La phagocytose
La phagocytose permet l’entrée dans la cellule de particules solides de plus de 0,5 µm de diamètre comme des bactéries et des débris cellulaires ou encore des billes de latex pour des besoins expérimentaux. Elle a une fonction nutritive chez certains organismes comme Dictyostelium et un rôle immunitaire chez les organismes plus complexes. La formation du phagosome comprend 4 étapes : la liaison de la particule à la surface cellulaire via un récepteur, la mise en place d’un réseau sous-cortical de F-actine, l’émission de pseudopodes qui vont entourer complètement la particule et l’englober dans une vésicule et enfin, le départ du manteau d’actine pour permettre la fusion avec les lysosomes (formation de phagolysosomes). Le récepteur qui reconnait la particule à internaliser est le plus souvent de type lectine. Cependant, les phagocytes professionnels commes les neutrophiles, les cellules dentritiques et les macrophages présentent une plus grande diversité de récepteurs phagocytiques couplés à des voies de signalisation distinctes. Le terme de phagosome regroupe en réalité une grande hétérogénéité de vésicules qui varient suivant le type de récepteurs utilisés et le type de particules internalisées et dont la composition protéique évolue depuis le moment de leur formation à la membrane plasmique jusqu’à la formation du phagolysosome (pour revue, voir Jutras and Desjardins (2005))
Le complexe ESCRT-I
Chez S. cerevisiae comme dans les cellules de mammifères, le complexe ESCRT-I est cytosolique. Il fait environ 350 kDa et comprend trois protéines : Vps23/Tsg101, Vps28 et Vps37 (Babst et al., 2000 ; Bache et al., 2004 ; Bishop and Woodman, 2001 ; Katzmann et al., 2001). Ce complexe est formé d’un exemplaire de Vps23 et de plusieurs exemplaires de Vps28 et Vps37 (Babst et al., 2000). La protéine Vps23/Tsg101 possède un domaine UEV capable de lier l’ubiquitine. Ce domaine ressemble au domaine UBC présent dans les enzymes d’ubiquitination de type E2 mais dans lequel il manque une cystéine dans le site catalytique. Sans cette cystéine, le domaine UBC ne peut pas fonctionner comme une enzyme de conjugaison de l’ubiquitine. Cette reconnaissance est indispensable pour la prise en charge de la protéine cible. Par son intermédiaire, le complexe ESCRT-I reconnaît la protéine cible ubiquitinée et la dirige dans la voie MVB (Katzmann et al., 2001). La structurecristalline de ce domaine a récemment été obtenue à 2 Å de résolution en présence de l’ubiquitine(Sundquist et al., 2004). Le domaine UEV adopte une conformation en hélice α et feuillet β, retrouvée dans les enzymes de type E2 mais avec une hélice en N-terminal supplémentaire et deux hélices en Cterminal en moins. Les feuillets β forment une surface concave qui est le site d’interaction avec l’ubiquitine. Cette interaction est favorisée par une structure en « épingle à cheveux » formée par les tel-00011554, version 1 – 7 Feb 2006 L’invalidation de tsg101 chez la souris se traduit par une mort embryonnaire (Wagner et al., 2003). L’appauvrissement en Tsg101 par ARNi dans les cellules HeLa se traduit par une diminution concomitante en Vps28 (Doyotte et al., 2005) et en Vps37 (Bache et al., 2004). La réciproque n’est pas retrouvée dans les expériences de ARNi sur Vps37 suggérant que Tsg101 a un rôle clé dans la stabilisation du complexe ESCRT-I. Dans les cellules appauvries en Tsg101, la morphologie de tous les compartiments endocytaires est modifiée mais celle des endosomes précoces plus particulièrement (Bishop et al., 2002 ; Doyotte et al., 2005). L’effet sur la morphologie des compartiments autres que les endosomes précoces semble dépendre du type cellulaire ou du niveau d’appauvrissement en Tsg101 car la stratégie ARNi appliquée sur Tsg101 dans les fibroblastes de souris (NIH 3T3) ne modifie pas le nombre, la distribution ou l’aspect des compartiments tardifs (Babst et al., 2000). Le laboratoire de Woodman a particulièrement détaillé la morphologie des endosomes précoces dans les cellules appauvries en Tsg101 (Doyotte et al., 2005). Ils prennent une forme allongée en sac comparable à l’appareil de Golgi. Ces compartiments ressemblent à ceux observés dans les mutants de classe E chez la Levure. Les différentes « citernes » sont reliées entre elles par une matrice. Les auteurs proposent que cette morphologie résulte de différents accrochages homotypiques entre endosomes précoces qui ne se seraient pas séparés. Ces citernes ne font pas d’invagination dans leur lumière excepté à leur extrémité où elles sont d’avantage dilatées. Certaines cellules n’ont pas de citernes mais à la place de grandes vacuoles sans vésicules internes. Pour les auteurs, ces vacuoles sont des formes précurseurs ou des intermédiaires dans la formation des citernes.
Bro1/Alix
Bro1 est également une protéine de classe E. Elle est recrutée à la membrane de l’endosome par l’intermédiaire de Vps32 (Odorizzi et al., 2003). Ce résultat est retrouvé chez les mammifères (Sadoul, communication personnelle; Katoh et al., 2004a; Katoh et al., 2003) où il a également été montré qu’elle pouvait interagir avec Tsg101 (Martin-Serrano et al., 2003; Strack et al., 2003 ; von Schwedler et al., 2003 ). Son rôle précis dans la machinerie n’est pas très clair et son implication semble varier suivant la protéine cible. En effet chez la Levure, Bro1 est indispensable au tri de la protéine chimère GFP-CPS mais dans une moindre mesure à celui de CPY qui sont pourtant toutes les deux des précurseurs d’enzymes lysosomales en provenance du Golgi (Odorizzi et al., 2003). Elle intervient également dans le tri de la perméase Gap1 mais dans une souche bro1 nulle, la perméase recycle à la membrane plasmique sous une forme déubiquitinée alors que dans les autres mutants de classe E, la perméase reste séquestrée dans le compartiment E (Nikko et al., 2003). Par contre, Bro1 est nécessaire au tri du récepteur aux phéromones Ste2 qui lie le facteur α, et son absence conduit à la séquestration du récepteur dans le compartiment de classe E comme pour les autres mutants (Odorizzi et al., 1998). Cette différence de comportement par rapport aux autres mutants de classe E a d’ailleurs conduit à sa classification initiale comme protéine de classe F (Bonangelino et al., 2002). Chez les mammifères, Alix (l’homologue de Bro1) a été montré comme interagissant avec le LBPA (lysobisphosphatidic acid), un lipide très enrichi dans les membranes internes des endosomes tardifs (Matsuo et al., 2004). Les auteurs proposent que cette interaction soit nécessaire aux événements de fission/fusion permettant la formation des vésicules internes des compartiments endocytaires tardifs. Les effets sur le trafic de récepteurs cibles semblent aussi un peu différents des autres mutants de classe E puisque par exemple, le trafic du récepteur à l’EGF n’est pas perturbé dans des cellules appauvries en Alix par ARNi contrairement aux cellules appauvries en Vps37 (Cabezas et al., 2005). Alix a également été impliqué dans d’autres étapes de la voie endocytaire dans les cellules de mammifères. Cette protéine pourrait intervenir dès l’étape d’internalisation des récepteurs à la membrane plasmique. Ainsi récemment, Alix a été décrite comme régulant négativement l’internalisation du récepteur à l’EGFR médiée par Cbl, SETA et les endophilines (Schmidt et al., 2004). SETA (Chen et al., 2000) et les endophilines (Chatellard-Causse et al., 2002) sont d’ailleurs des partenaires d’Alix. Par ailleurs, différentes analyses protéomiques ont montré qu’Alix est associé à des phagosomes contenant des billes de latex (Garin et al., 2001) et aux exosomes (voir plus loin) (Thery et al., 2001).
Un organisme modèle
Dictyostelium discoideum est un organisme eucaryote, de génome haploïde, utilisé dès 1937 par K.B. Raper comme modèle expérimental. Depuis 1999, cet organisme est reconnu par le NIH (National Institutes of Health, USA) comme modèle pour la recherche biomédicale. Son génome d’environ 34 Mégabases organisé en 6 chromosomes est maintenant complètement séquencé (Eichinger et al., 2005). Il contient environ 12500 gènes, ce qui est plus proche des organismes eucaryotes multicellulaires (Drosophila melanogaster en a environ 14000) que des organismes eucaryotes unicellulaires (Saccharomyces cerevisiae en a environ 5500). Cependant, en utilisant 5279 clusters de protéines orthologues issus de 17 protéomes d’eucaryotes différents, les auteurs ont pu construire un arbre phylogénétique montrant que Dictyostelium a divergé après la séparation plante/animal mais avant la divergence des champignons (Fig.17).
Dictyostelium discoideum
La souche sauvage NC4 de D. discoideum se nourrit par phagocytose uniquement. La souche KAx-3 dérivée de NC4 et utilisée au laboratoire porte deux mutations ponctuelles axeA et axeB permettant sa culture en milieu axénique (composition indiquée dans le Tableau 4) (Williams et al., 1974). Elle est maintenue en culture à la température de 21°C, sous agitation (175 tours/minute). Les invalidations de gènes dans cette souche sont réalisées par l’utilisation d’une cassette de résistance à la blasticidine. Dans ce cas, la blasticidine est ajoutée au milieu de culture à raison de 7,5 µg/ml. La souche JH10 a également été utilisée: elle est dérivée de KAx-3 mais est auxotrophe pour la thymidine (Dynes and Firtel, 1989). Cette souche est maintenue en culture en présence de thymidine exogène à la concentration de 100 µg/ml. Dans le cas des surexpresseurs utilisant la résistance à la généticine comme mode de sélection, la généticine est rajoutée au milieu de culture à raison de 20 µg/ml. Dans ces conditions de culture, le temps de doublement des amibes est d’environ 8 à 10 h. Pour toutes les expériences, les cellules sont prélevées en phase exponentielle de croissance soit entre 5.106 et 1.107 cellules/ml. Le nombre de cellules et leur distribution de taille sont donnés par un compteur de cellules (Beckman Coulter Z2). Les cellules peuvent également être cultivées sans agitation, en boîtes de Petri (Falcon 35-3003) contenant 10 ml de milieu axénique.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. L’endocytose
1. Généralités
2. Le corps multivésiculaire
II. L’amibe Dictyostelium discoideum
1. Un organisme modèle
2. Le cycle de différenciation
3. Les différents types cellulaires
4. La mort des cellules tiges
III. Les objectifs de la thèse
MATERIEL ET METHODES
I. Techniques de Biologie Cellulaire
1. Souches et Méthodes de culture
2. Electroporation de D. discoideum et clonage sur tapis de K. aerogenes
3. Test du développement en monocouche
4. Immunofluorescence
5. Marquage β-galactosidase et GFP
II. Techniques de Biologie Moléculaire
1. Sous-clonage
2. Southern-blot
3. Northern-blot
III. Techniques de Biochimie
1. Expression de protéines recombinantes
2. Pull-Down
3. Purification des anticorps
4. Analyse des protéines par immunodétection
5. Fractionnement
6. Immunoprécipitation
7. Inhibition du protéasome
8. Biotinylation
IV. Le système Double-Hybride
1. Principe
2. Description du système utilisé
3. Les vecteurs
4. Les milieux de culture
5. Les grandes étapes du criblage
6. Protocoles des différentes étapes
RESULTATS
Chapitre I: Caractérisation de la protéine Alix chez Dictyostelium
I. La protéine Alix de Dictyostelium
1. Description du gène et de la protéine
2. Production d’anticorps anti-Alix
3. Expression spatio-temporelle de Dd-Alix
II. Obtention et caractérisation de la souche alx nulle
1. Obtention de la souche alx nulle
2. Caractérisation de la souche alx nulle
III. Localisation intracellulaire de Dd-Alix
1. Dd-Alix est partiellement associé à une fraction membranaire
2. La protéine Alix est présente sur des structures vésiculaires
3. Dd-Alix est associé à des compartiments endocytaires précoces
IV. Etude fonctionnelle de la protéine Dd-Alix
1. Le domaine médian de Dd-Alix est essentiel à la fonction développementale de la protéine
2. La surexpression d’Alix dans la souche parentale induit la régulation négative de la protéine endogène
3. Le domaine coiled-coil est nécessaire à la localisation nucléaire et le domaine Nt à la localisation vésiculaire
V. Discussion
1. Dd-Alix est essentiel au développement multicellulaire de Dictyostelium
2. Dd-Alix n’est pas nécessaire à la mort des tiges
3. Alix est une protéine multimodulaire dont le domaine coiled-coil est essentiel à la fonction développementale
4. Dd-Alix est associé à la voie endocytaire
5. Dd-Alix régule son niveau d’expression
Chapitre II: Alix et la machinerie ESCRT
I. La machinerie ESCRT chez Dictyostelium
1. Recherche des homologues des composants de la machinerie ESCRT
2. Description des protéines Dd-Tsg101, Dd-Vps4 et Dd-Vps32
3. Développement d’anticorps spécifiques de Dd-Tsg101, Dd-Vps4 et Dd-Vps32
II. Alix fonctionne dans la voie endocytaire en association avec certains des composants de la machinerie ESCRT
1. Analyse des vésicules Alix-positives
2. L’invalidation d’Alix conduit à une modification du profil protéique de la membrane plasmique
3. Apport des mutants ESCRT
III. Caractérisation du mutant tsg101 nul
1. Les souches alx et tsg101 nulles ont un phénotype développemental différent
2. Tsg101 est impliqué dans le contrôle de l’expression de la protéine Alix
IV. Discussion
1. Le génome de Dictyostelium contient tous les homologues de la machinerie ESCRT
2. Les vésicules Alix-positives portent la protéine Vps32 et des protéines ubiquitinées
3. Formation de compartiments de classe E chez Dictyostelium
4. Les acteurs de la machinerie ont des rôles différentiels
5. Tsg101 est impliqué dans le contrôle de l’expression de Dd-Alix
Chapitre III: Recherche de partenaires de Dd-Alix par le système double-hybride
I. Recherche de nouveaux partenaires d’Alix
1. Elaboration de l’appât
2. Analyse sommaire des clones positifs
II. Analyse du lien entre Alix et l’ubiquitine
1. Dd-Alix est ubiquitiné dans la Levure
2. Le site d’ubiquitination est porté par le domaine PP
3. Alix est ubiquitiné chez Dictyostelium
III. La Formine, un partenaire d’Alix ?
1. Description des deux formines identifiées
2. Confirmation de l’interaction entre AlixCPP et la Formine 1 chez la Levure
3. Confirmation de l’interaction entre le domaine FH2 de la Formine 1 et Dd-Alix in vitro
4. La Formine 1 est-elle un partenaire d’Alix in vivo?
IV. Discussion
1. Dd-Alix est ubiquitiné
2. Dd-Alix interagit avec les formines?
CONCLUSIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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