La crise financière et ses conséquences amènent à repenser le rôle de l’entreprise en rappelant la nécessité d’intégrer davantage la dimension sociale au sein de l’économie (Fayolle, 2016). D’une part, on observe une volonté de replacer la notion de durabilité au cœur des débats. Ainsi, parmi les 17 objectifs phares du programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, on trouve celui de « promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable ». De même, la stratégie de croissance sur dix ans de l’Union européenne, nommée Europe 2020, repose sur un enjeu majeur : « stimuler une croissance intelligente, durable et inclusive ». Parmi les mesures envisagées, l’une d’entre elles vise notamment à améliorer l’environnement des entreprises et particulièrement des PME. D’autre part, un regain d’intérêt apparaît pour les modèles économiques où la recherche du profit financier n’est qu’un but parmi d’autres. L’année 2012 a ainsi été proclamée « Année internationale des coopératives » par les Nations Unies. La même année, le Sommet international des coopératives – évènement mondial pour le développement des affaires dans le milieu coopératif et mutualiste – a été créé et un observatoire mondial des coopératives a été lancé afin d’élaborer une base de données multidimensionnelle sur la valeur socio-économique et l’influence des coopératives (World Cooperative Monitor, 2015). Dans sa communication du 13 avril 2011 relative à l’Acte pour le marché unique, la Commission européenne fait de ce qu’elle appelle « l’entrepreneuriat social » un des douze leviers de croissance en Europe. L’objectif est de « favoriser le développement des entreprises ayant fait le choix, au-delà de la recherche légitime d’un profit financier, de poursuivre également des objectifs d’intérêt général, de développement social, éthique ou environnemental » (Commission européenne, 2011, pp. 14). Le modèle coopératif est là encore mis en avant en tant que mode alternatif d’organisation. Le Parlement souligne ainsi que les coopératives « jouent un rôle essentiel dans l’économie européenne, notamment en période de crise, en combinant la rentabilité avec la solidarité. […] Le modèle d’entreprise coopérative est source de véritable pluralisme économique et constitue un facteur indispensable à l’économie sociale de marché. » (Parlement européen, 2013, pp. 2).
Les coopératives souffrent toutefois de l’absence de visibilité et de reconnaissance de leur cadre d’exercice particulier. L’Organisation Internationale du Travail a ainsi recommandé aux gouvernements « d’améliorer les statistiques nationales sur les coopératives en vue de leur utilisation pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de développement » (OIT, 2002) . De même, l’Assemblée générale des Nations Unies considère que « la recherche et la collecte de statistiques harmonisées sur les coopératives devraient constituer des priorités » (Assemblée générale des Nations Unies, 2011 – A/66/136). En France, les connaissances du secteur ont longtemps été lacunaires et « faute d’outil statistique adéquat, on est contraint de se contenter […] d’informations disparates, dont la juxtaposition, sans être satisfaisante ni former un ensemble cohérent, permet [uniquement] d’indiquer quelques ordres de grandeur intéressants » (Sénat, 2012, pp. 33). Dans ce cadre, il semble important de poursuivre le travail d’investigation et de production de données chiffrées concernant le secteur coopératif. Plus précisément, les coopératives étant promu comme un modèle d’organisation plus durable, il est nécessaire de s’interroger sur leur capacité de résistance et d’y apporter une réponse scientifique et quantitative.
Comment définir la performance des coopératives et quels sont les liens avec la capacité de résistance ?
La performance des coopératives a longtemps été débattue dans la littérature sous un prisme économique et financier, mais aucun consensus n’a été trouvé. En effet, si l’ensemble des études théoriques semblent s’accorder pour prédire l’inefficience des coopératives, les résultats empiriques sont contradictoires. Dans ce chapitre, nous tentons d’apporter un éclairage nouveau à ce paradoxe. Partant du constat que les précédentes études théoriques ne se sont pas suffisamment affranchies du paradigme dominant de maximisation de la valeur pour les actionnaires, nous proposons d’adopter une vision élargie de la performance, plus à même d’intégrer les implications liées à la détention de la propriété par les membres. Adopter une telle posture nécessite néanmoins une refonte des mesures de performance ; après un exposé des différentes approches de la performance des coopératives existantes dans la littérature, nous proposons une mesure originale et opérationnelle, dans le but d’offrir de nouvelles perspectives empiriques. Enfin, nous n’oublions pas que l’objectif majeur de ce travail de recherche est de comparer la capacité de résistance des coopératives à celle des entreprises classiques ; la mesure de la performance que nous proposons satisfait cette exigence.
The traditional approach: the cooperative is economically inefficient
The traditional approach focuses on economic performance. It considers the cooperative as an alternative form of business where ownership is given to members rather than investors but traditional corporate theories are applied. This approach concludes that cooperatives are inefficient, but empirical studies do not provide confirmation.
What is a cooperative?
In this approach, cooperatives are generally defined in opposition to investor-owned firms (IOFs), mainly because they are owned and controlled by their members rather than investors alone. The distinction rests on the property rights theory and is mainly derived from the contribution of Hansmann (1996). In his theory, a firm is said to be made up of different groups of patrons. Patrons are ‘all persons who transact with a firm either as purchasers of the firm’s products or as sellers to the firm of supplies, labour, or other factors of production’ (Hansmann 1996: 12). He suggests that the allocation of property rights between the different groups of patrons should minimize transaction costs within the firm. These costs are grouped into two categories: the costs of market contracting and the costs of ownership .
The traditional framework and the inefficiency view
Staatz (1987a) and Chaddad et al. (2004) analysed the literature and identified four visions of agricultural cooperatives that emerged over time: (1) a form of vertical integration, (2) a firm separated from members, (3) a coalition and (4) a nexus of contracts. We only discuss (4), as it represents the dominant approach in current work on cooperatives. Under the ‘nexus of contracts’ view of the cooperative, studies focus on the concepts of ownership and governance and employ property rights theory (PRT) and agency theory (AT) as conceptual frameworks. Five main sources of inefficiency are highlighted.
First, the ill-defined property rights (Cook and Iliopoulos 2000) lead to incentive problems, such as free-rider, horizon and portfolio problems (Vitaliano 1983; Cook 1995). The free-rider problem emerges because members do not bear the full costs of or receive the full benefits from their actions. Thus, members will have no incentive to invest, making it nearly impossible for an existing cooperative to raise sufficient funds to sustain growth (Holland and King 2004). The horizon problem arises because members can receive benefits from their investment only for the duration of their expected membership within the organization, engendering a bias towards short-term investment or underinvestment. The portfolio problem results from the absence of the valuation, transferability and liquidity of residual claims.
Second, cooperatives are also criticized for governance issues, usually considered from an AT perspective. The core of the AT theory is the principal-agent relationship. In our case, this relationship is between the Board of Directors (BoD, comprising elected members) and management. Even if the relationship between the two parties is defined by a contract, no contract is perfect or complete (Grossman and Hart 1986). Thus, it is necessary to ensure that management will act in favour of the owners’ main interests. This control comes at a cost that can be very high in cooperatives (Cadot 2015). First, as cooperatives have many members, the incentive to monitor can be diluted. In addition, the ‘one member, one vote’ rule can discourage people from engaging in costly monitoring because they will not bear the full cost of their investment. Second, cooperatives cannot rely on external mechanisms to place pressure on management (Staatz 1987b), such as hostile takeovers or market valuation. Third, members of the BoD can lack the skills to control management actions when the cooperative attempts to operate in an overly complex environment (Vitaliano 1983). The last problem considered here, which relates to governance, is that of the collective decision. Specifically, member heterogeneity can lead to divergent interests (Hansmann 1996), and any conflict in a cooperative, in contrast to an IOF, must be addressed before a decision is taken (Hind 1999). Thus, reconciling the opinions of all members is time-consuming, and some opportunities can be missed.
Hendrikse and Veerman (2001a, 2001b) compare marketing cooperatives and corporations through (respectively) an incomplete contracting perspective and a transaction costs analysis. They confirm the dominant view about the inefficiency of the cooperative structure. Members’ control is considered as a threat to the survival of cooperatives when the level of asset specificity increases at the processing stage of production.
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE 1 NEW INSIGHTS ON COOPERATIVE PERFORMANCE
INTRODUCTION AU PREMIER CHAPITRE
Résumé
Abstract
1. Introduction
2. The traditional approach: the cooperative is economically inefficient
3. The alternative approach: the cooperative is dedicated to its members
4. The dynamic approach: the cooperative needs to adapt itself
5. Survival: a new way to assess cooperatives’ performance?
6. Conclusion and avenues for future research
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
CHAPITRE 2 DO COOPERATIVES COPE BETTER? SURVIVAL ANALYSIS OF FRENCH AGRICULTURAL COOPERATIVES
INTRODUCTION AU DEUXIÈME CHAPITRE
Résumé
Abstract
1. Introduction
2. Literature review and research hypotheses
3. Methodology
4. Results
5. Discussion and conclusion
CONCLUSION DU DEUXIÈME CHAPITRE
CHAPITRE 3 SURVIVAL IN THE FRENCH WINE INDUSTRY: COOPERATIVES VERSUS CORPORATIONS
INTRODUCTION AU TROISIÈME CHAPITRE
Résumé
Abstract
1. Introduction
2. Theoretical background and hypothesis
3. Method and measures
4. Econometric estimation and results: who survives better?
5. Going further: what are the differences between cooperatives and corporations?
6. Robustness checks
7. Discussion and conclusion
CONCLUSION DU TROISIÈME CHAPITRE
CHAPITRE 4 FINANCIAL DETERMINANTS OF COOPERATIVE EXIT
INTRODUCTION AU QUATRIÈME CHAPITRE
Résumé
Abstract
1. Introduction
2. Literature review and research hypotheses
3. Methodology
4. Results
5. Summary and concluding remarks
CONCLUSION DU QUATRIÈME CHAPITRE
Conclusion générale
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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