La capture des animaux sauvages surtout des Vertébrés est nécessaire pour certains types d’étude. Les microcèbes, petits primates nocturnes solitaires sont souvent capturés pour le suivi de la dynamique de leur population en vue d’une obtention des données à long-terme (Kraus et al., 2008 ; Lutermann et al., 2006 ; Dammhahn et Kappeler, 2009). Cependant, la capture et la manipulation sont potentiellement stressantes pour les animaux concernés (Millspaugh et al., 2000 ; McLaren et al., 2004 ; Fletcher et Boonstra, 2006 ; Prout et King, 2006). Le stress qui n’a pas de définition stricte peut être défini comme un état de perte de l’homéostasie causé par un facteur de stress (stimulus) qui peut être physique, psychologique, ou les deux à la fois (Reeder et Kramer, 2005).
Du point de vue physiologie, la réponse au stimulus se manifeste par l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) et provoque une augmentation du niveau de glucocorticoïde (GC), une classe d’hormones stéroïdes, dans le sang. Le GC secrété fait augmenter la disponibilité de glucose dans la circulation sanguine (Genuth, 1993 ; Sapolsky, 1982, 1983, 1992 ; Muller et Wrangham, 2004) pour mobiliser de l’énergie nécessaire aux tissus pour neutraliser l’effet du stimulus. Les GC se retrouvent sous forme métabolites dans les fèces de l’individu après un délai de passage dans l’organisme (Möstl et Palme, 2002) (voir Annexe I). La répétition du même facteur de stress en une durée plus ou moins longue peut entrainer la diminution de la sécrétion de GC. Plusieurs études ont rapporté que les enfants exposés à une adversité précoce montrent une basse sécrétion de cortisol, qui est la principale forme de GC chez les Primates (Cicchetti et Rogosh, 2001 ; Fisher et al., 2006 ; Dozier et al., 2006 ; Bruce et al., 2009). Ces expériences peuvent conduire à des basses réponses de cortisol à l’âge adulte (Tyrka et al., 2008 ; Elzinga et al., 2008 ; Carpenter et al., 2007). La réponse en GC varie en fonction de l’intensité du facteur de stress. En effet, les rats, utilisés pour des recherches au laboratoire, qui ont changé de cage et sont transférés dans une salle bruyante ont montré la plus grande élévation hormonale (corticostérone), puis moins pour ceux qui ont changé de cage et sont transférés dans une salle tranquille, et enfin ceux qui ont changé de cage sans transfert ont montré la plus faible élévation hormonale (Armario et al., 1986b).
La réponse physiologique pourrait être en relation avec le niveau basal de GC. Dans le cas de l’action d’un facteur de stress à court-terme, la réponse aiguë ou adaptive des animaux qui se traduit par l’augmentation rapide de GC puis retour progressive à son niveau basal normal (Ouellet-Morin et al., 2011) prend place pour résoudre la situation stressante (Sapolsky, 1992). Si le GC est secrété en permanence (par exemple à cause de la non élimination du facteur de stress ou encore le malfonctionnement du rétrocontrôle négatif de l’individu), le niveau basal de GC reste élevé et ne retourne plus à son niveau normal. L’individu peut être considéré dans ce cas comme atteint d’un stress chronique. Sa réponse à des facteurs de stress pourrait diminuer due à la diminution de la réactivité de l’axe HPA. En effet, il a été rapporté que les oiseaux ayant un niveau élevé de GC ne montrent plus une réponse additionnelle au protocole de capture et manipulation (Smith et al., 1994).
Du point de vue comportement, la réponse des individus à la suite de la libération de GC varie suivant la nature et l’origine du facteur de stress, comme les facteurs de stress physique, visuel, tactile, etc. Une des réponses comportementales des individus est les comportements de fuite (Reeder et Kramer, 2005). Lors de la perception d’un prédateur par exemple, le GC secrété par l’animal proie agit sur les tissus tels que les muscles, le foie et active des systèmes pour l’aider à échapper au prédateur (Anestis, 2010). La répétition d’un même facteur de stress peut entrainer aussi un changement de comportement des animaux. Chez les jars placés dans une cage, par exemple, et surveillés pour une implantation chirurgicale de cathéter pendant deux semaines, au début de l’expérience, ces oiseaux sont effrayés, battent des ailes ou essaient de s’échapper. Mais plus tard, ils ont l’air calme (Le Maho et al., 1992). Le comportement peut varier aussi en fonction de l’intensité du facteur de stress.
Capture et manipulation des animaux
Capture
La population de Microcebus murinus de la forêt de Kirindy a été déjà capturée régulièrement depuis 1994, mais seules les données collectées pendant la présente étude ont été utilisées. Les individus de M. murinus ont été capturés mensuellement dans le principal site d’étude nommé N5. Ils ont été piégés à l’aide des pièges Sherman appâtés de petits morceaux de banane pendant trois nuits consécutives (Dammhahn et Kappeler, 2008 ; Kraus et al., 2008) entre avril et juillet 2012 dans chacune des trois parties du site (au centre-est, au centre-ouest et à la périphérie ouest) l’une après l’autre. L’ensemble des trois nuits consécutives constituent une session de capture. Les pièges au nombre de 200 au centre-est et au centre-ouest, et 95 à la périphérie ouest ont été installés à 15 h 30 min de l’après-midi sur des arbres à l’intersection des pistes à une hauteur de 0,5-2 m au-dessus du sol. Lors de la visite des pièges à 6 h 15 min du matin, les pièges qui ont capturé des individus ont été collectés et les lieux ont été notés. Ceux qui ont échoué à la capture ont été fermés.
Manipulation
Les individus capturés dans les pièges ont été gardés à la station de recherche pendant la journée. La manipulation appliquée aux individus variait suivant que les individus soient marqués ou pas et suivant le type d’étude concerné. Tous les individus capturés ont été pesés avec un Pesola une fois par mois lors de la première occasion où ils ont été capturés durant ce mois. Ils ont été transférés dans un sac ayant un poids connu, puis pesés avec le sac.
♦ Anesthésie des animaux nouvellement capturés
Les individus nouvellement capturés ont été anesthésiés par injection cutanée de 0,15- 0,2 ml de Ketamine.
♦ Marquage des animaux nouvellement capturés
Les individus anesthésiés ont été marqués de façon permanente en implantant sous le derme un microtransponder avec un code unique qui peut être lu avec un récepteur (Trovan, Usling, Germany) et en effectuant une entaille avec des ciseaux sur les deux oreilles dans le but des échantillonnages tissulaires pour ADN (analyses génétiques).
♦ Mesures morphométriques
Les mesures morphométriques externes standards (Figure 5) des individus nouvellement capturés telles que longueur et largeur de la tête, longueur du corps, longueur de la queue (Schmid et Kappeler, 1994) ont été prises. Pour les individus nouvellement capturés sous anesthésie et ceux déjà marqués, la hauteur de la canine ainsi que la circonférence de la queue ont été mesurées. La distance bizygomatique des individus déjà marqués a été effectuée. La mesure des individus déjà marqués à Kirindy a été effectuée une fois par saison c’est-à-dire deux fois par an.
♦ Prélèvements
-Des échantillons de poils des animaux nouvellement capturés et déjà marqués ont été prélevés une fois par saison. Leur cuisse a été rasée avec une tondeuse pour animaux. Le prélèvement de poils des animaux déjà marqués a été réalisé sans anesthésie.
-Des échantillons de sang des animaux nouvellement capturés et recapturés ont été prélevés une fois par saison. Une goutte de sang a été cueillie sur une lame de microscope par piqûre de la veine de la cuisse de l’animal après avoir été rasée. Ce prélèvement a été fait sans anesthésie pour les animaux déjà marqués. Le prélèvement d’échantillons de poils et de sang des individus a été fait au mois d’avril dans le cadre d’un autre projet rattaché à la présente étude.
♦ Test de la force de préhension
Durant les mois d’avril et de mai de l’autre projet, quelques animaux capturés pendant le contrôle de piège la nuit ont été testés pour leur force de préhension : l’animal pouvant s’agripper à la poignée d’un appareil a été tiré doucement, permettant ainsi à l’appareil de mesurer la force de préhension maximum de l’animal au moment où il a lâché la poignée. Ces animaux manipulés pendant la nuit ont été apportés à la station de recherche et ont subi la même procédure de manipulation réalisée pendant la matinée suivant qu’ils sont nouvellement capturés ou déjà marqués.
Les individus nécessaires à l’autre projet rattaché à cette étude ont été employés aussi dans cette étude.
♦ Regroupement des animaux en catégorie
Les types de manipulation ont été utilisés pour évaluer l’influence du degré de la manipulation subie par les individus. Un individu peut subir plus d’un type de manipulation suivant la description précédente.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. MILIEU D’ETUDE ET ESPECE ETUDIEE
I.1. Milieu d’étude
I.1.1. Localisation géographique
I.1.2. Climat
I.1.3. Faune
I.1.4. Flore
I.2. Espèce étudiée
I.2.1. Description
I.2.2. Biologie et écologie
II. MATERIELS ET METHODES
II.1. Capture et manipulation des animaux
II.1.1. Capture
II.1.2. Manipulation
II.2. Dosage hormonal
II.2.1. Echantillons fécaux : extraction de l’hormone
II.2.2. Analyse des stéroïdes fécaux au Laboratoire d’Endocrinologie en Allemagne : Enzymeimmunoassay (EIA)
II.3. Réponse comportementale
II.3.1. Echelle de stress pendant la manipulation
II.3.2. Choix du milieu de l’enregistrement
II.3.3. Enregistrement du comportement
II.3.4. Visionnage de la vidéo et mesure du délai de sortie du piège
II.4. Tests statistiques
III. RESULTATS
III.1. Niveau de stress physiologique mesuré à partir d’échantillons fécaux
III.1.1. Nombre d’échantillons fécaux
III.1.2. Niveau basal de GC
III.1.3. Magnitude de la réponse au facteur de stress
III.2. Réponse comportementale de M. murinus
III.2.1. Effectifs des individus testés pour l’expérience
III.2.2. Comportements globaux observés des individus au cours de l’expérience de relâche
III.2.3. Temps mis pour faire apparaître la tête à la trappe ta, temps mis pour sortir du piège ts
III.2.4. Nombre de retraites dans le piège n
III.2.5. Influence de l’éclairement solaire
III.2.6. Temps mis pour sauter sur l’arbre cible tc
III.2.7. Temps mis pour rester dans la surface d’enregistrement après sortie du piège tr
III.2.8. Corrélation entre le temps ts mis par les individus pour sortir du piège et leur concentration fécale de GC
III.2.9. Temps ts mis par tous les individus pour sortir du piège et niveau de stress estimé durant la manipulation
IV. DISCUSSION
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS