Caractérisation de l’intercouche
Caractéristiques géométriques
Afin de définir les propriétés de notre matériau, il est indispensable d’en connaître la géométrie. Une vue de sa tranche est présentée sur la Figure 2.1a. Ce stratifié possède des intercouches composées d’une résine thermodurcissable comportant des particules thermoplastiques. Pour toutes les séquences d’empilement, ces intercouches sont présentes entre chaque pli, peu importe leur orientation. La caractérisation des plis et des intercouches se fait en mesurant quatre valeurs : épaisseurs (plis et intercouches), taille des particules (supposées sphériques) et taux volumique de particules. Comme le montre la Figure 2.1a, ces valeurs ne sont pas constantes mais varient autour d’une moyenne. En effectuant des mesures sur plusieurs échantillons, nous avons pu définir ces valeurs moyennes, récapitulées dans la Figure 2.1b. Elles seront principalement utilisées dans le Chapitre 3. Ces valeurs montrent que les intercouches ont une épaisseur environ quatre à cinq fois plus faible que celle des plis, alors que le rapport est plutôt de vingt pour les stratifiés classiques. Au sein de l’intercouche, les particules sont réparties de manière assez hétérogènes, laissant ainsi des régions riches en résine. Ceci peut être responsable de la variation d’épaisseur de l’intercouche car ce sont les grosses particules ou leurs agglomérats qui lui confèrent son épaisseur.
Loi de comportement
Afin de caractériser l’intercouche, il est nécessaire de définir les propriétés de ses particules. Notre fournisseur nous a transmis les trois principaux points de la courbe de traction obtenue à partir d’un essai sur le matériau constituant les particules (norme ISO 527). Cela permet de tracer la courbe de comportement des particules, représentée sur la Figure 2.2. .
Cette courbe est constituée d’une première partie linéaire (jusqu’à (ǫe, σe)) caractérisée par sa pente Ep. Le module d’Young Ep des particules peut donc être calculé et sa valeur se situe entre 1 et 5 GPa. La pente de la courbe s’atténue et atteint la contrainte maximale (ǫs, σs). Enfin, la contrainte diminue avec l’augmentation de la déformation jusqu’à la rupture du matériau (ǫr, σr). Il est important de remarquer que la dispersion des valeurs est très importante, en particulier pour la rupture du matériau. Pour l’analyse numérique faite dans la Section 3.2, les valeurs nominales seront prises. Cette courbe de comportement est à comparer avec celle d’autres polyamides ([Mouhmid et al., 2006]). Ces derniers présentent une plasticité quasi-parfaite (plateau de la courbe) avant de rompre à un niveau de déformation très élevé (> 20 %). La matrice époxyde constituant l’intercouche présente des propriétés classiquement décrites dans la littérature avec un module d’Young compris entre 3 et 4 GPa.
Description des essais Compact Tension
Plan d’expérience
Afin de caractériser l’intercouche en termes de KIc et GIc , des essais en mode I sur la résine sont réalisés. Comme nous le verrons dans la Section 2.2.2.1, les essais Double Cantilever Beam (DCB) sur un stratifié uni-directionnel ne permettent pas d’obtenir les propriétés de la résine car la propagation de la fissure se fait principalement de manière adhésive. Ainsi, dans les stratifiés, le paramètre important en mode I d’ouverture d’une fissure amorcée entre deux plis n’est pas la propriété de l’intercouche mais celle de son interface avec le pli. Pour obtenir les caractéristiques intrinsèques de l’intercouche, des essais CT sont réalisés sur de la résine qui la constitue. Dans le but de quantifier l’apport des particules, deux lots de résine ont été testés. La première résine, contrairement à la seconde, ne contient pas de particules thermoplastiques : elle sert de référence pour les valeurs de ténacité. Ce type d’essai est très utilisé dans la littérature ([Mazars et Pijaudier-Cabot, 1996, Pinho et al., 2006, Zhu et Joyce, 2012]). Il existe deux normes pour mesurer la ténacité d’une résine thermoplastique : ASTM D 5045-99 ([ASTM, 1999]) et IGC 04.26.680 (norme interne Airbus, « Résines thermodurcissables, Essai de ténacité »). Les deux normes sont très similaires, la différence principale étant la formule permettant le calcul de KIc . Les machines d’usinage étant calibrées pour la norme interne IGC, nous utilisons cette dernière. La géométrie des éprouvettes est précisée sur la Figure 2.3. Les épaisseurs de ces éprouvettes sont de 7 mm. Néanmoins, des éprouvettes d’épaisseur 5 mm sont aussi réalisées dans le but d’observer et de contrôler par translucidité la répartition des particules dans l’épaisseur. Le plan d’expérience est détaillé dans le Tableau 2.1. Il comprend au total seize essais, à raison de quatre par configuration de résine avec/sans particules et d’épaisseur 7/5 mm. Ceci permet l’étude de la variabilité.
Réalisation des essais
Les lots de résine qui nous ont été livrés n’ont dans un premier temps pas été conservés dans les conditions optimales de température. Pour vérifier la qualité de la résine, un essai physico-chimique Differential Scanning Calorimetry (DSC) a été réalisé. La température de transition vitreuse (Tg) a été mesurée et sa comparaison à la valeur théorique confirme que le matériau n’a pas été détérioré. Pour chaque type de résine, deux plaques capables de dimensions 100 × 50 × 10 mm ont été réalisées puis découpées pour atteindre les épaisseurs souhaitées (5 et 7 mm). Dans chaque plaque sont débitées quatre éprouvettes. La grande difficulté lors de la fabrication de ces plaques a été de contrôler l’exothermie de la résine et aussi la présence de bulles d’air. La cuisson de chaque plaque a été suivie d’un débullage de 2 h. Comme nous le verrons, ceci n’a cependant pas été suffisant pour enlever les nombreuses bulles d’air .
Après usinage, les éprouvettes obtenues sont pré-fissurées avec une lame de rasoir et une masse tombante (140 g d’une hauteur de 40 mm, voir Figure 2.4). Un contrôle de la longueur de la pré-fissure est indispensable pour garantir une valeur comprise entre 1.6 mm et 4.4 mm. Une longueur trop courte, comme cela s’est produit sur l’éprouvette 3, amène une propagation instable de la fissure sur l’ensemble de l’éprouvette. L’ouverture de l’éprouvette en mode I se fait en imposant un déplacement dans l’axe sur chacun de ses bras à une vitesse de 0.1 mm·min−1 (machine INSTRON 4502 de 10 kN). Après la première propagation de fissure (qui se fait alors de manière instable mais sur une petite longueur), l’éprouvette est déchargée puis rechargée jusqu’à la nouvelle propagation. Ce cycle est effectué au moins quatre fois. La longueur lf de la fissure est mesurée visuellement par binoculaire sur les deux faces de l’éprouvette à chaque propagation (la valeur moyenne est utilisée). Elle est prise à partir de l’axe des trous jusqu’à la pointe de la fissure. Chaque cycle renseigne une force critique Fc nécessaire à propager une fissure qui possède une longueur lf et permet d’obtenir une valeur de KIc selon l’équation (2.1) de la mécanique de la rupture. La valeur de KIc est une propriété intrinsèque du matériau et ne devrait donc pas dépendre de la longueur de la fissure. Nous verrons cependant une décroissance des valeurs KIc en fonction de lf , notamment pour les fissures trop proches du bord (< 4.5 mm). Même si cela n’est pas précisé dans la norme, toutes les valeurs de KIc ne sont pas prises en compte dans le calcul de la moyenne. Dans la pratique, des règles ont été définies pour ne prendre en compte que les valeurs pertinentes. Ainsi, la première est supprimée car le front de fissure créé par la lame de rasoir n’est jamais propre. De plus, les dernières valeurs, correspondantes à des fissures trop proches du bord de l’éprouvette (< 4.5 mm), sont supprimées car elles ne rentrent plus dans les limites de validité de l’équation (2.1). Sous l’hypothèse d’élasticité linéaire en contraintes planes, le taux de restitution d’énergie critique GIc peut être calculé par l’équation (2.2). GIc est calculé (voir Annexe A) pour indication car la formule n’est pas correcte dans un milieu hétérogène.
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Table des matières
Introduction
1 Recherches Bibliographiques
1.1 Ingénierie des intercouches
1.1.1 Histoire
1.1.2 Intercouches homogènes
1.1.3 Intercouches hétérogènes
1.1.4 Autres approches
1.1.5 Conclusion
1.2 Mécanique de la rupture
1.2.1 Histoire
1.2.2 Les deux approches de la mécanique de la rupture
1.2.3 Stabilité / Courbe R
1.2.4 Conclusion
1.3 Méso-modèle d’endommagement
1.3.1 Les mécanismes d’endommagement dans les stratifiés
1.3.2 Définition et hypothèses du méso-modèle
1.3.3 Modélisation du pli .
1.3.4 Modélisation de l’interface
1.3.5 Adaptation à une intercouche
1.3.6 Conclusion
1.4 Synthèse
2 Caractérisation du stratifié avec intercouches
2.1 Caractérisation de l’intercouche
2.1.1 Caractéristiques géométriques
2.1.2 Loi de comportement
2.1.3 Description des essais Compact Tension
2.1.4 Analyse des résultats
2.1.5 Conclusion
2.2 Identification des paramètres du méso-modèle
2.2.1 Comportement intra-pli
2.2.2 Comportement inter-pli
2.2.3 Conclusion
2.3 Comportement de fissure transverse et de micro-délaminage
2.3.1 Description de l’essai Double Entaille
2.3.2 Analyse macroscopique
2.3.3 Analyse microscopique
2.4 Synthèse
3 Analyse numérique des endommagements locaux
3.1 Outil d’analyse d’un VER avec intercouches et particules
3.1.1 Fonctionalités
3.1.2 Conditions de périodicité
3.2 Analyse de la fissuration transverse
3.2.1 Présentation de l’étude
3.2.2 Résultats
3.2.3 Influence de l’épaisseur du pli
3.2.4 Conclusion
3.3 Analyse de la transition fissuration transverse / micro-délaminage
3.3.1 Présentation des mécanismes
3.3.2 Paramètres et convergence du maillage
3.3.3 Effet du diamètre et de la rigidité de la particule
3.3.4 Effet de la position de l’intercouche et ρ
3.3.5 Cinétique de fissuration
3.3.6 Gain en ténacité
3.3.7 Conclusion
3.4 Analyse du micro-délaminage
3.4.1 Présentation de l’étude
3.4.2 Résultats
3.4.3 Influence de l’épaisseur du pli
3.4.4 Conclusion
3.5 Synthèse
4 Comparaisons Essais – Simulations
4.1 Stratifiés croisés [0n/90m/0n]
4.1.1 Comparaison des cinétiques avec un stratifié sans intercouche
4.1.2 Adaptation de la loi de fissuration transverse du méso-modèle
4.1.3 Simulation des essais de stratifiés croisés avec intercouches
4.1.4 Conclusion
4.2 Simulation des essais Double Entaille
4.2.1 Présentation de la simulation
4.2.2 Résultats
4.2.3 Conclusion
4.3 Indentation
4.3.1 Présentation de l’essai
4.3.2 Résultats
4.4 Synthèse
Conclusion
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