Caractérisation du collage des interfaces de chaussées par essais de rupture en mode I

Qu’est-ce qu’une interface ?

    Une chaussée se présente comme une structure composite qui se compose d’une superposition de couches de matériaux, reposant sur une plate-forme support. Selon la description adoptée par la méthode de dimensionnement française (LCPC–SETRA, 1994), on associe à chacune des couches une fonction. Comme c’est une superposition de couches, une chaussée présente des interfaces entre couches (Figure I-1). Par définition à l’échelle macroscopique (Figure I-2(a)), une interface est une frontière réelle ou fictive qui sépare deux éléments. À l’échelle au-dessous « le mésoscopique » (Figure I-2(b)), elle est plus complexe que ça. Elle est appelée Interphase et se définie comme une Zone de Transition Interfaciale ZTI. Cette interface n’est plus qu’un simple contact interfaciale mais plutôt une cohésion entre matériaux situés au voisinage de l’interface. L’interphase ZTI dépend en effet du type de matériaux en liaison. Au moment du collage des couches de la chaussée, deux mécanismes se produisent « Adhérence et adhésion » (Figure I-3). En effet, l’adhérence n’est qu’une grandeur physique qui se mesure par des essais mécaniques dites essais d’adhérence. En revanche, l’adhésion est l’ensemble des interactions physicochimiques produites lors de la mise en contact de deux matériaux et qui créent l’adhérence. Figure I-3 Représentation schématique des concepts d’adhérence et d’adhésion après (DarqueCeretti, 2003) Pour mieux comprendre la définition de l’adhésion Schindel-Bidinelli (Schindel-Bidinelli, 1992) a schématisé les différentes étapes du processus de collage entre les couches (Figure I-4). Ce processus est donc divisé en deux grandes phases ou types de mécanismes d’adhésion (adhésion spécifique et l’adhésion mécanique).

Cas des chaussées en béton de ciment mince collé (BCMC)

     Une parmi les solutions d’entretien de chaussées en France est le coulage d’une nouvelle couche de béton de ciment sur de l’enrobé bitumineux. Depuis les années 1990, la technique dite blanc sur noir (Blanc/Noir) est utilisée et connue sous le nom de « Chaussées en Béton de Ciment Mince Collée » (BCMC) (CIMbéton, 2000). Cette solution, initialement développée aux Etats Unis (Cole et al., 1998) sous le nom Ultra-Thin Whitetopping (UTW) est proposée pour lutter contre les problèmes d’orniérage des couches de roulement et plus particulièrement le fluage des matériaux bitumineux sous des charges lourdes. Elle consiste tout d’abord à fraiser ou à raboter la structure bitumineuse dégradée sur une épaisseur adéquate. Après le nettoyage (au jet d’eau à haute pression ou par balayage) de la surface, une couche mince de béton de ciment, non armé est coulée avec une épaisseur comprise entre 5 et 10 cm. Le béton de ciment percole dans les vides de la couche d’enrobé bitumineux pour assurer l’assemblage entre ces deux couches au contraire d’une chaussée ordinaire où il faut appliquer une couche d’accrochage. Le bon collage assure ainsi la possibilité d’utiliser du béton de ciment en moindre quantité. Cependant, il est nécessaire de scier des joints dans le béton jeune sur environ le tiers de l’épaisseur, de façon à piloter les phénomènes de retrait du béton. Les dalles résultantes ont ainsi des dimensions de l’ordre de 15 à 20 fois l’épaisseur (Figure I-22). L’épaisseur des joints est limitée à des valeurs faibles pour éviter la pénétration excessive d’eau ou d’autres agents agressifs (CIMbéton, 2000).

Limites des méthodes de dimensionnement actuelles de chaussée

     La méthode française de dimensionnement est une méthode semi-empirique, elle tient compte à la fois de l’observation des chaussées existantes et des modèles mécaniques du comportement des matériaux et des assises de chaussées (LCPC–SETRA, 1994). Elle combine les connaissances tirées de structures de chaussées et du manège de fatigue. Cette méthode est utilisée depuis des années pour le dimensionnement d’infrastructure. Le modèle de Burmister (Burmister et al., 1944) est le modèle de calcul 2D axisymétrique associé à cette méthode. La structure de chaussée est considérée comme un multicouche élastique linéaire homogène et isotrope. Les interfaces entre les différentes couches peuvent être considérées collées, « semi collées » ou décollées. Le logiciel Alizé-LCPC intègre la méthode de dimensionnement et est le programme de référence de calculs de dimensionnement et de la vérification au gel-dégel des structures de chaussées en France. Le calcul rationnel de la structure de chaussée est fondé sur l’analyse des contraintes et des déformations et tient en compte des informations concernant le trafic, le sol, les caractéristiques des matériaux, l’environnement climatique et hydrologique mais il ne prend en compte directement ni l’usage d’un système de renforcement de type grille, ni la présence d’une discontinuité comme rencontrée dans les structures fabriquées avec un ou plusieurs couches en béton de ciment. Le dimensionnement des structures de chaussée est largement conditionné par les hypothèses mécaniques de transmission des contraintes au niveau des interfaces. Pour les deux types de structure, les couches de matériaux bitumineux sont supposées collées sur la couche sous-jacente, les couches de matériaux hydrauliques ou béton lorsque recouvertes par un enrobé bitumineux sont généralement supposées collées 15 ans via une couche d’accrochage puis décollées sur une couche faite en enrobé. Le guide de dimensionnement français des structures de chaussée n’aborde pas les problèmes de la durabilité du collage des couches de chaussée. Il reste très limité pour le dimensionnement des chaussées de type BCMC et les chaussées renforcées. Les différents travaux effectués sur ces deux types de structure montrent l’intérêt porté à l’interface et son état pour son bon fonctionnement. Pour cela, différents modèles d’analyses et d’essais de caractérisation du décollement sont mis au point comme présentés par la suite.

Le modèle Multi-particulaire des Matériaux Multicouches : M4-5n

     Des concentrations de contraintes hors plan aux interfaces non négligeables sont engendrées par la présence de bords libres ou de fissures joint à l’hétérogénéité du comportement des matériaux dans les structures multicouches. Parmi plusieurs approches possibles pour étudier la rupture de lettes structures, les modèles Multi-particulaires des Matériaux Multicouches M4 développés à l’école Nationale des Ponts et des Chaussées (Chabot, 1997; Chabot and Ehrlacher, 1998) permettent d’analyser le délaminage dans les matériaux composites. Divers travaux (Chabot, 1997) (Caron et al., 1999) (Chabot et al., 2000) (Hun, 2012) (Chabot et al., 2013) ont montré la possibilité d’écrire des critères de délaminage en utilisant les valeurs de contrainte déterminées aux bords sans rencontrer de singularités de contraintes. Parmi ces modèles, le M4-5n (n : nombre totale de couche), qui comporte 5n champs cinématiques, est bien adapté pour les problèmes des plaques multicouches travaillant en flexion. A partir de ce modèle, plusieurs développements ont été fait pour l’étude des problèmes de chaussée fissurée (Pouteau, 2004) (Tran, 2004) (Hun, 2012) (Nasser and Chabot, 2018). Un outil numérique M4-5n à base d’éléments finis mixtes a été récemment proposé par Nasser dans l’outil FreeFem++ (Nasser, 2016; Nasser et al., 2016, 2018). Ce modèle utilisant, la théorie des plaques minces, ne s’applique pas sans découper en un trop grand nombre de couches, dans le cas d’une éprouvette épaisse comme celle utilisé dans ce travail avec le WST.

Nouvelle proposition de la géométrie d’éprouvette WST

    Le WST permet d’utiliser une variété de formes et de géométries possibles d’éprouvettes qui peuvent être extraites par carottage sur site et avoir une forme cylindrique ou être fabriquées dans un moule à forme cubique (Voir Chapitre I). Afin de pouvoir utiliser par la suite la technique d’analyse d’images durant l’essai, nous choisissons de travailler avec des éprouvettes à faces planes. L’éprouvette se caractérise ainsi par une forme rectangulaire de dimensions (h × b × H ) (largeur, profondeur, hauteur) assez grandes et choisies en relation avec les caractéristiques du matériau et de façon à avoir, pour une interface armée d’une grille, un minimum 3 × 3 mailles au niveau de la surface de rupture (Figure II-1 (b)). Afin d’avoir un volume représentatif suffisant pour étudier la rupture dans le matériau (ici à l’interface entre deux matériaux), conformément aux recommandations données par Tschegg (Tschegg E. K. et al., 1995) (Tschegg et al., 2011) (ÖNORM B 3592, 2011), la largeur h de l’éprouvette est en général égale à L ou à 1.2L. Dans le projet SolDuGri, la maille des grilles en fibre de verre utilisée a une dimension carrée de côté d’environ 40mm. Pour avoir les 3 × 3 mailles minimum souhaitées dans la surface à délaminer durant l’essai, la hauteur totale H des éprouvettes (cf (Figure II-1(a)) doit être égale au minimum à 180?? et de fait d’une largeur minimale d’environ 150??. Nous choisissons ainsi de découper des échantillons de dimensions d’environ (200 × 150 × 200) (les dimensions exactes pour chaque type d’éprouvette testée sont présentées dans les chapitres III, IV et V de ce mémoire). L’essai de fendage par coin présente une encoche à partir de laquelle une entaille de pré fissuration est introduite. Cette encoche est simple à réaliser dans un moule comme usuellement cela est fait pour des éprouvettes à base de matériaux cimentaires fabriquées en laboratoire. En revanche, dans le cas d’éprouvettes en matériau bitumineux (qui doit être compacté) extraits ou non d’un chantier, l’encoche cubique ne peut pas être simplement faite par découpage. La solution courante proposée par Tschegg (ÖNORM B 3592, 2011) est de poser des pièces métalliques sur la surface supérieure de l’éprouvette. Poser des pièces métalliques sur l’éprouvette peut engendrer cependant des problèmes mécaniques de transmission des efforts au niveau du plan de contact entre les pièces métalliques et la surface de l’éprouvette. Aussi, la recherche d’une nouvelle solution pour fabriquer cette encoche nous a paru nécessaire et nous avons proposé de fabriquer l’encoche par carottage.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Éléments bibliographiques
I.1 Interface de chaussée
I.1.1 Qu’est-ce qu’une interface ?
I.1.2 Caractéristiques des matériaux de couche
I.1.3 Quel fonctionnement de l’interface dans la structure de chaussée?
I.1.4 Mécanisme de décollement des interfaces
I.2 Cas des chaussées en béton de ciment mince collé (BCMC)
I.2.1 Effet des techniques de traitement de l’interface « grenaillage, fraisage »
I.2.2 Effet de l’eau sur le collage de l’interface Blanc/Noir
I.3 Cas des chaussées renforcées par grille en fibre de verre
I.3.1 Caractéristique des grilles en fibre de verre
I.3.2 Principe de fonctionnement des systèmes de renforcement
I.3.3 Exemples de chantiers et retour d’expériences sur l’usage des grilles en fibre
I.3.4 Retour des travaux de recherches scientifiques
I.4 Limites des méthodes de dimensionnement actuelles de chaussée
I.5 Modèles d’analyses du décollement
I.5.1 Mécanique de la rupture
I.5.2 Mécanique de l’endommagement
I.5.3 Modèle de zone cohésive MZC
I.5.4 Présentation du modèle MZC et de la loi de l’interface
I.6 Essais de caractérisation du collage des interfaces de chaussée
I.6.1 Essais de caractérisation de l’adhésion de l’interface en mode I « Ouverture, décollement et arrachement »
I.6.2 Essais de caractérisation de l’adhésion de l’interface en mode II « cisaillement, glissement »
I.6.3 Essais de caractérisation de l’adhésion de l’interface en mode III
I.6.4 Essais de caractérisation de l’adhésion de l’interface en mode mixte
I.7 Bilan
Chapitre II Etude et adaptation de l’essai de fendage par coin (WST)
II.1 Adaptation de l’essai de fendage par coin (WST)
II.1.1 Nouvelle proposition de la géométrie d’éprouvette WST
II.1.2 Dispositif expérimental
II.2 Pré-analyse éléments finis des conditions d’appui de l’éprouvette
II.3 Instrumentation
II.3.1 Capteurs LVDT
II.3.2 Utilisation de la technique de corrélation d’images numériques (DIC)
II.4 Définition des trois indicateurs d’analyse de l’essai utilisés
II.5 Modélisation du WST par CZM dans Cast3M
II.5.1 Eléments d’interface
II.5.2 Modèle simplifié
II.5.3 Maillage et conditions aux limites
II.5.4 Etude de sensibilité vis-à-vis des différents paramètres de loi
II.5.5 Etude de la géométrie
II.6 Bilan
Chapitre III Caractérisation du collage des interfaces : enrobé bitumineux percolé par du béton de ciment 
III.1 Présentations des différentes éprouvettes testées
III.1.1 Caractéristiques des matériaux et des interfaces
III.1.2 Préparation des éprouvettes
III.2 Observation des surfaces de rupture
III.3 Analyse des courbes force – ouverture du décollement
III.4 Discussion sur les résultats d’essais
III.5 Effet du sens de compactage sur les résultats WST B/N
III.5.1 Préparation des éprouvettes
III.5.2 Observations des surfaces de rupture
III.5.3 Analyse des courbes Force-Ouverture du décollement
III.5.4 Discussion sur les résultats d’essais
III.6 Bilan
Chapitre IV Caractérisation du collage des interfaces : enrobé bitumineux renforcé par grille de verre 
IV.1 Présentation des différentes éprouvettes testées
IV.1.1 Caractéristiques des matériaux et des interfaces
IV.1.2 Présentation des planches expérimentales
IV.2 Caractérisation du collage des interfaces de la Planche-2015
IV.2.1 Préparation des éprouvettes
IV.2.2 Observation des surfaces de rupture par WST
IV.2.3 Analyses des courbes force – ouverture du décollement
IV.2.4 Discussion sur les résultats d’essais WST
IV.3 Caractérisation du collage des interfaces de la Planche-2016
IV.3.1 Préparation des éprouvettes
IV.3.2 Observation des surfaces de rupture par WST
IV.3.3 Analyses des courbes force – ouverture du décollement
IV.3.4 Discussion sur les résultats d’essais WST
IV.4 Bilan
Chapitre V Effet de l’eau sur le collage des enrobés renforcés par grille de verre 
V.1 Introduction
V.2 Préparation des éprouvettes et conditions expérimentales
V.3 Observation des surfaces de rupture
V.4 Analyse des courbes Force-ouverture du décollement
V.5 Discussion sur les résultats d’essais
V.6 Bilan
Conclusion générale et perspectives
Références

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