La locomotion, et notamment la faculté de se déplacer rapidement, est une des principales fonctions vitales des animaux, que ce soit pour capturer des proies ou s’échapper des prédateurs. La survie de l’Homme, aujourd’hui assistée par de nombreuses technologies, est beaucoup moins liée à cette capacité à se mouvoir rapidement. Cependant, le sport, qui tient une place très importante dans nos sociétés actuelles tant sur le plan culturel, social, politique ou économique, fait perdurer la mise en compétition des Hommes entre eux sur la base de leurs capacités physiques, et notamment de leur habileté à déplacer leur corps. Se déplacer rapidement est un facteur clé de la performance dans de nombreux sports (rugby, tennis, football, basket-ball, sauts en hauteur ou en longueur…) et constitue le but ultime de nombreuses disciplines d’athlétisme, dont la principale est le 100 m.
Que ce soit pour l’animal ou pour l’Homme, la rapidité des déplacements est en premier lieu déterminée par la capacité d’accélérer son corps à partir d’une position de repos, c’est-à-dire d’atteindre la plus grande vitesse possible dans les plus brefs délais . Pour les déplacements terrestres, les sauts maximaux et les départs de courses sont les meilleurs exemples de ce type de comportements d’accélération, et sont souvent qualifiés de mouvements explosifs. Un mouvement explosif peut donc être défini comme un mouvement réalisé de manière maximale et visant à accélérer le plus possible une masse mobile. Lors des deux exemples précédemment cités (saut et départ en sprint), l’accélération du corps s’effectue par l’extension des extrémités inférieures, c’est-à-dire des pattes postérieures pour les quadrupèdes ou des membres inférieurs pour les bipèdes . Quelles caractéristiques doivent présenter ces membres inférieurs pour exceller dans ce type de mouvements explosifs ? La compréhension des facteurs déterminant la capacité à accélérer passe par l’étude des phénomènes à l’origine du mouvement d’un corps.
La science qui étudie les causes du mouvement d’un corps, et plus précisément les causes de variations de mouvement, est la dynamique. Cette branche de la mécanique est régie par les trois lois énoncées par Isaac Newton au XVIIème siècle dans les Principes mathématiques de la philosophie naturelle (Newton, 1687). La première des trois lois stipule qu’un corps reste immobile ou conserve un mouvement rectiligne uniforme aussi longtemps qu’aucune force extérieure ne vient modifier son état. Autrement dit, la modification de l’état de mouvement d’un corps, et notamment son accélération, ne peut être due qu’à l’application d’une force extérieure à ce corps. C’est la loi de l’inertie. D’après la deuxième loi, constituant le principe fondamental de la dynamique, le changement de l’état de mouvement du corps est proportionnel à cette force extérieure. La troisième loi de Newton, correspondant au principe des actions réciproques, indique que cette force extérieure appliquée par l’environnement sur l’individu est la conséquence d’une force appliquée par l’individu sur ce même environnement, ces deux forces ayant la même intensité et la même direction, mais étant de sens opposés (Figure 1). Aux vues de ces trois lois, la capacité d’un individu à accélérer son corps dépend de la force produite par ses membres inférieurs sur son environnement. L’analyse de la capacité à accélérer son corps passe donc par l’étude de la capacité « maximale » d’un individu à produire une force propulsive sur son environnement, et plus précisément de la capacité des membres inférieurs à produire cette force.
PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DYNAMIQUE
L’objet de cette partie est de comprendre et quantifier les phénomènes mécaniques à l’origine du mouvement dans le but d’identifier les caractéristiques mécaniques, ou grandeurs mécaniques, de la phase de poussée des membres inférieurs (i.e. la phase d’application de la force) qui déterminent la performance lors d’un mouvement explosif. Le terme « performance » correspond ici à la faculté d’accélérer son corps le plus possible, et donc d’atteindre la plus grande vitesse à la fin de la phase de poussée.
L’analyse dynamique de la poussée permet de comprendre l’action des forces extérieures et leur incidence sur la mise en mouvement du corps. Dans ce type d’analyse, et ce sera le cas dans tout ce travail de thèse, le corps est considéré comme un système entier et c’est la dynamique du centre de masse de ce système qui est étudiée. Traditionnellement, la quantification et la compréhension de l’effet d’une force extérieure sur l’état de mouvement d’un corps peuvent être abordées par deux approches : la première étudie comment la force agit sur la quantité de mouvement, la seconde étudie les variations d’énergie mécanique causées par l’application de cette force. Ces deux approches sont présentées ici à travers l’analyse d’une phase de poussée explosive des membres inférieurs (vitesse initiale nulle et direction constante tout au long de la poussée).
Analyse de la dynamique de la poussée par la quantité de mouvement
La notion de quantité de mouvement est la première notion mécanique utilisée par Isaac Newton lorsqu’il a formulé sa théorie (Newton, 1687). La quantité de mouvement permet de quantifier l’état de mouvement d’un corps. Longtemps caractérisé uniquement par la vitesse, l’état de mouvement d’un corps doit également tenir compte de l’inertie du corps, c’est-à-dire de sa capacité à résister aux changements de vitesse. L’inertie d’un corps dans un mouvement de translation, comme le saut ou la poussée initiale d’un sprint, se quantifie par sa quantité de matière, autrement dit sa masse.
Analyse de la dynamique de la poussée par l’énergie mécanique
Bien que la mécanique newtonienne, fondée sur la quantité de mouvement, permette de résoudre tous les problèmes de la mécanique classique, une approche alternative, basée sur la notion d’énergie, est aussi largement utilisée pour analyser les phénomènes mécaniques à l’origine du mouvement. Ces deux approches complémentaires utilisent des principes différents.
L’énergie est un concept abstrait qui est souvent défini comme la capacité à produire un travail. Tout l’intérêt de la notion d’énergie réside dans le fait qu’elle correspond à une grandeur qui se conserve : dans un système isolé (i.e. sans échange d’énergie avec l’extérieur), la quantité totale d’énergie reste inchangée, seuls des échanges entre différents types d’énergie sont possibles. Ce principe de conservation de l’énergie est intéressant pour quantifier les interactions entre des phénomènes très différents, mettant en jeu des formes d’énergies diverses, qu’elles soient d’ordre électrique, thermique ou encore mécanique. Du point de vue mécanique, l’énergie d’un corps se manifeste sous deux formes fondamentales : l’énergie cinétique et l’énergie potentielle. L’énergie cinétique est l’énergie associée au mouvement alors que l’énergie potentielle correspond à l’énergie emmagasinée par un corps du fait de sa position dans un champ de force (force gravitationnelle ou élastique par exemple). L’énergie mécanique totale d’un corps est la somme de ces deux formes d’énergie.
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Table des matières
GLOSSAIRE
INTRODUCTION GENERALE
I. PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DYNAMIQUE
1. Analyse de la dynamique de la poussée par la quantité de mouvement
2. Analyse de la dynamique de la poussée par l’énergie mécanique
II. CAPACITES MECANIQUES DES MEMBRES INFERIEURS
1. Propriétés mécaniques intrinsèques du muscle strié squelettique
2. Propriétés mécaniques du muscle in vivo
III. EVALUATION DES CAPACITES MECANIQUES DES MEMBRES INFERIEURS
1. Principes méthodologiques généraux
2. Relations force-vitesse et puissance-vitesse par des méthodes de laboratoire
3. Evaluation des capacités mécaniques des membres inférieurs par des méthodes de terrain
IV. IMPLICATIONS DES CAPACITES MECANIQUES DES MEMBRES INFERIEURS DANS LA PERFORMANCE D’UN MOUVEMENT EXPLOSIF
1. Pourquoi étudier le lien entre les capacités mécaniques des membres inférieurs et la
performance dans les mouvements explosifs ?
2. Quelles sont les capacités mécaniques des membres inférieurs qui déterminent la performance en saut ?
V. OBJECTIFS DE TRAVAIL
PARTIE 1 : UNE NOUVELLE METHODE SIMPLE POUR MESURER LA FORCE, LA VITESSE ET LA PUISSANCE LORS D’UN SAUT VERTICAL
I. SYNTHÈSE DU CONTEXTE THÉORIQUE
II. METHODOLOGIE
1. Bases théoriques
2. Méthodologie de validation
III. RESULTATS
1. Précision de la méthode proposée
2. Reproductibilité de la méthode proposée
IV. DISCUSSION
1. Relation entre la puissance développée et les paramètres qui l’influencent
2. Validation des équations en tant que méthode de terrain pour l’évaluation de la force, de la vitesse et de la puissance lors d’un saut
3. Utilisation de la méthode proposée pour déterminer des relations force-vitesse
4. Utilisation de la méthode proposée pour l’étude des sauts chez les animaux
V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
VI. APPENDICES
PARTIE 2a : LA PERFORMANCE EN SAUT : IMPLICATION DES CAPACITES MECANIQUES DES MEMBRES INFERIEURS
I. SYNTHÈSE DU CONTEXTE THÉORIQUE
II. APPROCHE THÉORIQUE
1. Contraintes mécaniques imposées par la dynamique du mouvement
2. Contraintes mécaniques imposées par le générateur de force
3. Relation entre la vitesse de décollage et la vitesse moyenne
4. Détermination de la vitesse de décollage maximale qui peut être atteinte
III. RESULTATS : INFLUENCE DE CHAQUE VARIABLE SUR L’HABILETE A SAUTER
IV. DISCUSSION
1. Limites de l’approche théorique
2. La performance en saut est expliquée par seulement trois grandeurs mécaniques intégratives
3. Influences respectives de chaque variable sur la performance en saut
4. Application et confrontation à des données expérimentales
5. Amélioration de la performance et limites mécaniques
V. CONCLUSION
VI. PERSPECTIVES
VII. APPENDICES
PARTIE 2b : LA PERFORMANCE EN SAUT ALTIUS : CITIUS OU FORTIUS ?
I. INTRODUCTION
II. APPROCHE THÉORIQUE
III. RESULTATS
1. Influence respective de chaque variable sur l’habileté à sauter
2. Profil force-vitesse optimal maximisant la hauteur de saut
3. Comment le profil force-vitesse peut-il influencer la hauteur de saut ?
IV. DISCUSSION
1. Puissance maximale et performance en saut
2. Profil force-vitesse optimal
3. Profil force-vitesse et entraînement sportif
V. CONCLUSION
VI. APPENDICES
CONCLUSION GENERALE & PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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