Au Moyen Orient, l’insuffisance des ressources hydriques a conduit à une pénurie qui s’est généralisée dans presque tous les pays de la région. La croissance démographique accompagnée d’une intensification de l’exploitation des ressources en eaux pour combler les besoins urbains, agricoles et industriels a aggravé la situation et a déclenché de longs conflits pour partager les eaux transfrontalières. Ainsi, ces conflits ont rapidement occupé la carte géopolitique de la région (conflits Turquie-Syrie, Liban-Israël, Irak-Syrie, Égypte-Soudan,…). Actuellement, le Liban est parmi les rares pays de la région classés en stress hydrique, les autres pays sont déjà dans une phase de pénurie. Pour ces raisons, l’eau revêt une importance majeure à l’échelle nationale et confère au Liban une spécificité régionale. La gestion et la protection de cette ressource sont devenues un souci primordial depuis la dernière décennie. En effet, le lancement assez rapide du pays vers le développement et l’ouverture à la mondialisation a induit une croissance agricole, industrielle et urbaine dans ses différentes régions. La croissance des productions industrielle et agricole a doublé entre 2006 et 2011 (Lebanon Economic Report, Bank Audi, 2012). Ce développement, anarchique dans la plupart des cas, a conduit à un stress environnemental assez important spécifiquement sur l’eau et les sols, ce qui a remis en question la progression des forces économiques durables et prospères. Cette croissance, bien que d’apparence positive pour le développement socio économique du pays, a généré des conséquences indésirables sur l’environnement. Quasiment aucune industrie au Liban n’applique les réglementations nationales et internationales tant sur l’utilisation des produits en amont des productions que pour la qualité de leurs effluents qui sont déversés dans l’environnement. De même, le manque, et leur dysfonctionnement lorsqu’elles existent, des stations d’épuration des eaux usées et des effluents industriels, ne cesse de dégrader la qualité des eaux superficielles ; le rejet direct d’effluents non traités induit toute sorte de pollution diffuse comme non diffuse). Cette dégradation a pris une ampleur significative à Beyrouth et sur le Mont Liban où vivent 65 % de la population Libanaise et prolifèrent plus de 62 % des activités industrielles du pays (Report, Industrial Companies in Lebanon, CDR, 2012). Les productions agro-alimentaires sont les implantations les plus nombreuses, suivies par des activités plus diversifiées telles que la production de produits chimiques, pharmaceutiques, cartons… On s’attend à trouver plusieurs types de polluants associés aux effluents urbains et industriels évacués ensemble dans les réseaux d’assainissement et rejetés directement ou indirectement sur la zone côtière. Ainsi, la caractérisation de la composition de ces effluents en termes de polluants est nécessaire (i) pour prévoir le devenir et l’impact de ces contaminants mais surtout (ii) pour enfin proposer des solutions de dépollution efficaces et pérennes. Ainsi, dans un programme de coopération entre le Conseil National de Recherche Scientifique au Liban (Commission Libanaise de l’Energie Atomique) et l’Université Paris-Est (Laboratoire Eau, Environnement et Systèmes Urbains – Leesu), des travaux de recherche ont été menés pour identifier et quantifier une série de molécules émergentes, présentes dans les produits de soin corporels, dans les eaux usées de Beyrouth (à savoir le triclosan, le triclocarban et les parabènes) (Geara-Matta, 2012). Des concentrations alarmantes en triclosan et parabènes ont été mises en évidence dans les eaux usées de Beyrouth avec toutefois un comportement singulier par rapport aux eaux usées parisiennes (Geara-Matta, 2012). Au cours de ces travaux, des lacunes ont été identifiées quant aux caractéristiques des eaux usées au Liban. Les données sur la qualité des eaux usées au Liban font défaut et quand elles existent elles ne sont pas accessibles. En conséquence, la présente thèse, la deuxième en coopération avec le Leesu et la première en coopération avec l’Université Libanaise, vise à combler l’absence d’information sur la qualité des eaux usées au Liban.
Synthèse bibliographique
Le Liban, pays du Proche-Orient, est une étroite bande de terre bordée par la Mer Méditerranée sur 210 km de côtes . Il est connu comme l’un des pays du bassin méditerranéen Est ayant des ressources abondantes en eau avec près de 630 L/jour par habitant (MOE/UNDP/ECODIT, 2011). Cependant le besoin réel par habitant varie entre 160 et 200 L/j (Comair, 2011). Les ressources en eaux souterraines du Liban proviennent principalement des aquifères de natures karstiques qui représentent environ 75 % des aquifères au Liban (El Fadel, 2001).
Le climat au Liban est caractérisé par une période hivernale avec de fortes précipitations (942 mm/an en moyenne) et une période sèche et humide en été. La température annuelle moyenne est de 20°C sur la côte et sur les basses altitudes ; elle varie entre 13 et 27°C, et entre 0 et 18°C sur les hautes altitudes. Dans la vallée de la Bekaa, elle varie entre 5 et 26°C (Jaber, 1997-1999; Comair, 2011).
En 1997, la population a été estimée à 4 millions d’habitants . Il est prévu qu’elle atteindra environ 4,5 à 5,2 millions en 2015 (Sarraf, 2004; EMWATER, 2004), avec un accroissement annuel de la population qui ne dépassera pas 1 % en 2015. La population libanaise habite principalement dans les zones urbaines, en particulier le long de la côte où vivent environ 59 % de la population sur une zone relativement étroite qui ne dépasse pas 8 % du territoire ; la densité de population atteint environ 420 hab./km² (Atlas-du-Liban, 2004). Beyrouth et ses banlieues accueillent, à elles-seules, 32 % de la population Libanaise.
Bilan hydrique annuel
Le fait que le Liban se trouve à une altitude plus élevée que ses voisins signifie qu’il ne reçoit pratiquement pas d’eau de surface des pays voisins. Ainsi, la seule ressource en eau au Liban sont les précipitations. Leur moyenne annuelle est estimée à 8600 Mm3/an (Jaber, 1997 ; Al Hajjar, 1997 ; El-fadel and Zeinati, 2000 ; Comair, 2011).
Plusieurs études ont été réalisées pour estimer le bilan hydrique annuel au Liban. Bien que ces études contiennent certaines incohérences, il est généralement admis qu’environ 50 % des précipitations moyennes annuelles sont perdues par évapotranspiration (MOE/UNDP/ECODIT, 2011).
D’après le ministère de l’environnement (MOE/UNDP/ECODIT, 2011), dans la partie « ressources hydriques au Liban », les précipitations moyennes à Beyrouth sur 60 ans, mesurées sur deux périodes de 30 ans chacune, montrent la présence de 7 mois avec des pluies, qui varient entre 15 et 20 mm/an en mai jusqu’à 200 à 320 mm/an en janvier. Le Liban a reçu, en moyenne, 840 mm/an pour la période 1933 1963, et 825 mm/an pour la période 1961-1990 (Figure 2). Cette figure montre la variabilité des précipitations durant 60 ans sur les deux périodes évoquées précédemment (1933- 1963 et 1961-1990). Une différence remarquable est observée pour le mois de janvier avec une différence de 150 mm/an entre les deux périodes ; la variation pour la plupart des autres mois n’est pas significative (ACS, 1996- 2006). La pluviométrie moyenne enregistrée à Beyrouth, Zahlé et Tripoli, entre 1996 et 2000, montre des fluctuations comprises entre 487 et 834 mm/an qui atteignent environ 60 % dans la zone côtière (Beyrouth et Tripoli). Pour les régions plus intérieures, les plus sèches (Zahlé) présentent des valeurs annuelles comprises entre moins de 30 % et au-delà de 200 % par rapport à la valeur moyenne obtenue sur les six ans de mesure .
Besoins en eau
De nombreuses études ont été réalisées pour estimer la consommation en eau dans le pays et ses besoins futurs (Al Hajjar, 1997 ; El Fadel, 2001 ; Comair, 2011). Cependant, il est difficile de déterminer réellement la consommation en eau au Liban. En effet, une partie importante de l’eau est perdue en raison de fuites dans les réseaux de distribution. Une autre raison de sous-estimation est liée à la présence des puits et des forages distribués dans tout le pays et dont la plupart sont privés et ne sont pas enregistrés ni surveillés (Comair, 2011). Il a été estimé par Choueiri et al (2002) que l’eau utilisée par le secteur agricole représente entre 60 et 70 % de la consommation totale en eau. Ce pourcentage diminue avec le recul des terrains disponibles. En revanche, cette étude n’est pas en concordance avec les estimations établies dans un rapport de l’Observatoire Libanais de l’environnement et du développement (MOE/UNDP/ECODIT, 2011). Selon cette étude, il est prévu une croissance considérable dans ce secteur en 2015. Cependant, la part relative du secteur domestique va augmenter jusqu’à 32 % sous la pression de la croissance démographique au dépend des secteurs agricoles et industriels .
Il est rapporté par Fawaz (1992) et El Fadel (2001) que la consommation annuelle en eau est aux alentours de 1300 Mm3 . Les prévisions de la demande en eau étaient très divergentes, allant de 1897 Mm3 jusqu’à 3300 Mm3 pour l’année 2010 (CDR/LACECO, 2000c) alors qu’elle a finalement atteint 1530 Mm3 . Quelle que soit l’augmentation des besoins en eau, elle restera inférieure à la demande réelle selon Al Hajjar et Jaber (1997). En d’autres termes, plus la quantité d’eau disponible augmentera, plus la consommation en fera de même. Cependant, toutes les estimations prévoient un déficit hydrique au Liban dans les 10 ans à venir.
Demande en Eau dans le pays
D’après la Banque mondiale (WB, 2009), le Liban est classé parmi les pays étant en situation de stress hydrique. La demande prévue à l’horizon 2020 dépassera les ressources renouvelables exploitables. La consommation d’eau par habitant selon la même référence est de 140 L/j et la croissance démographique annuelle de 2,5 %. La demande annuelle en eau pour 2010 était de 1530 Mm3 , elle subira une augmentation de 25 % en 2020 et 45 % en 2030. Cette augmentation est prévue essentiellement dans les secteurs domestiques et industriels. Bien que la surface irriguée doive passer de 90 000 ha en 2010 à 140 000 ha en 2030, les volumes d’eau pour l’irrigation diminueront de 9 000 m3 /ha à 8 000 m3 /ha conduisant globalement à une diminution de la demande en eau pour l’irrigation de 8 % en 2020 et 18 % en 2030 (WB, 2009).
Toutefois, d’autres études sont plus optimistes telles les projections du ministère de l’énergie et de l’eau (MEE) et du ministère de l’environnement (ME). La consommation d’eau par habitant au Liban varie entre 160 et 180 L/j et la consommation touristique en eau peut atteindre 400 L/j avec une croissance démographique annuelle aux alentours de 1,75 %. La demande annuelle en eau en 2010 était de 1473 Mm3 ; elle subira des augmentations de 1 %, 2 %, 9 %, 16 % et 22 % respectivement pour les années 2015, 2020, 2025, 2030 et 2035. Cette étude montre une augmentation de la demande pour l’irrigation au contraire de l’étude précédente de la banque mondiale. L’augmentation prévue durant les 25 prochaines années de la demande en eau est de l’ordre de 22 % selon le ministère de l’énergie et de l’eau, tandis que l’augmentation prévue en 2030 de la demande en eau est de l’ordre de 84 % selon la Banque mondiale (WB, 2009). Cette différence est reliée à la demande en eau pour le secteur domestique.
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Table des matières
I CHAPITRE 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1 Introduction
I.2 Bilan hydrique annuel
I.3 Besoins en eau
I.4 Demande en Eau dans le pays
I.5 La construction de barrages
I.6 Les eaux de surface au Liban
I.6.1 Fleuve Litani
I.6.2 Fleuve Beyrouth
I.6.3 Fleuve El Kalb
I.7 Gestion des eaux usées
I.7.1 Rejets des eaux usées
I.7.2 Eaux usées domestiques
I.8 Stations d’épuration
I.8.1 Cas de la Région du Grand Beyrouth
I.9 Assainissement en Région Parisienne
I.9.1 Qualité des eaux usées en Île-de-France
I.10 Éléments traces métalliques (ETM)
I.10.1 Les ETM dans les eaux usées
I.10.2 Destinée des ETM au cours du traitement
I.10.3 Spéciation des ETM
I.10.4 Spéciation à l’aide de la DGT
I.10.5 Spéciation à l’aide du disque chélatant
I.11 Matière organique dissoute (MOD)
I.11.1 Protocole de fractionnement de la MOD
I.11.2 Interaction MOD-ETM
I.12 Conclusion
II CHAPITRE 2 MATÉRIELS ET MÉTHODES
II.1 Contexte expérimental
II.2 Choix des sites expérimentaux au Liban
II.2.1 Site de Jounieh (Golden Star)
II.2.2 Site d’Antelias
II.2.3 Site Fleuve Beyrouth
II.2.4 Site de la station de prétraitement d’Al Ghadir
II.3 Stratégie de prélèvement
II.3.1 Le prélèvement ponctuel
II.3.2 Le prélèvement en continu
II.4 Présentation des sites en France
II.4.1 Émissaires Seine-Aval
II.4.2 Émissaire Seine-Amont
II.4.3 Émissaire Marne-Aval
II.4.4 Station d’épuration de Seine-Centre (SEC)
II.4.5 Impact sur le milieu récepteur
II.5 Bilan des campagnes de prélèvement
II.6 Les méthodes d’analyses
II.7 Paramètres globaux
II.7.1 Demande biochimique en oxygène (DBO)
II.7.2 Demande chimique en oxygène (DCO)
II.7.3 Biodégradabilité des eaux usées
II.7.4 Matière en suspension (MES)
II.7.5 Carbone organique dissous (COD)
II.7.6 Carbone organique particulaire (COP)
II.7.7 Potentiel Zeta
II.7.8 La distribution granulométrique
II.7.9 IRTF
II.8 Fractionnement de la MOD
II.8.1 Absorbance UV spécifique (SUVA) et % d’aromaticité
II.9 Analyse des éléments traces métalliques (ETM)
II.9.1 Préparation du matériel
II.9.2 Protocole de minéralisation et de préparation avant l’analyse
II.9.3 Mode d’analyse des éléments traces métalliques
II.9.4 Spectrométrie d’absorption atomique (SAA)
II.9.5 ICP-MS
II.10 Chromatographie ionique & photométrie de flamme
III CHAPITRE 3 RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
III.1 Paramètres globaux Liban
III.1.1 Suivi ponctuel
III.1.2 Suivi en continu
III.1.3 Principales conclusions sur les paramètres globaux des eaux usées au Liban
III.2 Paramètres globaux en France
III.2.1 pH et conductivité
III.2.2 Conductivité
III.2.3 MES-COD
III.2.4 Synthèse des principales conclusions sur les caractéristiques des eaux usées en France.
III.3 Comparaison des paramètres globaux entre le Liban et la France
III.3.1 pH-Conductivité
III.3.2 MES- DBO5
III.3.3 DCOT –Biodégradabilité
III.3.4 Conclusion
III.4 Éléments Traces Métalliques (ETM) dans les sites du Liban
III.4.1 Le Zinc
III.4.2 Le Chrome
III.4.3 Le Cuivre
III.4.4 Le Plomb
III.4.5 Le Cadmium
III.4.6 Synthèse sur les ETM obtenus au Liban
III.4.7 Principales conclusions sur les ETM dans les eaux usées au Liban
III.5 ETM en France
III.5.1 ETM dans les émissaires
III.5.2 ETM dans le rejet de la STEP Seine Aval
III.6 Comparaison des ETM entre le Liban et la France
III.6.1 Le chrome
III.6.2 Le zinc
III.6.3 Le cuivre
III.6.4 Le cadmium
III.6.5 Le plomb
III.6.6 Conclusion
III.7 Matière Organique Dissoute (MOD)
III.7.1 MOD dans les émissaires
III.7.2 MOD de la STEP Seine centre
III.7.3 MOD dans le milieu récepteur et le rejet de SAV
III.7.4 Conclusion
IV CONCLUSIONS GENERALES
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