La croissance démographique, l‟évolution des modes de vie et de consommation ont engendré une intensification des systèmes de production agricole et des activités industrielles ainsi qu‟une concentration et un développement urbain laissant en place de grandes quantités de déchets en particulier de produits résiduaires organiques (PRO) (Ngnikam & Tanawa, 2006; Gbinlo, 2011; Macauley & Ramadjita, 2015; Touré et al., 2016; Maléki & Gnon, 2018). Ces PRO sont constitués de matières organiques d‟origine agricole, agroindustrielle et municipale. Les déjections animales (fumier, fiente, lisier et purin) et résidus de culture (pailles et résidus ligneux) sont issus des activités agricoles. Les industries agroalimentaires produisent des déchets de biscuiterie, de brasserie, de levurerie, d‟abattoir, d‟industrie laitière etc. Les territoires urbanisés produisent une fraction fermentescible des ordures ménagères composante plus ou moins importante des déchets solides ménagers, des déchets verts, des matières de vidange, des graisses et des boues de station d‟épuration (STEP). Ces PRO sont caractérisés par une décomposition rapide sous les climats intertropicaux et engendrent, par conséquent, des nuisances olfactives et visuelles, des pollutions de l‟air (gaz à effet de serre), de l‟eau et des sols (nitrates, phosphates, contaminants organiques et inorganiques, etc.), des risques sanitaires pour la santé humaine, des impacts négatifs sur les paysages et sur l‟économie (Rouyat et al., 2006; Lacour, 2012; Joncoux, 2014; Defo et al., 2015; Kple, 2018). Dans certaines villes des pays en voie de développement, les PRO déversés de façon non contrôlée dans l‟environnement suite au manque de systèmes adéquats liés à la mauvaise gestion et au manque de ressources financières, peuvent détruire l‟équilibre des écosystèmes(Ngnikam & Tanawa, 2006; Diène et al., 2010; Blunier et al., 2014). Une bonne gestion des PRO permet d‟assainir l‟environnement, de fermer la boucle de la matière organique par un retour sur les sols de ces PRO et de tirer bénéfice des nutriments contenus dans ces PRO pour amender les sols et fertiliser les cultures. Les PRO apportés au sol conservent le stock d‟humus des sols, favorisent une bonne structuration des sols et des systèmes racinaires, augmentent la capacité de rétention d‟eau et fournissent des éléments nutritifs majeurs et des oligo-éléments. La connaissance des gisements des déchets, en termes quantitatif et qualitatif, est d‟une importance fondamentale dans la mise en place d‟une politique adéquate de gestion (Lacour et al., 2011). Dans la plupart des pays, les gisements de ces PRO sont méconnus et ne sont pas quantifiés ; laissant les décideurs sans informations de base. La valorisation agricole des matières organiques issus des ménages, des élevages, des unités de traitement des eaux usées, des industries agroalimentaires, est perçue comme l‟une des solutions aux problèmes liés à la gestion des déchets organiques. Cette valorisation des PRO par l‟agriculture a un double intérêt : (i) elle contribue, par le recyclage des déchets, non seulement à la réduction de la quantité de déchets déversés dans la nature de manière illégale, (ii) mais aussi au maintien de la fertilité des sols et donc à la productivité des terres indispensables à la durabilité des systèmes agricoles (Diène et al., 2010).
Pour répondre aux objectifs de valorisation des PRO, il est important de connaitre le gisement en termes de quantité, de potentialité, de localisation et de période de production (ONAS, 2013; Touré et al., 2016). Selon Touré (2016), l‟estimation du gisement des PRO permet de définir trois types de gisements : gisement brut, gisement maîtrisable et gisement mobilisable. Ces derniers sont essentiels pour connaitre la quantité de PRO disponible dans une localité à la période donnée pour la fertilisation des sols. Existe-t-il suffisamment de gisement mobilisable de PRO pour la biofortification des cultures dans le village de Mbarokounda ?
Synthèse bibliographique
Un produit résiduaire organique (PRO) est toute matière organique d‟origine résiduaire, issue d‟une activité agricole, agroindustrielle ou municipale, et est épandue sur un sol agricole pour valoriser ou recycler les éléments fertilisants et la matière organique qu‟elle contient (Jarousseau et al., 2016). Ce terme « désigne les matières organiques ou organominérales, qui peuvent être des déchets (effluents agroindustriels, d‟élevage ou boues de station d‟épuration …) ou des produits issus de déchets (par exemple compost et digestat) » ; ce terme a été préféré à « déchets organiques » qui est restrictif (HOUOT et al., 2014). Ces déchets sont constitués de molécules d‟origine naturelle issues de la biomasse, pouvant intégrer facilement les cycles biogéochimiques (Moletta & Cansell, 2003). Les PRO sont constitués de la matière organique qui a la capacité à entretenir et à améliorer les teneurs en matière carbonée des sols, i.e. valeur amendante. En outre, ils contiennent une fraction minérale qui a la possibilité d‟apporter des éléments fertilisants (macronutriments : azote, phosphore, potassium, calcium, magnésium et soufre ; micronutriments : chlore, cuivre, bore, molybdène, fer, manganèse, zinc et nickel) à la culture, i.e. valeur fertilisante. La problématique de la gestion des produits résiduaires organiques a fait l‟objet d‟étude de plusieurs mémoires de master et de thèse dans le monde et localement. De nombreux travaux ont été réalisés aux fins d‟évaluer les gisements de déchets organiques en particulier, d‟une part comme générateur potentiels de risques pour l‟environnement et la santé et/ou d‟autre part comme ressources potentiellement valorisables, en fonction de leurs propriétés biophysico chimiques (Lacour, 2012).
Méthodes d’estimation des PRO mises en œuvre
L‟estimation du gisement des produits résiduaires organiques sur une localité, une région ou un pays est une phase importante pour une bonne gestion des déchets. Elle permet de connaitre la quantité de PRO potentiellement disponible dans un milieu bien déterminé et d‟atteindre les objectifs de valorisation. Selon Touré et al. (2016), l‟estimation du gisement permet de déterminer la nature et le flux de production des PRO. Pour déterminer la quantité mobilisable de PRO pour la fertilisation, et éviter une éventuelle concurrence entre les filières de valorisations locales, il est impératif de définir quatre (4) types de gisements : le gisement brut, (ii) le gisement maitrisable, (iii) les valorisations locales, et (iv) le gisement mobilisable (Touré et al., 2016). Le gisement brut est la quantité totale de PRO produits en une durée déterminer. Le gisement maitrisable est la quantité totale de PRO produits dans un lieu donné (stockable et accessible). Les valorisations locales sont les quantités de PRO utilisés dans la localité pour d‟autres fins (aliment de bétail, construction, combustible …). La soustraction des quantités valorisées localement à partir du gisement maîtrisable, permet de déterminer le gisement mobilisable pour la biofortification au niveau d‟une localité, d‟une région ou d‟un pays.
PRO issus des activités agricoles
Dans le cadre de l‟évaluation des gisements de déchets organiques dans les zones rurales et périurbaines, les résidus de récoltes et les déjections animales sont les catégories de déchets les plus importantes (en termes de masse) puisque l‟agriculture au sens large constitue la principale activité existante dans ces zones (Lacour, 2012). Deux catégories de PRO agricoles existent :
1. Les PRO issus des cultures et
2. Les PRO issus de l‟élevage.
PRO issus des cultures
Les systèmes agricoles dans le monde entier produisent de grandes quantités de résidus cultures. Toutefois, la nature des résidus de cultures disponibles varie évidemment selon les zones agroécologiques, en rapport avec les types de cultures (FAO, 2014a). Selon Lacour (2012) cité par Touré et al (2016), pour estimer le gisement des résidus organiques produit par les cultures sur un espace donné au cours d‟un cycle de production revient à déterminer : les types de cultures produites et les données de superficies emblavées par type de culture et des rendements.
Le gisement brut de biomasse résiduelle est la quantité totale de résidus de culture produite sur un territoire au cours d‟un cycle de production. Les pays sahéliens (Niger, Burkina Faso, Mali et le Sénégal) disposent, en 2010, de la plus grande part des résidus de culture : ils détiennent 90 pour-cent des résidus de céréales estimés à près de 80 millions tonne de MS dans l‟espace UEMOA (FAO, 2014a). Au Sénégal, le gisement des résidus de culture généré au niveau national a été estimé à une valeur de 2 millions de tonnes de masse sèche (ONAS, 2013).
Le gisement brut des résidus organiques produit par les cultures au Sénégal au cours du cycle de production de l‟année 2016 est estimé à 2 425 960 tonnes MS d‟après les résultats des travaux de Touré et al. (2016). Il en ressort que le gisement de la région d‟étude, la région de Kaffrine représente 448 926,7 tonnes MS soit 18,5% des PRO issus des cultures à l‟échelle nationale. Ce gisement régional cache une disparité dans les différents départements et les types de culture. Les fanes d‟arachide représentent les 66% du gisement brut de la région. Les 98 080 tonnes de MS de la biomasse résiduelle de la région se trouvent dans le département de Malem Hodar soit 22 % du gisement régional ou 4% de la production nationale (Touré et al., 2016). Le gisement mobilisable des résidus de cultures est estimé à 19 141 tonnes de MS (avec une part de 94% pour le mil) dans la région de Kaffrine et à 2 062 tonnes de MS dans le département de Malem Hodar.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Synthèse bibliographique
1.1 Méthodes d‟estimation des PRO mises en œuvre
1.1.1 PRO issus des activités agricoles
1.1.1.1 PRO issus des cultures
1.1.1.2 PRO issus de l‟élevage
1.1.2 PRO issus des activités agro-industrielles
1.1.3 Les PRO d‟origine Municipale
1.1.3.1 Les PRO issus des déchets solides ménagers
1.1.3.2 Les eaux usées de l‟assainissement collectif
1.1.3.3 Matières de vidange de l‟assainissement individuel
1.2 Potentiel agronomique et de biofortification
1.2.1 Potentiel agronomique
1.2.2 Potentiel de biofortification
2 Matériel et Méthodes
2.1 Présentation du milieu d‟étude
2.2 Echantillonnage des ménages à enquêter
2.3 Démarche de l‟estimation des PRO d‟origine agricole
2.3.1 Etape 1 : Rencontre des acteurs institutionnels détenteurs de données
2.3.2 Etape 2 : les données structurelles
2.3.3 Etape 3 : Les données complémentaires
2.3.4 Etape 4 : Les données bibliographiques
2.3.5 Etape 5 : Estimation de la Quantité Brute (EQB) de PRO
2.3.6 Etape 6 : Estimation de la quantité maitrisable de PRO
2.3.7 Etape 7 : Estimation des quantités de valorisation locale des PRO
2.3.8 Etape 8 : estimation de la quantité mobilisable de PRO d‟origine agricole pour la fertilisation
2.4 Démarche d‟estimation des PRO issus des activités agro-industrielles
2.5 Démarche d‟estimation des PRO d‟origine municipale
2.6 Prélèvement et analyse chimique des PRO
3 Résultats
3.1 Les gisements des PRO d‟origine agricole mobilisables pour la biofortification des cultures
3.1.1 La production brute de biomasses résiduelles issue des cultures
3.1.2 Valorisation locale et production mobilisable de biomasses résiduelles issues des cultures
3.2 Gisement mobilisable de PRO issu de l‟élevage pour la biofortification des cultures
3.2.1 Le cheptel de la localité de Malem Hodar
3.2.2 Les références agronomiques relatives à la production des déjections
3.2.3 Quantités Brutes de Déjection (QBD) émises sur la localité
3.2.4 Quantité de Déjections animales Maîtrisables
3.2.4.1 Valorisations locales
3.2.5 Gisement de Déjections Mobilisable pour la fertilisation dans le village de Mbarokounda
3.3 Quantité de PRO issus des activités agroindustrielles susceptibles d‟être utilisé pour la fertilisation
3.3.1 Evaluation des effectifs d‟abattage dans l‟unité d‟abattage de Malem Hodar
3.3.2 Quantité de Déchets d‟Abattoir (QDA) produite dans l‟abattoir de Male Hodar
3.4 Quantités de PRO d‟origine municipale
3.5 Caractérisation et potentialité agronomique des PRO de la localité de Malem Hodar
3.5.1 Potentiel agronomique des PRO du village de Mbarokounda et de la localité de Malem Hodar
3.5.2 Potentiel de biofortification en fer et zinc des PRO du Village de Mbarokounda et de la localité de Malem Hodar
4 Discussion
4.1 Discussion de l‟estimation des quantités de biomasses résiduelles
4.2 Discussion des quantités de déjections animales émises sur la localité
4.3 Discussion du potentiel agronomique et de biofortification des PRO de la localité
5 Conclusion
6 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION