Caractérisation des frottements sous chocs
Sur les frottements dynamiques..
Dans la pratique, nous distinguons le frottement statique du frottement dynamique. Le frottement statique correspond à l’effort minimal que nous devons fournir pour mettre en mouvement deux corps initialement en contact et au repos. Une fois que cet effort est atteint, les deux corps en question vont alors glisser l’un par rapport à l’autre. Le frottement dynamique caractérise dès lors la résistance qu’oppose l’interface de contact à ce mouvement relatif de glissement. Les frottements dynamiques s’accompagnent généralement d’une dissipation d’énergie, attribuée au travail des forces de frottement. Localisée à l’interface de glissement, elle affecte directement l’intégrité de la zone de contact et par conséquent la dynamique globale du glissement. La puissance dissipée à l’interface, plus ou moins importante selon les sollicitations exercées, va nous permettre de quantifier la « sévérité » du frottement. Sans en connaître l’expression mathématique, ni chercher à en établir la formule, une brève synthèse des études réalisées jusqu’ici nous permet cependant de distinguer deux paramètres clefs permettant de l’évaluer pour une même paire tribologique (voir [16]) :
• la vitesse relative de glissement [V] entre les deux matériaux,
• l’effort de contact FN exercé à l’interface.
En fonction des valeurs prises par chacun de ces deux paramètres nous allons distinguer différents régimes de sollicitation aux interfaces ; il nous est dès lors relativement aisé de trier et différencier les différents problèmes de frottement dynamique. Pour l’illustrer nous avons reporté quelques exemples classiques sur un diagramme logarithmique exprimant la pression de contact en fonction de la vitesse relative de glissement (voir figure 1.1). En particulier, nous distinguons trois grands domaines : le domaine des applications industrielles classiques, celui des applications de haute technologie, et finalement, le domaine des applications à vocation militaire. Dans le premier domaine (zones 3 à 4 sur la figure 1.1), les conditions de frottement rencontrées s’étendent sur une plage de vitesses allant de 0 à 100m.s−1 , tandis que les pressions n’excèdent pas la centaine de mégapascal. Nous y retrouvons les procédés de mise en forme des matériaux tels que l’usinage à grande vitesse (UGV), l’emboutissage, le meulage ou bien encore la soudure par friction (« FSW-Friction Stir Welding » en anglais) (voir [17]). Figurent également dans ce domaine la plupart des systèmes de freinage, allant de la simple plaquette de frein automobile aux disques de freinage utilisés pour le TGV ou le Concorde.
Ces deux derniers exemples sont caractéristiques des applications de haute technologie (zones 2 à 3 sur la figure 1.1). Dans ce domaine les vitesses s’étendent sur une plage de vitesse allant de la centaine de mètres par seconde à environ 500m.s−1 . Au-delà, les applications rencontrées relèvent essentiellement du domaine militaire (zones 1 à 2 sur la figure 1.1). Les vitesses de glissement observées sont supérieures à la centaine de mètres par seconde, tandis que les pressions de contact peuvent atteindre le gigapascal. De telles conditions sont caractéristiques des problèmes de balistique intérieure et terminale (impact de projectiles).
Qu’entendons nous par frottements sous chocs ?
Ces rappels effectués, se posent alors les questions suivantes :
Qu’entendons nous par frottement sous chocs ? Dans quel régime se situent-ils ? En quoi se distinguent-ils des problèmes de frottement classiques ?
Les frottements sous chocs sont également des frottements dynamiques. Cependant, ils se distinguent des cas que nous venons d’énoncer du fait de leur extrême sévérité. Ainsi, il existe certains régimes où nous observons à la fois des pressions de contact particulièrement élevées ainsi que de larges vitesses de glissement : les pressions exercées se situent dans la plage dite des hautes pressions dynamiques (>1 GPa), tandis que les vitesses de glissement observées sont qualifiées de vitesses hypervéloces (>1000 m/s). Le domaine définit par ces deux plages est représenté par la zone hachurée en rouge (zone 1) sur le diagramme 1.1. Cette situation est caractéristique des frottements sous chocs ! En dehors des applications spécifiques du CEA/DAM, peu nombreux sont les cas de figure où nous rencontrons de telles sollicitations.
Nous citerons cependant l’exemple des canons à rails (« railguns » en anglais). Cette application relevant exclusivement du domaine militaire, relativement peu de documentation est disponible à ce sujet.
Comment obtenir de telles sollicitations aux interfaces ?
Les conditions sévères de chargement dynamique que nous venons d’évoquer sont généralement la conséquence d’une sollicitation par choc. D’une façon générale, nous parlons de choc lorsqu’une énergie est transférée en un temps extrêmement bref d’un milieu à un autre. Les temps caractéristiques sont de l’ordre de la microseconde, donc extrêmement brefs, et les phénomènes mis en jeu sont alors essentiellement transitoires. En résumé, et en réponse aux questions que nous nous posions, nous pouvons désormais définir les frottements sous chocs comme des problèmes de frottement dynamique caractérisés par la présence de fortes pressions de contact aux interfaces, couplées à de larges vitesses relatives de glissement. C’est dans ce domaine que nous nous situerons au cours de cette étude.
Le contexte expérimental
Nous nous posons maintenant la question suivante :
Comment obtenir de telles conditions à l’aide de techniques expérimentales simples?
Force est de constater que les travaux spécifiquement dédiés à l’étude des frottements sous chocs sont à ce jour peu nombreux. En effet, relativement peu de techniques permettent d’étudier les frottement dynamiques à la fois aux grandes vitesses de glissement et sous de fortes pressions de contact, de telles sollicitations étant peu représentatives des problèmes fréquemment rencontrés en ingénierie des matériaux. Parmi les principales études expérimentales conduites au cours de ces dernières années, nous citerons cependant les travaux réalisés au Los Alamos National Laboratory par Hammerberg et Al. (voir [1, 2, 4]), les expériences conduites par R. Winter, G.Ball, et Al. à l’AWE (Atomic Weapon Establishment, Aldermaston, Royaume-Uni) (voir [9, 10, 13]), et finalement les travaux réalisés au Commissariat à l’Énergie Atomique (voir [14, 15]) qui seront présentés en fin de chapitre. Dans chacun des cas, les techniques employées (voir [3, 8, 22, 23]) ont pour point commun d’être constituées d’un édifice pyrotechnique permettant de mettre en vitesse une structure métallique par propagation d’ondes de choc de forte intensité. Ces dispositifs dérivent en majorité de techniques expérimentales initialement développées pour étudier les frottements dynamiques aux faibles pressions de contact :
• les tribomètres de type pion sur disque, tels qu’utilisés par R.S. Montgomery (voir [24]) et O. Lesquois (voir [16, 25]) pour étudier les frottements dynamiques et l’usure dans les canons d’armes.
• les dispositifs d’impact par barres de Hopkinson, tels qu’utilisés par K. Ogawa (voir [26, 27]).
• les techniques d’impact de plaques inclinées mise en mouvement par lanceurs à gaz ou à poudre. Initiallement développées par Clifton et Al. et Gupta et Al. (voir [28]) elles sont notamment utilisées par M.Irfan et V.Prakash.
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Table des matières
Introduction générale
1 Introduction aux frottements sous chocs
1.1 Caractérisation des frottements sous chocs
1.1.1 Sur les frottements dynamiques
1.1.2 Qu’entendons nous par frottements sous chocs ?
1.1.3 Le contexte expérimental
1.2 Comportement thermomécanique des structures et interfaces métalliques mises en glissement par choc
1.2.1 Le comportement observé à l’échelle de la structure
1.2.2 Le comportement observé à l’échelle de l’interface
1.3 L’étude des frottements sous chocs au CEA/DAM
1.3.1 Le programme de recherche du CEA/DAM
1.3.2 La technique expérimentale du CEA/DAM
2 Modélisation classique des problèmes de frottement sous chocs
2.1 Éléments de modélisation
2.1.1 Représentation du problème et notations utilisées
2.1.2 Description du mouvement
2.1.3 Déformations du milieu continu et expression des contraintes
2.2 Le problème aux limites de base
2.2.1 Lois fondamentales de conservation
2.2.2 Lois constitutives
2.2.3 Modélisation des conditions aux limites spatio-temporelles
2.3 Modélisation des géométries simples dans l’espace R
2 à deux dimensions
2.3.1 Modélisation des problèmes en déformation plane
2.3.2 Récapitulatif du problème aux limites de référence dans R²
3 Gestion numérique des frottements sous choc
3.1 Introduction aux codes hydrodynamiques
3.1.1 Présentation et bref historique des codes de calcul hydrodynamiques
3.1.2 Principe de fonctionnement des codes hydrodynamiques
3.1.3 Les approches eulérienne et lagrangienne
3.2 Présentation du code hydrodynamique retenu pour cette étude
3.2.1 Éléments de discrétisation
3.2.2 Les équations discrètes résolues par le code
3.2.3 Résolution du problème discret
3.3 Traitement numérique des interfaces de contact dans les codes hydrodynamiques
3.3.1 Principe de résolution et notions relatives au traitement des interfaces discrètes
3.3.2 Gestion du contact
3.3.3 Gestion du frottement
3.4 Recalage numérique des tirs expérimentaux réalisés au CEA/DAM
3.4.1 Récapitulatif des expériences de tir
3.4.2 Interprétation des résultats par corrélations calculs/expériences
3.4.3 Problématiques
4 Approche multi-échelles par décomposition de domaines
4.1 Construction de la géométrie multi-échelles par décomposition de domaine
4.2 Le problème couplé de référence
4.2.1 Le problème global dans ΩM(T), loin de l’interface de glissement
4.2.2 Modélisations classiques des interfaces de glissement
4.2.3 Le problème thermomécanique local dans Ωµ
4.2.4 Conditions de couplage
4.3 Le problème en écart sur Ωµ
Conclusion générale
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