante, l’avènement des actionneurs basés sur ces matériaux ne débuta que dans les années quatre-vingt-dix, au moment où des liquides stables et durables commencèrent à être disponibles. Les amortisseurs furent les premiers de ces actionneurs à être exploités à l’échelle industrielle, en génie civil (protection anti-sismique), dans l’automobile (suspensions roues-châssis, suspensions de siège) et en robotique médicale (équipements de rééducation, prothèses de jambe). Dans ces différents domaines, en plus de leur caractère semi-actif , les amortisseurs à liquide MR se sont avérés présenter des temps de réponse plus faibles et des consommations énergétiques moindres que les actionneurs hydrauliques classiques. Ils présentent de surcroît des conceptions plus simples et plus robustes que ces derniers. A une époque plus récente, les freins à liquides MR ont commencé à être utilisés pour le contrôle électronique de véhicules (« steer-by-wire ») et les interfaces à retour d’effort pour la Réalité Virtuelle, applications pour lesquelles on recherche, outre des consommations énergétiques et des temps de réponse faibles, des rapports couple sur volume élevés.
Compte-tenu, probablement, de la « nouveauté » de la technologie, le comportement des freins à liquides MR ne semblent pas avoir été caractérisé et modélisé au-delà des régimes permanent (réponse en couple à vitesse et courant constants) et transitoire (réponse en couple à l’application d’un échelon de courant à vitesse constante). On n’a trouvé, en particulier, aucune donnée expérimentale sur l’évolution du couple à la transition entre les régimes statique et dynamique de ces freins. Ces deux derniers sont définis par rapport au comportement rhéologique du liquide MR : tant que le cisaillement est inférieur au seuil d’écoulement en tout point du volume de liquide MR, celui-ci rappelle le rotor élastiquement (régime statique), et dans le cas contraire, il s’écoule, exerçant un couple sur le rotor croissant proportionnellement à la vitesse de ce dernier (régime dynamique). Les objectifs principaux fixés pour l’étude présentée dans ce mémoire était précisément de caractériser le comportement d’un frein à liquide MR à la transition entre ces deux régimes et de proposer un modèle du frein permettant de rendre compte de ce comportement en vue de la commande. L’objectif secondaire était d’étudier le lien entre l’hystérésis de la relation entre le couple de freinage et le courant et l’hystérésis magnétique des parties ferromagnétiques du frein et de parvenir à une modélisation de cette hystérésis. Notons que le frein-test présentait une architecture de type disque .
Liquides magnétorhéologiques
Description
Les liquides magnétorhéologiques (en abrégé : MR) sont des suspensions de particules magnétiques, de taille micrométrique (1−10 µm) et sphériques, dans des liquides supports non magnétiques. Lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique, ces matériaux sont le siège d’un effet éponyme, qui consiste en une agrégation des particules sous la forme de « chaînes » parallèles aux lignes du champ [Bos02] [Gen02]. Cette structuration du matériau à l’échelle macroscopique se traduit par une transition du comportement rhéologique de newtonien à plastique de Bingham, avec un seuil d’écoulement dépendant de l’intensité du champ [Jol99].
Les premiers liquides à présenter l’effet magnétorhéologique ont été synthétisés dans les années 40 aux Etats-Unis par Jacob Rabinow [Rab48], mais ce n’est qu’au début des années 90, avec l’avènement de formulations stables vis-à-vis de l’agrégation des particules et moins abrasives [Car01][Phu01] qu’ils commencèrent à intéresser une plus grande partie de la communauté des physiciens et des ingénieurs.
Les particules sont produites à partir de matériaux magnétiques doux à saturation élevée, typiquement du fer pur obtenu par décomposition de vapeur de fer pentacarbonyle F e(CO)5 (fig.1.1). Elles sont dispersées dans des huiles minérales ou synthétiques ou de l’eau après avoir reçu un traitement contre l’agrégation irréversible, complété, si nécessaire, par un traitement anti-corrosif. Les formulations sont finalement complétées par des agents stabilisants vis-à-vis de la sédimentation [Lim04]. Les liquides MR actuellement disponibles dans le commerce présentent des concentrations massiques en particules de l’ordre de 80 − 85%. Les seuils d’écoulement qu’ils développent sont de l’ordre de 50−100 kPa pour des champs de l’ordre de 150−250 kA/m. Le comportement rhéologique des liquides MR est présenté de façon détaillée dans la section suivante après quelques rappels de rhéologie.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art, problématique
1.1 Liquides magnétorhéologiques
1.1.1 Description
1.1.2 Propriétés rhéologiques
1.1.2.1 Rappels
1.1.2.2 Comportement rhéologique typique
1.1.2.3 Description de l’effet MR à l’échelle microscopique
1.1.3 Propriétés magnétiques
1.2 Etat de l’art des actionneurs à liquide MR
1.2.1 Structures, principes de fonctionnement
1.2.2 Applications
1.2.2.1 Génie civil
1.2.2.2 Automobile
1.2.2.2.1 Suspensions roues – chassis
1.2.2.2.2 Suspensions pour sièges de passagers
1.2.2.2.3 Directions électroniques
1.2.2.3 Industrie médicale
1.2.2.3.1 Prothèses de jambe
1.2.2.3.2 Rééducation musculaire
1.2.2.4 Réalité virtuelle
1.2.2.4.1 Joysticks
1.2.2.4.2 Interfaces haptiques portables
1.2.2.4.3 Bras haptiques
1.3 Conclusions
1.4 Problématique de la thèse
2 Conception du frein MR et dispositif expérimental
2.1 Expérience sur un cisailleur linéaire de liquide MR
2.1.1 Objectifs
2.1.2 Description
2.1.2.1 Dispositif expérimental
2.1.2.2 Protocole de mesure du seuil de force
2.1.3 Résultats
2.1.4 Calcul analytique du seuil de force
2.2 Conception du frein MR
2.2.1 Dimensionnement analytique du frein MR
2.2.1.1 Paramétrage du problème et hypothèses
2.2.1.2 Calcul du champ dans les entrefers
2.2.1.3 Calcul du couple
2.2.1.4 Dimensionnement sur la base d’un objectif de couple et
de linéarité de la relation couple – courant
2.2.1.5 Influence de l’hystérésis magnétique
2.2.2 Conception mécanique du frein MR
2.3 Dispositif expérimental
2.3.1 Description matérielle du banc
2.3.2 Modélisation de la chaîne d’entraînement du frein
2.3.2.1 Modèle électrique du moteur
2.3.2.2 Modèle mécanique de la chaîne d’entraînement
2.3.2.3 Modèle de simulation
2.4 Relevé préliminaire du couple à courant nul
2.5 Conclusions
3 Caractérisation et modélisation du frein MR
3.1 Caractérisation préliminaire
3.1.1 Protocole
3.1.2 Résultats
3.1.2.1 Chronogrammes
3.1.2.2 Caractéristiques couple – position
3.1.2.3 Caractéristiques couple – vitesse
3.1.2.4 Répétitions
3.1.3 Conclusions
3.1.3.1 Comportement du frein MR
3.1.3.2 Comparaison expérience – objectif de dimensionnement
3.1.3.3 Calcul du facteur d’amplification du frein MR
3.2 Modélisation mécanique du frein
3.2.1 Description du modèle
3.2.2 Calcul des constantes des ressorts modélisant le volume discrétisé de liquide MR
3.2.2.1 Raideurs
3.2.2.2 Amplitudes de décrochage
3.2.3 Simulations
3.2.4 Conclusions
3.3 Etude de l’hystérésis du couple
3.3.1 Relevés du couple en fonction de la vitesse .
3.3.1.1 Protocole
3.3.1.2 Résultats
3.3.1.2.1 Caractéristiques couple – vitesse
3.3.1.2.2 Cycles d’hystérésis des couples statique et dynamique
3.3.1.3 Conclusions
3.3.2 Relevés du couple en fonction du courant
3.3.2.1 Protocole
3.3.2.2 Résultats
3.3.2.3 Modélisation numérique du frein
3.3.2.3.1 Description du problème
3.3.2.3.2 Modélisation des lois de comportement magnétique des matériaux
3.3.2.3.3 Calcul du couple
3.3.2.3.4 Implémentation EF du modèle
3.3.2.3.5 Résultats
3.3.2.4 Conclusions
Conclusion
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