La découverte du trou dans la couche d’ozone puis du réchauffement globale de la planète ont conduit les politiques à s’intéresser à des solutions industrielles alternatives, moins nocives pour l’environnement. Dans cette situation, la réfrigération, au travers des fluides utilisés, est un acteur important de la pollution de l’atmosphère par des gaz chlorés, fluorés et/ou à effet de serre. Parmi les solutions alternatives retenues, le CO2 est un candidat prometteur mais capricieux. Le développement de machines frigorifiques ou de conditionnement d’air fonctionnant au CO2 suppose en effet la modification du cycle thermodynamique classiquement utilisé dans ce domaine. L’optimisation des ces machines demande également une connaissance poussée des comportements thermohydrauliques du CO2 lors de son refroidissement dans la région supercritique.
Aux origines de la réfrigération
La mise au point d’un thermomètre en 1597 par Galilée marque le début de trois siècles de recherche conduisant à terme à l’élaboration des systèmes de réfrigération modernes. Les hauts faits de ces expériences incluent notamment en 1709 le développement d’échelles de température standardisées par Gabriel Daniel Fahrenheit, ainsi que l’isolation de l’ammoniac, de l’oxygène et du dioxyde de carbone sous leur forme gazeuse par Joseph Priestley en 1773. Au cours du 18éme siècle, la formation de glace lors de l’évaporation d’un fluide volatil tel l’éther en contact avec de l’eau est pour la première fois observée. Combinée aux expériences réussies de Michael Faraday sur la liquéfaction de l’ammoniac et du dioxyde de carbone sous l’effet de la pression, cette observation jette les bases de la recherche frigorifique du 19éme siècle. En 1834, Jacob Perkins construit la première machine à compression de vapeur. Fonctionnant à l’éther, elle intègre les éléments principaux utilisés de nos jours dans les installations frigorifiques : un compresseur, un condenseur, une vanne de détente et un évaporateur. Au début du 20éme siècle, le cycle à compression de vapeur est peu à peu devenu le cycle standard de l’industrie de la réfrigération. De très nombreuses études ont alors été menées afin d’améliorer les différents éléments, de développer des compresseurs plus efficaces, de définir les configurations optimales de fonctionnement, de trouver les meilleurs réfrigérants etc. D’une manière générale, le développement des systèmes frigorifiques a grandement modifié les habitudes, tant du monde professionnel qui a vu ainsi s’élargir les échelles temporelles et spatiales de sa gestion de produit, que des particuliers pour qui réfrigération est synonyme de confort et de bien-être.
L’heure de gloire du CO2
Le CO2 a été largement utilisé comme frigorigène dès le début du 20éme siècle, principalement dans les installations frigorifiques embarquées de la marine. Dans un brevet anglais déposé en 1850, Alexander Twinings semble être le premier à évoquer l’utilisation du CO2 comme fluide frigorigène (Bodinus 1999). La première installation au CO2 ne sera pourtant développée que vers la fin des années 1860 par l’américain S.C.Lowe (Donaldson 1994). En Europe, la première machine au CO2 est construite par Carl Linde en 1881. Après avoir racheté les droits des brevets anglais en 1887, la compagnie J.&E. Hall améliore les technologies existantes et commercialise en 1889 la première machine au CO2 bi-étagée (Thevenot 1979) .
En Europe, les fortes restrictions législatives concernant l’utilisation de fluides toxique ou inflammable tels le NH3 ou le SO2 favorisent les machines au CO2 qui représentent alors la seule alternative possible (Plank 1929). Le dioxyde de carbone est alors le principal fluide frigorifique employé à bord des bateaux, dans les bureaux ou les buildings L’introduction de machines au CO2 aux Etats-Unis remonte aux années 1890 pour la réfrigération et aux années 1900 pour des applications de conditionnement d’air. Bien que moins dangereux et plus utilisé, le CO2 présente un certain nombre d’inconvénients comparés à d’autres fluides frigorigènes.
En particulier, les hautes pressions du cycle posent d’importants problèmes de stockage et de confinement, principalement pour les systèmes maritimes embarqués. A ceci s’ajoute des pertes thermodynamiques importantes et une dégradation du COP (Coefficient Of Performance, Coefficient de Performance) lors du rejet de chaleur à température élevée, ce qui désavantage le cycle au CO2 dans les pays chauds. Les machines utilisées alors étaient sous-critiques, c’est-à dire que les étapes d’absorption et de rejet de chaleur se faisaient à des pressions inférieures à la pression critique.
L’attaque des clones
Vers la fin des années 1930, avec l’industrie pétrochimique naissante, de nouveaux fluides frigorigènes, les CFC ou ChloroFluoroCarbures, sont introduits sur le marché. Peu toxiques, non inflammables, économiques, relativement aisés à produire (d’autant plus qu’à la fin de la première guerre mondiale, tous les grands pays européens disposent de très importantes capacités de production de chlore, alors utilisé comme gaz de combat sur les champs de bataille), à stocker et efficaces au sein d’un cycle à compression de vapeur, ils remplacent rapidement les réfrigérants naturels . A ceci s’ajoute une certaine apathie des constructeurs de systèmes au CO2, incapables d’améliorer et de moderniser leurs produits.
Des trous dans la planète…
En 1974, deux scientifiques américains, Mario Molina (futur prix Nobel pour ses recherches sur le « trou » de la couche d’ozone) et F. Sherwood Rowland, formulent pour la première fois la théorie de l’appauvrissement de la couche d’ozone sous l’impact des CFC.
En 1985, ces craintes prennent forme et J. Farman du British Antarctica Survey (BAS) observe un « trou », temporaire mais important (jusqu’à 50% de pertes) qui apparaît chaque printemps dans la couche d’ozone au dessus de l’Antarctique depuis 1979 et se résorbe au début de l’automne.
Propriétés physiques du CO2
La conception et le dimensionnement de systèmes frigorifiques de type pompe à chaleur ou climatisation sont fortement influencés par les propriétés du fluide utilisé. Les coordonnées (Pression, Température) des points triple et critique du CO2 sont respectivement (5,2 bars, -56,6 °C) et (73,8 bars, 31,1 °C). Au sens strict, la région supercritique est définie pour des pressions et des températures supérieures à celles du point critique. Un fluide dont la pression est supérieure à la pression critique et la température est inférieure à la température critique est qualifié de compressé. Ces deux notions sont classiquement amalgamées et dans la suite du manuscrit la région supercritique sera définie au sens large, c’est à dire pour des pressions supérieures à la pression critique et des états non solides.
Selon les conditions de fonctionnement, l’utilisation du dioxyde de carbone comme fluide primaire d’une machine frigorifique impose certaines contraintes. Pour des applications de froid industriel, et plus généralement des applications où la température de la source chaude est proche ou en dessous de 0 °C, le cycle frigorifique classique composé d’une évaporation, d’une compression, d’une condensation et d’une détente est utilisable.
En revanche, pour des applications de conditionnement d’air ou de chauffage d’eau sanitaire, où la source chaude est globalement à la température ambiante, la phase de condensation est rendue inefficace par le pincement de température trop important entre le fluide frigorigène et la source chaude. Le transfert de chaleur doit alors s’effectuer au-dessus du point critique, dans la région supercritique, et le cycle est qualifié de trans-critique. Le rejet de chaleur ne se fait plus par condensation, mais par refroidissement à température et pression variables, dans un « gas cooler » ou refroidisseur de gaz.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Contexte
1.1 Aux origines de la réfrigération
1.1.1 L’heure de gloire du CO2
1.1.2 L’attaque des clones
1.1.3 Des trous dans la planète
1.2 Propriétés physiques du CO2
1.2.1 Bases de données de propriétés physiques du CO2
1.2.2 Propriétés physiques du CO2 sous-critique
1.2.3 Propriétés physiques du CO2 supercritique
1.3 Le cycle transcritique au CO2
1.3.1 Pertes thermodynamiques du cycle transcritique
1.3.2 Amélioration du cycle transcritique
1.3.3 Composants dédiés
1.3.4 Brevets
Chapitre II : Bibliographie
2.1 Généralités
2.2 Généralités sur la convection mixte
2.2.1 Convection mixte en écoulement vertical
2.2.1.1 Analyse dimensionnelle
2.2.1.2 Convection mixte sous-critique
2.2.1.2.1 Convection mixte laminaire
2.2.1.2.2 Convection mixte turbulente aidée
2.2.1.2.3 Convection mixte turbulente opposée
2.2.1.3 Convection mixte supercritique
2.2.1.4 Conclusion
2.2.2 Convection mixte en écoulement horizontal supercritique
2.2.3 Critères de prise en compte des effets de la convection mixte pour les fluides supercritiques
2.3 Pertes de pression d’un écoulement de fluide supercritique
2.3.1 Détermination de la perte de pression
2.3.2 Résultats expérimentaux choisis
2.3.3 Corrélations usuelles en chauffage en chauffage
2.3.3.1 Récapitulatif
2.3.3.2 Conclusion
2.4 Transfert de chaleur d’un écoulement de fluide supercritique en chauffage
2.4.1 Régime normal
2.4.2 Régime détérioré
2.4.2.1 Présentation du phénomène de dégradation du coefficient d’échange
2.4.2.2 Interprétation
2.4.3 Critère de prise en compte
2.4.4 Corrélations
2.4.4.1 Similitude
2.4.4.2 Corrélations en régime turbulent
2.4.4.2.1 Corrélations en chauffage
2.4.4.2.2 Corrélation en refroidissement
2.4.4.2.3 Comparaison des corrélations
2.4.4.2.4 Conclusion
2.5 Refroidissement de CO2
2.5.1 Dispositif expérimentaux
2.5.1.1 Etude de Dang 2004a
2.5.1.2 L’étude de Yoon 2003, Kim 2001
2.5.1.3 L’étude de Wei 2002
2.5.1.4 L’étude de Huai 2005
2.5.1.5 L’étude de Pettersen 2000
2.5.1.6 L’étude de Liao 2002b
2.5.1.7 L’étude de Son 2005
2.5.1.8 L’étude de Pitla 2002
2.5.1.9 Récapitulatif
2.5.2 Résultats
2.5.2.1 Etude thermique
2.5.2.2 Corrélation en refroidissement
2.5.2.3 Frottement
2.5.2.4 Corrélation de coefficient de frottement en refroidissement
2.5.2.5 Conclusion
Chapitre III : Dispositif expérimental
3.1 Objectifs de la boucle BOB
3.2 Description de la boucle BOB
3.2.1 Description générale
3.2.2 Circuit principal au CO2 : circuit (100)
3.2.2.1 La pompe P100
3.2.2.1.1 Choix et description du système de mise en circulation
3.2.2.1.2 Cycle thermodynamique
3.2.2.2 Les échangeurs E1, E2 et E3
3.2.2.3 Le ballon réservoir B1
3.2.2.4 Le déverseur à dôme
3.2.2.5 Regards de visualisation RV 101 et RV 102
3.2.2.6 Le montage
3.2.2.7 Qualité du dioxyde de carbone
3.2.3 Les circuits secondaires
3.2.3.1 Circuit (200)
3.2.3.2 Circuit (400)
3.2.3.3 Circuit (300)
3.2.4 L’instrumentation
3.2.4.1 Mesure de température
3.2.4.2 Mesure de pression
3.2.4.3 Mesure de débit
3.2.4.4 Récapitulatif
3.3 Les sections d’essais
3.3.1 Sections d’essais coaxiale
3.3.2 Section d’essais tube et calandre
Chapitre IV : Modélisation numérique
Conclusion