Caractérisation des préparations alimentaires dans les ménages et mesure des ingérés

Madagascar compte cette année 19 millions d’habitants environ avec un taux d’accroissement de 2,8% [1]. Ce pays est caractérisé par sa diversité écologique et géologique mais classé parmi les pays pauvres bien que l’intensité de la pauvreté (écart moyen de la consommation des pauvres exprimé en pourcentage du seuil de pauvreté) est légèrement diminuée passant de 31,6 % à 26,8% entre 2004 et 2005 [2]. Près des trois quarts (73,5%) de la population en zones rurales, vivent en dessous du seuil national absolu de pauvreté avec un PIB par habitant évalué à 294$US en 2003 [3]. La malnutrition qui reste toujours un problème de santé publique est la cause sous jacente de cette pauvreté. Les niveaux de malnutrition se sont légèrement modifiés à Madagascar en 12 ans [4]. La prévalence de l’émaciation a augmenté, passant de 5% à 14%, celle du retard de croissance a faiblement baissé mais reste encore très importante allant de 51% à 45% ; la prévalence d’insuffisance pondérale est restée stable à 40%.

Plusieurs régions dont la région de l’Androy, sont particulièrement affectées par les difficultés alimentaires et des famines et sont donc touchées par ce problème nutritionnel. Les cultures sont affectées par les effets combinés des criquets et de la faible pluviométrie, conduisant certaines années à la perte de presque toutes les récoltes de maïs et à une forte baisse de production des autres cultures tels que le manioc, le maïs et la patate douce qui constituent les aliments de base des Antandroy. Chaque année, la consommation alimentaire de la population varie fortement en fonction de l’alternance entre la période de récolte et de soudure. Dans les zones les plus vulnérables, les populations ne se nourrissent que de figues de barbarie (raketa) ou de jus de tamarin mélangé avec des cendres (kobokoboke). Tous ces facteurs entraînent des problèmes au niveau du statut nutritionnel de la population dont les groupes les plus touchés sont ceux qui ont des besoins nutritionnels élevés comme les enfants en croissance et les femmes enceintes et allaitantes. Bien que les prévalences de malnutrition chez les enfants de moins de deux ans apparaissent plus faibles que les moyennes nationales avec, 24,5% des enfants atteints de la malnutrition chronique, 23,2% pour l’insuffisance pondérale et de 6,4% pour celle de la maigreur [5], elle reste toujours une préoccupation majeure

Présentation générale de la région et état nutritionnel des populations 

Localisation géographique de la zone d’étude

La région de l’Androy est située dans l’extrême sud de Madagascar. Elle est inclue dans l’immense ex- province de Toliara qui présente la densité de population la plus faible de Madagascar (annexe1 et 2). Elle est formée par les districts d’Ambovombe avec 6514 km2 , de Tsihombe de 2513 km2 de Beloha 5.016 km2 et de Bekily 5274 km2 [6]. Elle est délimitée par les fleuves Mandrare à l’est, Menarandra à l’ouest et limitée au nord par les contreforts montagneux de hautes terres Bara et au sud par une haute falaise surplombant l’océan indien. La région est réputée par son climat chaud et sec. La chaleur et le vent y règnent pendant presque toute l’année. La température moyenne est de 28° C avec une précipitation annuelle moyenne de 400 mm pendant la période 2003 à 2005 qui est mal repartie dans l’année et sur la région[7].

Les Antandroy et leur organisation sociale et économique

L’ethnie Antandroy constitue une part importante de la population. Le nombre d’habitant est faible vu l’immensité de la surface. En 1999, 178.331 habitants ont été recensés dans le district d’Ambovombe et 63.600 dans celui de Tsihombe [8].

Sources de revenus
L’agriculture et l’élevage constituent les principales sources de revenus de la population. Les cultures vivrières principalement cultivées dans la région sont le maïs, le manioc, les patates douces, la dolique et le niébé. L’arachide et parfois le sorgho, qui constituent également des cultures de rente, est aussi cultivée dans la région. Les périodes de culture ainsi que les rendements varient suivant les précipitations. Les produits cultivés ont trois destinations : la vente sur le marché ou aux collecteurs, la conservation comme semences et la consommation de la famille. L’élevage concerne principalement les zébus, les chèvres, les moutons et les dindes. Les zébus sont chez les Antandroy le signe extérieur de leur richesse et de leur respectabilité et, par conséquent, ils cherchent à augmenter le plus possible leur troupeau. Ils ne les tuent qu’en cas de deuil ou sacrifice et ne les vendent qu’en cas des difficultés alimentaires.

L’alternance de période de récolte et de soudure dans la région
Deux périodes sont distinguées dans la région : la période de récolte et la période de soudure. Pendant la période de récolte qui s’étale de Mars à Octobre, les ménages n’achètent pas de nourriture car ils utilisent leurs productions et ne se déplacent pas. La période de soudure qui s’étale de Novembre à Février est marquée par la vente d’ustensiles ménagers puis les animaux (chèvres, moutons, zébus) et la consommation d’aliments de disette comme le jus de tamarin et les fruits de cactus pas mûrs [7].

Les difficultés alimentaires et en eau dans la région 

Les difficultés alimentaires sont principalement liées au climat et au type de sol de la région. Le climat est aride à semi aride, les sols sont particulièrement pauvres et peu ou pas humifères [6]. Ils sont en général très fragiles et sensibles à l’action des vents: le tsioka atsimo et l’alizé qui accentuent sur les cultures les dégâts occasionnés par la sécheresse. La partie sud d’Ambovombe où les sols sont de type ferrugineux tropical ou rouge méditerranéen, est la plus touchée par les difficultés alimentaires. En plus des difficultés alimentaires, la rareté de l’eau constitue aussi un grand problème pour la population malgré l’existence des réseaux hydrographiques qui ne fonctionnent chaque année que pendant quelques mois [6].

L’alimentation des enfants de moins de deux ans 

Allaitement maternel
L’UNICEF et l’OMS préconisent la poursuite de l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois. Le lait maternel est riche en éléments nutritifs indispensables à la croissance et au développement des jeunes enfants [9, 10]. Par ailleurs, il renforce les liens affectifs entre la mère et l’enfant [11-13]. Pourtant, ces recommandations ne sont pas connues ou ne sont pas suivies par de nombreuses mères. Les résultats des enquêtes réalisées indiquent que :
– A la naissance, 80% des enfants à Madagascar reçoivent des boissons avant d’être allaités.
– Le taux d’allaitement maternel exclusif est de 67,2 % au niveau national [4] Il est de 25,5% dans la région de l’Androy [4] c’est-à-dire très inférieur à la moyenne nationale.
– 82% et 33% des mères dans la région de l’Androy poursuivent respectivement l’allaitement jusqu’à l’âge de un et deux ans .

L’alimentation de complément 

Caractéristiques
Dans la région de l’Androy, comme dans l’ensemble de Madagascar, l’introduction des aliments de complément est trop précoce, vers l’âge de trois mois [4]. Ces aliments sont déficients en différents nutriments essentiels et de faible densité énergétique (généralement de l’ordre de 60 kcal/ 100g de matière brute) [14]. Ils sont essentiellement constitués par des aliments d’origine végétale qui sont principalement des racines (manioc et patate douce) ou des céréales, anciennement sorgho et actuellement le maïs parfois mélangés avec des légumineuses et ne suffit pas à satisfaire les besoins en nutriments des enfants [15]. Des fruits, comme les figues de barbarie et les pastèques sont aussi donnés. Des enquêtes préliminaires ont montré que le taux d’incorporation du manioc et du maïs dans les plats habituels sont respectivement, de 61% et de 24% [16]. La densité énergétique de ces plats ne permet pas de satisfaire les besoins énergétiques de l’enfant qui sont de plus de 80 kcal par jour et par kg de poids corporel.

Voies d’amélioration
Plusieurs voies d’amélioration de l’alimentation sont possibles pour résoudre les problèmes:
– Ajout d’enzyme (α amylase) pour diminuer la viscosité des bouillies et permettre ainsi d’augmenter leur densité énergétique.
– Formulation de complément alimentaire à ajouter dans les plats en vue de corriger les déficiences en nutriments par l’ajout de CMV.
– Formulation de farine infantile composée.

Qualités requises pour les aliments de compléments 

Les aliments de complément doivent :
– être accessibles et acceptables.
– être de haute densité énergétique et contenir les nutriments nécessaires à la croissance des enfants. Les recommandations sont présentées dans les tableaux 1 et 2. Des études antérieures ont montré que la consommation des bouillies à haute densité énergétique permet d’augmenter les ingérés énergétiques. Des recommandations sur la densité énergétique minimale dans les AC ont été énoncées.
– Avoir subi des traitements permettant de conférer une bonne biodisponibilité aux nutriments qu’ils contiennent
– Ne pas contenir des germes pathogènes, ni des toxines, ni des résidus chimiques susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé des enfants.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Présentation générale de la région et état nutritionnel des populations
1.1. Localisation géographique de la zone d’étude
1.2. Les Antandroy et leur organisation sociale et économique
1.3. Les difficultés alimentaires et en eau dans la région
1.4. L’alimentation des enfants de moins de deux ans
1.5. Prévalence et conséquences de la malnutrition chez les enfants et les femmes
2. L’éducation et la nutrition scolaire à Madagascar
3. Apports nutritionnels recommandés pour les groupes de population ciblés par le programme Nutrimad
3.1. Besoins énergétiques
3.2. Besoins en lipides
3.3. Apport protéique de sécurité
3.4. Besoins en minéraux et en vitamines
4. Cadre institutionnel des interventions dans la région de l’Androy
4.1. Le Programme Alimentaire Mondial
4.2. Le programme Nutrimad
DIAGNOSTIC DES PRATIQUES ALIMENTAIRES ET CONTRIBUTION A L’ AMELIORATION DE L’ALIMENTATION DES ENFANTS DE MOINS DE DEUX ANS DANS LA REGION DE L’ANDROY
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
1. Diagnostic des pratiques alimentaires des enfants de moins de deux ans dans la région
1.1. Zone d’étude
1.2. Echantillonnage
1.3. Recueil des données
1.4. Traitement des données
2. Caractérisation des préparations alimentaires dans les ménages et mesure des ingérés
2.1. Base de sondage
2.2. Recueil des données
2.3. Caractérisation des plats consommés par les enfants
2.3.1. Mesure de l’écoulement des bouillies
2.3.2. Détermination de la teneur en matière sèche des plats
2.4. Mesure des ingérés des enfants
2.4.1. Mesure de la quantité ingérée par les enfants à partir des plats
2.4.2. Détermination des ingérés en énergie des enfants
2.5. Estimation du niveau de satisfaction des besoins des enfants
3. Mise au point des solutions alimentaires
3.1. Vérification de la bonne utilisation de la Koba Aina
3.1.1. La Koba Aina
3.1.2. Organisation générale de l’étude
3.1.3. Observation de la préparation des bouillies par les mères
3.1.4. Vérification de la consistance et de la teneur en matière sèche des bouillies
3.1.5. Mesure des ingérés en bouillie et en énergie
3.2. Mise au point d’un complément alimentaire
3.2.1. Choix des ingrédients composant le complément alimentaire
3.2.2. Formulation
3.2.3. Vérification de la qualité protéique du mélange maïs – niébé
RESULTATS ET DISCUSSION
1. Pratiques alimentaires des enfants en période de soudure
1.1. Fréquence journalière des repas
1.2. Nature et fréquence de consommations des plats préparés pour les enfants
1.3. Nature des ingrédients entrant dans la composition des plats consommés
2. Caractéristiques des plats mais/niébé et manioc/dolique et de la bouillie de manioc
2.1. Nature, provenance et prix des ingrédients
2.2. Proportion des différents ingrédients dans les plats de maïs/niébé et manioc/dolique
2.3. Les différentes étapes des préparations
2.4. Conditions d’hygiène
2.5. Teneur en matière sèche des plats et consistance des bouillies
2.6. Valeur et déficit nutritionnels des plats mais/niébé et manioc/dolique
3. Ingérés des enfants à partir des plats maïs/niébé, manioc/dolique et des bouillies de manioc
3.1. Ingérés en énergie et couverture des besoins énergétiques des enfants
4. Mise au point d’un complément alimentaire pour les plats de maïs/niébé et manioc/dolique
4.1. Choix du support de fortification
4.2. Formules proposées pour le plat amélioré et le complément alimentaire
4.3. Qualité protéique du plat de maïs/niébé et de manioc/dolique
5. Aptitude des mères à préparer la bouillie à partir de Koba Aina et des enfants à la consommer
5.1. Modalité de préparation de la bouillie
5.1.1. Quantité d’eau et matériels utilisés
5.1.2. Modes de cuisson
5.1.3. Identification de la fin de cuisson de la bouillie
5.2. Caractéristiques des bouillies préparées
5.3. Ingérés des enfants en bouillie et en énergie et couverture de leurs besoins
CONCLUSION

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