La liaison hydrogène
Un cas particulier de liaison non covalente, la liaison hydrogène, est d’une grande importance en chimie et biochimie. Elle est particulièrement connue pour être responsable de la structure 3D de la glace et de l’environnement d’une molécule d’eau liquide. Elle est également responsable des propriétés remarquables de la glace et de l’eau (diminution du volume à la fusion, densité maximale à 3,984°C). Notons qu’elle influence également la dynamique des liquides par sa propre durée d’existence. La liaison hydrogène joue un rôle central dans les processus biologiques au niveau moléculaire, ne serait-ce que par son implication dans les propriétés de l’eau qui est le solvant biologique universel. Elle détermine également la structure et les propriétés de beaucoup de molécules et macromolécules biologiques. En particulier, elle retient les différents segments d’une protéine, lui donnant ainsi sa forme et par la même ses fonctions, et stabilise l’ADN en reliant les deux brins. C’est d’ailleurs lorsque James D. Watson et Francis H. Crick découvrirent que c’est la liaison hydrogène qui couple les bases (couples adénine-thymine et cytosine-guanine), qu’ils se mirent sur la piste de la configuration en double hélice de l’ADN. Tout cela vaut quelquefois à la liaison hydrogène le nom de « liaison de la vie», tout comme l’eau est la « molécule de la vie ».
Mise en évidence de l’existence de la liaison hydrogène
Nous présentons ici quelques phénomènes physiques qui ont amené les scientifiques à s’interroger sur l’existence d’une liaison chimique particulière, mettant en jeu l’hydrogène et quelques atomes fortement électronégatifs. Les phénomènes en question sont la variation anormale des constantes physiques, la formation d’édifices particuliers et certaines anomalies spectrales.
Variations anormales des constantes physiques
La règle selon laquelle les constantes physiques (températures d’ébullition et de fusion, chaleurs latente de changement d’état,…) augmentent avec la masse molaire (en raison des forces de London), connaît une exception en ce qui concerne les composés hydrogénés des colonnes Va (azotides), VIa (sulfurides) et VIIa (halogènes) du tableau périodique des éléments (tableau 1). La comparaison des chaleurs de changement d’état montre les mêmes anomalies. Ces écarts montrent l’existence d’interactions importantes entre les molécules NH3, H2O et HF qui sont dues à un type de liaison plus énergétique que les liaisons de Van der Waals, entre les atomes d’azote (d’oxygène ou de fluor), et un d’hydrogène d’une molécule voisine.
Formation d’édifices particuliers
Les méthodes de diffraction des rayons X et des neutrons ont permis de prouver, par mesures d’angles et de longueurs de liaisons, l’existence d’assemblages moléculaires comme ceux provenant de la dimérisation des acides carboxyliques (liaison intermoléculaire), ou du phénomène de chélation pour certains dérivés du phénol (liaison intramoléculaire). L’étude de la structure de l’eau à l’état solide a mis en évidence que l’oxygène d’une molécule était au centre d’un tétraèdre régulier de quatre autres oxygènes (figure 1), et d’un tétraèdre irrégulier de quatre hydrogènes. Cet édifice a trouvé une explication grâce à la liaison hydrogène entre molécules d’eau, en attribuant à l’oxygène deux liaisons hydrogène intermoléculaires en plus de deux liaisons covalentes.
Par méthodes spectroscopiques
La liaison hydrogène provoque une élongation de la liaison X-H, entraînant une diminution de quelques centaines de cm-1 le nombre d’onde de la vibration d’étirement, ainsi qu’une augmentation importante de l’intensité. Nous avons par exemple lors de la formation d’une liaison hydrogène avec le proton de la fonction alcool, affaiblissement de la liaison O-H et par conséquent une diminution du nombre d’onde en spectroscopie infrarouge, qui dans le cas d’une fonction alcool non associée par liaison H est de 3600 cm-1 , et qui en fonction du degré d’association, peut atteindre 3300 cm -1 . La liaison hydrogène influence également le spectre Raman par un glissement des fréquences de vibrations intramoléculaires et l’apparition de bandes d’absorption correspondant aux vibrations intermoléculaires.
La diffusion des neutrons
Aspect instrumental
Certains spectromètres permettent une analyse en énergie des neutrons diffusés. Ces spectromètres « 3 axes » ou à « temps de vol » permettent d’accéder aux données d’inélasticité, et par conséquent à la dynamique du système. Mais comme nous l’avons dit précédemment, ce type d’appareil n’a pas été utilisé dans les travaux que nous exposons ici. C’est pour cela que nous n’en détaillerons pas le principe dans ce qui suit.
Deux types de sources sont utilisés pour produire des neutrons. Des sources à flux continus, pour lesquels les neutrons sont produits par fission (c’est le cas du réacteur de l’Institut LaueLangevin (ILL) de Grenoble, ou du réacteur Orphée du Laboratoire Léon Brillouin (LLB) de Saclay), et des sources dites « pulsées » pour lesquelles les neutrons sont produits par des réactions de spallation (c’est le cas au Laboratoire Rutherford Appleton (ISIS) en GrandeBretagne). Nous avons rencontré ces deux types de sources lors de nos travaux, et allons exposer dans ce qui suit les principes des instruments D4 (dont nous étions les premiers utilisateurs de la version c) de l’ILL et SANDALS de ISIS.
Le spectromètre D4c, spectromètre de type « 2 axes »
Production des neutrons thermiques
Lors d’une réaction de fission libérant une énergie de 180 MeV, un neutron thermique (50 meV) réagit avec un noyau d’uranium-235 pour produire deux noyaux de fission, ainsi qu’une moyenne de 2,5 neutrons d’énergie comprise entre 1 et 2 MeV (figure 10). Parmi ces neutrons, un va produire une nouvelle fission, 0,5 sera absorbé par la matière, et l’un d’entre eux pourra être extrait du réacteur. L’ILL dispose d’un réacteur d’une puissance de 57 MW correspondant à 2.10 18 fissions par seconde, et par conséquent à autant de neutrons « utilisables ». Ces neutrons de trop grande énergie pour interagir utilement avec la matière doivent être ralentis. Pour cela, ils sont thermalisés grâce à un modérateur constitué d’eau lourde. Les énergies de ces neutrons appelés « thermiques » (E < 200 meV) sont réparties sur une courbe de Maxwell-Boltmann autour d’une valeur théorique de (5/2)kT, où T est la température du modérateur (figure 11). Cette température est en réalité toujours inférieure à celle du modérateur de taille finie. A l’ILL, le flux de neutrons thermiques est d’environ 17.10 13 neutrons/cm 2 .s. Parmi ces neutrons, certains seront encore refroidis (neutrons « froids ») ou au contraire réchauffés (neutrons « chauds »), avant de pénétrer dans des guides les amenant jusqu’aux 51 différents spectromètres de l’ILL. Ce sont des neutrons « chauds » qui sont collimatés jusqu’au spectromètre D4c.
Diffraction sur l’échantillon
L’environnement de l’échantillon est fonction de la température souhaitée qui peut varier de 2 à plus de 2000 K. Les dimensions du container, généralement cylindrique, dépendront des cryostats ou fours utilisés, mais seront de toute façon inférieures à un diamètre de 20 mm et à une hauteur de 50 mm. Pour des températures ambiantes et des pressions « normales », le container sera généralement en vanadium qui interagit avec les neutrons de façon pratiquement totalement incohérente, et donc de façon isotrope. Dans le cas d’un liquide ou d’un échantillon sous forme de poudre, la diffusion étant à symétrie sphérique, nous obtenons toutes les informations grâce à une série de détecteurs disposés en arc de cercle (on dit couramment en « banane ») sur le demi-plan (xy) avec x > 0 .
Profil expérimental du spectre de diffraction d’un liquide
Après des corrections de temps mort, d’efficacité, d’effet parapluie aux petits angles, et de normalisation par le moniteur, les données sont regroupées pour former le spectre brut. Sur le spectre brut de la NMA deutérée (figure 15) obtenu par le diffractomètre D4c (figure 14), nous remarquons à θ ≈ 10° (c’est-à-dire dans un domaine 2 < Q < 3 Å -1 ) le « pic du liquide » qui est caractéristique de l’ordre à longue portée du liquide. En effet, la distance d moyenne des premiers voisins d’une molécule de référence est évaluée à partir de sa position Qliq par d = 2π / Qliq. Pour les grandes valeurs de transfert de moment, le profil expérimental est affecté d’une chute d’intensité dite d’« inélasticité », qui augmente avec la valeur du transfert de moment. Cette chute d’intensité est due à un transfert d’énergie entre le neutron et le noyau diffuseur, ce qui augmente alors la probabilité de diffusion du neutron aux petits angles. Nous voyons ici une limite des spectromètres 2 axes : celui-ci intègre le facteur de structure dynamique à angle de diffusion constant et non à transfert de moment constant. Des corrections sont donc nécessaires dans le cadre de l’approximation statique, et seront présentées dans le chapitre suivant sous le nom de « corrections de Placzek ». Signalons que Placzek a montré qu’à l’ordre 1 le facteur de structure n’est pas affecté par cette inélasticité. L’expression (50) du facteur de structure n’est donc pas beaucoup affectée.
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Table des matières
Introduction
1) Mise en évidence de l’existence de la liaison hydrogène
a) Variations anormales des constantes physiques
b) Formation d’édifices particuliers
c) Par méthodes spectroscopiques
2) Nature de la liaison hydrogène
a) Interaction dipôle-dipôle
b) Energie de la liaison
3) Propriétés de la liaison hydrogène
a) Contraction de la distance entre l’atome donneur et l’atome accepteur
b) directivité de la liaison
c) processus coopératif
4) Spectroscopies de la liaison hydrogène
a) spectroscopie infra-rouge
b) Spectroscopie Raman
c) Spectroscopie RMN
5) Effets de la deutération
Bibliographie
Introduction
Aspect théorique
1) Le neutron
2) Intérêt des neutrons
3) Diffusion des neutrons par un atome
4) Diffusion élastique et inélastique
5) Diffusion cohérente et incohérente
6) Diffusion par une assemblée d’atomes
7) La fonction de distribution de paires
8) La fonction de corrélation de van Hove
9) Le facteur de structure dynamique
10) Approximation statique
a) La section efficace différentielle
b) Facteur de structure statique
c) Le facteur de structure statique, un « cliché » du système diffuseur
d) Cas d’un système homogène, isotrope
11) Cas d’un liquide moléculaire constitué de plusieurs espèces atomiques, dans le cadre de l’approximation statique
Aspect instrumental
1) Le spectromètre D4c, spectromètre de type « 2 axes »
a) Production des neutrons thermiques
b) Monochromateur
c) Moniteur
d) Diffraction sur l’échantillon
e) Détection
f) Profil expérimental du spectre de diffraction d’un liquide
2) Le spectromètre SANDALS, spectromètre à temps-de-vol
a) Production des neutrons
b) Diffraction sur l’échantillon
c) Détection
d) Profil expérimental du spectre de diffraction d’un liquide
Bibliographie
Introduction
Corrections des données
1) Calibration de la longueur d’onde et de l’angle incident
2) Soustraction du bruit de fond
3) Diffusion multiple
4) Correction de l’approximation statique
a) Correction du terme d’autocorrélation
b) Correction du terme d’interférence
Ajustement du facteur de forme de la molécule aux grands transferts de moment
1) Fonction d’ajustement
2) Diminution du nombre de paramètres ajustables
3) Méthode de composition des déviations quadratiques moyennes
4) Etude des déviations quadratiques moyennes angulaires dans le cas d’un groupement méthyle
5) Etude des déviations quadratiques moyennes angulaires dans le cas de trois liaisons coplanaires à un atome commun
6) Détermination de la zone d’ajustement
7) Passage de l’espace réciproque à l’espace direct
8) Substitution isotopique
9) Avantage de notre méthode
Bibliographie
Introduction
1) Caractérisation de la liaison H par ajustement du facteur de forme de la molécule aux grands transferts de moment
2) Caractérisation de la liaison H par la méthode de substitution isotopique
Conclusion
Bibliographie
Introduction
1) Modélisation de la molécule
2) Représentation des contributions des distances intramoléculaires au facteur de structure, et prédétermination de la plage d’ajustement du facteur de forme intramoléculaire
3) Détermination des paramètres et de la conformation de la molécule par ajustement du facteur de structure
4) Caractérisation de la liaison hydrogène
Conclusion
Bibliographie
Annexe I
Annexe II
Annexe III
Annexe IV
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