Les évolutions économiques mondiales et la diversification des ressources de pétrole ont pour conséquence directe la nécessité pour l’industrie pétrolière d’améliorer les procédés de raffinage existants et de développer de nouvelles voies de transformation des coupes lourdes vers les coupes plus légères à plus haute valeur ajoutée utilisées principalement dans la pétrochimie et le transport.
Un enjeu majeur pour IFPEN est de développer de nouveaux procédés et catalyseurs capables de convertir les produits peu valorisables en produits légers entrant dans le pool carburant (essence, kérosène ou gazole). Les réactions catalytiques hétérogènes alors mises en jeu font souvent intervenir une phase métallique (fonction hydrogénante), supportée sur un matériau poreux (le support) présentant ou non des propriétés acides. L’activité et la sélectivité d’un catalyseur résident à la fois dans l’adaptation des propriétés des sites actifs aux réactions chimiques considérées et dans l’ajustement des propriétés texturales du support.
Plusieurs leviers peuvent être identifiés pour l’amélioration et le développement des catalyseurs parmi lesquels, la compréhension de la réactivité de surface et des mécanismes réactionnels ainsi que la description et la rationalisation des phénomènes de transport des réactifs et des produits. L’enjeu de cette thèse réside dans la compréhension et la description des propriétés texturales des supports mésoporeux de type alumine, en termes de taille de pores, de distribution poreuse et de connectivité des pores. Il s’agit de relier des temps caractéristiques de diffusion des réactifs et des produits à l’intérieur des pores aux propriétés texturales du support. L’objectif est alors de contrôler l’accessibilité aux sites actifs en s’affranchissant des limitations diffusionnelles internes.
Alumines de transitions
Les réactions catalytiques hétérogènes généralement mises en jeu par les procédés de raffinage font souvent intervenir une phase métallique (fonction hydrogénante), supportée sur un matériau poreux (le support) présentant ou non des propriétés acides. Les alumines sont des matériaux inorganiques poreux très largement utilisées [Euzen, 2002]. Afin de comprendre et de caractériser la porosité des alumines, il est important de comprendre son origine et les conditions de synthèse pouvant entrer en jeu.
Les alumines, ou oxyde d’aluminium, sont obtenues selon différentes méthodes [Le Bihan, 1997] et différents procédés de traitements hydrothermaux afin d’obtenir la forme cristallographique souhaitée. Il est alors possible de préparer plus d’une quinzaine de phases identifiées et répertoriées selon trois grandes familles [Euzen, 2002] :
Les hydrates d’alumine :
Trihydroxydes d’aluminium Al2O3.3H2O ou Al(OH)3
● la gibbsite : γ-Al(OH)3
● la bayerite : α-Al(OH)3
● la nordstantite : β-Al(OH)3
Monohydroxydes d’aluminium Al2O3.H2O ou Al(OOH)
● la boehmite : γ- Al(OOH)
● la diaspore : α- Al(OOH)
➤ Les alumines de transition : alumines métastables, synthétisées à des températures inférieures à 1200°C, elles possèdent une grande porosité, des surfaces spécifiques élevées (quelques centaines de m2 ), et des propriétés acido-basiques qui leur confèrent des propriétés catalytiques intéressantes. Il existe sept formes cristallographiques d’alumines de transition symbolisées par une lettre de l’alphabet grec: η, κ, γ, δ, θ et les moins employées sont : χ et ρ.
➤ L’alumine α (le corindon) : alumine stable, synthétisée à une température supérieure à 1200°C, elle présente une faible surface spécifique (une dizaine de mètre carrés par gramme). Cette phase est thermiquement plus résistante que les précédentes. L’alumine α est donc plus utilisée comme matériau réfractaire.
Les supports catalytiques d’hydrotraitement de notre étude appartiennent à la famille des alumines de transition obtenues à partir de boehmite.
La porosité des alumines
La boehmite, utilisée pour synthétiser les alumines de transition, cristallise sous forme de plaquettes non poreuses. Les dimensions des cristallites varient entre 8 et 20 nm pour la plus grande dimension et de 3 à 6 nm pour la plus petite . Les plaquettes s’agrègent de façon non-organisée créant un réseau mésoporeux. Ces agrégats s’agglomèrent ensuite entre eux par des liaisons de van der Waals pour former des agglomérats de diamètre de quelques micromètre . Les phénomènes d’agrégation et d’agglomération sont à l’origine de la porosité. La taille des pores des alumines de transition est généralement comprise entre 2 et 50 nm, domaine des mésopores et supérieure à 50 nm, domaine des macropores, selon l’IUPAC [Haber, 1991]. Le domaine macroporeux ne sera pas étudié dans le cadre de ce travail, le xénon n’étant pas adapté pour la caractérisation de pores de grande taille. En effet, le déplacement chimique du xénon adsorbé dans les macropores est assimilé à celui du xénon dans la phase gaz, .
Les alumines de transition sont obtenues par traitement thermique du gel de boehmite. La décomposition thermique des hydroxydes s’effectue sans modification des dimensions des particules, mais avec une perte de masse importante et une densification de l’alumine, d’où l’apparition d’une porosité et d’une structure différente pour chaque hydroxyde de départ. La structure des formes de transition dépend de la température de décomposition. Au-dessous de 800 °C environ, la structure découle directement de celle de l’hydroxyde de départ du fait de la faible mobilité des atomes. Au-dessus de 800 °C la mobilité accrue permet un réarrangement atomique. Ainsi lors de la calcination sous air de la boehmite, des caractérisations par microscopie électronique à transmission [Nortier, 1990] et de diffraction des rayons X [Euzen, 2002] montrent que la morphologie plaquettaire ainsi que la structure et la taille des particules sont conservées : cette transformation est dite topotactique [Digne, 2004] . Il n’y a pas de nouvelle porosité formée. La nature de l’alumine dépend directement des caractéristiques intrinsèques de la boehmite de départ : morphologie [Tijburg, 1991], cristallinité, porosité interne [Wilson, 1979]. La porosité de l’alumine-γ peut être contrôlée à l’étape de la synthèse de la boehmite et de la mise en forme.
L’agencement des plaquettes de boehmite conduit à la formation d’un réseau poreux organisé qui se caractérise par sa distribution poreuse. Si la distribution poreuse est centrée autour d’une taille de pores, on parle d’un réseau poreux monomodal. Lorsque deux maxima sont observés, le réseau poreux est dit bimodal. L’un des enjeux majeurs de la thèse est de caractériser la taille et la distribution poreuse des alumines de transition.
Après calcination, l’alumine est sous forme de poudre que l’on redisperse en présence d’eau et d’additifs pour former un mélange homogène, pouvant être mis en forme (extrudé ou bille). Les paramètres de mise en forme et de traitement thermique sont ajustés pour obtenir une texture ciblée en termes de surface spécifique, de volume poreux et de diamètre de pores. Néanmoins, la morphologie des plaquettes et la porosité des agrégats ne sont pas modifiées [Karouia, 2013; Koerin, 2014]. Dans les extrudés, l’espace entre les agglomérats (macroporosité) est réduit par rapport à l’alumine en poudre. Il est possible que l’accessibilité au cœur de la porosité soit différente. Un autre enjeu de la thèse est de comprendre l’agencement du réseau poreux et de caractériser la connectivité des pores. La préparation d’un catalyseur d’hydrotraitement nécessite une étape d’imprégnation d’une phase active. Plusieurs méthodes d’imprégnation sont possibles : le support mis en forme est immergé dans un volume de solution de sels métalliques supérieur (imprégnation en excès) ou égal (imprégnation à sec) au volume poreux. Le but de cette phase est d’apporter les sites actifs des réactions dans la porosité sans en réduire l’accessibilité. Des problématiques de limitations physiques (limitations diffusionnelles internes) ou chimiques (adsorption en surface) peuvent être présentes. Comprendre l’organisation de la porosité et la diffusion des espèces dans cette porosité constitue également un enjeu particulièrement important.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1: Rappels bibliographiques
1. Alumines de transitions
1.1. Introduction
1.2. La porosité des alumines
1.3. Caractérisation du réseau poreux
1.4. Impact de l’état de surface de l’alumine-γ sur la caractérisation de la porosité
2. La RMN du 129Xe à une dimension
2.1. Principe de la RMN du xénon
2.2. Le déplacement chimique du xénon
2.3. Relation entre le déplacement chimique δ et la taille de pore
2.4. Hyperpolarisation par pompage optique
2.5. Application de la RMN 129Xe aux systèmes microporeux et mésoporeux
3. Dynamique moléculaire par RMN
3.1. La RMN 2D-Echange pour l’étude de la connectivité des pores
3.2. Apport de la RMN à gradient de champ pulsé (PFG) pour l’étude de la diffusion et des propriétés de transport
Chapitre 2 : Conditions expérimentales et dispositifs techniques utilisés
1. Conditions de mesure RMN et dispositif d’hyperpolarisation par pompage optique
2. Acquisition des spectres à une dimension et mesure de T1 et T2
2.1. Spectres à une dimension
2.2. Mesure du temps de relaxation longitudinale T1
2.3. Mesure du temps de relaxation transversale T2
3. Acquisition des spectres à deux dimensions
4. Acquisition des spectres à gradient de champ pulsé
5. Prétraitement thermique des alumines
6. Adsorption de xénon et de n-hexane
Chapitre 3 : Adsorption de N2 et de Xe sur différentes alumines : Résultats expérimentaux
1. Classification des échantillons
2. Détermination du volume poreux et de la porosité
3. Détermination de la surface spécifique et de la taille de pores
4. Isothermes d’adsorption de xénon
Chapitre 4 : Evaluation spectroscopique de la taille de pores : apport de la RMN Xe
1. Introduction
2. Experimental section
3. Results and discussion
4. Conclusion
5. Effet de la température sur les spectres RMN 129Xe des alumines
Chapitre 5 : RMN PFG 129Xe et 1H: Comprendre les processus diffusionnels dans les alumines
1. Détermination du coefficient d’autodiffusion du n-hexane
2. Détermination du coefficient d’autodiffusion du xénon
3. Détermination de la tortuosité
Chapitre 6 : Interconnectivité de la porosité des alumines par RMN 2D-Echange
1. Echanges entre porosités en fonction du temps de mélange tm
2. Quantification des échanges pour un système à deux environnements
3. Impact de la température sur les échanges
Conclusions