Caractérisation de QTL contrôlant des traits racinaires chez le Mil

PAR : Princia Aurore Biawallys NAKOMBO-GBASSAULT

Mémoire de fin d’études
Présenté pour l’obtention du Master
Mention : Sciences et technologies de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement
Parcours : Sélection et évolution des plantes méditerranéennes et tropicales

Architecture du système racinaire

Le système racinaire correspond à l’ensemble du réseau formé par les racines d’une plante. La distribution de ces racines dans le temps et l’espace à travers le sol est régi par trois processus développementaux : l’allongement des racines, leur taux et angles de ramification. Ces processus caractérisent l’architecture racinaire (Rich et Watt, 2013). Celle-ci varie selon les espèces, mais aussi au sein des espèces, en fonction du génotype et de l’environnement. Ces processus développementaux impactent la capacité d’explorer et exploiter différents horizons du sol. Le système racinaire des céréales est un système fasciculé et s’oppose au système pivotant des dicotylédones par le fait que le pivot (racine primaire) cesse de croître pour laisser place à des racines adventives d’égale importance disposées à la base de la tige et qui peuvent devenir plus importantes que la racine primaire. C’est un système plus horizontal et superficiel que celui des dicotylédones. Il est composé de différents types de racines: la ou les racines primaires et des racines latérales, qui sont communes aux plantes monocotylédones et les plantes dicotylédones, et les racines coronaires, qui sont caractéristiques des monocotylédones (Passot et al., 2018). La première racine à émerger de la graine est la racine primaire dont le nombre peut varier en fonction des céréales : un chez le maïs à six ou sept chez le blé (Passot, 2016). Aux stades ultérieurs du développement, les racines coronaires émergent de la base de la tige. En fonction des génotypes, elles ont un diamètre et un taux d’allongement relativement grand, un type de croissance indéterminé et un gravitropisme positif. Les racines latérales apparaissent ensuite sur les racines primaires et/ou coronaires par un processus de ramification acropète (Passot et al., 2016). Les racines latérales peuvent elles-mêmes se ramifier, ces ramifications sont appelées racines latérales secondaires, tertiaires, etc… (Smith et De Smet, 2012).
On distingue différents types de racines latérales ; chez le mil par exemple, on en a identifié trois types (Passot et al., 2016 ; Passot et al., 2018).

Interaction racines – sol – microbiome : la rhizosphère

La rhizosphère, du grec “rhiza” qui signifie “racine” et “sphère” champ d’action ou d’influence, a été introduit en 1904 par Lorenz Hiltner pour définir la région du sol sous l’influence des racines des plantes (Hartmann et al., 2008 ; Pang et al., 2017 ; De la Fuente Cantó et al., 2020). Cette région où s’effectuent les échanges entre le sol et la plante est caractérisée par des propriétés physico-chimiques particulières et une intense activité microbienne (Valencia, 2008).
Le sol est constitué de macroagrégats (diamètre > 250μm) et microagrégats (diamètre < 250μm) dont la stabilité est fortement corrélée à la nature et à la teneur en matière organique du sol (MOS) qui assure la cohésion des particules minérales (Ndour et al., 2017). La structuration et la stabilité de ces agrégats déterminent les propriétés mécaniques et physiques du sol (rétention/mobilité de l’eau et des éléments minéraux, aération, régulation de la température, etc…) qui constituent des facteurs déterminants pour la croissance racinaire et la nutrition de la plante (Dickson et al., 1991). La croissance des racines modifie la structure de la rhizosphère en augmentant la taille ainsi que la
densité des pores du sol à proximité de la surface des racines (Koebernick et al., 2017). Les racines ont la capacité de synthétiser, d’accumuler et de sécréter un éventail diversifié de composés biochimiques qui constituent l’ensemble des exsudats racinaires et peut représenter jusqu’à 17% des photo-assimilats végétaux (Ndour et al., 2017 ; De la Fuente Cantó et al., 2020). Les exsudats racinaires contribuent à l’allocation du carbone dans le sol et à l’approvisionnement en carbone et en énergie microbienne (Ndour et al., 2017), ce qui a ensuite un impact sur l’agrégation du sol autour des racines. D’autres molécules complexes telles que le mucilage (sucres polymérisés) sont activement excrétées par les cellules de la coiffe des racines, formant une couche gélatineuse autour de l’extrémité de la racine. La quantité et la composition de ces substances varient considérablement en fonction de la diversité des communautés végétales, des espèces de plantes, des génotypes, de l’âge des plantes et des conditions de croissance (De la Fuente Cantó et al., 2020).

Le système racinaire des céréales : une cible pour l’amélioration variétale ?

Face aux enjeux climatiques, l’agriculture moderne a pour objectif l’amélioration de la sécurité alimentaire tout en limitant les impacts environnementaux. La recherche scientifique s’investit de plus en plus dans la sélection de cultures présentant une efficience d’absorption et d’utilisation de nutriment dans un environnement contraignant. De ce point de vue, les traits racinaires apparaissent comme des cibles intéressantes. Des phénotypes racinaires cibles ont ainsi été identifiés pour leur impact sur l’efficacité d’absorption de l’azote (N) et du phosphore (P) ; du potassium (K), du calcium (Ca) et du magnésium (Mg) dans les sols acides ; et l’efficacité d’absorption du fer (Fe) et du zinc (Zn) dans les sols alcalins (Lynch, 2019 ; Tracy et al., 2020). La disponibilité contrastée de ces nutriments dans le temps et l’espace, et leur dépendance aux processus physico-chimiques et microbiologiques du sol, impliquent des compromis pour les stratégies d’amélioration des traits racinaires. Ainsi, différents idéotypes  peuvent être proposés (Lynch, 2019). Le phénotype « Topsoil foraging » qui favorise l’exploration de la couche arable est utile pour l’absorption du P et devrait également l’être pour celle du K, du Ca et du Mg dans les sols acides. L’idéotype « Steep, cheap, and deep » présente quant à lui un système racinaire profond qui favorise l’exploration de sous-sol ; il est efficace pour l’absorption de l’azote et de l’eau. La fixation du Fe et du Zn peut être amélioré en ciblant les mécanismes de mobilisation des métaux dans la rhizosphère. Les programmes de sélection devraient également s’intéresser davantage aux poils absorbants car ils réduisent le coût métabolique de l’exploration du sol.

Le mil

Biologie de la plante

Le mil, Pennisetum glaucum [L.] R. Br syn. Cenchrus americanus (L.) Morrone est une espèce diploïde annuelle (2n = 2x = 14) de monocotylédone appartenant au clade PACMAD c’est-à-dire Panicoideae, Arundinoideae, Chloridoideae, Micrairoideae, Aristidoideae et Danthonioideae. La taille de son génome est estimée à 1,76 Gb. Il a longtemps été classé au sein de différentes espèces en raison d’une grande diversité morphologique mais il fait désormais partie de la section Penicillaria du genre Pennisetum, de la famille des Poaceae, sous-famille Panicoideae, tribu des Paniceae. C’est une graminée avec un métabolisme en C4 comme le sorgho ou le maïs.
Le système végétatif aérien du mil est composé de talles qui se forment à partir du plateau de tallage située au niveau du sol (Maiti et Bidinger, 1981). Chaque talle, après un développement complet, est formée d’une tige, de feuilles et d’une inflorescence appelée panicule ou chandelle. En fonction des variétés et zones écologiques, la plante mature présente un port érigé de 0,5 à 3 mètres et des tiges épaisses de 10 à 40 mm de diamètre sur lesquelles s’alternent sur deux lignes opposées des feuilles de 20 à 100 cm de long et 5 à 50 mm de large (Passot, 2016). Les graines de mil sont maintenues sur la chandelle qui mesure 10 à plus de 150 cm de long (Passot, 2016). Le rachis cylindrique de la chandelle et la présence d’une touffe de poils sur le haut des étamines est une caractéristique de l’espèce au sein du genre. En fonction des variétés, il y a généralement entre 500 et 3000 épillets sur une panicule. Les graines de mil sont de diverses couleurs et pèsent environ 5 à 20 mg avec des tailles relativement petites (environ 2 à 5 mm) et des formes allant de globulaire à lancéolée (Passot, 2016). Le système racinaire quant à lui est de type fasciculé et présente des racines fibreuses avec une racine principale fine et petite qui est ensuite rapidement remplacée par des racines secondaires qui se répandent très largement dans le sol (Orman-Ligeza et al., 2013). Le développement racinaire du mil est important et peut atteindre 300 cm de profondeur à la récolte.

Origine et domestication

Le mil (Pennisetum glaucum (L.) R. Br. syn. Cenchrus americanus (L.) Morrone) est la plus ancienne céréale africaine dans les archives archéologiques d’Afrique (Fuller et Macdonald, 2007 ; Manning et al., 2011). L’ensemble des mils cultivés provient d’un ancêtre sauvage commun, P. glaucum monodii (L.) R.Br., que l’on retrouve de nos jours dans le Sahel central (Brunken, 1977). Cependant l’aire de distribution actuelle des mils sauvages est différente de celle des populations d’origine. En effet, un modèle spatial basé sur l’analyse des séquences du génome entier d’accessions de formes sauvages et de variétés traditionnelles représentatives de la diversité géographique du mil a permis d’identifier une origine à une latitude supérieure à l’aire de répartition actuelle des populations sauvages (Burgarella et al., 2018). Il s’agit du bassin de Taoudeni au Sahara occidental (-6,61° E, 23,58° N), correspondant à un climat plus humide qui a prévalu au Sahara il y a 6 000 ans (Burgarella et al., 2018). Autrefois, le Sahara était caractérisé par un système étendu de lacs; son assèchement a conduit il y a environ 3 200 ans les communautés végétales à se déplacer vers le sud pour atteindre leur répartition actuelle (Tostain, 1998 ; Burgarella et al., 2018). La diffusion de l’agriculture du mil a débuté il y a environ 4 892 ans (95% IC 3 685-5 889) au Sahara occidental (Burgarella et al., 2018).
Au cours de celle-ci, le mil cultivé s’est hybridé avec des mils sauvages dans l’ouest et l’est du Sahel, ce qui a conduit à des points de diversité en dehors du centre d’origine (Oumar et al., 2008). Le mil a donc été domestiqué en Afrique de l’Ouest avant que sa culture se diffuse vers les autres régions du monde. On peut supposer deux processus de migration : une vers l’Est de l’Afrique puis l’Asie notamment l’Inde et une vers le sud de l’Afrique en rapport avec le déplacement des populations de l’ethnie Bantou.

Importance économique et sociale

Le mil est l’une des céréales les plus cultivées dans les régions arides et semi-arides du monde en raison de sa grande capacité de résilience. Selon l’Institut internationale de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), environ 30 millions d’hectares de la surface mondiale est dédiée à la culture du mil principalement dans des régions où l’agriculture traditionnelle est prédominante. En effet, le mil est cultivé principalement en Asie et Afrique où il constitue l’aliment de base pour plus de 90 millions d’agriculteurs. Ces deux continents ont produit à eux seuls respectivement 48,9% et 48,1% de la production mondiale de mil en 2018 (FAOSTAT, 2018). Le mil est la sixième céréale la plus importante au monde après le blé, le maïs, le riz et le sorgho. Le premier producteur de mil est l’Inde avec plus de 11 millions de tonnes produites en 2018 pour une surface cultivée de 9 millions d’hectares (FAOSTAT, 2018). Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), près de 15 millions d’hectares sont consacrés à la culture du mil en Afrique. Le mil constitue 6% de la production céréalière totale en Afrique et 14% pour l’Afrique de l’Ouest seule (Passot, 2016). L’Afrique de l’Ouest est donc aussi une grande zone de production. Les principaux pays producteurs en Afrique sont le Niger avec 3,8 millions de tonnes produites, le Nigéria et le Mali avec 1,8 millions de tonnes produite chacun en 2018 (FAOSTAT, 2018).
Le mil est généralement cultivé dans le cadre d’un système de culture mixte en alternance avec des légumineuses (arachide, niébé, …) ou d’autres céréales (maïs, sorgho, blé, …) pour ses grains qui sont destinés à l’alimentation humaine mais aussi de plus en plus pour ses parties végétatives utilisées comme fertilisant ou aliment pour bétail (Andrews et Kumar, 1992). Au niveau mondial, les rendements en mil sont inférieurs aux autres céréales. En outre, la production mondiale est principalement consommée dans les zones de production notamment en Afrique où la récolte est exclusivement destinée à l’autosubsistance (Andrews et Kumar, 1992). Les échanges internationaux sont donc relativement faibles (0,5 millions de tonnes) avec des prix d’environ 250$/tonne ; le premier exportateur de mil est l’Inde (Passot, 2016).

Facteurs limitants la production du mil

Contraintes biotiques

La faible production du mil est due en partie à des pressions parasitaires dont la plus importante est d’origine fongique (Mbaye, 1993). On peut citer le mildiou causé par Sclerospora graminicola et Plasmopara penniseti qui attaque la plante dès le stade plantule et réduit le rendement de l’ordre de 20 à 40% ; le charbon causé par Moesziomyces penicillariae responsable des pertes de rendement de près de 30%, l’ergot causé par Claviceps fusiformis qui réduit les rendements de 58 à 70% ; la pyriculariose causée par Pyricularia grisea et la rouille causée par Puccinia substriata var. penicillariae (Mbaye, 1993 ; Moumouni, 2014 ; Kadri et al., 2019). Les maladies bactériennes comme la tache bactérienne (Pseudomonas syringae) et la strie foliaire bactérienne (Xanthomonas campestris pv. pennamericanum) occasionnent peu de dégâts (Passot, 2016). Les maladies virales qui ont quant à elles été signalées sur le mil sont peu importantes, il s’agit de Freckled Yellow Diseases et la mosaïque de la canne à sucre (Mbaye, 1993).
Le mil est attaqué par un nombre réduit d’insectes par rapport aux autres céréales. Ils appartiennent principalement aux ordres des lépidoptères, des diptères et parfois des coléoptères et peuvent être regrouper en cinq classes : les ravageurs de l’épi comme la chenille mineuse (Heliocheilus albipunctella) qui attaque près de 70% des épis et peut occasionner des pertes de rendement de 15%, les foreurs de tiges (Acigona (Coniesta) ignefusalis et Sesamia calamistis), les insectes de stocks (Sitotroga cerealleala Oliv, Tribolium castaneum,…), les ravageurs des plantules et les insectes phyllophages. On dénombre également des ravageurs polyphages comme les acridiens (Oedaleus senegalensis, Schistocerca gregaria), les oiseaux granivores (Quelea quelea, Q. erythrops, …) et les rongeurs nuisibles (Arvicanthis niloticus, Mastomis sp) (Mbaye, 1993 ; Kadri et al., 2019).

Contraintes abiotiques

Le mil est généralement cultivé dans des régions marginales où d’autres céréales peuvent difficilement être cultivées. L’une des principales contraintes de développement du mil est la sécheresse, elle survient généralement au stade précoce ou pendant les phases de remplissage des grains (Passot, 2016). Lorsque le mil est soumis à un stress hydrique en phase juvénile, cela a des conséquences sur la maturation des graines même si le développement végétatif bénéficie à nouveau d’un apport en eau (Debieu et al., 2018). Par conséquent, le stress hydrique précoce réduit significativement les composantes du rendement (hauteur des plantes, biomasse aérienne, nombre total de grains et leur poids). En Afrique sub-saharienne, le mil est généralement semé après ou juste avant la première pluie de la saison des pluies. Cette dernière est de courte durée et aléatoire selon les années ; les prédictions climatiques indiquent l’apparition d’évènements de plus en plus extrêmes tels que de fortes pluies, des sécheresses ou inondations et une augmentation d’année en année de la variabilité des précipitations ce qui ne feront qu’accentuer par moment les carences en eau dans ces zones (Sultan et al., 2013). En outre, les températures au niveau du sol dans les zones arides peuvent atteindre facilement 45 °C favorisant ainsi une déshydratation immédiate du sol laissant la culture avec très peu de ressource hydrique (Passot, 2016). Par ailleurs, les sols sont également caractérisés par une faible teneur en matière organique et les cultivateurs les fertilisent peu. Le manque de nutriments est donc l’un des facteurs limitants pour la croissance du mil, notamment le phosphore dont une carence crée ou renforce le stress hydrique déjà existant. Après le phosphore, l’azote est le deuxième nutriment limitant la croissance des plantes.

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Table des matières

Introduction 
1. Synthèse bibliographique
1.1. Le système racinaire des céréales
1.1.1. Architecture du système racinaire
1.1.2. Interaction racines – sol – microbiome : la rhizosphère
1.1.3. Le système racinaire des céréales : une cible pour l’amélioration variétale ?
1.2. Le mil
1.2.1. Biologie de la plante
1.2.2. Origine et domestication
1.2.3. Importance économique et sociale
1.2.4. Facteurs limitants la production du mil
1.3. Problématique du stage
2. Matériels et méthodes
2.1. Matériel végétal
2.2. Génotypage par séquençage 
2.3. Modélisation de QTL : Bulk Segregant Analysis (BSA) 
2.3.1. Simulation de la population F2
2.3.2. Analyses statistiques
2.4. Evaluation de l’homogénéité des lignées BC2F4 
2.4.1. Diversité phénotypique de la croissance racinaire précoce des lignées BC2F4
2.4.2. Diversité génétique des lignées BC2F4
2.5. Analyse statistique des données 
3. Résultat
3.1. Modélisation de QTLs : Analyse de ségrégation en masse (Bulk Segregant Analysis ou BSA) 
3.1.1. Impact de la variation de qtl effect sur la précision d’estimation de la position de QTL
3.1.2. Impact de la variation du nombre d’individus d’une population en fonction de l’effet QTL
3.2. Analyses de lignées recombinantes fixées
3.2.1. Analyse de l’homogénéité génétique des lignées
3.2.2. Analyse de l’homogénéité phénotypique des lignées
4. Discussion 
Conclusion

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Mots clés : Pennisetum glaucum, Lignées BC2F4, Racines, Phénotypage, analyse de ségrégation en masse.

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