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Vers des valeurs intrinsèques
La ténacité à l’amorçage Ji
[Eisele, Roos – 90] cherchent à trouver de manière plus précise la valeur de J à l’amorçage de la propagation en lisant sur le diagramme J-∆a la valeur de J pour une propagation égale à la taille de la zone d’émoussement. La zone d’émoussement est mesurée au microscope électronique à balayage. La valeur Ji obtenue semble intrinsèque au matériau. [Roos – 93] obtient des valeurs comparables pour différents type d’éprouvettes.
[Chapuliot – 98] valide la transférabilité de Ji d’éprouvettes à structures. Il propose une méthode permettant de déterminer Ji sur éprouvettes CT de petite taille. Sur ces éprouvettes, il existe un gradient de triaxialité important dans l’épaisseur et J varie fortement sur le front. La valeur lue de J sur la courbe J-∆a est donc une valeur moyenne le long du front. La valeur moyenne à l’amorçage (Ji_moyen) est obtenue sur la courbe J-∆a en considérant une avancée de fissure égale à la taille de la zone d’émoussement (Figure I-7). Une simulation numérique permet ensuite de retrouver les valeurs de J maximales correspondant aux valeurs moyennes. Ji est la valeur maximale correspondant à la valeur moyenne à l’amorçage. Le critère est ensuite appliqué à une géométrie de piquage fissuré soumis à un chargement de flexion hors plan. La comparaison des estimations calculées de charge à l’amorçage et des valeurs mesurées lors de l’essai permet de confirmer que le critère est prédictif.
L’approche énergétique Ji-Gfr pour les grandes propagations
Devant les difficultés rencontrées pour décrire la déchirure à partir de paramètres représentatifs des champs de contraintes en pointe de fissure comme Q ou T, certains auteurs se sont concentrés sur des méthodes énergétiques.
Les résultats de [Kanninen – 79] ouvrent la possibilité de modéliser la propagation en déchirure ductile uniquement à partir de considérations énergétiques. Il montre qu’il existe un taux de restitution d’énergie R caractérisant le processus de rupture, indépendant de la géométrie. Les travaux de [Turner – 90] montrent que l’énergie dissipée dans la structure au cours de la propagation se décompose en un terme dû à la plasticité globale dans l’ensemble de la structure et un terme dû à la rupture sans pour autant réussir à les distinguer.
[Marie – 99] développe une méthode permettant d’isoler le terme représentant l’énergie dissipée participant au processus de rupture et montre qu’il est relié à une grandeur caractéristique du matériau noté Gfr. La ténacité critique Ji est utilisée comme critère d’amorçage de la propagation. Il met en évidence numériquement que l’énergie de rupture δUrupt nécessaire pour une avancée de fissure de longueur λ est proportionnel à cette longueur via Gfr : Gfr = δUrupt λ (λ) (I-12)
Approches locales de la déchirure ductile
Les modèles d’approches locales sont basées sur la description des phénomènes micromécaniques de ruine du matériau. Elles s’appuient sur un calcul de l’endommagement en pointe de fissure afin de modéliser l’énergie dissipée dans le processus de rupture. Dans le cas de la déchirure ductile, les mécanismes d’endommagement ont été rappelés au §I.2.1.
Germination de cavités
Les cavités prennent généralement naissance sur des inclusions. La germination est alors le résultat soit de la rupture de ces inclusions par clivage, soit de leur décohésion avec la matrice. En écrivant qu’à la germination la contrainte locale doit être au moins égale à la contrainte de rupture de l’inclusion et l’énergie libérée égale à l’énergie de rupture de l’inclusion, on obtient une déformation critique décroissante lorsque la taille des inclusions augmente (Figure I-10).
Dans la pratique, la taille critique dc est de l’ordre de quelques microns, de telle sorte que pour la majorité des inclusions qui ont une taille supérieure, il suffit de se préoccuper du critère associé à la contrainte dans l’inclusion et à l’interface, égale à la contrainte de rupture. La condition d’amorçage s’écrit alors [Mudry – 82] : σ d = σ1 + λ(σ eq –σY )
Bilan sur les modèles de déchirure ductile
L’approche globale de la rupture fournit plusieurs critères simples permettant de caractériser la déchirure ductile :
L’intégrale de contour J, caractérisant la variation d’énergie potentielle lors d’une extension de fissure, de par ses propriétés très intéressantes, a rencontré un franc succès dès les années 70 et fait l’objet de plusieurs normes pour caractériser l’amorçage et la propagation stable de fissure. Cependant, la courbe de résistance à la déchirure ductile J-∆a souffre d’un problème de transférabilité.
Plusieurs approches ont tenté de corriger ces effets de géométrie ou d’échelle par l’ajout d’un second paramètre représentatif de la triaxialité ou du confinement. Ces approches, basées sur un champ de contrainte de référence, se sont révélées coûteuses pour l’application aux structures (nécessité de mise en place d’abaques), et ne semblent adaptées que pour des analyses qualitatives. De plus, l’utilisation d’un champ de référence, uniquement valable dans les cas stationnaires, reste discutable dans le cas de la propagation.
La ténacité à l’amorçage Ji a en revanche montré de très bonnes propriétés de transférabilité, tant entre éprouvettes de laboratoire que vers les structures.
L’approche énergétique Gfr est basée sur la séparation de l’énergie dissipée au cours de la propagation, en un terme de plasticité globale et un terme de rupture (Gfr). Une méthode de détermination simple de Gfr à partir de la composante plastique de J lors d’un essai de déchirure a été proposée. L’utilisation de ce modèle sur différentes géométries a permis de mettre en évidence sa transférabilité.
L’approche locale de la déchirure ductile des aciers faiblement alliés est basée sur la modélisation de l’endommagement du matériau par un mécanisme de germination, de croissance et de coalescence de cavités nées sur des inclusions de seconde phase.
Rice et Tracey ont mis en évidence le rôle important de la triaxialité des contraintes sur le taux de croissance des cavités.
La mécanique des milieux poreux propose de prendre en compte un couplage entre le comportement du matériau et l’endommagement. La croissance des cavités est décrite par des potentiels d’écoulement plastiques dans lesquels interviennent la triaxialité des contraintes et la porosité du matériau.
Ces méthodes, basées sur des concepts de micro-mécanique, sont puissantes car elles permettent de s’affranchir des problèmes de taille ou de géométrie et permettent de traiter des problèmes tridimensionnels (anisotropie, effet tunnel, fissures elliptiques). Cependant elles présentent encore aujourd’hui plusieurs inconvénients qui limitent leur application :
Les paramètres à identifier sont nombreux et demandent un savoir-faire spécifique.
Les calculs numériques associés sont lourds et ne sont donc pas à la portée de tous les bureaux d’étude.
Les applications aux structures, essentielles pour les industriels, restent rares, preuves des difficultés d’application.
La dépendance à la taille de maille des modèles reste un point très critiqué car difficilement acceptable mécaniquement. Les travaux encore en cours sur les techniques de délocalisation n’ont aujourd’hui pas résolu ce problème car ils introduisent eux-mêmes une distance caractéristique dépendante des fonctions de délocalisation.
Modèles de rupture fragile
Facteur d’intensité des contraintes critique
Lorsque la plasticité reste confinée, il est possible d’utiliser le facteur d’intensité de contrainte issu de la mécanique élastique linaire de la rupture et de définir un facteur critique KIC correspondant à la résistance de l’éprouvette à la rupture brutale par clivage. Il est représentatif du chargement à rupture et fournit donc un critère simple de comparaison entre éprouvettes. Ce paramètre présente une dispersion croissante avec la température.
Modèle RKR
Le modèle de [Ritchie – 73], dit modèle «RKR», tente de relier la ténacité et son évolution avec la température à un critère local de rupture. La rupture brutale se produit lorsque la contrainte maximale σyy atteint la valeur critique de clivage σc sur une distance caractéristique X0 de la pointe de fissure. X0 et σc sont jugées indépendantes de la température et c’est la limite d’élasticité qui varie (Figure I-11). Ainsi, lorsque la température augmente, la limite d’élasticité chute et une plus grande intensification des contraintes est nécessaire pour atteindre la contrainte σc à la distance X0 qui est dans un premier temps estimée égale à 2 fois la taille de grains. Plus tard [Curry – 78] ne trouve pas de relation simple entre cette distance X0 et la taille de grain. Cette dimension doit cependant être liée à la distribution des inclusions à l’origine de la rupture [Curry – 79].
Evaluation de la ténacité dans la zone de transition
D’une manière générale, le domaine de transition fragile/ductile d’un matériau est défini par la plage de température sur laquelle le matériau passe d’une rupture fragile à une rupture ductile. Il est difficile de définir une température de transition liée au matériau. Généralement, cette plage de température dépend de multiples critères : géométrie de l’éprouvette, type de chargement, forme du défaut, etc.
La norme [AFNOR – 90], sur les essais de résilience, ou essais Charpy, définit un protocole expérimental précis permettant de comparer les matériaux entre eux. La courbe de résilience (Figure I-16) trace l’évolution de l’énergie absorbée par l’éprouvette en fonction de la température. Elle présente un palier à basse énergie, caractéristique de la rupture fragile instable à basse température, et un palier à haut énergie caractéristique de la rupture ductile, stable, et à haute température. La plage de température intermédiaire correspond au domaine de transition fragile-ductile pour cet essai. Sur cette plage, la dispersion des résultats expérimentaux est généralement beaucoup plus forte que dans les zones à paliers.
Prise en compte des conséquences de l’élévation en température
Comme on l’a vu précédemment, les modèles de rupture fragile tentent de reproduire les courbes de ténacité KIC à rupture sur les plages de basses températures. L’augmentation de température se traduit par une augmentation des valeurs médianes de ténacité et un élargissement de la dispersion. Une évaluation de la dépendance en température des paramètres des modèles est souvent nécessaire afin de décrire proprement la rupture.
De plus, des changements de mécanismes de ruine peuvent avoir lieu lorsque la température augmente. Il est donc nécessaire d’identifier le mécanisme de ruine dans chaque plage de température afin d’y utiliser le modèle approprié.
Au-delà d’une certaine température, la dispersion grandissante de ténacité combinée à une valeur médiane croissante implique parfois un amorçage et une propagation ductile avant le clivage.
Evolution avec la température des paramètres du modèle de Beremin
[Wasiluk – 06] évalue la dépendance en température des paramètres du modèle de Weibull à partir de la base d’essai du projet européen Euro Fracture Toughness Dataset sur un acier de cuve 22NiMoCr37. D’après les identifications réalisées à -110°C et –40°C, il conclut que le module m est indépendant de la température sur cette plage pour ce matériau. En revanche, σu varie en fonction de la température.
[Haušild – 05] constate que malgré la prise en compte des fortes modifications de champs de contrainte et de déformation à l’apparition de la déchirure ductile, les paramètres de Weibull ne permettent pas de décrire correctement l’évolution de la ténacité dans la zone de transition, notamment la forte augmentation de KJC pour des températures proches de l’apparition de la déchirure. A partir d’observations au microscope électronique à balayage de faciès de rupture d’éprouvettes CT25, en acier de cuve 16MND5, rompues de –120°C à 0°C, il constate que les mécanismes de rupture fragile changent à température élevée : il est rare de trouver une particule au site d’amorçage pour ces températures. Le clivage n’est pas la conséquence de la rupture d’une particule de seconde phase, mais semble s’amorcer par un mécanisme induit par la déformation plastique. Il est alors nécessaire de modifier les paramètres de Weibull pour tenir compte de ce nouveau mécanisme. Les auteurs fixent la valeur de m à 2 et introduisent une variation en température de σu de la forme : = – BT σ u (T ) .A exp (I-25)
De plus, ils constatent qu’une meilleure coïncidence est obtenue entre les distributions expérimentales et prédites grâce à l’introduction d’une contrainte seuil σth : – = – – ∫mth R V dV T( ) P exp1 1 σ σ σVplu
Cette contrainte seuil a pour effet de réduire la valeur de m. Cependant σth est difficile à identifier et nécessite une large base expérimentale. Compte tenu des observations fractograhiques et des niveaux de contrainte atteints aux sites d’amorçage du clivage, et en s’appuyant sur les travaux de [Rossoll – 02] sur la détermination de la ténacité à partir de l’essai Charpy instrumenté, la contrainte seuil σth a été choisie comme la contrainte en dessous de laquelle le clivage n’a jamais été observé : σth = 1400 MPa.
La ténacité KJC des éprouvettes CT25 est alors correctement prévue entre –90°C et 0°C, mais le modèle ne permet pas de reproduire la forte croissance de la ténacité à l’approche des températures où l’amorçage est soit ductile soit fragile.
Prise en compte de la déchirure
Comme on l’a vu au §I.2.3.1, l’amorçage ductile est piloté par Ji. Ce paramètre a permis de très bonnes estimations des charges à l’amorçage ductile à la fois sur éprouvettes de laboratoire et sur structures. De plus, Ji varie peu avec la température.
Au-delà d’une certaine température, la dispersion grandissante combinée à une valeur médiane croissante de la ténacité implique parfois un amorçage et une propagation ductiles avant le clivage. Si l’on s’intéresse à des températures encore plus élevées, l’amorçage fragile devient très rare, et le clivage peut être précédé d’une large déchirure. Il devient alors primordial de tenir compte de cette déchirure si l’on veut connaître les conditions dans lesquelles le clivage a eu lieu. Pour cela, plusieurs auteurs ont cherché à coupler les modèles de déchirure ductile (approche globale ou locale) avec les modèles de rupture par clivage.
Couplage du modèle de Rousselier et du modèle deBeremin
[Eripret – 96] analyse, par calcul aux Eléments Finis, des essais sur éprouvettes SENB en matériau A533 GrB réalisés entre -120 C et l’ambiante, c’est-à-dire dans la zone de transition. Certaines éprouvettes présentent plusieurs millimètres de déchirure ductile suivis d’une rupture fragile. Les auteurs utilisent le modèle de Rousselier pour décrire la déchirure ductile, et le modèle statistique de Beremin permet, en post-traitement, de calculer la probabilité de rupture fragile à chaque pas du calcul. Il décrit alors correctement les faibles probabilités de rupture, jusqu’à une température de –20°C. Ensuite, la rupture fragile n’a pas été observée expérimentalement et le modèle sous-estime largement la ténacité (Figure I-20). Aucun résultat n’est présenté sur les fortes probabilités.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I – BIBLIOGRAPHIE
I.1. Introduction
I.2. La Déchirure Ductile
I.3. La Rupture Fragile
I.4. Evaluation de la ténacité dans la zone de transition
I.5. Conclusions de l’Etude Bibliographique
I.6. Références
CHAPITRE II – DÉVELOPPEMENT D’UN CRITÈRE DE RUPTURE EN CONTRAINTE SEUIL
II.1. Introduction
II.2. Données Expérimentales
II.3. Analyse numérique des essais sur matériau 22NiMoCr37
II.4. Développement d’un critère probabiliste de rupture fragile à partir des essais sur éprouvettes CT
II.5. Développement d’une formule analytique de calcul du volume seuil
II.6. Discussion
II.7. Conclusions
II.8. Références
CHAPITRE III – CARACTÉRISATION DU MATÉRIAU TU42 C
III.1. Présentation du matériau
III.2. Comportement mécanique
III.3. Propriétés de résilience
III.4. Résistance à la déchirure ductile
III.5. Caractérisation de la partie supérieure de la courbe de transition
III.6. Conclusions sur la caractérisation du matériau TU42 C
III.7. Références
CHAPITRE IV – CARACTÉRISATION DES JOINTS SOUDÉS
IV.1. Introduction
IV.2. Etude Bibliographique sur les caractéristiques des Joints Soudés
IV.3. Présentation du joint soudé sur l’acier TU42 C
IV.4. Comportement du matériau en traction simple
IV.5. Résistance à la déchirure ductile
IV.6. Rupture dans la partie supérieure du domaine de transition
IV.7. Conclusions sur la Caractérisation des Joints Soudés
IV.8. Références
CHAPITRE V – IDENTIFICATION DU CRITÈRE EN CONTRAINTE SEUIL
V.1. Introduction
V.2. Interprétation des essais sur éprouvette AE
V.3. Interprétation des essais de mécanique de la rupture
V.4. Ajustement de la fonction de sensibilité F
V.5. Discussion
V.6. Conclusions sur l’identification du critère en contrainte seuil
V.7. Références
CHAPITRE VI – TEMPÉRATURE DE TRANSITION SUR STRUCTURE
VI.1. Introduction
VI.2. Dimensionnement de l’essai de rupture sur le tube
VI.3. Préparation de l’éprouvette et déroulement de l’essai
VI.4. Dépouillement de l’essai de rupture sur le tube
VI.5. Interprétations numérique de l’essai
VI.6. Conclusions sur la Température de Transition sur le Tube
VI.7. Références
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Conclusions
Perspectives
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