Caractérisation du potentiel de croissance pour une gamme d’espèces candidates ; traits de réponse à l’ombrage.

Au stade jeune, en période de croissance dans un environnement stable et sans compétition, la croissance d’une plante peut être décrite par l’équation suivante :

Bm(t) = Bmo*exp(RGR*t) (1)

Où Bm est la biomasse (en g.m² ) t le temps et RGR le Relative Growth Rate (g.g-1).

Le RGR est une façon simple de décrire la croissance au démarrage, ce paramètre étant le coefficient multiplicateur du temps dans cette exponentielle. Ce taux est constant tant que l’environnement de l’individu plante est stable. Mais l’utilisation de cette équation devient difficile dès que la compétition s’installe entre les plantes. En effet, dès qu’une compétition pour la lumière intervient, ce paramètre décroît rapidement (après quelques semaines). La relation (1) est donc surtout utilisée sur des plantes isolées. Nous utiliserons d’ailleurs ce formalisme pour décrire la croissance des plantes de couverture en plante isolée et avant leur entrée en compétition dans un couvert.

En agronomie, l’étude de l’effet de la quantité de lumière interceptée sur la croissance est surtout menée à l’échelle du couvert et non à celle de l’individu, il y donc très peu d’études utilisant le RGR pour décrire la croissance d’un couvert, même si certains auteurs l’ont tenté (e.g. Goudriaan et Monteith, 1990). De plus, les erreurs associées à la détermination du RGR sont importantes, car son calcul dépend de faibles différences de croissance entre des observations successives, ce qui est problématique lorsqu’on veut comparer l’effet de multiples environnements.

Le fonctionnement photosynthétique de la plante résulte de celui de l’ensemble de ses feuilles. A cette échelle, ce fonctionnement est illustré par les deux graphiques suivants (cf. Figure 1) tirés de Kodaja et Tooming (2004) :

– le graphique de gauche montre que l’activité photosynthétique (quantité de CO2 fixée pour une quantité de PAR absorbée) en fonction de la lumière absorbée. La valeur du PAR où la pente de la courbe est la plus forte correspond à l’efficience maximale de conversion du rayonnement. Après ce point, la photosynthèse nette continue à augmenter mais de façon asymptotique, ce qui signifie que la photosynthèse sature pour de fortes valeurs de PAR.
– le graphique de droite montre que la courbe de réponse de la photosynthèse nette d’une espèce est caractérisée par un point de compensation où l’intensité de la photosynthèse nette est nulle, correspondant au niveau de rayonnement où la photosynthèse compense la respiration. L’efficience photosynthétique (quantité de CO2 supplémentaire fixée pour une unité additionnelle de PAR interceptée) est maximale pour les faibles éclairements, décroît ensuite pour de fortes valeurs du PAR lorsque la lumière sature les capacités photosynthétiques.

Les espèces ayant les plus fortes potentialités de production de biomasse ont les plus fortes activités photosynthétiques et une faible respiration comme le maïs, la canne à sucre et le sorgho (métabolisme de type C4). Les espèces tolérantes à l’ombrage sont caractérisées par un point d’efficience maximale obtenu pour une faible valeur de rayonnement.

L’analyse de la relation entre croissance et quantité de lumière interceptée par une espèce cultivée est généralement réalisée en peuplement, ce qui pose des problèmes d’extrapolation pour les densités faibles et pour une utilisation en couverts plurispécifiques. Ainsi, dans les conditions de nos travaux, il est plus pertinent de représenter le fonctionnement à l’échelle de l’individu. En agronomie, la dynamique de croissance est le plus souvent décrite directement en utilisant la loi de Beer-Lambert pour calculer le coefficient d’interception de la lumière de l’espèce s’il n’est pas connu au préalable. La pente de la relation entre la quantité de lumière interceptée et la biomasse produite correspond à l’efficience photosynthétique, la RUE (Gosse et al., 1982, Ceotto et al., 2013, Singer et al., 2011). Les RUE les plus élevées sont généralement obtenues par les plantes en C4 comme le maïs et le Sorgho (environ 2.5 g.MJ-1m- ² selon Gosse et al., 1986), les plantes en C3 ont des valeurs plus faibles (2 gMJ-1m- ² pour le blé) ou les légumineuses (1.66 g.MJ-1m-2 pour Vigna sp. et 1.05 g.MJ-1m-2 pour Vigna unguiculata). Hors des conditions optimales, les valeurs de RUE dépendent fortement du niveau d’azote mobilisé par la culture. Par contre les coefficients d’extinction de chaque espèce ne sont pas affectés par la nutrition azotée (Fletcher et al 2013). Cependant, ces valeurs reposent sur l’hypothèse d’une RUE constante par rapport à la variation de quantité de lumière reçue par le couvert. Or des études, par exemple celles menées sur des fourrages utilisés sous des cultures pérennes (palmier, cocotier…), ont montré qu’une baisse de l’intensité lumineuse de 25% réduit de seulement 10% la production de biomasse du fait d’un accroissement de la RUE. Cet effet a été expliqué par le fait qu’avec l’ombrage, la part de rayonnement diffus augmente et qu’une forte augmentation du rayonnement diffus accroit significativement la RUE (Healey, 1998). Cela justifie d’expliciter le fonctionnement de la plante dans une gamme de valeurs de ressource lumineuse correspondant à divers niveaux d’ombrage. C’est ce que nous proposons dans ce qui suit.

Modalités d’implantation et de conduite des plantes évaluées 

Le semis a été réalisé en poquets distants de 50 cm, sur un mulch issu d’un couvert spontané détruit au glyphosate, dont l’épaisseur limitait l’émergence d’adventices. Deux semaines après semis nous avons pratiqué une sélection de plantules de taille homogène (élimination des plants de petite taille). Des désherbages manuels ont ensuite été réalisés pour éviter tout ombrage et toute concurrence d’adventices. Par la suite, sous l’effet des prélèvements pour observation ou d’éclaircissage un écartement suffisant entre les plantes est maintenu pour qu’elles ne puissent pas subir l’influence de l’ombrage de leurs voisines.

Une fertilisation de 30 Kg N.ha-1 et de 60 Kg P2O5.ha-1 (diammonium phosphate) a été apportée avant semis, apport renouvelé 30 et 75 jours après semis. Cet apport est calculé pour pouvoir couvrir les besoins d’une plante ayant une croissance de 75g de matière sèche à 3% d’azote sur la base d’une surface de 0.25 m² (50 cm de distance entre plantes). Pour le phosphore, avec les apports réalisés, cet élément n’est pas limitant.

Sur les 49 jours après semis, du 23/09/2011 au 11/11/2011, les plantes sans ombrage ont été soumises à un rayonnement journalier moyen de 10.5 MJ, avec un écart type de 2.47MJ, ce qui correspond tout à fait à la moyenne annuelle 10.5 MJ. Les plantes soumises au traitement expérimental 62L et 38L ont donc reçu un rayonnement journalier moyen sur cette période de respectivement 6.55 MJ et 3.96 MJ.

Prélèvement de plantes, et variables mesurées 

Les plantes ont été prélevées une première fois au stade plantule (date de premier prélèvement dépendant de la vitesse de croissance à la levée), puis deux semaines plus tard, puis toutes les trois semaines, pour un total de quatre dates de prélèvement. A chaque date, sur chaque placette, quatre plantes ont été prélevées. A l’issue des deux premiers prélèvements, l’écartement entre plantes est augmenté à 70 cm du fait de la suppression des plantes immédiatement voisines. Au dernier prélèvement l’écartement entre plantes correspondait à 1m x 1m. Malgré cela, pour les espèces ayant les croissances les plus fortes, l’évolution de l’envergure nous a parfois contraint à écourter la durée de suivi : Vigna unguiculata, qui avait des difficultés à rester érigée et avait tendance à retomber ; Mucuna pruriens, pour laquelle en raison de son port rampant et la longueur de ses lianes (malgré des interventions pour les diriger) nous ne pouvions plus éviter le chevauchement.

Variables mesurées sur les plantes prélevées Sur chaque individu prélevé pour observation, nous avons mesuré :
– La biomasse parties aériennes Bmpa (plante coupée au niveau du sol),
– La biomasse foliaire plante entière.

La proportion de biomasse foliaire, le LWR (Leaf Weight Ratio), a été calculé en divisant la biomasse foliaire par la biomasse totale des parties aériennes. La surface foliaire a été évaluée par digitalisation des surfaces des feuilles (comprenant le pétiole) ou d’un sous échantillon au scanner en niveaux de gris à une résolution de 200ppp, avec traitement des images par le logiciel ImageJ (transformation en image noir/blanc par seuillage sur les niveaux de gris, évaluation du nombre de pixels noirs par scanner correspondant aux feuilles sur l’image par l’opération du menu «Analyse particules », puis transformation en surface par conversion en cm² à partir de la résolution en nombre de pixel/pouce). Le SLA (Specific Leaf Area) a été obtenu en divisant la surface foliaire par la masse sèche des feuilles, déterminées après séchage 48h à 60°C de l’échantillon scanné. Le SLA est exprimé en cm².g -1 de matière sèche. Le LAR est obtenu par le produit du LWR par le SLA.

Dynamique de croissance en biomasse 

Analyse par espèce des dynamiques de croissance en biomasse aérienne

Les séries sont repérées par le nom de l’espèce étudiée et le niveau de lumière en% de l’éclairement naturel. Pour toutes les espèces et pour les trois niveaux de lumière, les courbes ont une allure linéaire pour les trois premières observations ; l’échelle des ordonnées étant logarithmique, cela indique des dynamiques de croissance exponentielles en pleine lumière comme pour les deux niveaux d’ombrage. Pour la quatrième observation (pour les espèces où cette mesure a été réalisée) il apparaît une baisse de la vitesse de croissance, en particulier pour P. phaseoloides et N. Wightii. L’effet des différents niveaux de lumière a donc un impact important, en particulier pour C. pascuorum et S. guianensis, plus faible pour les autres espèces.

Pour chaque espèce, l’analyse ANCOVA sur la variable ln[Bmpa] pour les trois première mesures, avec en variables explicatives, le bloc et les niveaux de lumière et en covariable le temps permet d’évaluer les effets des niveaux de lumière sur la dynamique de croissance (tableau 2). Les comparaisons de moyennes permettent par ailleurs d’identifier pour chaque espèce les conditions lumineuses pour lesquelles la production de biomasse est maximale et de quantifier les effets dépressifs de l’ombrage sur la croissance.

Les espèces étudiées peuvent être regroupées en trois types de réponse à l’ombrage.
– Pour CP, VU et SG, l’ANCOVA montre un effet du niveau de lumière en interaction avec le temps (P<0.005 pour CP et VU, P<0.05 pour SG) : la pente est modifiée par le niveau de lumière. Pour chacune de ces espèces la plus forte pente de croissance en biomasse (RGR) est obtenue avec les traitements 62L et 100L. Les pentes ne sont pas significativement différentes entre ces deux modalités, alors que le traitement 38L (correspondant à 62% d’ombrage) présente une pente plus faible (cf. Tableau 2).
– Pour deux autres espèces MP et CC, un effet lumière est observé (P<0.05), mais sans interaction avec le temps : cela correspond à un effet dépressif du plus fort ombrage sans modification de la pente. Pour MP, la plus forte biomasse est obtenue sans ombrage. CC obtient la croissance la plus forte avec 62L, alors que la croissance en biomasse sur 38L et 100L est moins importante.
– Enfin, pour les trois espèces PP, NW et CS il n’apparait aucun effet de la lumière sur la croissance.

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Table des matières

Introduction générale
1) Objectifs de la thèse
2) Présentation de la démarche
Chapitre 1 : Analyse des interactions entre le bananier et sa couverture vivante pour deux espèces (Brachiaria decumbens et Cynodon dactylon)
Introduction
Abstract
Introduction
Materials and methods
Results
Discussion
Conclusion
Chapitre 2 : Caractérisation du potentiel de croissance pour une gamme d’espèces candidates ; traits de réponse à l’ombrage
1. Introduction
2. Problématique et démarche adoptée.
3. Matériel et méthodes
4. Résultats
4.1. Dynamique de croissance en biomasse
4.2 Croissance en surface foliaire et LAR des huit espèces évaluées
4.3 Relation entre vitesse de croissance en biomasse et réponse du LAR
4 .4 Conclusion : typologie des stratégies d’utilisation de la lumière des espèces évaluées
Chapitre 3 : Proposition d’un modèle de croissance et test du comportement de trois espèces en peuplement monospécifique
Introduction
1. Etude expérimentale de la réponse de la RUE à cinq niveaux d’ombrage
1.1. Matériel et méthodes
1.2 Résultats.
1.2.1 Relation entre la hauteur, l’envergure et la biomasse
1.2.2 Effet de l’ombrage sur le LAR
1.2.3 Effet de l’ombrage sur l’efficience photosynthétique
1.3 Conclusion
2. Modélisation de la croissance des trois espèces étudiées
2.1 Représentation de la compétition pour la lumière entre plantes dans un couvert cultivé
2.2 Choix réalisés pour modéliser le potentiel de croissance de couverts de plantes de services.
2.3 Construction du modèle.
2.3.1 Principe et structure générale du modèle
2.3.2 Description du modèle
2.4 Validation du modèle
2.4.1 Présentation de l’expérimentation
2.4.2 Résultats
2.4.3 Discussion des résultats de la comparaison entre croissance observée et simulations du
modèle
Chapitre 4 : Fonctionnement en pleine lumière du couvert associant plantes de service et adventices.
Introduction
Objectif
1. Matériel et méthodes
1.1 Installation de l’expérimentation
1.2. Prélèvements et mesures
2. Résultats
2.1. Croissance des trois Pds en couvert monospécifique et en présence des adventices
2.2. Réponse des adventices à la présence des PDS : niveau de contrôle des adventices
3. Discussion sur le contrôle des adventices
Chapitre 5. Etude du fonctionnement du couvert associant Pds et adventices sous bananeraie
Introduction
Abstract
Introduction
Materials and methods
Results and discussion
Cover crop growth, weed biomass response and impact on total nitrogen uptake of the covers
Impact of the different cover managements on the soil mineral N content
Banana growth and yield component responses to living covers treatments
Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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