Le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer dans le monde avec plus de 18% (1). C’est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. En France, il est passé au deuxième rang chez les femmes en 2005 après avoir été sixième rang en 1975. L’âge médian au diagnostic diffère selon les pays, la politique de santé. La répartition des types histologiques s’est considérablement modifiée au cours des dernières décennies avec une prédominance de plus en plus marquée d’adénocarcinomes aux dépens du cancer épidermoïde. Le facteur de risque principal reste le tabagisme actif mais la part attribuable à ce dernier est variable d’un pays à l’autre et d’un sexe à l’autre. Ainsi, au Japon, la grande majorité des cancers bronchiques chez la femme n’est pas liée au tabagisme actif. Le tabagisme passif joue à côté du tabagisme actif un rôle nettement moins important, mais cependant non négligeable. Le cannabis à un rôle propre, difficile à évaluer car il est la plupart du temps mélangé à du tabac. Cependant, et malgré des différences très grandes avec la fumée de tabac, il multiplierait par, au moins, deux le risque de développer un cancer bronchique. Les facteurs professionnels ont longtemps été négligés et les cancers bronchiques d’origine professionnelle largement sous déclarés. Finalement, le cancer bronchique du non-fumeur retient de plus en plus l’attention et représente la septième cause de mortalité par cancer. Les facteurs de risque invoqués sont la pollution intérieure, la pollution extérieure, des facteurs hormonaux chez les femmes. En Afrique, il existe peu d’études sur le cancer broncho-pulmonaire avec une prédominance des hommes. Il pose souvent des difficultés diagnostiques car il nécessite des moyens diagnostiques importants souvent inaccessibles au patient aussi bien sur le plan financier que technique.
EPIDEMIOLOGIE
Le cancer broncho-pulmonaire est de longues dates la première cause de mortalité par cancer, à la fois dans les pays développés et dans les pays en voie de développement. Son incidence mondiale était, en 2008, estimée à 1.61millions de cas incidents et 1.38millions de décès, soit 18.2%du total de décès par cancer(1).Si on se place en Europe, l’incidence du cancer broncho-pulmonaire est de troisième rang derrière le cancer colorectal et le cancer du sein et juste avant le cancer de la prostate, avec 391000 cas soit 12.2% du total des cancers. Il reste le premier en cause de mortalité par cancer avec un total de 342000 décès, soit 19.2% du total(2).
En France, le cancer broncho-pulmonaire a été responsable de 26624 décès en 2005 pour 30651 nouveaux cas(3), les hommes représentant 78% des nouveaux cas. En 1987, la mortalité par cancer broncho-pulmonaire est passé au premier rang chez la femme, dépassant ainsi celle liée au cancer du sein aux Etats- unis (4) .En Afrique, nous avons trouvé quelques études hospitalières. Au Sénégal, en 2008, Gildace AGODOKPESSI avait retrouvé une prévalence hospitalière de 3%, sur une période de 1 an dans 3 structures hospitalières, Ben Ahmed en Algérie (5) qui avait trouvé 1,80% et N’Nguemby au Gabon (6) qui avait trouvé 4,40%. En France dans une étude en 2000, (7) dans une enquête réalisée auprès des hôpitaux généraux en 2000, 33% des patients étaient âgés de 70 ans et plus au moment du diagnostic, et l’âge moyen était de 64,7 ans (7). La répartition par type histologique a considérablement changé durant ces dernières décennies. Dans les premières dizaines d’années qui ont suivi la connaissance du rôle du tabac dans la survenue des cancers bronchiques, c’est le type épidermoïde qui était le plus fréquent chez les fumeurs suivi du cancer bronchique à petites cellules(8).Petit à petit, l’adénocarcinome a supplanté aux États-Unis le cancer épidermoïde. Cette évolution est due à plusieurs facteurs :certes, il y’a eu des changements dans les classifications anatomopathologiques faisant classer comme des adénocarcinomes des cancers préalablement rangés dans les indifférenciés à grandes cellules comme le carcinome solide avec production de mucine(9),mais aussi le développement des prélèvements périphériques avec la bronchoscopie souple et les biopsies transthoraciques sous contrôle scanner qui ont peut-être aussi contribué artificiellement à l’augmentation du nombre d’adénocarcinomes dans les années 1980,la raison principale réside dans les modifications des habitudes tabagiques(10). Thun et all.(11)ont comparé les types histologiques des cancers bronchiques survenus chez les participants aux études de l’américain cancer society cancer prévention study, espacées de 20ans environ et ont constaté l’augmentation très importante du risque d’adénocarcinome associée au tabagisme, à la fois chez les hommes et les femmes suggérant ainsi le rôle du changement des habitudes des fumeurs et peut être aussi de la conception des cigarettes qui comportent davantage de nitrosamines et notamment de la tobacco_specific _nitrosamine(NKK),dont le rôle dans la genèse d’adénocarcinomes serait important.
FACTEURS DE RISQUE
Le tabac
Le poumon est de par sa fonction exposé très intimement à l’air, donc aux multiples polluants éventuellement contenus dans l’atmosphère et notamment la fumée de tabac. Quatre-vingt des décès par cancer broncho-pulmonaire chez l’homme peuvent être attribués à la consommation de cigarettes (12, 13,14). La contribution la plus récente à l’étude du tabagisme est une prise en compte du tabagisme passif : la cigarette, en se consommant émet en effet :
* Un courant primaire inhalé par le fumeur
* un courant secondaire qui s’échappe entre les bouffées,
* et un courant tertiaire rejeté par le fumeur.
Le courant secondaire contient les mêmes éléments que la fumée principale (dioxyde de carbone, nicotine, goudron et irritants) qui pénètrent dans les bronches de non-fumeurs comme en témoigne la découverte de dérivés de la nicotine dans les urines de non-fumeurs enfumés(15,16). Les effets néfastes de ce tabagisme passif sont cependant délicats à mettre en évidence car l’exposition d’un non –fumeur peut survenir à des endroits très différents des concentrations très variables et se modifier considérablement d’une période à l’autre de la vie(19). Une susceptibilité génétique chez les femmes exposées au tabagisme passif serait responsable de cancers broncho-pulmonaires [16,17].
En réalité l’exposition à la fumée de tabac à un moment donné dépend de la quantité de tabac fumée, de la ventilation de la pièce, du volume dans lequel la fumée est émise et dispersée. Mais aussi de phénomènes plus complexes comme l’absorption des différents constituants du tabac par les éléments de la surface de la pièce (moquette, tapis, etc.…) et leur réémission éventuelle (18,16). Le parallélisme entre la consommation de cigarettes et l’incidence du cancer broncho-pulmonaire est reconnu de longue date (19). Le risque relatif d’un fumeur est de 4 à 30 fois celui du non-fumeur selon la quantité fumée. Cette quantité est exprimée en paquets/années:
Nombre de paquets de cigarette par jour multiplié par le nombre d’année de tabagisme ; par exemple 20 P/A représentent un paquet de cigarettes par jour pendant 20 ans ou 2 paquets par jour pendant 10ans. Ainsi un fumeur ayant consommé 10 paquets-années a 6 fois plus de risque de développer un cancer bronchique qu’un non-fumeur, un fumeur de 20 paquets-années 11 fois plus de risque, un fumeur à 30 paquets-années 16 fois plus de risque, un fumeur à 40 paquets-années 21 fois plus de risque, un fumeur à 60 paquets-années 36 fois plus de risque (18,20).
Après l’arrêt du tabac, le risque relatif diminue exponentiellement pendant la première année pour revenir pratiquement à celui du non-fumeur en 13 à 15 ans (17, 21,22). Le rôle du tabagisme passif dans le développement du cancer bronchique primitif est encore en cours d’évaluation. Plusieurs carcinogènes potentiels sont présents dans la fumée de cigarettes : les benzopyrènes et autres hydrocarbures aromatiques polycycliques, les nitrosamines, les phénols, le polonium – 210 et l’arsenic .
La relation indiscutable entre le cancer du poumon et le tabac a été rapportée par de nombreuses études épidémiologiques. Nous citons les célèbres travaux de DOLL ET HILL qui retrouvent un taux de cancer du poumon significativement plus élevé chez le fumeur (241 cas pour 1000) que chez le non-fumeur (0.12 cas pour 1000). La survenue de ce type de cancer résulte de l’exposition isolée (fumée de tabac) ou combinée à d’autres facteurs de risque tels que les expositions professionnelles (amiante, silice…) et pollution atmosphérique. Trois facteurs importants liés au tabagisme sont associés au risque de survenue d’un cancer broncho-pulmonaire :
*l’âge de début du tabagisme ;
*le nombre de cigarettes fumées quotidiennement ;
*la durée du tabagisme ;
Le risque de cancer bronchique augmente exponentiellement par rapport à la durée du tabagisme et parallèlement au nombre de cigarettes fumées par jour. Selon le modèle développé par Doll et Peto, un triplement du nombre de cigarettes fumées par jour multiplie par trois le risque de cancer, alors qu’un triplement de la durée du tabagisme multiplie par cent (100) le risque de développer un cancer du poumon.
Les expositions professionnelles
Il est généralement admis que 5 à 10 % des cancers broncho-pulmonaires sont d’origine professionnelle dans les pays développés. (23) Pour certains auteurs il existe une véritable sous-estimation de leur nombre réel. Ce rôle est parfois sous-estimé en raison du facteur confondant que représente le tabagisme qui agit d’ailleurs parfois comme un facteur multiplicatif du risque relatif lié à ces expositions professionnelles.
L’amiante
Le risque relatif associé à l’exposition à l’asbeste est de 4 à 5 par rapport à un nonfumeur non exposé. Chez un fumeur exposé à l’amiante le risque relatif est de 53 fois celui du non-fumeur. La distribution des types histologiques est la même que chez les non exposés mais le cancer siège volontiers dans les lobes inférieurs et il peut exister par ailleurs, d’autres signes d’asbestose (plaques pleurales, fibrose interstitielle…).
De nombreux métiers ont été à l’origine d’une exposition asbestosique : charpentiers des chantiers navals, couvreurs, mécaniciens autos, électriciens, agents d’entretien dans les imprimeries, ouvriers du textile…et il importe donc de faire un interrogatoire professionnel soigneux.
Le nickel
Les cancers des bronches (et de la muqueuse nasale) sont plus fréquents chez les ouvriers travaillant à l’affinage, au frittage et à l’extraction.
Le chrome
Les ouvriers travaillant au chromage, au tannage, à la production de pigments ou les soudeurs à l’arc utilisant une électrode enrobée sont exposés au risque de cancer bronchique.
L’arsenic
L’exposition professionnelle concerne les mineurs, les fondeurs de minerai et les ouvriers travaillant dans la production et l’utilisation de Pesticides. L’excès de cancers bronchiques porte essentiellement sur le type adénocarcinome et le risque relatif serait proche de 7.
Les chlorométhyl éthers
Ces substances sont largement employées comme intermédiaires dans les synthèses organiques et dans la préparation de résines échangeuses d’ions. L’augmentation du risque porte sur la variété à petites cellules.
Le gaz moutarde
La production des gaz toxiques pendant la première guerre mondiale a été à l’origine d’une augmentation de l’incidence des cancers bronchiques spécialement dans la trachée et les bronches souches. Les types histologiques concernés sont l’épidermoïde et l’indifférencié à grandes cellules.
Les hydrocarbures provenant du charbon et du pétrole
Ils ont été impliqués dans le développement du cancer bronchique chez les ouvriers d’usines chimiques, les imprimeurs, les couvreurs, les travailleurs du goudron, les ouvriers des fours à coke. L’exposition aux huiles minérales (utilisées pour lubrifier les tours et les axes) et aux suies est aussi à l’origine de cancers bronchiques.
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Table des matières
I- INTRODUCTION
II- EPIDEMIOLOGIE
III- FACTEURS DE RISQUE
1-tabac
2- : expositions professionnelles
2_1 : l’amiante
2_2 : le nickel
2_3 : le chrome
2_4 :l’arsenic
2_5 : les chlorométhyl-éthers
2_6 : le gaz moutarde
2_7 : les hydrocarbures provenant du charbon et du pétrole
2_8 : les radiations
2_8_1 : les irradiations externes
2_8_2 : les irradiations des matériaux radioactifs
2_8_3 : autres facteurs
IV_ONCOGENESE
V_DIAGNOSTIC
1_CDD
2_SIGNES GENERAUX
2.1 : signes en rapport avec l’extension locorégionale
2.2 : signes en rapport avec l’extension métastatique
3 _SYNDROMES PARANEOPLASIQUES
4_DEMARCHE DIAGNOSTIQUE
4.1 : examen clinique
4.2 : biologie
4.3 : éléments paracliniques
4.3.1 : radiographie de thorax
4.3.2 : le scanner thoracique
4.3.3 : fibroscopie bronchique
4.3.4 : bronchoscopie souple
4.3.5 : ponction de l’éperon à l’aiguille de Wang
4.3.6 : techniques chirurgicales
4.3.7 : bronchoscopie par fluorescence
4.3.8 : les marqueurs
4.4 : anatomie pathologique
4.4.1 : cancer bronchique épidermoïde
4.4.2 : cancer bronchique à petites cellules
4.4.3 : adénocarcinome bronchique
4.4.4 : carcinome bronchique à grandes cellules
4.4.5 : tumeurs bronchiques à malignité réduite
4.5 : immunohistochimie
5 : bilan d’extension
5.1 : examen clinique
5.2: scanner thoraco -abdomino-pelvien
5.3: IRM thoracique
5.4: échographie abdominale
5.5 : scanner surrénalien
5.6:scanner cérébral
5.7:scintigraphie osseuse
5.8 : ponction-biopsie osseuse
5.9 : tomographie par émission de position : (PET-SCANN)
VI_TRAITEMENT
1. bilan d’opérabilité
2. prise en charge proprement dite
2.1 : cancer bronchique non à petites cellules
2.2 : cancer bronchique à petites cellules
3. résultats du traitement
4. traitement symptomatique
CONCLUSION