Le Ferlo, dans le sahel sénégalais, subit depuis plusieurs décennies une forte dégradation en raison de la péjoration des conditions climatiques et de la forte anthropisation (Albergel et al., 1985). En effet, depuis 1970, la sècheresse continue d’exercer ses ravages dans le Ferlo; les possibilités de reconstitution du milieu naturel semblent de plus en plus réduites, tant causes naturelles et anthropiques se conjuguent pour maintenir et souvent encore étendre les dégradations du couvert végétal. Il en résulte une situation du milieu qui se traduit dans le paysage par la remise en activité des dunes autrefois fixées par la végétation (Ozer, 2002) et par un déboisement excessif (Ozer, 2004). Les changements notables induits dans ces écosystèmes entrainent une précarisation de plus en plus accentuée des conditions de vie des populations rurales qui sont les plus affectées par les effets de cette désertification puisque la végétation spontanée constitue la base de l’alimentation des troupeaux et que la production vivrière repose sur la culture pluviale. Cette situation est fort préjudiciable aux conditions de vie des populations et à l’économie de cette zone (Diouf et al., 2002). Cette région joue un rôle socio-économique important aussi bien sur le plan de l’agriculture (zones de cultures pluviales de mil, sorgho) que celui de l’élevage.
Pour Akpo et Grouzis (1996) une meilleure gestion des réserves sylvo-pastorales nécessiterait la restauration ou la réhabilitation des écosystèmes dégradés. Celles-ci doivent reposer sur la connaissance de l’état actuel de ces ressources. Cette connaissance permettra de mieux concilier les nécessités de la production herbacée (cultures, espèces pastorales) et la stabilité du milieu et des peuplements ligneux (Menaut, 1983). En effet, on admet généralement l’hypothèse selon laquelle les arbres améliorent les conditions du milieu (propriétés physiques du sol, niveau trophique) et favorisent le développement de la strate herbacée (Tiedeman et Klemmedson 1977 ; Vacher 1984 ; Joffre, 1987). La végétation et les sols ont fait l’objet de nombreuses recherches, notamment sur l’inventaire floristique, la typologie et la cartographie (Trochain, 1940; Raynal, 1964; Bourliere, 1978; Penning De Vries et Djiteye, 1982; Barry, 1983; Barral et al., 1983; Chevallier et al., 1985; Grouzis, 1988). Bien que la variabilité caractéristique du milieu sahélien soit peu connue, des recherches comme celles de Bille, 1977; Cornet, 1981 et Barral et al., 1983 ont mis en évidence des variations de la structure spécifique. Les fluctuations spatio-temporelles des cycles de production (Grouzis, 1988) ont été mises en relation avec les conditions édapho-climatiques. L’étude des mécanismes responsables de la mise en place du peuplement herbacé (Cisse, 1986; Grouzis et al., 1986; Carrière, 1989), ou des déterminismes hydriques (Cornet, 1981) et trophiques (Penning De Vries et Djiteye, 1982) de la production végétale a permis de proposer des modèles de production des pâturages (Penning De Vries et Djiteye, 1982; Rambal et Cornet, 1982; Hiernaux, 1984). La phénologie des ligneux a été reliée aux variations des conditions écologiques (Poupon, 1980; Grouzis et Scot, 1980) et la productivité d’un certain nombre d’espèces ligneuses a été évaluée (Poupon, 1980; Toutain et al., 1983). En dépit de ces investigations, il existe peu de connaissances sur les espèces ligneuses autochtones utilisables dans les opérations de réhabilitation et encore moins sur les tendances évolutives de certaines de ces espèces comme Acacia senegal (L.) Willd en zone sahélienne. Une meilleure connaissance de la structure spatiale et temporelle de la végétation, mais également un suivi de cette dernière nous paraissent nécessaires pour améliorer les politiques d’aménagement de la région.
Présentation de la zone d’étude
Situation géographique
L’étude a été menée dans la partie sud du Ferlo sableux, à Dahra (15° 20’N et 15° 28’ O), localité située à environ 270 km au nord-est de Dakar et à 50 km à l’ouest de Linguère. Dahra est une des communes du département de Linguère. Cette région fait partie intégrante de l’une des zones écogéographiques du Sénégal dénommée la zone sylvo-pastorale ou Ferlo. Cette zone s’étend sur les régions de Saint-Louis, de Louga et de Matam et couvre une superficie qui varie notoirement selon les auteurs soit de 56 269 km² (DEFCCS, 1999) soit environ 28 % du territoire national à 70 000 km² (CSE, 2002) ou 60 000 km² (Wane et al., 2006) de 56.269 km². Elle se situe au Sud de la vallée du fleuve et occupe une partie du domaine Sahélien et Sahélo – Soudanien.
Choix des sites d’étude
Quatre (4) sites ont été retenus pour notre étude .
Il s’agit des plantations de:
– Isra 1999, avec comme coordonnées 15°20’55′′N et 15°23’39′′O, se situe dans le centre de recherche zootechnique de Dahra (CRZ) à une dizaine de kilomètres à l’est de Dahra;
– Ndodj 2001, dont les coordonnées géographiques sont 15°28’00′′N et 15°21’46′′O se situe à environ 24 km au nord-est de Dahra;
– Boulal 2004 à 20 km à l’ouest, avec comme coordonnées 15°23’28′′N et 15°38’20 ′O;
– Déali 2005 qui se situe à environ 45 km au sud-ouest de Dahra entre les coordonnées 15°09’24′′N et 15°38’25′′O.
L’effet de la topographie sur la composition, la structure des peuplements ligneux et la variabilité floristique de la strate herbacée sera étudié en comparant les positions de dune et de bas fond dans les sites Isra et Déali caractérisés par une alternance de dunes, de dépressions et de zone de replat. Si Ndodj se caractérise par un relief plat, Boulal par contre est marqué par de petites dépressions interdunaires. L’effet de l’humidité sera évalué par comparaison de certains sites du nord (Ndodj par exemple) avec ceux du sud (Isra par exemple). Pour étudier l’effet de ce facteur, nous avons retenu Ndodj (pluviométrie faible) et Isra (pluviométrie élevée). Entre 2001 et 2005, la pluviosité moyenne est de 202 mm à Ndodj, par contre à la station Isra elle est de 293 mm. Par ailleurs l’effet de la protection sera évalué dans les sites dont certains, malgré la mise en défens, ne bénéficient pas d’une protection intégrale (surveillance régulière), comme c’est le cas à Déali qui est une zone de parcours. Les plantations Isra et Boulal sont intégralement protégées tandis que Ndodj est partiellement protégée.
Cadre physique
Relief et sols
Le relief est peu accidenté. Il s’agit d’une vaste plaine plate, aux vallées peu enfoncées. L’altitude moyenne est de 43 m. Le point culminant atteint 73 m et le plus bas, 28 m. Cette zone fait partie d’un ensemble dunaire fortement érodé, au relief très faible, où Valenza & Diallo (1972) distinguent sept formations pédologiques, treize groupements et quarante huit parcours botaniques, constitués de plusieurs faciès. Ces formations de dunes de sables se caractérisent par un ensemble de rides asymétriques séparées par des dépressions longitudinales à sol sablo-argileux grisâtre localement calcaire et à sol hydromorphe à engorgement temporaire (Michel, 1969). Les sols sont donc représentés par des formations sédimentaires appartenant au Quaternaire récent et moyen, sauf à quelques endroits où existent des affleurements de roches plus anciennes. Selon les études menées par Mainguy (1954) et l’Institut National de Pédologie (INP, 2006), les types de sols suivants occupent la zone d’étude (Fig. 2) :
– Sols ferrugineux tropicaux faiblement évolués (à sables siliceux), parmi lesquels figurent les sols « Dior »;
– Sols ferrugineux tropicaux peu lessivés (sablo-argileux ou à concrétion ferrugineuse), parmi lesquels figurent les « Deck-dior »;
– Sols bruns subarides;
– Sols bruns rouges subarides.
Climat
Le climat est de type sahélien; la température moyenne annuelle est de 28,6 °C tandis que les températures moyennes mensuelles minimale et maximale sont respectivement de 24,4 °C (janvier) et 32,3 °C (mai). Depuis 1970, il y a une tendance à la hausse des températures de 0,1 à 1,8 °C (CSE, 2002). L’humidité relative présente un maximum de 74% en août/septembre et un minimum de 31% en février/mars. L’évaporation moyenne mensuelle est de 401 mm en mai (maximum) et de 104 mm en septembre (minimum). L’insolation varie également entre un maximum en avril/mai et un minimum en septembre avec respectivement une moyenne mensuelle de 277 heures et 225 heures d’ensoleillement.
Le régime pluviométrique se situe entre les isohyètes 100 et 500 mm. A l’instar des valeurs rapportées par l’UICN (1989) et le CSE (2002) pour d’autres zones sahéliennes, Linguère se caractérise par un déficit pluviométrique persistant qui a commencé en 1970. L’évolution climatique depuis 1951 montre une tendance générale à la baisse des précipitations annuelles (fig. 3) avec cependant depuis l’année 1995, une stabilité, voire une relative amélioration des cumuls annuels (Sarr, 2009).
En 2008, la pluviométrie a été de 388,7 mm dont 80% pour les mois de juillet, août et septembre. Les pluies s’étendent en effet de juin à octobre (fig. 4); et dans l’année, on distingue classiquement deux périodes: une période sèche de 7 à 9 mois (octobre à mai) et une saison des pluies de 3 à 5 mois.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. Problématique et justification
2. Objectifs
3. Hypothèses du travail
Chapitre 1 : Présentation de la zone d’étude
1.1. Situation géographique
1.2. Choix des sites d’étude
1.3. Cadre physique
1.4. La flore et la faune
1.5. Peuplement humain et activités socio-économiques
Chapitre 2 : Étude des sols
2.1. Matériel et méthodes
2.2. Résultats
2.3. Discussion
Chapitre 3 : Structure des peuplements ligneux
3.1. Historique des plantations de Acacia senegal dans le Ferlo
3.2. Matériel et méthodes
3.3. Résultats
3.4. Discussion
Chapitre 4 : Variabilité floristique et dynamique de la strate herbacée
4.1. Matériel et méthodes
4.2. Résultats
4.3. Discussion
CONCLUSION GENERALE