HISTORIQUE
L’existence du cancer semble remonter à des temps immémoriaux puisque des stigmates de lésions cancéreuses ont été reconnus sur des pièces squelettiques humaines préhistoriques. Le cancer du sein, par sa fréquence et sa situation superficielle fut l’un des premiers observés et décrits [117]. L’archéologue Edwin Smith découvrit en Egypte des parchemins remontant entre 3000 et 2500 avant J.C. Ces papyrus décrivent huit cas de tumeurs du sein, toutes chez l’homme. Dans un autre papyrus rédigé vers 1500 avant J.C. découvert par Georg Ebers, on trouve des prescriptions destinées à soigner les « tumeurs graisseuses » par le feu ou par le fer [9].
Hippocrate (460-370 avant J.C.) le mentionne et le décrit dans son Encyclopédie monumentale où il évoque son hypothèse de « dérèglements psychosomatiques ». Hérodote (484-425 avant J.C.) recommandait une amputation ou une cauthérisation ou l’association des deux comme le conseillait Leonidas d’Alexandrie (180 après. J.C.). Les théories de Galien (129-201 après J.C.) sur l’excès d’« humeur » de bile noire seront acceptées pendant plusieurs siècles, autant que l’excision chirurgicale de la tumeur.
Avicenne (980-1037) Pilote de l’école de médecine arabe, observe que le cancer du sein évolue localement et lentement dans un premier temps pour ensuite envahir et détruire les tissus environnants. Le Dran (XVIIe siècle) explique que le cancer du sein s’étend par les vaisseaux et les ganglions lymphatiques.
Severino (1580-1656) préconisait l’exérèse des tumeurs bénignes pour éviter leur dégénérescence; Vesale (1514-1564) pratiquait une exérèse large et contrôlait l’hémorragie par ligature. Jean Louis Petit (1674-1750) en France posait le principe de la mammectomie moderne et Heister (1683-1758), chirurgien allemand y adjoignait l’exérèse des muscles pectoraux et des ganglions axillaires. C. Moore (1821-1879) pensant que les récidives après mammectomie se faisaient par voie centrifuge et qu’il fallait avoir recours à une chirurgie plus large, ouvrait la voie à la chirurgie étendue. En 1896, Beaston découvre la première hormonothérapie dans le traitement du cancer du sein. William Stewart Halsted (1852-1922) apporta une contribution particulièrement importante au traitement du cancer du sein : dans sa théorie » mécaniste » la dissémination se faisait de proche en proche, atteignant les structures adjacentes. En 1952, Keynes associait tumorectomie et radiothérapie. Il est relayé par les travaux de Peters au Canada, de Berquin et Calle en France Les essais de mono-chimiothérapie par Fischer et de poly chimiothérapies par Bonadonna font baisser significativement les récidives et les décès. Plus tard, la découverte des chimiothérapies adjuvantes et antimitotiques ainsi que les hormonothérapies permettent une évolution radicale des traitements avec une réelle régression des décès .
RAPPEL EMBRYOLOGIQUE, ANATOMIQUE, HISTOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE
Embryologie
Le développement de la glande mammaire s’étale depuis l’embryogenèse jusqu’à la ménopause, et se déroule en plusieurs périodes distinctes, parfois séparées de nombreuses années. Ce développement discontinu est finement régulé et soumis à diverses influences paracrines (facteurs de croissance) et endocrines (hormones sexuelles ou pituitaires). C’est l’un des rares organes dont la majeure partie du développement se déroule chez l’adulte ce qui en fait un modèle d’étude de l’organogenèse [42].
Embryogénèse
Chez l’embryon humain de quatre semaines se distinguent déjà deux épaississements ectodermiques latéraux : les crêtes mammaires (figure 1A). C’est tout au long de ces structures, conservées au cours de l’évolution, que se différencient les ébauches glandulaires. Le nombre d’ébauches varie suivant les espèces, il est souvent le double du nombre d’embryons présents par gestation, donc deux chez l’Homme. L’ébauche se présente d’abord sous la forme d’un bourgeon primaire (6 semaines), épaississement ectodermique qui envahit le mésoderme sous-jacent, puis d’un bourgeon secondaire (4mois) qui se ramifie en profondeur et se creuse d’une cupule à sa surface (6mois) (figure 1B). A la naissance, les ramifications ectodermiques profondes, au nombre de 15 à 20, se creusent d’une lumière qui s’ouvre au niveau d’un mamelon ombiliqué à la surface de la peau. Autour de ce mamelon, une pigmentation cutanée définit l’aréole. En profondeur, le tissu conjonctif s’est organisé autour des canaux ectodermiques, futurs canaux galactophores, et forme des travées qui les individualisent [42].
A ce stade, la glande est identique chez l’homme et chez la femme et n’est pas fonctionnelle. Elle demeurera sous cette forme immature chez l’homme, alors que son évolution va reprendre chez la femme, à la puberté, sous l’effet des hormones sexuelles [42].
Puberté
Le développement des glandes mammaires chez les femmes pendant la puberté constitue un des caractères sexuels secondaires. Pendant cette période, sous l’effet des oestrogènes ovariens, le développement de la glande peut reprendre. Le développement des canaux reste modéré, et ce sont surtout les adipocytes adjacents qui se multiplient et se chargent en graisse, provoquant la saillie de la glande et du mamelon. Des ébauches d’acini sécrétoires, connectées aux parties canalaires terminales, apparaissent également lors des premières ovulations. A ce stade, la glande a acquis sa forme normale chez la nullipare. Les cellules épithéliales qui la composent, n’ont pas encore atteint leur stade ultime de différenciation fonctionnelle mais sont très sensibles aux stimuli hormonaux .
Influence des menstruations
Sous l’influence des hormones menstruelles, la glande mammaire subit de légères évolutions cycliques. En particulier, un accroissement modéré des canaux galactophores et des acini sécrétoires, suivi d’une faible activité sécrétrice en fin de cycle. Cette sécrétion sera résorbée par le tissu lui-même. Ces modifications reflètent la sensibilité du tissu épithélial aux stimuli hormonaux et peuvent être interprétées comme une « préparation » de la glande en vue d’une possible gestation. Elles sont suivies d’une légère involution (fin de cycle et début du cycle suivant) qui ramène la glande à sa morphologie d’origine. L’ensemble témoigne d’une grande plasticité tissulaire, mettant en jeu de façon répétitive des mécanismes de régulation de la prolifération cellulaire, dont la défaillance peut conduire à la transformation cancéreuse [42].
Grossesse
Une forte activité mitotique des cellules épithéliales caractérise les vingt premières semaines de la gestation. Les effets hormonaux combinés des oestrogènes (remaniement de la matrice extra-cellulaire) et de la progestérone (pro-mitotique) sont à l’origine de ce développement. La progestérone induit notamment l’augmentation de l’expression des récepteurs de l’Epidermal Growth Factor (EGF) et de la prolactine.
Tout ceci se traduit par une augmentation du volume du sein. Les cellules épithéliales ont formé de nombreux acini aux terminaisons canalaires et ont atteint leur stade de différenciation ultime. Elles sont très polarisées basoapicalement et présentent les caractéristiques cytologiques des cellules sécrétrices : noyau excentré basalement, développement du réticulum endoplasmique rugueux et de l’appareil de Golgi et accumulation de vacuoles de sécrétion. Leur activité sécrétrice se manifeste deux à cinq jours après l’accouchement sous l’effet de la prolactine.
Après l’arrêt de la lactation, il faut trois à quatre mois pour que la glande retourne à sa morphologie initiale. Elle est alors le siège d’importants remaniements tissulaires faisant intervenir l’apoptose ainsi que la phagocytose des cellules immunitaires. Au cours de cette régression, le système immunitaire a l’opportunité de découvrir des antigènes associés aux cellules mammaires et à la lactation, parfois exprimés de façon anormale par des cellules cancéreuses de sein. Cette « rencontre » pourrait être à l’origine de l’influence bénéfique des grossesses sur la diminution des risques de cancer du sein [42].
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Table des matières
Introduction
I-HISTORIQUE
II-RAPPEL EMBRYOLOGIQUE, ANATOMIQUE, HISTOLOGIQUE ET PHYSIOLOGIQUE
1- Embryologie
1-1- Embryogénèse
1-2- Puberté
1-3- Influence des menstruations
1-4- Grossesse
1-5- Involution post-ménopausique
2- Anatomie
2-1- Situation
2-2- Configuration
2-3- Vascularisation et Innervation
3- Histologie
3-1- Structure de base
3-2- Lobes et lobules
3-3- Canaux galactophores
3-4- Tubulo-alvéoles mammaires
4- Physiologie
III- TYPES HISTOLOGIQUES DES CANCERS DU SEIN
1- Carcinomes mammaires
2- Autres types histologiques
IV- HISTOIRE NATURELLE DU CANCER DU SEIN
V- COMPTE RENDU HISTOLOGIQUE
VI- EPIDEMIOLOGIE DU CANCERS DU SEIN
1- Epidémiologie descriptive
1-1- Situation mondiale
1-2- Situation en Afrique
2- Epidémiologie analytique : les facteurs de risque
2-1- Facteurs de risque constitutionnels
2-2- Facteurs de risque hormonaux
2-3- Facteurs de risque environnementaux
3- Epidémiologie interventionnelle
VII-DIAGNOSTIC DU CANCER DU SEIN
1- Diagnostic positif
1-1- Circonstances de découverte
1-3- Examens complémentaires
2- Diagnostic différentiel
2-1-Diagnostic d’une masse mammaire
2-2- Diagnostic d’un sein inflammatoire
2-3-Diagnostic d’une rétraction cutanée
2-4-Diagnostic d’un écoulement mamelonnaire
VIII-BILAN PRE-THERAPEUTIQUE
1- Bilan d’extension
2- Bilan biologique
3- Bilan cardiaque
4- Appreciation de d’état general
IX- CLASSIFICATION DES CANCERS DU SEIN
1- Classification clinique TNM
2- Classification histopathologique pTNM
3- Regroupement par stades
X- CRITERES PRONOSTIQUES
1- Facteurs pronostiques cliniques
2- Critères histopronostiques
3- Facteurs biologiques
4- Définition des catégories à risque métastatique
5- Métastases des cancers du sein
XI – TRAITEMENT
1- Buts
2- Moyens
2-1- Moyens médicaux
2-2- Moyens chirurgicaux
2-3- Radiothérapie
3- Indications
3-1- Tumeurs non palpables
3-2- Tumeur palpable limitée unique traitable par chirurgie conservatrice : T1T2 N0N1 M0 | stades I–II
3-3- Tumeur palpable qui ne peut être traitée d’emblée par chirurgie conservatrice : T3T4 et /ou N2N3 M0 | stades III
3-4- Cancers du sein métastatique : Tous T, tous N, M1 | stade IV
3-5-Traitement des métastases
4- Résultats
XII- Surveillance
1-Buts
2- Modalités
Conclusion