Influence de l’hydrologie sur les observables géodésiques
La redistribution des masses d’eau sur la surface terrestre est liée au cycle de l’eau. Les moteurs de ce cycle, la gravité et le soleil, maintiennent en continu les masses d’eau en mouvement par l’évaporation de l’eau puis la circulation de celle-ci sur les surfaces continentales. Le forçage solaire est saisonnier et conditionne la variabilité des mouvements de masse d’eau au cours du temps. Ainsi les variations du stock en eau sur les continents ont lieu de manière saisonnière. Les variations de ces stocks influent sur les observables géodésiques selon trois mécanismes :
– Un effet d’attraction direct, dit Newtonien, provoquant la modification du champ de pesanteur.
– Un effet de surcharge élastique induisant une flexure et donc un déplacement radial et tangentiel de la surface, visible lorsque les masses d’eau varient sur des surfaces de taille continentales.
– Un effet d’attraction lié aux redistributions des masses causées par cette même flexure.
Chacun de ces mécanismes va avoir un effet plus ou moins important en fonction de la dimension de la masse. Ainsi, lorsque les variations de la distribution de l’eau se font à échelle continentale, la surcharge élastique liée à cette redistribution sera significative. En raison de la sphéricité terrestre les effets directs seront aussi non négligeables. Par contre lorsque les variations de la distribution de l’eau sont présentes sur une surface plus réduite les effets de surcharge élastique vont être négligeable au regard des effets directs.
Modèles physiques discrétisés
Dans les modèles physiques, la zone saturée est assimilée à un réseau de fractures et de conduits traversant la matrice poreuse. Ces modèles nécessitent un choix a priori des paramètres hydrauliques, de la géométrie et de l’extension des conduits ainsi que la géométrie de la fracturation. Kiraly (2003), applique au système karstique un modèle d’éléments finis à 3D résolvant l’équation d’un flux laminaire. Des modèles hydrogéologiques basés sur des structures multicouches et intégrant différentes formulations du flux (Darcy, fissure et chenaux) ont été réalisés sur un petit système karstique (Zhang et al., 2011). Le flux au travers de la zone non saturée a été pris en compte et modélisé. Les auteurs considèrent que le flux en zone non saturée s’effectue uniquement par des fractures. La formulation mathématique du flux moyen au travers d’une fracture est donnée par la loi nommée ‘Cubic law’(Kiraly, 1969). Des facteurs géométriques comme l’ouverture ou la rugosité des fractures sont pris en compte dans cette formulation. D’autres approches prennent en compte le transfert de l’eau en zone non saturée en considérant un comportement non saturé de l’eau dans cette zone (Contractor & Jenson, 2000). Ces auteurs utilisent la formulation de Richards (1931) pour simuler le flux d’eau non saturé au travers de la zone non saturée. En raison de la méconnaissance de la structure exacte du karst et du type de flux au sein de l’aquifère (laminaire ou turbulent), il y a généralement peu de contraintes sur ces modèles.
Organisation du système karstique
De nombreuses sources temporaires et pérennes drainent des eaux du Causse de l’Hortus. Le système de sources pérennes Lamalou-Crès constitue l’exsurgence principale du Causse. Le débit à l’étiage est de 5 l/s pour la source du Lamalou avec des débits pouvant atteindre de 10 m3/s en période de crue et de 1 à 2 l/s pour la source du Crès (Bonin, 1980; Chevalier, 1988). Des traçages artificiels et des essais de pompage ont montré que ces deux sources sont indépendantes en période d’étiage (Bonin, 1980). Cependant certains traçages effectués en amont du Causse ressortent aux deux exsurgences prouvant l’existence d’une connexion entre ces deux réseaux notamment en période de hautes eaux (Durand, 1992). Le bassin d’alimentation du système karstique du Lamalou-Crès a été déterminé au moyen de différentes méthodes. La géologie permet d’imposer une limite en profondeur de cet aquifère : le Berriasien marneux imperméable défini la limite inférieure de l’aquifère. Au Sud-ouest, les dépôts du bassin de Saint-Martin-de-Londres constituent une barrière captive et limite les eaux de l’aquifère. La topographie joue un rôle important dans la limitation planimétrique du système. Les escarpements calcaires constituent les limites Ouest et Sud du système karstique. De nombreux traçages artificiels dans les cours d’eau souterrains ont permis de découper la surface du plateau en plusieurs bassins dont le plus important appartient au système de source Lamalou-Crès. Le bassin d’alimentation est représenté en pointillé bleu sur les Figure 4.3 et Figure 4.5. Un bilan de masse a été effectué par Chevalier (1988) afin de mieux contraindre la surface du bassin versant. La surface d’alimentation du système Lamalou-Crès a été estimée entre 30 km² et 40 km² selon les auteurs (Bonnet et al., 1980; Chevalier, 1988).
Lithologie et stratigraphie
La série stratigraphique du Larzac méridional est marquée par trois séries carbonatées intercalées par des séries marneuses. Les séries carbonatées du Lias affleurent dans la partie Nord-Ouest de la zone, à la faveur d’un accident majeur. Elles sont constituées de calcaires et dolomies karstifiées d’une épaisseur totale de 250 m. La série marneuse, déposée sur le Sinémurien, est datée du Toarcien et a une épaisseur de 20-30 m environ. Elle est constituée de marnes noires et marnes feuilletées et constitue probablement une barrière imperméable entre l’aquifère Liasique et celui du Dogger. Au dessus s’est déposée la série carbonatée du Dogger composée en majorité par les dolomies du Bathonien. Cette série est beaucoup moins épaisse que dans la partie Occidentale du plateau du Larzac avec une puissance totale inférieure à 100 m. Elle affleure uniquement en fond de vallée (Figure 4.14). Elle est surplombée par une seconde série marneuse datée à l’Oxfordien inférieur. Cette série épaisse de 50 m environ constitue un niveau imperméable entre l’aquifère sous-jacent et sus-jacent et représente le niveau inférieur de l’aquifère karstique de Gourneyras. Au dessus de ces marnes, on distingue à nouveaux des séries carbonatées :
– Les calcaires lités de l’Oxfordien supérieur, d’épaisseur ~80 m.
– Les calcaires bioclastiques du Kimméridgien, d’épaisseur ~120 m. Cette série affleure majoritairement sur le système karstique de Gourneyras (Figure 4.14).
– Les dolomies cristallines du Kimméridgien supérieur, d’épaisseur largement inférieure à 10m. Cette formation est présente à l’affleurement sous forme lenticulaire.
– Les calcaires blancs du Tithonien pouvant atteindre une épaisseur de 200m.
En discordance, on observe des dépôts d’altérations d’âge Quaternaire à la surface du Causse. Ces formations seront détaillées dans la suite du manuscrit.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. GEODESIE POUR L’HYDROGEOLOGIE
1 Influence de l’hydrologie sur les observables géodésiques
1.1. Modélisation de l’effet Newtonien
1.2. Effet de déformation élastique et anélastique
2 Etudes gravimétriques des hydro systèmes
3 Intérêt de la gravimétrie terrestre dans l’étude des systèmes hydrologiques de taille réduite
4 Relation entre gravimétrie et quantité hydrologique
3. LE KARST
1 Paysage karstique et karstification
2 Typologie karstique
3 Structure hydrogéologique et spécificités d’un système karstique
3.1. Hétérogénéité du système
3.2. Fonctionnement non linéaire
3.3. Des stocks en eau importants
4 Modèles hydrologiques conceptuels du fonctionnement karstique
4.1. Le modèle de Drogue
4.2. Le modèle de Mangin
4.3. Le modèle d’Emblanch
5 Définition et propriétés de la zone non saturée
5.1. Définition
5.2. Propriété de stockage dans la zone non saturée
5.3. Propriété de transfert de l’eau dans la zone non saturée
5.4. Flux d’eau en zone non saturée
6 Moyens d’étude du fonctionnement karstique
6.1. Les méthodes hydrogéologiques
6.1.1. Analyse de l’hydrogramme de source
6.1.2. Utilisation de la chimie des eaux
6.1.3. Modélisation du comportement de la source
6.1.3.1. Modèles physiques discrétisés
6.1.3.2. Modèles à réservoirs
6.1.3.3. Modèle type boite noire ou fonction de transfert
6.1. Modélisation du flux en zone non saturée
4. LES ZONES D’ETUDES
1 Contexte et histoire géologique régionale
1.1. La région Nord Montpelliéraine et le Larzac
1.2. La région du Vaucluse
2 Le système karstique du Lamalou (Causse de l’Hortus)
2.1. Lithologie et stratigraphie
2.2. Structure et Fracturation
2.3. Hydrologie du système karstique de l’Hortus
2.3.1. Topographie
2.3.2. Formation superficielle
2.3.3. Organisation du système karstique
2.3.4. Rôle de la fracturation dans le fonctionnement du système karstique
2.3.5. Propriétés de la zone non saturée
3 Le système karstique du Durzon (Larzac)
3.1. Lithologie et stratigraphie
3.2. Structure et fracturation
3.3. Hydrologie du système karstique du Durzon
3.3.1. Topographie
3.3.2. Formations superficielles
3.3.3. Organisation du système karstique
3.3.4. Hétérogénéité spatiale du stockage de l’eau
3.3.5. Un épikarst au fonctionnement complexe
4 Le système karstique de Gourneyras (Larzac)
4.1. Lithologie et stratigraphie
4.2. Structure et Fracturation
4.3. Hydrologie du système karstique de Gourneyras
4.3.1. Topographie
4.3.2. Formations superficielles
4.3.3. Organisation du système karstique
5 Le système karstique du Vaucluse
5.1. Lithologie et stratigraphie
5.2. Structure et Fracturation
5.3. Hydrologie du système karstique du Vaucluse
5.3.1. Organisation du système karstique
5.3.2. Schéma de fonctionnement du système karstique de la Fontaine de Vaucluse
5.3.3. La zone non saturée : une réserve d’eau importante
5.4. Le laboratoire souterrain à bas bruit (LSBB)
6 Contexte climatique
6.1. Précipitation
6.2. Evapotranspiration
5. LES INSTRUMENTS DE MESURES DE LA GRAVITE
1 Le gravimètre absolu FG5
1.1. Fonctionnement
1.2. Précision et source d’erreur
2 Le gravimètre relatif CG5
2.1. Fonctionnement du Scintrex CG5
2.2. Précision et erreur du gravimètre
2.3. Correction des données
2.3.1. Correction des effets de marée terrestres et surcharge océanique
2.3.2. Correction des effets de surcharge atmosphérique
2.3.3. Effet de mouvement des pôles
2.4. Calibration
2.5. Ajustement par moindres carrés
2.6. Comportement du CG5#167
2.6.1. Relaxation
2.6.2. Influence du transport
2.6.3. Influence de la température
2.7. Nouvelle méthodologie de mesure
2.8. Validation de la stratégie de mesure « 1h »
6. MESURES DIFFERENTIELLES DE LA PESANTEUR ET PROPRIETES DU STOCKAGE EPIKARSTIQUE
1 Motivation
2 Publication: “Studying the unsaturated epikarst water storage properties by time lapse surface to depth gravity measurements”
3 Synthèse des résultats et discussion complémentaire
3.1. Synthèse de la publication
3.2. Mise en évidence du stock total avec la RMP
3.3. Porosité sur échantillon de roche : intégration de la macroporosité
4 Mesure S2D sur le karst du Vaucluse
4.1. Introduction
4.2. Résultats
4.3. Estimation de la densité apparente à partir des mesures S2D
4.4. Propriétés de stockage du sous-sol
4.5. Où se situent les variations du stock ?
4.6. Modélisation de la distribution du stock en eau au LSBB
4.6.1. Variation de densité pour une répartition homogène de l’eau dans le cône
4.6.1.1. Comportement de stockage du site
4.6.1.2. Comportement transmissif du site
4.6.2. Modélisation de la répartition discrète du stock en eau
4.6.2.1. Interprétation gravimétrique et hydrogéologique combinée pour un modèle de distribution du stock
5 Conclusion partielle
7. EFFETS DE SURFACE ET INTERPRETATION HYDROGEOLOGIQUE DE LA GRAVIMETRIE
1 Introduction
2 Publication: “On the impact of topography and building mask on time varying gravity due to local hydrology”
3 Synthèse de la publication et discussion complémentaire
3.1. Synthèse de la publication
3.2. Chronique complète à SALV et modèle associé
3.3. Influence de la taille du jeu de données sur la précision du modèle
3.4. Effet de site et interprétation hydrogéologique post-traitement
3.5. Estimation des propriétés hydrauliques du sous-sol de la Salvetat à partir de la modélisation d’une cuve de rétention d’eau
3.5.1. Chronique de hauteur d’eau de la cuve de rétention
3.5.2. Inversion des propriétés du sol à partir de la modélisation de la hauteur d’eau
3.6. Apport d’un réservoir connu sur la simulation
4 Conclusion partielle
8. FLUX D’EAU EN ZONE NON SATUREE
1 Introduction
2 Sites de mesure du flux en zone non saturée
2.1. La grotte de Canalettes
2.2. L’aven Titou (TITOU)
2.3. L’aven de la Beaumelle
3 Observations des flux
3.1. La grotte des Canalettes
3.2. L’aven Titou
3.3. L’aven de la Beaumelle
3.3.1. Comportement de second ordre au site BEAU
4 Caractérisation du fonctionnement transmissif de la zone non saturée
5 Modélisation hydrogéologique du flux à BEAU
5.1. Schéma de modélisation
5.2. Résultat
5.3. Interprétation et discussion
5.3.1. Validité du modèle
5.3.2. Phénomène d’hystérésis
5.3.3. Complexité du flux en ZNS
5.3.4. Correspondance avec la gravimétrie
6 Analyse de la corrélation avec la pression atmosphérique
6.1. Corrélation pression-débit
6.2. Analyse de la chronique entière
6.3. Interprétation phénoménologique de l’anti-corrélation
6.4. Interprétation structurale de l’anti-corrélation
6.5. Nouvelle estimation des surfaces à partir de la prise en compte des effets de pression
7 Conclusion
9. SYNTHESE ET PERSPECTIVES
1 Apport et limite de la gravimétrie pour les études hydrogéologiques
2 Apport et limites des mesures de flux en ZNS
3 Propriétés hydrogéologiques de la zone non saturée
3.1. Propriétés de stockage de la zone non saturée
3.2. Propriétés transmissives de la zone non saturée
4 Perspectives
10. BIBLIOGRAPHIE
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