Capital culturel et reproduction sociale

Capital culturel et reproduction sociale

Les effets du genre sur la réussite en formation Genre et socialisation différenciée

La première étape lorsqu’on opte pour une approche sociologique des inégalités liées au sexe est de distinguer le sexe biologique du genre et de définir ce concept central. Le genre3 est un concept qui désigne les différences non biologiques entre les hommes et les femmes, c’est-àdire des différences entres autres sociales, psychologiques, mentales, économiques et sociologiques. Le genre est un système de rapports sociaux hiérarchisés liés au sexe biologique4, il est donc un système social binaire lié au sexe qui opère des hiérarchies symboliques et systématiques, rendant les principes « masculins » supérieurs aux principes « féminins ». Le genre s’explique par une socialisation différenciée, selon laquelle on n’élève pas les garçons et les filles de la même manière. Dès le moment où le sexe de l’enfant à naître est annoncé, les parents et l’entourage social commencent à le traiter de manière différenciée.

Les attentes sont différentes pour un sexe ou l’autre et les comportements des enfants seront interprétés différemment selon leur sexe. Selon Anne Dafflon Novelle (2004): « Les parents n’emploient pas les mêmes mots pour décrire leur bébé selon qu’il est de sexe masculin ou de sexe féminin. Les garçons sont décrits comme grands, solides, avec des traits marqués, en revanche, les filles sont décrites comme belles, mignonnes, gentilles, douces, petites, avec des traits fins » (p. 2). Les mots que les parents utilisent pour décrire leur enfant forment ce que Michel Foucault nomme une « pratique discursive ». Selon lui, « (la) tâche consiste à ne pas traiter les discours comme des ensembles de signes (d’éléments signifiants renvoyants à des contenus ou à des représentations) mais comme des pratiques qui forment systématiquement les objets dont ils parlent » (1969, p. 66-67). Les paroles façonnent donc non seulement l’appréhension par les enfants de leur environnement mais également la manière dont ils.elles se percevront eux.elles-mêmes. En effet, les attentes et les projections des parents en matière de genre seront endossées par leurs enfants eux-mêmes vers l’âge de trois ans (Dafflon Novelle, 2004).

Dafflon Novelle note que les individus qui sont parents, plus particulièrement parents d’enfants des deux sexes, ont tendance à penser que les différences des sexes sont déterminées biologiquement et que l’influence de facteurs culturels est minime. « Les parents sont convaincus d’avoir élevé leurs enfants de la même manière et d’être les personnes ayant la plus grande influence sur leurs enfants. Cependant, indépendamment de l’éducation reçue, tous les enfants passent par un stade durant lequel ils sont très rigides face au respect des stéréotypes de genre». (2004, p. 5) Les enfants baignent dans la « soupe » du genre depuis leur naissance; le genre fait partie de la culture qui les entoure au sens large, une culture qui s’inscrit dans presque chacun des objets et des gestes qui forment leur environnement depuis le début de leur vie. Le « constat » de la réalité biologique des différences sexuées chez leurs enfants de la part des parents transforme leurs pratiques discursives, et contribue à consolider la « réalité » telle qu’ils la construisent. Dafflon Novelle note par ailleurs que si les parents sont convaincus que la différence entre les sexes est d’origine biologique, « ils vont d’autant moins les encourager à entreprendre des choix professionnels qui ne soient pas typiques de leur propre sexe » (2004, p. 5). Nous y reviendrons. En attendant, nous venons d’aborder rapidement le fait que le discours façonnait notre réalité; nous vous proposons donc maintenant d’observer de manière plus détaillée comment est produit – reproduit- le genre lui-même.

La performativité

Penchons-nous pour commencer sur le mécanisme qui produit le genre, que Judith Butler appelle la « performativité ». Selon elle, dire que le genre est performatif, revient à dire qu’il n’existe que parce qu’on le performe. Les signes extérieurs de masculinité ou de féminité sont généralement compris comme des expressions de notre nature masculine ou féminine profonde. On suppose qu’à ces signes extérieurs de masculinité ou de féminité doit correspondre un intérieur essentiel. Or, selon Butler il n’y a aucun lien entre ces signes extérieures (ceux que Derrida appelle « signifiants ») et cet intérieur supposé (celui que Derrida appelle « signifié »), pire encore, que ce que nous prenons pour essence n’est en fait qu’une succession d’imitations signifiantes. En effet, Derrida avance qu’il n’y a que des signifiants et pas de signifiés; que nous supposons l’existence d’une intériorité en fonction de signes visibles mais que cette intériorité est, en vérité construite de l’extérieur à partir des signes. Comme le dit Butler dans son article « Performative Acts and Gender Constitution »: « The distinction between expression and performativeness is quite crucial, for if gender attributes and acts, the various ways in which a body shows or produces its cultural signification, are performative, then there is no preexisting identity by which an act or attribute might be measured; there would be no true or false identity by which an act or attribute might be measured; there would be no true or false, real or distorted acts of gender and the postulation of a true gender identity would be revealed as a regulatory fiction » (1988, p. 527-528)5 En résumé, Butler soutient que le genre est un système de rôles que nous jouons.

Ces rôles ont ceci de particulier qu’ils existaient avant notre naissance, autrement dit avant que nous « rentrions en scène ». Butler précise que le genre est constitué de rôles itératifs sans source, c’est-à-dire que lorsque nous endossons le rôle « femme » ou « homme », nous endossons ce rôle tel que nous le concevons, tel que nous l’avons vu joué par d’autres autour de nous (qui jouent également ce rôle par imitation de ce qu’ils ou elles ont vu avant). Ce rôle s’est donc constitué par succession d’imitations. Il est à noter qu’une des imitations qui joue un rôle important dans l’enfance concerne les jouets, qui anticipent la division sexuelle du travail et contribuent à cristalliser une vision binaire et dichotomique des sexes ainsi que les rôles stéréotypés de genre. Si les jeux participent fortement à produire une identité genrée, qu’en est-il de l’école? Est-ce un lieu privilégié de l’éducation égalitaire et non-différenciée? Ou au contraire est-ce qu’une vision binaire et hiérarchisée de l’identité genrée est-elle transmise?

L’éducation au genre à l’école

On pourrait penser que l’école irait dans le sens de cultiver un rapport au savoir en dehors de toute vision binaire ou hiérarchisation. Or, dans la mesure où le genre fait partie de la culture et que la culture est idéologique, il n’est pas étonnant de constater que l’école reproduit les inégalités sociales, y compris les inégalités de genre, contenues dans la culture anthropologique et savante qu’elle transmet. Selon Nicole Mosconi (2010): « On pourrait supposer que quand il arrive à l’école, l’enfant rencontre des savoirs délivrés de toutes ces connotations sexuées. En fait, il n’en est rien; car comme le dit la psychologue Marie-Claire Pichevin, « nous sommes tous sexistes ». Les stéréotypes de sexe sont présents aussi dans la socialisation scolaire » (p. 4). Ces stéréotypes de sexe prennent plusieurs formes dans l’institution école et c’est ce que nous allons dès à présent tâcher d’explorer. Dans son article « Filles / garçons. Education à l’égalité ? », Mosconi énumère différentes manières dont les inégalités de sexe prennent forme à l’école.

Elle note pour commencer que l’école est un endroit où l’on apprend « à devenir une femme ou un homme » (Mosconi, 2010, p. 4). Cet apprentissage passe par de nombreux comportements. Premièrement les garçons occupent plus d’espace dans la cour d’école, où ils occupent le centre et relèguent les filles aux marges. On peut y voir une reproduction de l’occupation de l’espace genré traditionnel; à l’échelle de la ville les hommes occupent plus l’espace symboliquement important et central, c’est-à-dire l’espace publique, et les femmes sont plutôt reléguées aux espaces de « seconde zone », c’està- dire les espaces privés. En classe, les garçons se font plus remarquer, par de l’indiscipline ou en interagissant de manière spontanée avec les enseignant.e.s à propos de la matière à apprendre (Duru-Bellat, 2004). Ces deux comportements montrent que les garçons se sentent plus légitimes que les filles dans leur place en classe et face aux savoirs à acquérir. Avec l’âge, cette domination de l’espace continuera de se développer. A l’adolescence, les garçons utiliseront – de manière consciente ou inconsciente – « les moqueries, la dérision, les plaisanteries sexistes » (Mosconi, 2010, p. 4) comme un moyen de garder les filles à leur place, de les empêcher de s’exprimer, de s’imposer.

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Table des matières

L’effet du genre et de la classe sociale sur la réussite scolaire
Résumé
Table des matières
Note d’intention
Introduction
Les effets du genre sur la réussite en formation
Genre et socialisation différenciée
La performativité
L’éducation au genre à l’école
Double standard, curriculum caché et « effet Pygmalion »
Branches masculines – branches féminines
Le choix des filières
Conclusion intermédiaire
Les effets de la provenance sociale sur la réussite en formation
Capital culturel et reproduction sociale
L’habitus
Reproduction sociale et curriculum caché
Violence symbolique
Conclusion intermédiaire
Genre et classe intersectés
Conclusion
Limites et perspectives
Bibliographie
Annexe
Chiffres de l’Office Fédéral des Statistiques
Etudiants selon le domaine de formation, la profession, le sexe, la nationalité, le mode
d’enseignement et l’année de programme, 2014/15

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