Au Sénégal, plus de quarante huit pour cent (48,5%) des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les populations rurales sont les plus touchées avec 57,5% des ménages ruraux contre un ménage sur trois dans la zone urbaine de la région de Dakar et 43,3% dans les autres villes du pays (DPS, [1]). La gestion durable des ressources forestières disponibles intégrée dans les normes socio-culturelles des populations rurales, constitue une alternative à la portée de ces populations vulnérables. Les ressources forestières jouent un rôle important dans l’équilibre nutritionnel et dans la génération de revenus des populations rurales. Au Sénégal, comme c’est d’ailleurs le cas dans la plupart des pays africains, la forêt a toujours occupé une place importante dans les activités socio-économiques et culturelles des populations surtout rurales. Avec un milieu contraignant, marqué par l’aridité et les aléas climatiques importants, l’arbre offre aux hommes ainsi qu’aux animaux des feuilles, des fruits et certaines écorces comestibles, des produits de pharmacopée, des produits vétérinaires etc. Cependant les défrichements, les prélèvements abusifs, les feux de brousse ainsi que la sécheresse subis par les formations forestières ont provoqué une dégradation profonde des ressources. Cette dégradation peut se mesurer tant au plan quantitatif que qualitatif. Au plan quantitatif, les surcharges animales dans les pâturages et l’émondage abusif des arbres, les feux de brousse et surtout les prélèvements de combustibles ligneux avaient déjà en 1980, occasionné une surexploitation du potentiel évaluée à 2 million de mètres cube de bois chaque année (DEFCCS, [2]). Au plan qualitatif, nous assistons à une forte mortalité des espèces les moins résistantes et à la modification de la strate ligneuse et herbacée dues à la dégradation de ces ressources.
Dégradation principalement liée aux facteurs climatique et anthropique. En conséquence, nous assistons dans bien des cas, à la disparition d’espèces, ou tout au moins à la diminution du nombre d’individus, d’où une érosion génétique de plus en plus importante (Diallo, [3]). Dans le contexte actuel de baisse des productions agricoles, il apparaît clairement que la pression sur ces ressources est de plus en plus forte pour satisfaire une demande sans cesse croissante. L’existence des peuplements se trouve ainsi menacée. Parmi ces ressources figure le baobab, une espèce à usages multiples très estimée par les populations au Sahel (Cissé, [4] ; Ndour et al., [5] ; Ouédraogo, [6]). Il est l’espèce prioritaire dans le bassin arachidier du Sénégal (Ndour et al., [5]). L’intérêt du baobab tient au fait que presque toutes les parties de la plante sont utilisables (Giffard, [7]). Adansonia digitata ou baobab appartient à la famille des Bombacacées. Arbre souvent centenaire, on le trouve dans les zones sahelo-soudanaises comprises entre 600 et 900 millimètres de précipitations annuelles (Toury et al., [8]).
En Afrique tropicale sèche, on le rencontre dans les régions sub-humides et semi-arides du Sahara allant du Sénégal au Soudan, et de l’Ethiopie au Mozambique et au Natal en Afrique orientale (Toury et al., [8]). Les peuplements sont communs et grégaires. Le genre Adansonia compte huit espèces, six à Madagascar, une en Australie et une seule en Afrique en l’occurence Adansonia digitata (Samba et al, [9]). Von Maydell [10] signale que la présence du baobab est liée à l’occupation humaine. Et selon Arbonnier [11], sa présence en brousse signale notamment des villages disparus. Plusieurs études ont porté sur les peuplements de baobabs notamment sur les aspects biophysiques (Bonkoungou et al., [12]; Samba et al., [9]; Danthu, [13] ; Sidibé et Williams, [14]), sur les aspects socio-économiques (Collière, [15]) et sur les aspects biochimiques (Ighodalo et al.,[16]; Scheuring, [17]; Codjia et al., [18], Soloviev et al., [19]). Il a été démontré que ses feuilles sont riches en vitamines A (Sidibé et al., [20]), en vitamine C (Wickens, [21]), en calcium (Gaiwé, [22] ; Owen, [23] ), en phosphore (Owen, [23]) et en fer (Fortin et al., [24]), ses fruits sont également riches en acide ascorbique (Owen, [23]; Sidibé et al., [20]), en calcium (Terrible, [25]) en vitamine C (Bergeret, [26]) et en métaux alcalins et anions inorganiques (Diop et al., [27]). Ses graines contiennent des teneurs élevées en protéines de l’ordre de 33, 88%, des lipides de l’ordre de 28, 28% (Codjia et al., [18]) et des acides aminés essentiels à des taux qui correspondent aux recommandations établies pour les êtres humains par la FAO (Yazzie et al., [28]).
Le baobab a aussi fait l’objet de diverses utilisations médicinales telles que le traitement de l’anémie et la lutte contre la malaria grâce respectivement à la teneur très élevée en fer de ses feuilles (Codjia et al., [18]) et à la présence de l’adansonine (C48H36O33) dans son écorce (Sidibé et Williams, [29]). Aussi, différentes parties de l’arbre entrent dans l’alimentation des populations. La poudre verte obtenue des feuilles séchées entre dans la préparation du couscous et sert de liant au cours de la cuisson (Von Maydell, [10]). Les feuilles sont en outre un fourrage de valeur importante pour le bétail surtout en début de saison des pluies (Haddad, [30]). La pulpe du fruit est largement consommée de façon traditionnelle sous différentes formes (Fopa, [31] ; Sidibé et al., [14]). L’espèce contribue également à l’économie des populations rurales (Assogbadjo et al., [32] ; Codjia et al., [18]; Sidibé et Williams [29]) et contribue aux revenus agricoles (Diop et al., [33]). Les recherches menées sur le baobab portent généralement sur quelques individus de l’espèce (Igodalo et al, [16] ; scheuring, [17] ; Gaye et al, [34] ; Diop et al, [33]) ou sur des populations de baobabs de différentes zones agro-climatiques (Soloviev et al., [19] ; Assogbadjo et al., [32]) mais rarement sur des types identifiés par les populations rurales sur la base des savoirs locaux.
Ceux-ci sont très déterminants dans l’orientation des utilisations et la valorisation des produits sur le plan économique, culinaire, nutritionnel et médicinal. Malheureusement ces connaissances locales ne sont pas exploitées ni dans les stratégies de gestion durable du baobab ni dans sa valorisation économique. L’analyse de la variabilité intégrant les critères d’appréciation des paysans est importante pour établir des stratégies de gestion et de conservation de l’espèce. Il existe plusieurs manières de mesurer la variabilité : les marqueurs moléculaires permettent d’analyser la structuration de la diversité génétique, les relations phylogénétiques au sein des genres (Manos et al., [35] ; Palmé et al., [36]), les marqueurs agromorphologiques permettant de caractériser les populations et les morphotypes afin de répondre aux attentes des populations et de mettre en place des stratégies de conservation (Bonnin et al., [38] ; Bachmann, [38] ; Hedrick, [39] ; Karhu et al., [40] ; Latta, [41] ; Lynch et al., [42] ; McKay et al., [43] ; Petit et al., [44]) et les marqueurs biochimiques.
Le cadre de l’étude
Localisation de l’étude
L’étude a été menée dans trois zones agro-écologiques du Sénégal (tableau 1). Il s’agit :
– du Sénégal Oriental/ Haute Casamance située dans la zone soudanienne avec une pluviométrie moyenne variant entre 700 et 1000 mm, une température moyenne annuelle de 29,24°C et une humidité relative de 48,29 %, c’est le domaine des sols hydromorphes et ferrugineux tropicaux lessivés ;
– du Sud Bassin arachidier situé dans la zone soudano-sahélienne avec une pluviométrie moyenne variant entre 600 et 800 mm, cette région a une température moyenne 29,85°C et une humidité relative de 54,74 % et elle est caractérisé par des sols ferrugineux tropicaux lessivés avec une texture sableuse et un lessivage d’argile et des sols peu évolués gravillonnaires sur cuirasse latéritique
– et du Centre Nord bassin arachidier située dans la zone sahélienne avec une pluviométrie moyenne variant entre 400 et 500 mm pour une température moyenne de 27,24°C et une humidité relative de 64,96 % , c’est le domaine des sols ferrugineux tropicaux peu lessivés (ou sols Dior) très sableux, souvent dégradés et des sols bruns subarides (ou sols deck) intergrades hydromorphes présentant un déficit de drainage.
Sénégal Oriental/Haute Casamance
Cette zone agro-écologique regroupe la région de Tambacounda et la Haute Casamance (ISRA, [47]). L’étude est effectuée dans la région de Tambacounda qui est située entre 12°20 et 15°10 de Latitude Nord et 11°20 et 14°50 de Longitude Ouest. Cette région est constituée d’un ensemble de plaines et de bas plateaux recouverts d’une végétation de savane où dominent les buissons et les baobabs. A l’extrême sud-est, le relief est plus accidenté, avec les contreforts du Fouta-Djalon, massif montagneux formant une frontière naturelle entre le Sénégal et la Guinée Conakry. Le climat est de type Soudanien caractérisé particulièrement par l’harmattan, chaud et desséchant le jour, plus frais la nuit. Au Sud, l’influence de la mousson se fait sentir. Quant à la pluviométrie, elle varie en conséquence du Nord au Sud, entre 700 et 1 000 mm, parfois jusqu’à 1 500 mm. Le régime hydrographique comprend le Sénégal, la Falémé, la Gambie et leurs affluents. Les ressources en eau souterraine proviennent de la nappe phréatique du Continental Terminal souvent profonde et de la nappe phréatique du Maestrichien exploitable par des Forages. Les sites d’étude composés des villages de Wally Babacar, Ndiaback, Rabia et Touba Diagnène sont localisés dans la communauté rurale de Koulor, arrondissement de Goudiry dans le département de Bakel. Ce département est situé à la longitude 12° 27′ 23 O, latitude 14° 54′ 2′ N avec une altitude moyenne de 27 m.
Sud Bassin Arachidier
Cette zone agro-écologique concerne la région de Kaffrine (ISRA, [47]). La région de Kaffine s’étend sur une superficie de 11 853km2 . Elle est située à 15° 32 de longitude Ouest et 14° 07 de latitude Nord avec une altitude moyenne de 15 m. Avec un accroissement naturel de l’ordre de 3%, la population est estimée à 467 748 habitants en 2005. Le climat est de type Sahélien avec une longue saison sèche et une saison des pluies qui dure 3 mois. Il est pratiquement chaud et sec avec une forte influence de l’harmattan. Les sols sont de type Dior. Les populations de la ville s’adonnent principalement à l’agriculture, l’élevage et le commerce. Les principales productions agricoles sont le mil et l’arachide. Nos sites d’étude sont représentés par les villages de Boye, Gniby et Ndony regroupés dans la forêt communautaire de Boye située dans la communauté rurale de Gniby et dans l’arrondissement de Malèm Hodar.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : Le cadre de l’étude
I. Localisation de l’étude
II. Sénégal Oriental/ Haute Casamance
III. Sud Bassin Arachidier
IV. Centre Nord Bassin Arachidier
CHAPITRE II : Données bibliographiques
I. Caractères botaniques de Adansonia digitata
I. 1 Biologie et description
I. 2 Distribution géographique et origine de Adansonia digitata
I. 3 Multiplication et culture du baobab
I. 4 Greffage du baobab
I. 5 floraison et fécondation du baobab
I. 6 Pollinisateurs de Adansonia digitata
I. 7 Apiculture
I. 8 Position systématique
I. 9 Quelques noms en langues locales de Adansonia digitata
I. 10 Caractéristiques des autres Adansonia
II. Utilisations de Adansonia digitata
II. 1 Intérêt culturel et domestique
II. 2 Intérêt textile
II. 3 Usages alimentaires et culinaires
II. 4 Actions pharmacologiques
II. 5 Utilisation en médecine traditionnelle des différentes parties du baobab
III. Travaux menés sur la chimie de Adansonia digitata
III. 1 Composition chimique des feuilles
III. 2 Composition chimique du fruit (pulpe)
III. 3 Composition chimique de la graine
III. 4 Composition chimique des racines et de l’écorce
IV. Rôle du mucilage des feuilles de baobab dans la digestion et l’absorption alimentaire
V. Rôle des glucides dans l’organisme
V. 1 Définition
V. 2 Importance biologique des glucides
V. 2. 1 Au niveau extracellulaire
V. 2. 2 Au niveau intracellulaire
V. 2. 3 Au niveau intercellulaire
VI. Intérêts de quelques minéraux et oligo-éléménts dans l’organisme
VI. 1 Le Calcium
VI. 2 Le Fer
VI. 3 Le phosphore
VI. 4 Le Magnésium
CHAPITRE III : Typologie paysanne du baobab
I. Méthodologie
II. Analyse des données
III. Résultats
III. 1 Description des sites de collecte
III. 2 Classification paysanne du baobab
CHAPITRE IV : Caractérisation morphologique des morphotypes de baobabs
I. Matériel et méthodes
I. 1 Matériel végétal utilisé
I. 2 Méthodes d’étude
I. 2. 1 Identification et collecte des morphotypes de baobabs
I. 2. 2 Paramètres mesurés sur l’arbre et les fruits
I. 3 Analyse des résultats
II. Résultats
II. 1 Caractérisation morphologique des morphotypes de baobabs
II. 2 Relation entre les paramètres morphologiques du fruit des morphotypes
II. 3 Variance des caractères morphologiques du fruit des morphotypes
CHAPITRE V : Caractérisation physico-chimique de la pulpe de fruit des morphotypes de baobabs
I. Matériel et méthodes
I. 1 Détermination et choix des paramètres à analyser
I. 2 Sélection des échantillons
I. 3 Préparation des échantillons
I. 4 Méthodes d’analyses
I. 4. 1 Dosage du Calcium
I. 4. 2 Dosage du Magnésium
I. 4. 3 Détermination de l’humidité
I. 4. 4 Détermination du taux de cendres
I. 4. 5 Détermination de l’acidité
I. 4. 6 Dosage des sucres réducteurs
I. 4. 7 Dosage des sucres totaux
I. 4. 8 Détermination du Fer
I. 4. 9 Détermination du Phosphore
I. 5 Analyses statistiques des résultats
II. Résultats
II. 1 Caractérisation Physico-chimique de la pulpe des morphotypes de baobabs
II. 2 Relation entre les paramètres physico-chimiques du fruit des morphotypes de baobabs
II. 3 Variance des paramètres physico-chimiques de la pulpe des morphotypes
CONCLUSION