Caractérisation des émanations de dihydrogène naturel en contexte intracratonique

Le dihydrogène (H2) est massivement utilisé dans l’industrie, essentiellement pour le raffinage des huiles lourdes et la production d’ammoniac (engrais). Il est principalement produit par transformation du gaz naturel (CH4) ou d’hydrocarbures, au prix d’une émission de CO2 conséquente. Le H2 peut également être fabriqué par électrolyse de l’eau, l’impact environnemental est alors moindre, mais le coût de production beaucoup plus élevé. Ce dernier procédé, utilisé jusqu’alors de manière marginale prend néanmoins de l’essor puisqu’il est envisagé de stocker l’énergie solaire ou éolienne sous forme de H2, pour compenser le caractère intermittent de ces énergies renouvelables. L’utilisation de H2 est notamment prévue dans les transports, via la pile à combustible. Le H2 est souvent considéré comme un vecteur énergétique d’avenir. Le verrou limitant à l’utilisation du H2 comme vecteur énergétique est que celui-ci est aujourd’hui produit industriellement à partir d’une autre source d’énergie (hydrocarbure ou électricité) au prix d’un coût énergétique et environnemental important.

Cependant, de plus en plus d’indices montrent que des émanations naturelles substantielles de dihydrogène existent (Fig.1) : la molécule pourrait, de ce fait, acquérir le statut de source d’énergie primaire, à l’instar des énergies fossiles. Comparé à ces dernières, le H2 offre les avantages, du point de vue environnemental, de n’émettre que de l’eau (H2O) lors de sa combustion, ainsi qu’une densité énergétique massique 2 à 3 fois supérieure à celle des hydrocarbures. Le dihydrogène « naturel », comparé au dihydrogène de synthèse pourrait constituer une géo-ressource « propre » à valoriser dans le contexte de la transition énergétique et de recherche de carburants décarbonés. Cependant, si l’existence d’émanations naturelles de H2 est aujourd’hui avérée, son intérêt économique reste à démontrer et plusieurs étapes peuvent être envisagées : 1- déterminer si des réserves et des flux naturels de H2 exploitables existent, 2- comprendre les processus naturels à l’origine du H2 naturel, 3- estimer si une exploitation d’intérêt économique est possible.

GITOLOGIE DU H2 NATUREL

Le H2 naturel est généralement observé dans trois contextes géologiques différents. Dans cette partie nous nous attacherons à décrire ces gîtologies et discuterons les processus générateurs de ce gaz.

DORSALES OCEANIQUES

Le dégazage de H2 sur les sites hydrothermaux des rides océaniques est connu depuis les années 1970. Le processus générateur de H2 dans ce contexte est lié à des réactions eauroche, à haute température. Bien qu’immergées, les dorsales océaniques n’en constituent pas moins la plus longue chaîne de montagne terrestre avec quelques 60 000 km de longueur. Leur formation est associée à des remontées mantelliques occasionnant une sismicité et un volcanisme propres aux limites de plaques lithosphériques divergentes. Selon la vitesse d’expansion, l’apport mantellique peut mener à l’exhumation de péridotites ou à l’installation de gabbros et de basaltes. Ces roches ont le point commun d’être riches en minéraux ferromagnésiens (majoritairement localisés dans les olivines et les pyroxènes). La chaleur dégagée lors du refroidissement et de la cristallisation des magmas ainsi que celle dégagée lors de l’altération aqueuse des roches ultrabasiques (réaction exothermique), servent de moteur à la circulation hydrothermale qui transporte de l’eau de mer jusqu’aux roches mantelliques via des systèmes de fractures. L’altération hydrothermale d’une péridotite, par exemple, conduit à une profonde transformation minéralogique qui correspond au processus de serpentinisation.

Présumée dès 1976 (Moody, 1976), la formation de dihydrogène a été confirmée sur la dorsale Est Pacifique (Welhan & Craig, 1979), puis dans les années 1990 lors de la découverte des sites hydrothermaux Rainbow sur la ride médio-Atlantique (MAR) (Charlou et al., 1996 ; German & Parson, 1996 ; German et al., 1998) et Logatchev (Bogdanov et al., 1995 ; Krasnov et al., 1995).

Le champ hydrothermal de Rainbow est situé sur la ride médio-Atlantique, au sud de l’archipel des Açores (36°14′ N–33°53′W) à une profondeur moyenne de 2300 m. Il présente dix groupes majeurs de cheminées actives (fumeurs noirs) en environnement ultrabasique avec des fluides d’une composition homogène sur l’ensemble de la zone. Cette composition est marquée par une forte influence des roches mantelliques et possède un pH compris entre 2.8 et 8 et des températures de 365°C en moyenne. Le H2 représente plus de 40% de la concentration totale de gaz extrait des fluides (soit 16 mM – autant que le CO2). La proportion d’azote n’est pas négligeable dans ces émanations (2.5 mM) et le méthane est présent en quantité importante (1.8 mM) (Charlou et al., 2002). Ce dernier est formé par l’association de l’hydrogène avec des atomes de carbone lors de réactions de type « Fischer Tropsch» (Horita & Berndt, 1999 ; Charlou et al., 2002 ; Foustoukos et al., 2004 ; Holm et al., 2001 ; Kelley & Früh-Green, 1999 ; Sherwood-Lollar et al., 2002).

Dans ce type de système hydrothermal, le carbone est fourni par le CO2 issu de l’activité volcanique de la dorsale. Les fluides de Rainbow, analysés à de nombreuses reprises sur une période de 10 ans, ne montrent pas de changements significatifs de composition au cours du temps (Schmidt et al., 2007).

Le site Logatchev est, lui aussi, localisé sur la ride atlantique et situé à une profondeur de 3000 m (14°45′N and 44°58′ W). Les roches identifiées autour du site sont essentiellement des péridotites et des gabbros (Cannat et al., 1992 ; Cannat, 1996 ; Cannat et al., 1995 ; Paulick et al., 2006 ; Bach et al., 2006 ; Petersen et al., 2009). Les forages effectués lors de la campagne ODP Leg 209 ont permis de mettre en évidence la présence de magnétite et de serpentine liées à l’altération de roches ultrabasiques. Ces premiers ont également révélé l’existence de trémolite et de talc, qui sont le plus souvent des produits résultant de l’altération de roches plus siliceuses et calciques comme le gabbro. Le site est parcouru par six zones actives de fumeurs noirs dont les températures de fluides, s’étalent sur une gamme allant de 175°C à 350°C (Douville et al., 2002 ; Schmidt et al., 2007). En termes de température et composition, les fluides prélevés sur Logatchev présentent d’importantes similitudes avec ceux collectés sur Rainbow. Les eaux possèdent notamment des concentrations très faibles en silice (8.2-8.6 mM). De la même manière, la serpentinisation des péridotites se manifeste par des concentrations en H2 (12-19 mM) et CH4 (2.1-3.5 mM) élevées. Cependant, et contrairement à Rainbow, la composition des fluides semble légèrement évoluer entre 1996 et 2005 (Schmidt et al., 2007).

Le champ hydrothermal Lost City se situe sur la MAR à 30°N et à 700 m de profondeur. Il constitue un cas très particulier de site hydrothermal localisé en contexte ultrabasique car contrairement à Rainbow et Logatchev, il ne se trouve pas à l’aplomb de la dorsale mais en est distant d’environ 15 km (Kelley et al., 2001). L’éloignement de la source de chaleur (chambre magmatique) explique les températures assez basses (entre 50 et 70°C) mesurées sur ces fumeurs.

Il regroupe une quinzaine de cheminées carbonatées d’une taille exceptionnelle (jusqu’à 60 m) et se caractérise par des fluides très alcalins (pH compris entre 9 et 11) contrairement à ceux, souvent acides, de Rainbow et Logatchev (Proskurowski et al., 2008). Ainsi, les cheminées hydrothermales de Lost City ne sont pas constituées de sulfures et oxydes sombres, mais plutôt de carbonates (calcite, aragonite) et brucite leur donnant un aspect très clair, d’où leur nom de fumeurs blancs.

Sur ce site, la concentration en H2 varie entre 1 mM et 14.5 mM, celle en CH4 entre 1 et 2 mM. La température de serpentinisation estimée par les géothermomètres de Bottinga (1969) et Horibe & Craig (1995) est de 110°C minimum (Proskurowski et al., 2006).

Ainsi, il apparait que la réaction de serpentinisation est très dépendante de nombreux paramètres tels que : les conditions physico-chimiques (essentiellement la température), la composition chimique de la roche de départ, ou encore le rapport massique eau/roche dans le milieu. Les concentrations initiales en fer dans le système tiennent un rôle primordial vis-à-vis de la production de dihydrogène. En effet, l’oxydation du Fe2+ contenu dans les minéraux de la roche mère conduit réduire les protons de l’eau qui se recombinent par la suite en molécules de H2. Des études ont montré que la cristallisation d’oxydes contenant du Fe3+ , mise en évidence durant la serpentinisation, n’était pas le seul processus associé à la formation de dihydrogène (Klein et al., 2009 ; McCollom & Bach, 2009 ; Seyfried et al., 2007). Des études expérimentales (Seyfried et al., 2007 ; Marcaillou et al. 2011) ont notamment montré que la serpentine pouvait également accueillir du fer ferrique au sein de son réseau cristallin. Si ces études permettent de déterminer les minéraux associés à la formation de dihydrogène, elles n’apportent pas d’éléments quantifiés sur la distribution, les teneurs et l’évolution du Fe3+ au sein de ces phases durant le processus d’altération des roches ultrabasiques. De la même manière, le manque de données de terrain sur la taille et la structure des réseaux hydrothermaux rend difficile l’estimation des taux de production d’H2 sur les dorsales océaniques. Les estimations actuelles de la production mondiale H2 à partir de la lithosphère océanique par les réactions eau-roche (hydratation) sont de l’ordre de 10¹¹ moles par an (Bach & Edwards, 2003 ; Sleep et al., 2007 ; Canfield et al., 2006 ; Cannat et al., 2010 ; Kasting & Canfield, 2012 ; Sherwood-Lollar, 2014).

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Table des matières

INTRODUCTION
I- CONTEXTE GENERAL ET ETAT DES CONNAISSANCES
I – 1. GITOLOGIE DU H2 NATUREL
I – 1.1. DORSALES OCEANIQUES
I – 1.2. LES OPHIOLITES
I – 1.3. SITES INTRACRATONIQUES
I – 2. CADRE GEOLOGIQUE REGIONAL
I – 2.1. LE KANSAS
I – 2.2. LES PUITS DE HEINS#1 ET SCOTT#1
I – 2.3. LE PUITS DE WILSON#1
I – 2.4. PUITS SUE DUROCHE#2
I – 2.5. HYDROLOGIE REGIONALE
I – 3. DONNEES GEOCHIMIQUES PREEXISTANTES
I – 3.1. SCOTT#1 ET HEINS#1
I – 3.2. WILSON#1
I – 3.3. MESURES DE SURFACES
I – 3.4. HYPOTHESES DE FORMATION DU H2
I – 4. PROBLEMATIQUE ET DEMARCHE SCIENTIFIQUE
II- METHODES ANALYTIQUES
II – 1. TERRAIN
II- 1.1. MESURES DE SURFACES
II – 1.2. PRELEVEMENT DES GAZ
II – 1.3. PRELEVEMENT DES EAUX
II – 2. OUTILS ANALYTIQUES
II – 2.1. LES GAZ RARES
II – 2.2. LES ISOTOPES STABLES
III – ETUDE GEOCHIMIQUE
III – 1. LES GAZ
III – 1.1. ETUDE TERRAIN – GAZ DE SURFACE
III – 1.2. LES GAZ ECHANTILLONNES SUR LE TERRAIN
III – 1.3. VERIFICATION DES CONDITIONS D’EXTRACTION DES GAZ SUR LE TERRAIN
III – 2. LES EAUX
III – 2.1. RESULTATS
III – 2.2. COMPARAISON DES EAUX DE D#2 ET M#1
IV – ETUDES DES ECHANTILLONS DE ROCHES
IV – 1. APPROCHE PETROGRAPHIQUE
IV – 1.1. LES CAROTTES DE FORAGES NP-1 ET DR1-A
IV – 1.2. ETUDES DES CUTTINGS DE D#2
IV – 1.2. LES KIMBERLITES
IV – 2. APPROCHE GEOCHIMIQUE : ISOTOPIE DE L’AZOTE
IV – 3. DISCUSSION
V – DISCUSSION DES DONNEES GEOCHIMIQUES – APPORT DES GAZ RARES
V – 1. ETAT DE PHASE ET COMPOSITION DE CES PHASES DANS L’AQUIFERE, APPROCHE THERMODYNAMIQUE
V – 2. DETERMINATION DE LA QUANTITE ET DE L’ORIGINE DE L’N2 EXCEDENTAIRE
V – 2.1. QUANTITE DE N2 EXCEDENTAIRE
V – 2.2. ISOTOPIE DU N2 EXCEDENTAIRE
V – 2.3. ORIGINE DU N2 EXCEDENTAIRE
V – 3. QUANTITE ET ORIGINE DE L’HE EXCEDENTAIRE
V – 3.1. SCENARIO D’UN HE D’ORIGINE MANTELLIQUE ET RADIOGENIQUE
V – 3.2. SCENARIO D’UN HE PRINCIPALEMENT D’ORIGINE RADIOGENIQUE ET ESTIMATION DU TAUX DE PRODUCTION D’HERAD DES ROCHES DU KANSAS
V – 3.3. TEMPS DE RESIDENCE DE L’EAU DE D#2 SUIVANT LES DEUX SCENARII
V – 4. QUANTITE ET ORIGINE DE L’H2
V – 4.1. RECAPITULATIF DE L’INTERPRETATION DE LA COMPOSITION ET DE L’ISOTOPIE DES GAZ RARES ET DU N2 ASSOCIE AU H2 DU GAZ DE TYPE 2
V – 4.2. RECAPITULATIF DE L’HISTORIQUE DES DONNEES DE COMPLETION DU PUITS DE D#2 ET INTERPRETATIONS DES VARIATIONS DE H2
V – 4.3. DYNAMIQUE ET ORIGINE DU H2 PRESENT DANS LE GAZ ISSU DES EAUX DU TUBING
V – 4.4. SCENARIOS DE PROVENANCE DU H2 ET DES GAZ ASSOCIES DES DIFFERENTS TYPES DE GAZ
V – 4.5. DYNAMIQUE ET ORIGINE DU H2 DES GAZ DE TYPE 1 ET 2 SUIVANT LE SCENARIO DE PROVENANCE DES GAZ
CONCLUSION

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