Caractérisation des résines échangeuses d’ions d’intérêt pour les Réacteurs à Eau sous Pression

L’énergie nucléaire représente 17 % de la production d’électricité mondiale, 35 % de la production électrique européenne et 85 % de la production électrique française.

Ce choix du nucléaire a été fait, il y a un peu plus de 40 ans, principalement pour des raisons d’indépendance énergétique. Aujourd’hui, la France reste le pays Européen où l’électricité est la moins chère. EDF assure l’essentiel de la production électrique française grâce au nucléaire. Dans ce cadre, EDF mène une politique de maintien de son parc. Pour garantir le bon fonctionnement et la sûreté des centrales nucléaires, EDF investit chaque année 2 milliards d’euros. La R&D d’EDF contribue par son effort à la performance opérationnelle et à la préparation de l’avenir des centrales nucléaires. Cette activité stratégique de moyen et de long terme est réalisée en collaboration avec des partenaires comme l’Ecole des Mines de Paris.

L’énergie d’origine nucléaire est produite par des centrales nucléaires de type réacteur à eau sous pression dans lesquelles l’eau joue un rôle majeur. L’épuration de l’eau est primordiale afin de garantir la sécurité du personnel, de maintenir la tenue des matériaux, et d’éviter l’encrassement des circuits. L’eau est traitée à l’aide de filtres et de Résines Echangeuses d’Ions (REI). Ce traitement à base de REI permet de décontaminer le fluide tout en conservant ces propriétés physico chimiques. Actuellement, les REI sont changées lorsqu’elles ne permettent plus de respecter les spécifications physico-chimiques du fluide qu’elles épurent, et ce même si la capacité d’échange de la REI (nombre de sites d’échange par gramme de REI) n’est pas atteinte. Augmenter les connaissances sur les REI permettrait d’identifier les facteurs limitant leur efficacité et de prévoir leur durée de vie. En augmentant l’efficacité de la gestion des REI, il serait possible d’allonger leur durée de vie et donc de réduire les déchets.

Etude qualitative du comportement d’une résine échangeuse d’ions 

Les REP utilisent de l’eau ultra-pure conditionnée par ajout d’additifs chimiques dont les concentrations varient en fonction des phases de fonctionnement (fonctionnement et arrêt). Dans ce cadre, le fonctionnement simplifié d’une centrale nucléaire va être explicité ainsi que la composition du fluide contenu dans ses circuits ainsi que les systèmes d’épuration. Ces derniers contiennent des cartouches filtrantes et des bidons remplis de Résines Echangeuses d’Ions (REI). Les REI seront présentées de manière approfondie en détaillant leurs principes élémentaires, leurs synthèses et leurs propriétés générales. L’ensemble de ces informations nous permettra par la suite de caractériser le comportement des REI dans le cadre spécifique de leurs utilisations en centrale nucléaire.

L’eau 

Afin de mieux comprendre pourquoi l’eau est au cœur de tant d’industries, nous allons décrire certaines de ses propriétés.

L’eau a des propriétés exceptionnelles. Ces propriétés sont surtout liées à la nature bipolaire de la molécule d’eau. En effet, l’eau est chargée négativement du côté de l’oxygène et positivement du côté de ses hydrogènes. Une conséquence importante de la bipolarité de la molécule d’eau est l’attraction de l’hydrogène d’une molécule d’eau par l’oxygène d’une autre molécule d’eau [Kemmer et McCallion, 1979]. Cette attraction est plus connue sous le nom de « liaison hydrogène ». Ce phénomène entraîne une forte cohésion intermoléculaire. L’énergie requise pour détruire les liaisons hydrogène et passer de l’état liquide à l’état gazeux, est donc très importante. Pour cette raison, l’eau représente un moyen efficace de transférer de l’énergie, propriété très utile pour de nombreuses installations industrielles.

L’eau en tant que bon solvant, a aussi la capacité unique de dissoudre pratiquement tous les composés chimiques, dans une certaine mesure, et d’accueillir quasiment toutes les formes de vie, ce qui a pour conséquence la solubilisation de nombreux contaminants. Les cinq principaux types de contaminants présents dans l’eau sont les particules en suspension, les composés inorganiques, les molécules organiques, les gaz dissous, ainsi que les microorganismes et leurs biomolécules. Afin d’optimiser les propriétés de vecteur énergétique de l’eau, certaines industries ont décidées d’améliorer la qualité des eaux utilisées dans leurs installations. Pour cela, l’eau a été traitée afin d’être débarrassée de ses impuretés. Ce type d’eau est appelé « ultra-pure ». Dans la partie suivante, les spécifications de l’eau ultra-pure vont être définies.

L’eau ultra-pure 

Une eau ultra-pure est composée pratiquement exclusivement de molécules d’eau en équilibre avec des ions hydroxyles et des protons (10-7 M à 25 ºC). Ceci correspond à une résistivité électrique de l’ordre de 18,2 Mohms.cm. Les niveaux maximaux d’impuretés non gazeuses présentes dans l’eau ultra-pure sont inférieurs à 1,5 µg.l-1 pour les composés organiques et inférieurs à 1,0 µg.l-1 pour les autres éléments et les ions. Cela signifie que l’eau ultra-pure est au moins pure à 99,99999975 % [Whitehead, 2012].

Ce niveau de pureté peut être obtenu par différentes techniques qui sont souvent combinées. Les principales techniques utilisées sont l’échange d’ions, l’électro déionisation, l’osmose inverse, la distillation et différents types de filtration (ultra et nano-filtration) [Combescure et al., 2002]. L’eau ultra-pure est principalement utilisée dans le cadre de l’industrie pharmaceutique, électronique et nucléaire. Dans la partie suivante, nous allons décrire succinctement le fonctionnement d’une centrale nucléaire de type REP en nous intéressant particulièrement aux circuits alimentés par de l’eau ultra-pure et aux systèmes de traitement qui leur sont dédiés.

L’eau dans les centrales nucléaires 

Fonctionnement d’une centrale nucléaire 

Afin de pouvoir décrire la composition des circuits d’eau des centrales nucléaires, le fonctionnement simplifié d’une centrale nucléaire va être décrit. En France, les Centres Nucléaires de Production d’Electricité (que nous appellerons CNPE dans la suite du document) sont de type Réacteurs à Eau Pressurisée (REP). Le parc nucléaire Français compte 58 tranches, réparties sur 19 sites. Il y a 34 tranches de 900 MWe, 20 tranches de 1300 MWe et 4 tranches de 1450 MWe. Le fonctionnement des tranches peut différer en fonction du palier. Les différentes types de paliers sont : Cp0 et Cy (pour les CNPE 900 MWe); P4, P’4 et H4 (pour les CNPE 1300 MWe); et enfin N4 (pour les CNPE 1450 MWe). Un CNPE de type REP, représenté par la figure suivante , est constitué de trois principaux circuits d’eau qui permettent l’évacuation continue de la chaleur.

Le premier est le circuit primaire. Il est en contact avec le cœur du réacteur à l’intérieur duquel est placé le combustible sous forme de pastilles de dioxyde d’uranium (UO2). C’est là qu’a lieu la réaction de fission nucléaire, qui dégage énormément d’énergie. Le circuit primaire est un circuit fermé rempli d’eau qui assure le rôle de modérateur et de caloporteur. La présence d’un préssuriseur permet de maintenir le fluide à l’état liquide. L’échange de chaleur du circuit primaire vers le circuit secondaire se produit au niveau des générateurs de vapeur, sans contact avec les deux fluides. L’eau du circuit secondaire sous forme liquide se transforme immédiatement en vapeur. La vapeur ainsi générée entraîne une turbine qui transforme la chaleur en énergie mécanique. Cette turbine est couplée à un alternateur qui va transformer l’énergie mécanique en électricité. La vapeur est refroidie par l’eau du troisième circuit, appelé circuit de refroidissement, afin de recondenser la vapeur pour la réinjecter dans le bas des générateurs de vapeur. Pour une description plus exhaustive, il est possible de se référer à la thèse de Lannick Elain [Elain, 2004].

Il existe plusieurs phases de fonctionnement : le démarrage, le fonctionnement et la mise à l’arrêt. En phase d’exploitation se produit le démarrage de la CNPE et le fonctionnement en puissance. La mise à l’arrêt peut-être réalisée à froid. Dans ce cas, elle a lieu tous les 18 mois et a pour but de réaliser les opérations de maintenance et de rechargement du combustible. Un autre type de mise à l’arrêt existe : la mise à l’arrêt à chaud nécessaire pour certaines opérations de maintenance. Un cycle consiste en un démarrage, un fonctionnement en puissance et une Mise à l’Arrêt à Froid (MAF). Les trois principaux circuits sont composés majoritairement d’eau. Dans le cas du circuit primaire et secondaire, il s’agit d’eau ultra-pure à laquelle sont ajoutés des additifs selon les différentes phases d’exploitation et qui peut être contaminée par des impuretés. Dans la partie suivante, la description de la composition du circuit primaire en fonction des phases d’exploitation sera détaillée afin de préciser les conditions particulières d’utilisation des dispositifs de traitement en CNPE.

Le circuit primaire 

Le Circuit Primaire principal (RCP) est composé d’eau ultra-pure. Cette dernière est portée à une température comprise entre 286 et 324 °C et maintenue à l’état liquide en exerçant une pression de 155 bar. Le débit est de l’ordre de 15900 t.h-1 [Raffin, 2004]. Le conditionnement du fluide primaire est constitué d’additifs chimiques dont la concentration varie en fonction des différentes phases d’exploitation. Le bore est introduit sous forme d’acide borique (H3BO3) en tant que modérateur neutronique afin de limiter la réaction de fission nucléaire. La concentration de bore nécessaire au départ (≥1800 ppm) diminue tout au long de la phase d’exploitation en puissance mais reste fonction de la criticité. Une forte concentration de bore est ainsi introduite lors de la MAF. La conséquence de l’ajout d’acide borique est une acidification du pH. Celui-ci est donc tamponné à l’aide d’une base forte : la lithine (LiOH) afin de maintenir un pH de moindre corrosion.

De l’hydrogène est introduit afin de recombiner les radicaux oxygénés issus de la radiolyse de l’eau. Certains polluants sont introduits par accident. L’eau d’appoint peut entraîner la présence de calcium, de magnésium et d’aluminium ainsi que de chlorure et de fluorure. De l’ammoniaque et des ions ammoniums peuvent également être injectés au démarrage lors de la décomposition de l’hydrazine (N2H2) injectée afin d’éliminer l’oxygène dissous. Du sodium peut être introduit par le circuit d’ajout d’Eau d’Appoint (REA) et/ou par le circuit de Refroidissement Intermédiaire (RRI). Le RRI est conditionné au phosphate trisodique dodécahydraté (Na3PO4, 12H2O), pour maintenir un pH de moindre corrosion, pouvant aussi entraîner l’apparition de phosphate (PO4 3-). Les procédés de traitement (filtres et REI) peuvent relarguer de la silice (SiO2) et des sulfates (SO4 2-).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I. ETUDE QUALITATIVE DU COMPORTEMENT D’UNE RESINE ECHANGEUSE D’IONS
I.1. L’EAU
I.2. L’EAU ULTRA-PURE
I.3. L’EAU DANS LES CENTRALES NUCLEAIRES
I.3.1 Fonctionnement d’une centrale nucléaire
I.3.2 Le circuit primaire
I.3.3 Le circuit secondaire
I.3.4 Traitement de l’eau du circuit primaire et secondaire
I.4. ETAT DE L’ART SUR LES RESINES ECHANGEUSES D’IONS
I.4.1 Un peu d’histoire
I.4.2 Principes élémentaires de l’échange d’ions
I.4.3 Synthèse et propriétés générales des REI
I.4.3.1 Synthèse des REI
I.4.3.2 Propriétés générales des REI
I.4.3.2.1 Taille de grain et granulométrie
I.4.3.2.2 Pourcentage de DVB et « taux de réticulation »
I.4.3.2.3 Porosité(s)
I.4.3.2.4 Rétention d’humidité et phénomènes afférents
I.4.3.2.5 Adsorption de solutés
I.4.3.2.6 Groupes fonctionnels et capacité d’échange
I.4.3.2.7 Stabilité et dégradation
I.5. PROPRIETES PARTICULIERES DES REI
I.5.1 L’équilibre réactionnel
I.5.1.1 La sélectivité
I.5.1.2 Les modèles physiques de la réactivité chimique
I.5.1.3 Les modèles thermodynamiques de la réactivité chimique
I.5.2 La cinétique physique
I.5.2.1 Le modèle de Nernst
I.5.2.2 L’étape limitante
I.5.2.3 La cinétique de film
I.5.2.3.1 Echange d’isotopes
I.5.2.3.1.i La première loi de Fick
I.5.2.3.1.ii Le coefficient de diffusion
I.5.2.3.2 Echange d’ions
I.5.2.3.2.i La première loi de Fick
I.5.2.3.2.ii L’équation de Nernst-Planck
I.5.2.3.2.iii Le coefficient de transfert de masse
I.5.3 La cinétique en colonne
I.5.3.1 Représentation de la cinétique en colonne
I.5.3.2 Facteurs prépondérant pour la cinétique en colonne
I.1.1.1.1.i Influence de l’équilibre réactionnel
I.1.1.1.1.ii Influence de la cinétique physique
I.1.1.1.1.iii Influence des conditions opératoires
I.6. SYNTHESE
CHAPITRE II. PRESENTATION DE SOLUTIONS ANALYTIQUES ET NUMERIQUES DU TRANSPORT ET DE L’ECHANGE D’IONS
II.1. GENERALITES SUR LE TRANSPORT
II.1.1 Transport convectif
II.1.2 Transport diffusif
II.1.3 Transport dispersif
II.1.4 Equation générale du transport en milieu poreux
II.1.4.1 Milieu poreux
II.1.4.2 Equation générale du transport en milieu poreux
II.1.4.3 Chemin préférentiel
II.1.5 Conclusion
II.2. TRANSPORT D’UN TRACEUR DANS UNE COLONNE REMPLIE DE RESINES
II.2.1 Transport convectif-dispersif entre les billes de résine
II.2.1.1 Régime non permanent
II.2.1.1.1 Résolution
II.2.1.1.2 Programmation
II.2.1.1.2.i Le temps de résidence
II.2.1.1.2.ii Influence sur le temps de résidence en conditions expérimentales
II.2.2 Transport diffusif dans le film de Nernst
II.2.2.1 Régime non permanent
II.2.2.1.1 Résolution
II.2.2.1.2 Programmation
II.2.2.2 Régime permanent
II.2.2.2.1 Résolution
II.2.2.2.2 Programmation
II.2.3 Conclusion
II.3. TRANSPORT D’UN REACTIF A L’EQUILIBRE DANS UNE COLONNE REMPLIE DE RESINES
II.3.1 Hypothèses de départ
II.3.1.1 Première hypothèse
II.3.1.2 Deuxième hypothèse
II.3.2 Transport convectif-dispersif entre les billes de résine
II.3.2.1 Régime non permanent
II.3.2.1.1 Résolution
II.3.2.1.2 Programmation
II.3.3 Transport diffusif dans le film de Nernst
II.3.3.1 Régime permanent
II.3.3.1.1 Résolution
II.3.3.1.2 Programmation
II.3.3.2 Régime quasi-stationnaire
II.3.3.2.1 Résolution
II.3.3.2.2 Programmation
II.3.4 Conclusion
II.4. TRANSPORT D’UN REACTIF A L’EQUILIBRE AVEC UNE LIMITATION PAR TRANSFERT DE MASSE DANS UNE COLONNE REMPLIE DE RESINES
II.4.1 Modèle de limitation par transfert de masse entre deux phases
II.4.2 Modèle physico-chimique avec un couplage transport convectif et diffusif dans la totalité de la colonne
II.4.2.1 Régime quasi-stationnaire
II.4.2.2 Cas particulier : Re-introduction du temps
II.4.3 Comparaison entre solutions du transport convectif-diffusif et du modèle de limitation par transfert de masse
II.4.4 Conclusion
II.5. TRANSPORT REACTIF DANS LE LOGICIEL OPTIPUR
II.5.1 Les modules de base d’OPTIPUR
II.5.1.1 Transport convectif-dispersif dans OPTIPUR
II.5.1.2 Chimie dans OPTIPUR
II.5.2 Les différentes options d’OPTIPUR
II.5.2.1 Option équilibre d’OPTIPUR : le couplage chimie-transport
II.5.2.2 Option MTC d’OPTIPUR : Ajout du terme diffusif
II.5.2.3 Option NP d’OPTIPUR : Ajout du terme électro-diffusif
II.5.3 Conclusion
II.6. SYNTHESE
CHAPITRE III. ETUDE EXPERIMENTALE DE LA CINETIQUE EN COLONNE
III.1. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
III.1.1 Préparation des solutions
III.1.2 Montage expérimental
III.1.3 Outils d’analyse
III.1.3.1 Description de l’ICP-AES et de l’ICP-MS
III.1.3.1.1 Fonctionnement de l’ICP-AES
III.1.3.1.2 Fonctionnement de l’ICP-MS
III.1.3.2 Validation des outils de mesure
III.1.3.2.1 Validation de la méthode utilisée en ICP-AES
III.1.3.2.2 Inter-comparaison de méthode utilisée en ICP-AES et en ICP-MS
III.1.4 Etude complémentaire sur la porosité
III.2. METHODE DE MESURE
III.2.1 Grandeurs mesurées
III.2.2 Description du cas de référence
III.2.3 Répétabilité et reproductibilité du cas de référence
III.3. ETUDE PARAMETRIQUE
III.3.1 Echange binaire: Ni2+ vs H+
III.3.1.1 Influence de la vitesse de filtre
III.3.1.2 Influence de la concentration en entrée
III.3.1.3 Influence de la hauteur de colonne
III.3.1.4 Comparaison de l’influence des paramètres
III.3.1.5 Autre type de REI
III.3.1.6 Influence de la température
III.3.2 Echange ternaire : Ni2+ + Cs+ vs H+
III.4. ETUDE COMPLEMENTAIRE SUR LA POROSITE DES RESINES
III.5. DISCUSSION
CHAPITRE IV. MODELISATION DE LA CINETIQUE EN COLONNE
CONCLUSION GENERALE

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