Caractérisation écologique et analyse structurale d’une Forêt Dense Humide de Basse Altitude

Madagascar constitue l’une des rares nations mondialement reconnues comme une écorégion unique en soi. Elle compte parmi les centres de biodiversité les plus riches au monde : les niveaux de diversité et d’endémisme de tous les groupes taxonomiques principaux y sont exceptionnellement élevés (MITTERMEIER et al., 1997 ; MITTERMEIER et al., 1999). Cette richesse de la biodiversité végétale malgache fait état de 12000 espèces, avec un taux d’endémisme spécifique très élevé d’environ 86% selon Perrier de la Bathie, 1936 (ANONYME, 2005b). Madagascar possède un taux d’endémisme et de richesse spécifique élevés, mais il est l’un des « hotspots » les plus menacés du monde pour la biodiversité terrestre (GREEN et SUSSMAN, 1990). En effet, les écosystèmes naturels de l’Ile sont soumis à un phénomène croissant de dégradation en partie liée à la stagnation du développement économique, à la croissance démographique et à la pratique continue de la culture sur brûlis. La conservation de la diversité biologique à Madagascar est devenue une priorité urgente au sein de la communauté scientifique internationale ces dernières années. Il est primordial d’augmenter la superficie des Aires Protégées à Madagascar. La Réserve Naturelle Intégrale n°1 de Betampona fait partie des dix premières Réserves Naturelles de Madagascar créées par le décret du 30 décembre 1927 et qui fut mis à jour par le décret n° 66-242 du 01 juin 1966. Actuellement, la superficie de la Réserve est de 2228 hectares, à altitude variant entre 270 et 590 mètres. La végétation climacique est caractérisée par une forêt dense humide sempervirente de basse altitude (HUMBERT & COURS DARNE, 1965), appartenant à la série à Anthostema (EUPHORBIACEAE) et MYRISTICACEAE. La région de Betampona est caractérisée par un climat tropical humide, de type bioclimatique perhumide tempéré (CORNET, 1974). La Réserve Naturelle Intégrale de Betampona est très riche au point de vue spécifique, cette richesse est estimée à 68 espèces végétales par 100 m2 de surface (PERRIER DE LA BATHIE, 1921). Malgré cet atout, la Réserve est sujette à une invasion de plantes envahissantes, aux effets néfastes des cyclones et aux diverses pressions anthropiques. Toutes ces pressions ont contribué à la vulnérabilité de la structure de certaines parties de la forêt (RATOVONAMANA, 2006). C’est pourquoi Madagascar National Parks et Madagascar Fauna Group (MFG) en collaboration avec le Département de Biologie et Ecologie Végétales de l’Université d’Antananarivo ont mis en place un projet relatif au : « Montage des plots de suivi dans la RNI de Betampona pour suivi écologique de la dynamique de la végétation », dont les principaux objectifs sont d’avoir des connaissances écologiques et biologiques pertinentes pour la gestion durable de la Réserve, d’établir des parcelles permanentes pour suivre la dynamique des forêts, la composition, la régénération et la croissance des espèces, et de trouver des solutions ou mesures alternatives à long terme suivant les résultats obtenus.

MILIEU D’ETUDE

CONTEXTE GENERAL

L’Aire Protégée de Betampona appartenant à la catégorie I de la Classification Internationale de l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN), est une Réserve Naturelle Intégrale, administrée principalement à des fins de protection de la nature sauvage et d’études scientifiques. Le massif forestier de Betampona joue un rôle important sur les fonctions écologiques, économiques et socio culturelles de cette région (ANGAP, 2004). La gestion de la RNI de Betampona s’effectue en collaboration entre Madagascar Fauna Group (MFG) et MADAGASCAR NATIONAL PARKS. Depuis 1990, MFG œuvre surtout dans le domaine de la recherche, la conservation, et de l’éducation environnementale, le SAF FJKM participe également dans le domaine de conservation et développement.

LOCALISATION DE LA ZONE D’ETUDE

Localisation géographique 

La Réserve Naturelle Intégrale de Betampona se localise dans la partie orientale de Madagascar, dans l’écorégion de l’Est. Elle se trouve à 25 km à vol d’oiseau à l’ouest de l’Océan Indien, à 40 km au Nord Ouest de la ville de Toamasina (Carte 1). La carte du Réseau National des Aires Protégées de Madagascar est présentée en Annexe I. La Réserve s’étend entre 17°51’- 17°55’ de latitude Sud et 49°11’- 49°15’ de longitude Est.

Localisation administrative
La Réserve se situe dans les Communes Rurales d’Ambodiriana et de Sahambala, District de Toamasina II dans l’ex- province de Toamasina, dans la Région Atsinanana. Elle est entourée par les six fokontany ci-après:

– Fontsimavo au Sud Est de l’AP ;
– Andratambe au Sud de l’AP ;
– Ambodirafia au Sud Ouest de l’AP ;
– Antananarina au Nord de l’AP ;
– Analamangahazo au Nord Est de l’AP ;
– Ambodiriana au Sud Est de l’AP.

MILIEU BIOTIQUE

Flore et Végétation

La Réserve de Betampona est marquée par une diversité spécifique élevée. 68 espèces se rencontrent sur 100 m2 de surface, à une altitude de 560 m (PERRIER DE LA BATHIE, 1921). La Réserve abrite quatre (4) familles endémiques: DIDYMELACEAE, MELANOPHYLLACEAE, SARCOLAENACEAE, et SPHAEROSEPALACEAE (SCHATZ & BIRKINSHAW, 2000) (Tableau 3). En plus, certaines espèces sont endémiques de la région même, comme par exemple : Chassalia betamponensis, Coffea betamponensis, Dypsis betamponensis, Dypsis pervillei, Dypsis schatzii, Mapouria betamponensis, Secamone betamponensis (BIRKINSHAW, 2002).

Actuellement, 219 espèces de plantes ligneuses ont été recensées (ANGAP, 2004). Elles se repartissent en 130 genres dans 54 familles, dont les plus représentées sont: ARALIACEAE, EUPHORBIACEAE, EBENACEAE, RUBIACEAE, MYRTACEAE, MYRISTICACEAE et FLACOURTIACEAE. La Réserve de Betampona est aussi très riche en Ptéridophytes à large distribution malgré son aire réduite, on y rencontre 151 espèces de Ptéridophytes. Pour les palmiers de la Réserve, 25 espèces réparties en 4 genres sont connues (ANGAP, 2004).

La végétation de la Réserve couvre 1758 ha de forêts primaires et 470 ha de forêts secondaires et de savoka (Carte 4). Selon PERRIER DE LA BATHIE (1921), la Réserve de Betampona appartient à la flore du vent. Elle fait partie du domaine de l’Est (HUMBERT, 1955), de la zone écofloristique orientale de basse altitude (FARAMALALA & RAJERIARISON, 1999) et dans l’écorégion humide (SCHATZ, 2000). Conformément au type du sol et de climat de la région, la végétation climacique est caractérisée par une forêt dense humide sempervirente de basse altitude (HUMBERT & COURS DARNE, 1965), appartenant à la série à Anthostema (EUPHORBIACEAE) et MYRISTICACEAE. La carte des Formations végétales de Madagascar est présentée en Annexe V. Pour le savoka âgé, les plantes sont diversifiées, généralement dominées par : Harongana madagascariensis, Aframomum angustifolium, Psidium cattleyanum, Psiadia sp, Ravenala madagascariensis et Rubus mollucanus.

Faune
La RNI de Betampona présente une grande potentialité du point de vue faunistique (BIRKINSHAW, 2002). Elle héberge 11 espèces de Lémuriens. Ces Lémuriens se répartissent en cinq familles : CHEIROGALEIDAE (Cheirogaleus major, Microcebus rufus et Phaner furcifer furcifer), DAUBENTONIIDAE (Daubentonia madagascariensis), INDRIIDAE (Avahi laniger et Indri indri), LEMURIDAE (Eulemur albifrons, Propithecus diadema et Varecia variegata) et LEPILEMURIDAE (Hapalemur griseus et Lepilemur mus mustelinus). D’après le dernier inventaire effectué par les agents de MFG en 2009, la Réserve abrite aussi 120 espèces d’Amphibiens (avec 4 familles), 23 espèces de Micromammifères (avec 8 familles), 69 espèces de Reptiles (avec 8 familles) et 100 espèces d’Oiseaux (avec 40 familles).

Homme et ses activités 

Population
La majorité de la population sont des Betsimisaraka, mais des immigrants venant d’autres régions y sont installés, comme les Merina, les Betsileo, les Sihanaka, les Tsimihety et les Antandroy. Chaque village est dirigé par un chef administratif représenté par le Président de fokontany, et un chef spirituel, le « Tangalamena ». La population est dominée par les jeunes, 49,44 % parmi les 9867 habitants ont plus de 16 ans (recensement effectué dans les villages périphériques de la Réserve en 2000). La sex-ratio est en équilibre, c’est-à-dire le rapport entre le nombre des naissances des garçons et des filles est en équilibre (RANDRIAMBELONA, 2002). L’infrastructure sanitaire est insuffisante. A cause de l’éloignement des Centres de Santé de Base (CSB), la population pratique la médecine traditionnelle en se rapprochant les divins guérisseurs ou en utilisant des plantes médicinales (RANDRIAMBELONA, 2002).

Activités
La principale activité de la population de cette région est l’agriculture, comme la riziculture sur brûlis, la culture de bananiers, des caféiers, et autres. Mais, les gens pratiquent des activités artisanales comme le tressage ou « Rary » comme autre source de revenus. La pauvreté accompagnée de la croissance démographique des villageois ont poussé les gens à augmenter la surface de terrains cultivables (IAMBANA, 2003).

Pressions sur la RNI de Betampona 

Dans le statut de conservation de Madagascar National Parks, la Réserve Naturelle Intégrale de Betampona est classée parmi les Aires Protégées qui ont une biodiversité élevée avec un niveau de menace supérieure. Selon ANGAP (2004), les pressions identifiées à l’intérieur et autour de la réserve de Betampona sont les suivantes:
➤ La coupe illicite, composée de coupe de bois d’œuvre (Dalbergia et Diospyros), bois de construction (bois rond, gaulette, Ravenala madagascariensis) et autres coupes ;
➤ La chasse, marquée par la présence des pièges des animaux ;
➤ Les feux incontrôlés, propagés vers le noyau dur de l’AP à cause de la non maîtrise de feux de nettoiement de terrain de culture (Tavy) situé à proximité de l’AP ;
➤ La collecte des produits secondaires : collecte de fibres et autres produits forestiers, prélèvement des cœurs (parenchyme apical) de Ravenala madagascariensis, Dypsis tsaravosira;
➤ La pêche, marquée par des traces de pas de pêcheurs au bord des rivières, la présence de matériels de pêches traditionnelles restés sur place ;
➤ Le défrichement touche le savoka et la forêt primaire qui longe le côté extérieur de l’AP dans la zone de protection ;
➤ La propagation des plantes envahissantes comme Rubus mollucanus (Takoaka) qui domine sur les bordures de la limite au Sud et à l’Est de la Reserve et Aframomum angustifolium (Longoza) au Nord.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : MILIEU D’ETUDE
I.1. CONTEXTE GENERAL
I.2. LOCALISATION DE LA ZONE D’ETUDE
I.2.1. Localisation géographique
I.2.2. Localisation administrative
I.3. MILIEU ABIOTIQUE
I.3.1.Climat
I.3.1.1. Température
I.3.1.2. Pluviométrie
I.3.1.3. Humidité relative
I.3.1.4. Vents
I.3.2. Relief
I.3.3. Géologie et Pédologie
I.3.4. Hydrographie
I.4. MILIEU BIOTIQUE
I.4.1. Flore et Végétation
I.4.2. Faune
I.4.3. Homme et ses activités
I.4.3.1. Population
I.4.3.2. Activités
I.4.4. Pressions sur la RNI de Betampona
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
II.1. DEFINITIONS
II.2. ETUDES PRELIMINAIRES
II.2.1. Etudes bibliographiques
II.2.2. Prospection du terrain
II.2.3. Choix et localisation des sites d’études
II.3. METHODE D’ETUDE DE LA VEGETATION
II.3.1. Méthode de Parcelles Permanentes de Suivi (PPS) ou Plots de Suivi
II.3.1.1. Principe
II.3.1.2. Dispositif et installation
II.3.1.3. Matériels
II.3.1.4. Mesure et marquage des arbres
II.3.1.5. Paramètres observés
II.3.1.6. Collectes botaniques
II.3.1.7. Identification des spécimens
II.3.2. Etude structurale
II.3.2.1. Structure horizontale
II.3.2.2. Structure verticale
II.4. ANALYSES MULTIVARIEES
II.4.1. Classification ascendante hiérarchique (CAH)
II.4.2. Analyse en Composantes Principales (ACP)
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1. CARACTERISTIQUES STATIONNELLES DES NEUF (9) PARCELLES D’ETUDES
III.2. DESCRIPTION DES PARCELLES D’ETUDES SUIVANT LEURS POSITIONS TOPOGRAPHIQUES
III.2.1. Parcelles Permanentes de Suivi sur bas versant : PPS 3, PPS 7 et PPS 8
III.2.1.1. Analyse floristique globale
III.2.1.2. Caractéristiques dendrométriques et structurales de la végétation
III.2.2. Parcelles Permanentes de Suivi sur mi versant : PPS 2, PPS 5 et PPS 6
III.2.2.1. Analyse floristique globale
III.2.2.2. Caractéristiques dendrométriques et structurales de la végétation
III.2.3. Parcelles Permanentes de Suivi sur haut versant : PPS 1, PPS 4 et PPS 9
III.2.3.1. Analyse floristique globale
III.2.3.2. Caractéristiques dendrométriques et structurales de la végétation
III.2.4. Récapitulation des données au temps zéro (To)
III.3. CARACTERISATION DES GROUPEMENTS VEGETAUX
III.3.1. Identification des différents groupements végétaux
III.3.2. Description des différents groupements végétaux
III.3.2.1. Groupement végétal 1 (G1)
III.3.2.2. Groupement végétal 2 (G2)
III.3.2.3. Groupement végétal 3 (G3)
III.3.2.4. Récapitulation des groupements végétaux
III.3.3. Relations entre facteurs écologiques déterminants et formation végétale des neuf parcelles permanentes
III.4. SYNTHESE DES RESULTATS
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
IV. 1. REMARQUES SUR LES METHODES D’ETUDES
IV. 1. 1. Avantages et fiabilités des méthodes
IV. 1. 2. Problèmes et difficultés sur terrain
IV. 2. REMARQUES SUR LES RESULTATS
IV. 2. 1. Sur le plan floristique
IV. 2. 1.1. Richesse spécifique
IV. 2. 1. 2. Comparaison avec les autres formations de type oriental malgaches
IV. 2. 2. Sur le plan structural et dendrométrique
IV. 2. 2. 1. Densité du peuplement (Nombre d’individus par hectare)
IV. 2. 2. 2. Surface terrière G (m2/ha)
IV. 3. IMPACTS DE L’ETUDE SUR LA CONSERVATION
IV. 3. 1. Rôle dans la stratégie de conservation
IV. 3. 2. Suivi écologique
IV. 3.2.1. Suivi dendrométrique
IV. 3. 2. 2. Entretien des parcelles permanentes
CONCLUSION GENERALE

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