Capital naturel, développement et durabilité

Années 80 et 90 : le consensus de Washington

     En 1989, l’économiste John Williamson propose une liste de dix prescriptions économiques recommandées aux économies en difficulté (notamment celles d’Amérique latine) qu’il a regroupées sous le nom de ‘Consensus de Washington’. Bénéficiant du contexte de crise idéologique globale liée à l’effondrement du communisme soviétique, ces propositions ont été appliquées par de nombreux Etats (de façon sélective) avec des niveaux de réussite très divers à travers les programmes d’ajustement structurel. Les dix recommandations sont les suivantes : discipline budgétaire, orientation des dépenses publiques aussi bien vers la croissance économique que la répartition équitable des revenus, des réformes fiscales pour obtenir une large assiette fiscale et des taux maximaux d’imposition faibles, libéralisation des marchés financiers, création d’un taux de change stable et compétitif, libéralisation du commerce, abolition des barrières à l’entrée sur le marché et libéralisation des investissements internationaux, privatisations, déréglementation et protection de la propriété privée.

Un équilibre entre les différents secteurs qui doit prendre en compte les  spécificités locales

       Les deux faits suivants sont à considérer : l’essentiel de la pauvreté est dans les campagnes et les activités agricoles ont une croissance beaucoup plus faible que les activités urbaines. Ici encore, il s’agira de trouver le bon équilibre, entre soutien aux activités rurales versus soutien aux activités urbaines, en fonction des caractéristiques du pays. Deux politiques peuvent être proposées. D’abord, accroître la productivité du secteur agricole. Cela peut se faire par différentes mesures : améliorer l’accès au marché et réduire les coûts de transaction, sécuriser les droits de propriété, créer un régime d’incitations favorable aux agriculteurs, créer un système d’assurance, encourager l’adoption de techniques plus productives, etc. Ensuite, favoriser les transferts de travailleurs vers les secteurs à plus forte croissance. Cela implique deux orientations : d’une part, stimuler et maintenir la croissance forte de ces secteurs (en prenant toute une série de mesures censées y favoriser l’investissement), et d’autre part, favoriser la migration des populations en adaptant la réglementation du marché du travail. Les secteurs à croissance forte sont essentiellement les secteurs urbains, formels ou informels, il s’agirait donc ici de prendre des mesures favorisant l’exode rural. Mais il peut aussi s’agir d’activités rurales non agricoles. Les programmes d’infrastructures en zone rurale (électricité et routes par exemple) favorisent l’expansion d’un secteur rural non agricole qui peut tirer nombre de ruraux de la pauvreté. Déterminer l’équilibre entre ces deux politiques doit donc passer au préalable par une analyse fine des taux de croissance des différents secteurs, des caractéristiques du milieu rural, de la localisation des pauvres par secteur, avant de proposer un équilibre entre promotion des activités agricoles et promotion des autres activités. Le contexte est donc ici encore déterminant.

Un facteur largement ignoré par l’analyse économique

    Au 18e siècle, dans des économies largement dominées par l’agriculture, la terre (ensemble des ressources naturelles) est pour les physiocrates la seule source de richesse. Le système économique est alors entièrement dépendant de la nature. La révolution industrielle du 19e siècle marquera un fléchissement de la place de la nature dans le système économique. Certes, la rareté de la terre joue un rôle important dans les théories de Malthus ou Ricardo. Ce patrimoine naturel reste cependant largement considéré comme immuable et inaltérable, et donc : « ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, les ressources naturelles ne sont pas l’objet des sciences économiques » (J.-B. Say. 1803. Traité d’économie politique). Celles-ci seront ensuite largement ignorées par les théories utilitaristes et néoclassiques. La terre, facteur de production aux côtés du capital et du travail, disparaît des analyses. L’homme se serait donc affranchi des limites naturelles. Ce n’est qu’à partir des années 70, suite au rapport du Club de Rome ‘Limits to growth’ (Meadows et al, 1972) (traduit maladroitement en français par ‘Halte à la croissance’) et aux craintes d’un épuisement des ressources naturelles lié aux chocs pétroliers, que la nature retrouve une place dans l’analyse économique. Le traitement des ressources naturelles épuisables repose pourtant sur un article séminal central de Hotelling de 1931. Se sont ainsi développés des modèles de croissance incluant des ressources naturelles, la question étant de savoir si la croissance pouvait se maintenir avec une contrainte de rareté sur la ressource. D’un souci initial sur l’épuisement des ressources naturelles, le problème s’est déplacé petit à petit vers les pollutions et la capacité de la nature à assimiler celles-ci. La nature est aujourd’hui perçue dans un sens très large, à la fois comme fournisseur de biens (bois, minerais, etc.) et de services (assimilation des pollutions, régulation des flux solides, etc.). Différents rapports récents (comme le ‘Millenium Ecosystem Assessment’ dirigé par les Nations Unies) illustrent les nombreux liens existants entre nature et bien-être humain. La nature reste pourtant aujourd’hui largement absente de la plupart des indicateurs et analyses économiques.

Le capital naturel, un facteur négligé dans les politiques de  développement

      Le capital naturel a longtemps été perçu au sein des théories du développement uniquement comme un producteur de matières premières (produits agricoles et produits miniers/pétroliers) destinés à l’industrie. Dès le 19e siècle, le secteur manufacturier était perçu comme le facteur principal de développement. Les économistes classiques avaient en effet déjà mis en évidence un accroissement de la productivité de ce secteur plus rapide que dans les autres secteurs. Les explications avancées sont diverses : la division du travail pour Smith, le machinisme pour Ricardo. Cette vision « industrialisante » est encore fortement persistante dans les politiques actuelles de développement. Sur le plan théorique, le constat est identique, avec des modèles de développement peu portés sur le capital naturel. Le modèle de Lewis mettait l’industrie au cœur du développement, l’objectif étant notamment de s’affranchir de la dépendance aux matières premières. La « nouvelle économie internationale », avec Krugman, montre également qu’il existe de bonnes ou mauvaises spécialisations qui se renforcent avec le temps par des mécanismes cumulatifs liés aux effets d’apprentissage. Et la production de matières premières ne fait pas partie des bonnes spécialisations. De même, le secteur manufacturier est central dans les nouvelles théories de la croissance car il concentre l’essentiel du progrès technique. Celui-ci, facteur permettant de dépasser l’état stationnaire décrit par Solow et de lutter contre les productivités marginales décroissantes, a différentes origines dont : l’accumulation de capital physique qui génère des externalités (« Learning by doing » de Arrow, phénomènes d’imitations entre entreprises, etc.), l’accumulation de capital humain (à travers les investissements en recherche et développement, la formation, etc.) ou bien encore de capital public (les infrastructures publiques génèrent des externalités sur le développement du secteur privé). On voit qu’il n’y a que peu de place pour le capital naturel, considéré quasi uniquement comme un stock de matières premières. Les nombreux services écologiques fournis, les externalités qu’il génère sur les autres capitaux n’ont jamais réellement été pris en compte. Nous proposons dans la Table 3.2 une revue non exhaustive des paradigmes dominants en matière de politiques de développement, avec le type de capital mis en avant.

Quel effet de la croissance sur le capital naturel et l’environnement en  général?

      Différents outils en économie ont été utilisés pour étudier les relations entre croissance et environnement. On peut distinguer des modèles empiriques (on n’explicite pas réellement les mécanismes à l’œuvre, on cherche plus à trouver des régularités entre différentes variables) et des modèles théoriques (les mécanismes sont explicités, ce sont fréquemment des modèles de croissance dans lesquels on intègre des variables environnementales). L’effet de la croissance sur l’environnement est souvent débattu et présenté à travers la courbe de Kuznets environnementale (extension de la courbe liant croissance et inégalités à l’environnement). Dans ce cadre, la qualité de l’environnement (dégradation du capital naturel ou niveau de pollution) augmente dans un premier temps avec le niveau de développement, puis diminue dans une seconde phase, formant ainsi une courbe en U inversée. Cette courbe est généralement interprétée à travers la combinaison de trois facteurs : un effet d’échelle (une croissance de l’activité économique accroît la demande de ressources et les pollutions) ; un effet de composition (la structure de l’économie évolue, passant successivement d’une économie rurale, à une économie de services, en passant par une économie industrielle) ; un effet technologique (amélioration des procédés et meilleure efficience dans l’utilisation des ressources). L’inversion de la courbe se fait à partir du moment où les effets technologiques et de composition l’emportent sur l’effet d’échelle. Différents économètres ont testé cette relation. Les conclusions sont nuancées. Pour les polluants locaux, la relation semble vérifiée. Ce serait moins le cas pour les polluants globaux (émissions de CO2 par exemple). En ce qui concerne la dégradation des ressources naturelles, on ne trouve pas non plus de conclusions nettes. Il est difficile de savoir quel effet, entre l’effet d’échelle et l’effet technologique, l’emporte sur le long terme. On pourrait également ajouter dans le cadre un quatrième effet : l’exportation des industries polluantes et le report de l’extraction des ressources vers d’autres pays

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Table des matières

CHAPITRE 1. INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 CAPITAL NATUREL ET CROISSANCE PRO-PAUVRES : ELEMENTS DE CONTEXTE
CHAPITRE 2. LE PARADIGME ECONOMIQUE ACTUEL : LA « CROISSANCE PROPAUVRES »
CHAPITRE 3. LA PLACE DU CAPITAL NATUREL DANS LES STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE
PARTIE 2 CAPITAL NATUREL, CROISSANCE ET DURABILITE
CHAPITRE 4. INTRODUCTION : LA DURABILITE, DE LA THEORIE A LA PRATIQUE
CHAPITRE 5. INTERET DES INDICATEURS MACROECONOMIQUES AGREGES DE DURABILITE DANS L’ELABORATION DES POLITIQUES DE DURABILITE : LE CAS DE MADAGASCAR
CHAPITRE 6. CRITIQUE DE L’APPROCHE DE DURABILITE DE LA BANQUE MONDIALE: LE CAS DE MADAGASCAR
CHAPITRE 7. VERS UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DU CAPITAL IMMATERIEL : LE CAS DU MOZAMBIQUE
CHAPITRE 8. CONCLUSION : PROPOSITION D’UN MODE DE PILOTAGE DE LA DURABILITE EN PAYS AFRICAINS
PARTIE 3 SOLS, ECONOMIE ET AGROECOLOGIE
CHAPITRE 9. LES SOLS, COMPOSANTE CLE DU CAPITAL NATUREL DES PAYS AFRICAINS
CHAPITRE 10. PERSPECTIVES ECONOMIQUES SUR LA RESSOURCE EN SOL A TRAVERS LE CONCEPT DE CAPITAL SOL
CHAPITRE 11. UN EXEMPLE D’INVESTISSEMENT DE CONSERVATION DES SOLS : LES TECHNIQUES AGROECOLOGIQUES AU LAC ALAOTRA (MADAGASCAR)
CHAPITRE 12. CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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